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12 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2009 - N°411 Insuffisance ovarienne : une cause génétique identifiée Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont identifié des mutations responsables d’insuffisance ovarienne et de certai- nes formes d’infertilité des femmes : absence d’ovaires, non puberté, méno- pause précoce. Leur travail, publié dans le New England Journal of Medicine, ouvre la voie à de nouvelles possibilités diagnostiques et au conseil génétique. L’insuffisance ovarienne, génériquement parlant, concerne le développement et la fonction de l’ovaire, et concerne au moins 1 % de la population féminine. Un terrain auto-immun, l’environnement peuvent être évoqués, mais en majorité des cas, l’élément causal reste inconnu. Les recherches, menées par Anu Bas- hamboo dans l’unité de Génétique du développement humain dirigée par Ken McElreavey à l’Institut Pasteur, avec le concours d’autres unités françaises et internationales (Grande-Bretagne, Luxem- bourg, Brésil), en ont identifié une cau- se génétique majeure, en repérant des familles touchées par des troubles du développement testiculaire, dans lesquelles existaient aussi des problèmes de développement et de fonction des ovaires. L’étude génétique a permis d’identifier chez les femmes touchées des mutations sur le gène NR5A1. Ce gène est la clé du développe- ment sexuel, contrôlant non seu- lement la formation du testicule et de l’ovaire mais également la synthèse des hormones gonadi- ques, d’où l’impact des mutations sur NR5A1. Pour Ken McElreavey, on devrait pouvoir proposer un diagnostic basé sur la recherche des mutations sur NR5A1. De même, un conseil génétique pourra être proposé aux femmes porteuses à risque de stérilité. Il est trop tôt pour estimer la prévalence de ces mutations dans l’insuffisance ova- rienne, des études sont nécessaires sur de larges cohortes de femmes. Mais ces résultats préliminaires des chercheurs de l’Institut Pasteur et associés suggèrent que les mutations de NR5A1 sont impli- quées dans une proportion plus signifi- cative qu’on le pense dans l’insuffisance ovarienne. J.-M. M. Source : Institut Pasteur, Paris. Référence citée : « Mutations in NR5A1 associated with ovarian insufficiency » : The New England Journal of Medicine, 26/2/2009. www.pasteur.fr Vitamine C et cancer : dénouement d’une vielle histoire ? Peut-être notre « bonne vieille vita- mine C », vue sous un angle plus scien- tifique aujourd’hui, annonce-t-elle le développement d’une toute nouvelle classe de médicaments potentiels… La vitamine C ou acide ascorbique (AA) fut considérée pendant de longues années comme un simple complément alimentaire – comme on dit aujourd’hui – du fait des résultats observés après son administration à des sujets carencés en AA et atteints de scorbut, le mécanisme proposé de son activité étant le pouvoir antioxydant de cette molécule. Un des premiers à avoir proposé un autre usage en médecine à l’AA est Linus Pauling, Prix Nobel de médecine en 1954. Il a suggéré qu’elle disposait de vertus anticancéreuses et a proposé son admi- nistration à doses quotidiennes élevées (2g/jour). Des essais, aussi bien sur l’animal que chez l’homme, devaient néanmoins donner des résultats contradictoires. L’équipe de Michel Fontès vient de mon- trer (1) que l’AA a bien des propriétés antiprolifératives, donc une certaine activité anticancéreuse, mais que pour être efficace en tant que médicament, elle devait plutôt être injectée à hautes doses. Ces travaux reposent sur une analyse de l’impact du traitement par l’AA sur l’expression des gènes humains, montrant que ce traitement inhibe l’ex- pression de gènes impliqués dans la prolifération cellulaire. De plus, cette équipe a montré, sur un modèle animal de cancer, qu’un trai- tement par injection augmentait forte- ment la survie des souris, réduisait la croissance de la tumeur et inhibait la formation de métastases. Ces travaux font suite à la découverte des propriétés thérapeutiques pour une maladie rare, la maladie de Charcot- Marie-Tooth, qui a conduit à une publi- cation dans Nature Medicine, la prise d’un brevet par l’Université de la Médi- terranée et aux premiers essais cliniques au monde. Cette découverte ouvre la porte à des essais cliniques de cette molécule. De plus, le mécanisme d’action ayant été dévoilé, le développement de toute une nouvelle classe de médicaments potentiels, fondés sur cette nouvelle propriété, va pouvoir être rapidement envisagé. J.-M. M. (1) Informations communiquées par le Pr Michel Fontès, EA 4263. Thérapie des maladies génétiques, Université de la Méditerranée. [email protected]. Lire : Antiproliferative effect of ascorbic acid is associated with the inhibition of genes necessary to cell cycle progression, M. Fontès et coll., PloS ONE, vol 4, n° 2, 6 février 2009. © BSIP/B. BOISSONNET

Insuffisance ovarienne: une cause génétique identifiée

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12 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2009 - N°411

Insuffisance ovarienne :une cause génétique identifiéeDes chercheurs de l’Institut Pasteur ont

identifié des mutations responsables

d’insuffisance ovarienne et de certai-

nes formes d’infertilité des femmes :

absence d’ovaires, non puberté, méno-

pause précoce. Leur travail, publié dans

le New England Journal of Medicine,

ouvre la voie à de nouvelles possibilités

diagnostiques et au conseil génétique.

L’insuffisance ovarienne, génériquement parlant, concerne le développement et la fonction de l’ovaire, et concerne au moins 1 % de la population féminine. Un terrain auto-immun, l’environnement peuvent être évoqués, mais en majorité des cas, l’élément causal reste inconnu.Les recherches, menées par Anu Bas-hamboo dans l’unité de Génétique du développement humain dirigée par Ken McElreavey à l’Institut Pasteur, avec le concours d’autres unités françaises et internationales (Grande-Bretagne, Luxem-bourg, Brésil), en ont identifié une cau-se génétique majeure, en repérant des familles touchées par des troubles du

développement testiculaire, dans lesquelles existaient aussi des problèmes de développement et de fonction des ovaires. L’étude génétique a permis d’identifier chez les femmes touchées des mutations sur le gène NR5A1. Ce gène est la clé du développe-ment sexuel, contrôlant non seu-lement la formation du testicule et de l’ovaire mais également la synthèse des hormones gonadi-ques, d’où l’impact des mutations sur NR5A1.Pour Ken McElreavey, on devrait pouvoir proposer un diagnostic basé sur la recherche des mutations sur NR5A1. De même, un conseil génétique pourra être proposé aux femmes porteuses à risque de stérilité.Il est trop tôt pour estimer la prévalence de ces mutations dans l’insuffisance ova-rienne, des études sont nécessaires sur de larges cohortes de femmes. Mais ces résultats préliminaires des chercheurs de l’Institut Pasteur et associés suggèrent

que les mutations de NR5A1 sont impli-quées dans une proportion plus signifi-cative qu’on le pense dans l’insuffisance ovarienne.

J.-M. M.

Source : Institut Pasteur, Paris. Référence citée : « Mutations in NR5A1 associated with ovarian insufficiency » : The New England Journal of Medicine, 26/2/2009. www.pasteur.fr

Vitamine C et cancer :dénouement d’une vielle histoire ?Peut-être notre « bonne vieille vita-

mine C », vue sous un angle plus scien-

tifique aujourd’hui, annonce-t-elle le

développement d’une toute nouvelle

classe de médicaments potentiels…

La vitamine C ou acide ascorbique (AA) fut considérée pendant de longues années comme un simple complément alimentaire – comme on dit aujourd’hui – du fait des résultats observés après son administration à des sujets carencés en AA et atteints de scorbut, le mécanisme proposé de son activité étant le pouvoir antioxydant de cette molécule. Un des premiers à avoir proposé un autre usage en médecine à l’AA est Linus Pauling, Prix Nobel de médecine en 1954. Il a suggéré qu’elle disposait de vertus anticancéreuses et a proposé son admi-nistration à doses quotidiennes élevées

(2g/jour). Des essais, aussi bien sur l’animal que chez l’homme, devaient néanmoins donner des résultats contradictoires. L’équipe de Michel Fontès vient de mon-trer (1) que l’AA a bien des propriétés antiprolifératives, donc une certaine activité anticancéreuse, mais que pour être efficace en tant que médicament, elle devait plutôt être injectée à hautes doses. Ces travaux reposent sur une analyse de l’impact du traitement par l’AA sur l’expression des gènes humains, montrant que ce traitement inhibe l’ex-pression de gènes impliqués dans la prolifération cellulaire. De plus, cette équipe a montré, sur un modèle animal de cancer, qu’un trai-tement par injection augmentait forte-ment la survie des souris, réduisait la croissance de la tumeur et inhibait la formation de métastases.

Ces travaux font suite à la découverte des propriétés thérapeutiques pour une maladie rare, la maladie de Charcot- Marie-Tooth, qui a conduit à une publi-cation dans Nature Medicine, la prise d’un brevet par l’Université de la Médi-terranée et aux premiers essais cliniques au monde.Cette découverte ouvre la porte à des essais cliniques de cette molécule. De plus, le mécanisme d’action ayant été dévoilé, le développement de toute une nouvelle classe de médicaments potentiels, fondés sur cette nouvelle propriété, va pouvoir être rapidement envisagé.

J.-M. M.

(1) Informations communiquées par le Pr Michel Fontès, EA 4263. Thérapie des maladies génétiques, Université de la Méditerranée. [email protected]. Lire : Antiproliferative effect of ascorbic acid is associated with the inhibition of genes necessary to cell cycle progression, M. Fontès et coll., PloS ONE, vol 4, n° 2, 6 février 2009.

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