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484 Pathologies interstitielles La fibrose pulmonaire idiopathique Y. Uzunhan Service de Pneumologie, Hôpital Avicenne et UPRES EA 2363, Université Paris 13, Bobigny, France. Correspondance : [email protected] Conflits d’intérêt : aucun. 484 © 2010 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Rev Mal Respir Actual 2010 ; 2 : 484-489 Les nouvelles recommandations La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est la plus fré- quente, mais aussi la plus grave des pneumopathies intersti- tielles idiopathiques (PII). Son substratum histologique est la pneumopathie interstitielle commune (PIC). La dernière conférence de consensus menée par une Task Force associant American Thoracic Society (ATS), European Respiratory Society (ERS), Japanese Respiratory Society (JRS) et Latin American Thoracic Association (ALAT) avait pour objectif de mettre à jour les recommandations pour l’approche diagnostique et thérapeutique de la FPI (les précédentes datant de 2000 [1]), à la lumière des nombreuses connaissances acquises ces dix dernières années. Chaque item abordé a donné lieu à une recommandation qualifiée de faible ou forte selon les votes obtenus, en précisant le niveau de preuve établi selon les don- nées de la littérature. Le diagnostic Depuis 2000, le diagnostic de FPI reposait, en l’absence de biopsie pulmonaire chirurgicale, sur la présence de critères majeurs et mineurs (tableau I) établis par le consensus inter- national mené sous l’égide de l’ATS et de l’ERS [1]. Après un interrogatoire exhaustif et un examen clinique minu- tieux, des explorations pauci-invasives étaient requises. Elles comprenaient un scanner thoracique en haute résolution, des explorations fonctionnelles respiratoires et une endoscopie bronchique avec un lavage broncho-alvéolaire (LBA) ou une biopsie transbronchique, qui constituait le seul examen inva- sif et dont l’objectif était d’écarter tout diagnostic alternatif. S. Ohshimo et coll. soulignent d’ailleurs encore récemment l’intérêt du LBA dans ce contexte avec un travail rétrospec- tif leur permettant de conclure qu’une lymphocytose alvéo- laire supérieure à 30 % permettrait de redresser le diagnostic chez les patients ayant une suspicion clinico-radiologique de

La fibrose pulmonaire idiopathique

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Page 1: La fibrose pulmonaire idiopathique

484

Pathologies interstitielles

La fibrose pulmonaire idiopathique

Y. Uzunhan

Service de Pneumologie, Hôpital Avicenne et UPRES EA 2363, Université Paris 13, Bobigny, France.

Correspondance : [email protected]

Conflits d’intérêt : aucun.

484 © 2010 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservésRev Mal Respir Actual 2010 ; 2 : 484-489

Les nouvelles recommandations

La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est la plus fré-quente, mais aussi la plus grave des pneumopathies intersti-tielles idiopathiques (PII). Son substratum histologique est la pneumopathie interstitielle commune (PIC). La dernière conférence de consensus menée par une Task Force associant American Thoracic Society (ATS), European Respiratory Society (ERS), Japanese Respiratory Society (JRS) et Latin American Thoracic Association (ALAT) avait pour objectif de mettre à jour les recommandations pour l’approche diagnostique et thérapeutique de la FPI (les précédentes datant de 2000 [1]), à la lumière des nombreuses connaissances acquises ces dix dernières années. Chaque item abordé a donné lieu à une recommandation qualifiée de faible ou forte selon les votes obtenus, en précisant le niveau de preuve établi selon les don-nées de la littérature.

Le diagnostic

Depuis 2000, le diagnostic de FPI reposait, en l’absence de biopsie pulmonaire chirurgicale, sur la présence de critères majeurs et mineurs (tableau I) établis par le consensus inter-national mené sous l’égide de l’ATS et de l’ERS [1]. Après un interrogatoire exhaustif et un examen clinique minu-tieux, des explorations pauci-invasives étaient requises. Elles compre naient un scanner thoracique en haute résolution, des explorations fonctionnelles respiratoires et une endoscopie bronchique avec un lavage broncho-alvéolaire (LBA) ou une biopsie transbronchique, qui constituait le seul examen inva-sif et dont l’objectif était d’écarter tout diagnostic alternatif. S. Ohshimo et coll. soulignent d’ailleurs encore récemment l’intérêt du LBA dans ce contexte avec un travail rétrospec-tif leur permettant de conclure qu’une lymphocytose alvéo-laire supérieure à 30 % permettrait de redresser le diagnostic chez les patients ayant une suspicion clinico-radiologique de

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© 2010 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

FPI [2]. L’approche diagnostique proposée par cette nouvelle conférence de consensus et présentée par G. Raghu (Seattle, États-Unis) n’inclut plus le LBA. En effet, compte tenu de la balance risque/bénéfice de la procédure, la pratique de cet examen est remise en question pour le diagnostic de FPI. Cette recommandation est néanmoins qualifiée de faible (weak recommandation).

Deux autres approches diagnostiques sont abordées : les biopsies transbronchiques, qui ne sont plus recommandées (sensibilité et spécificité faibles) et les explorations sérolo-giques, qui elles, par contre, sont encouragées. Elles permet-traient avec un interrogatoire et un examen clinique orienté de déceler une connectivite associée, dont on connaît mainte-nant l’impact pronostique positif [3].

Bien sûr, il est souligné que le diagnostic de FPI est le résultat d’une concertation multidisciplinaire impliquant le radiologue, l’anatomo-pathologiste et le pneumologue. Les caractéristiques tomodensitométriques permettent de classer les patients selon que le pattern de PIC est acquis, possible ou atypique. Les éléments pris en considération sont la dis-tribution sous-pleurale des lésions, les réticulations, le rayon de miel associé ou non à des bronchectasies et enfin l’absence d’un autre pattern lésionnel. Le caractère atypique peut être la distribution apicale ou péribroncho-vasculaire des lésions ou bien un verre dépoli étendu... Les données histologiques de PIC demeurent inchangées avec une hétérogénéité spatiale et temporelle des lésions marquées par des zones de fibrose d’âge différent associées à des foyers fibroblastiques jeunes. Ces éléments permettent de classer le diagnostic de PIC en possible, probable ou certain. L’originalité de cette confé-rence de consensus est de proposer, pour les cas difficiles avec

désaccord histo-radiologique, un tableau diagnostique pre-nant en compte ces deux paramètres (tableau II).

Cette classification nosologique est importante à plu-sieurs égards. Elle permet non seulement de mieux homo-généiser les populations de patients inclus dans les études, mais aussi d’améliorer la prise en charge thérapeutique de ces malades. Ainsi, une inscription sur liste de transplanta-tion pourrait être discutée sans retard si le diagnostic de FPI est retenu et un traitement immunosuppresseur pourrait être proposé s’il est écarté.

Le traitement

Le traitement de la FPI fait l’objet d’efforts croissants avec des essais cliniques de grande envergure d’une part, et une approche fondamentale bouillonnante, d’autre part. Cependant, les recommandations formulées par la Task

Tableau I.

Critères ATS/ERS pour le diagnostic de fi brose pulmonaire idiopathique en l’absence de biopsie pulmonaire chirurgicale*.

Critères majeurs

(i) Exclusion d’une cause potentielle de PID : toxicité médicamenteuse, exposition environnementale et connectivites(ii) Anomalies fonctionnelles typiques : syndrome restrictif (diminution de la CV, avec souvent augmentation du VEMS/CV) et/ou altération des échanges gazeux (augmentation de la DAaO2, diminution de la PaO2 au repos ou à l’exercice ou diminution de la DLCO)(iii) Aspect TDM typique : réticulations avec bronchectasies et rayon de miel lésions à prédominance basale, périphérique et sous-pleurale et, si présent, verre dépoli non dominant(iv) Absence de diagnostic alternatif sur la biopsie transbronchique ou le LBA**

Critères mineurs

(i) Âge > 50 ans(ii) Dyspnée d’effort inexpliquée progressive(iii) Durée d’évolution > 3 mois(iv) Crépitants bi-basaux secs ou « velcro »

*En l’absence de preuve histologique, la présence de tous les critères majeurs et de 3 des 4 critères mineurs est indispensable au diagnostic de fi brose pulmonaire idiopathique.**Dans les nouvelles recommandations en cours d’élaboration, le LBA et la biopsie transbronchique ne sont plus recommandés.PID : pneumopathie interstitielle diffuse, VEMS/CV : rapport de Tiffeneau, DAaO2 : différence alvéolo-artérielle en oxygène, DLCO : capacité de diffusion du CO, TDM : tomodensitométrie, LBA : lavage broncho-alvéolaire.

Tableau II.

Tableau diagnostique proposé pour la fi brose pulmonaire idiopathique dans les cas de diagnostics histologiques et radiologiques diffi ciles.

Scanner thoracique Histologie Diagnostic fi nal

Possible Autre que PIC Pas FPI

Possible PIC possible FPI possible

Atypique PIC certaine FPI possible

Atypique PIC probable Pas FPI

PIC : pneumopathie interstitielle commune ; FPI : fi brose pulmonaire idiopathique.

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Force ATS/ERS/JRS/ALAT témoignent de la circonspec-tion que suscitent les résultats des travaux réalisés jusque-là. Les réponses rédigées lors de cette conférence de consensus et rapportées par J. Behr (Munich, Allemagne) étaient pour beaucoup de formulation négative. À l’issue des débats provo-qués par ces discussions, les experts ont rajouté une mention particulière à chaque item impliquant le choix formulé par le patient après information sur les effets secondaires encourus et la balance bénéfice/risque du traitement en question.

Plusieurs options médicamenteuses ont ainsi été abordées : – les combinaisons de traitements immunosuppresseurs,

clairement remises en question ces dernières années, ne sont pas recommandées. « Les patients ne devraient pas être traités avec une combinaison d’immunosuppresseurs » ; cette recom-mandation est forte, avec un faible niveau de preuve ;

– la classique trithérapie associant N-acétyl-cystéine (NAC) à forte dose, corticoïdes et azathioprine, est en quelque sorte déclassée, puisque « la majorité des patients ne devraient pas être traités ainsi, mais cette trithérapie pourrait constituer un choix raisonnable pour une minorité de patients ». Cette recommandation, qui prend en compte les risques inhérents aux immunosuppresseurs, est de faible puissance et s’appuie sur un niveau de preuve considéré comme faible ;

– la monothérapie par N-acétyl-cystéine à forte dose est également discutée. Actuellement, non remboursée par la Sécurité sociale en France, cette molécule aux propriétés anti-oxydantes pourrait constituer une approche thérapeutique sédui-sante alliant excellente tolérance et moindre nocivité. Le rôle du stress oxydant dans la pathogénie de la FPI est reconnu et la NAC permet une augmentation du glutathion au niveau alvéo-laire [4]. Cependant, les données cliniques disponibles restent faibles. L’essai européen IFIGENIA, évaluant la trithérapie NAC, corticoïdes, azathioprine versus placebo + corticoïdes + azathio-prine, était le premier essai randomisé ayant atteint son objec-tif principal, à savoir un ralentissement significatif du déclin de la capacité vitale forcée (CVF) et de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) à un an [5]. Néanmoins, cet essai n’a pas montré d’effet sur la survie et le bénéfice intrinsèque du NAC restait très controversé pour diverses limitations métho-dologiques dont la principale était l’absence de véritable groupe placebo. C’est la raison pour laquelle l’étude PANTHER (pred-nisone, azathioprine, NAC, a trial that evaluates response) menée par F.J. Martinez (Michigan, États-Unis) au sein du réseau nord-américain IPF network reste importante. Dans cet essai, les patients (n = 390) sont randomisés dans 3 bras : placebo (n = 130), NAC seul (n = 130) et NAC + corticoïdes + aza-thioprine (n = 130). Dans l’état actuel des connaissances, cette monothérapie n’est donc pas recommandée ;

– la pirfenidone, molécule aux propriétés anti-inflam-matoires, anti-fibrosantes et anti-oxydantes a également été discutée. Cette drogue est la deuxième ayant atteint son objec-tif principal dans des essais randomisés contre placebo pour

le traitement de la FPI. L’étude japonaise dont les résultats avaient été annoncés au congrès de l’ATS 2008 sont mainte-nant publiés et ont permis l’autorisation de mise sur le mar-ché de ce médicament au Japon [6]. Bien que de design un peu complexe, les essais muticentriques internationaux ran-domisés en double insu contre placebo menés sous la forme de deux études parallèles, CAPACITY I et CAPACITY II, incluant un total de 779 patients avec respectivement 344 et 435 patients, dont les résultats avaient été présentés à l’ATS 2009 montraient un ralentissement significatif du déclin fonc-tionnel à 72 semaines sous pirfenidone [7]. Présentée par P.W. Noble (Durham, États-Unis) lors du congrès cette année, la méta-analyse de ces trois essais de phase III confirme un béné-fice du traitement en termes de ralentissement du déclin fonc-tionnel (capacité vitale forcée) et de survie sans progression, dont le HR est de 0,71 (IC 95 % 0,57-0,89) (fig. 1)  [7].

CAP1

CAP2

SP3

CAP1 & CAP2

CAP1, CAP2 & SP3

Effet du traitement normalisé

A

-0,2 0 0,4 0,60,2 0,8

CAP1

CAP2

SP3

CAP1 & CAP2

CAP1, CAP2 & SP3

Risque relatif (échelle logarithmique)

B

1,25 1,00 0,60 0,500,80 0,400,70

Fig. 1.

Méta-analyse des essais randomisés contre placebo évaluant l’effi cacité de la pirfenidone dans le traitement de la fi brose pulmonaire idiopathique. Sont pris en compte les essais internationaux CAPACITY 1 et 2 (CAP1 et CAP2) et l’essai japonais Shionogi (SP3). D’après [7]. Repris avec l’autorisation de l’American Th oracic Society. Copyright © American Th oracic Society.

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Ces résultats concordants et prometteurs justifieraient la place de la pirfenidone dans le maigre arsenal thérapeutique de la FPI. La Food and Drug Administration a cependant refusé d’approu ver la pirfenidone aux États-Unis et a préconisé une autre étude. La décision de l’administration européenne est, quant à elle, en attente. Pour ce qui est de la Task Force, elle ne recommande pas non plus cette molécule. Le niveau de preuve fourni est considéré comme faible à modéré et cette recomman-dation est de puissance faible. Peut-être faudrait-il souligner que lors du vote concernant cette question (16 absten tions, 11 votes contre et 4 votes pour), se sont abstenues les nom-breuses personnes impliquées dans les essais thérapeutiques évaluant ce médicament... ;

– le traitement anticoagulant a été discuté. L’existence d’un état pro-coagulant au cours des processus fibrosants est connue et encore soulignée cette année par une large étude épidémiologique danoise qui reprend les données de 7,4 mil-lions d’individus entre 1980 et 2007 [8]. L’analyse multiva-riée montre un risque relatif de survenue de pneumopathie interstitielle idiopathique de 1,8 [IC 95 % 1,7-1,9], 2,4 [2,3-2,6] et 1,3 [1,2-1,4] chez les personnes ayant eu respective-ment un épisode thrombo-embolique veineux, une embolie pulmonaire et une thrombose veineuse profonde. En 2005, l’efficacité de l’anticoagulation avait été évaluée au cours d’épisodes d’exacerbation aiguë de fibrose dans une étude japonaise incluant 56 patients [9]. Les patients recevaient tous une corticothérapie et un sur deux recevait le traitement anticoagulant. Malgré les importantes limites de ce travail, dont la principale était l’absence de placebo, il montrait un bénéfice en termes de survie post-hospitalière dans le groupe recevant les anticoagulants. Le réseau IPF network a mis en place un essai thérapeutique de phase III évaluant l’effica-cité de l’anticoagulation (warfarin) contre placebo en double aveugle dans le traitement de la FPI. Cet essai, qui devrait inclure 256 patients, n’est pas encore ouvert. Dans l’immé-diat, le niveau de preuve est très faible pour recommander ce traitement à tous les patients, au vu des risques encourus ;

– l’IFNγ n’est pas recommandé. Le rationnel de l’emploi de cette cytokine aux propriétés anti-fibrosantes et immuno-modulatrices reposait sur la restauration de l’équilibre de la balance Th1/Th2. Les résultats négatifs de l’essai thérapeu-tique randomisé multicentrique international INSPIRE ayant inclus le plus grand nombre de patients (n = 826) jamais inclus dans un essai concernant la FPI sont publiés [10]. L’objectif principal, qui était l’évaluation de la survie globale, certes peut-être ambitieux sur le plan statistique, mais pour-tant essentiel en pratique clinique, n’a pas été atteint, malgré des données antérieures encourageantes [10-12]. La sélection des patients les moins sévères (capacité vitale forcée (CVF) > 55 %, un transfert du CO (DLCO) > 35 % et un diagnos-tic de FPI depuis moins de 2 ans) avait été faite à la lumière des analyses post-hoc réalisées sur les travaux précédents

[11-13]. Cependant, ces patients ayant un moindre reten-tissement fonctionnel avaient aussi une très faible incidence d’EA et une faible mortalité, suggérant pour les auteurs la sélection d’un sous-groupe de faible évolutivité ne permettant donc pas d’observer une réponse thérapeutique. Quoi qu’il en soit, les données accumulées constituent un niveau de preuve élevé et la recommandation de ne pas employer cette drogue dans le traitement de la FPI est forte ;

– le bosentan, antagoniste du récepteur de l’endothéline 1 n’a pas non plus fait la preuve de son efficacité dans le traite-ment de la FPI. Il n’est donc pas recommandé (recommanda-tion forte, niveau de preuve modéré). T.E. King (San Francisco, États-Unis) a annoncé les résultats de l’essai BUILD-3 (Bosentan Use in Interstitial Lung Disease), étude prospective multicentrique internationale randomisée en double insu évaluant le bosentan (62,5 mg deux fois par jour pendant 4 semaines, puis 125 mg deux fois par jour) contre placebo (2:1) dans le traitement des formes peu sévères de FPI (CVF > 50 %, DLCO > 30 %, exten-sion du rayon de miel < 5 %). Les critères d’inclusion avaient là encore été déterminés avec les résultats de l’analyse post-hoc d’un essai antérieur : BUILD-1 [14]. L’objectif principal était la sur-vie sans progression. Les inclusions ont pris fin en octobre 2008 avec un total de 616 patients (âge moyen 63,6 ans ± 8,6 ans ; 429 hommes). Aucune différence n’a été constatée entre les groupes avec une courbe de survie comparable (p = 0,21). Six décès (3 %) ont été observés dans le groupe placebo contre 11 (3 %) dans le groupe bosentan. Une progression de la maladie était notée chez 42 % des patients dans le groupe placebo contre 36 % dans l’autre groupe.

Ces recommandations tout en nuances soulignent la dif-ficulté de la prise de décision thérapeutique devant une FPI et incitent à la poursuite des essais thérapeutiques dans cette maladie. Il est toujours très difficile de ne pas proposer de traitement à un patient à qui on annonce un tel diagnostic...

Bien sûr, les traitements associés ont également été abor-dés. Ainsi, l’oxygénothérapie adaptée, la réhabilitation phy-sique, le traitement du reflux gastro-œsophagien (qu’il soit symptomatique ou non) sont encouragés. Le traitement de l’hypertension pulmonaire par des vasodilatateurs n’est pas recommandé. La transplantation pulmonaire est en revanche fortement recommandée. Le tableau III résume les recomman-dations « positives » formulées par la Task Force pour le trai-tement de la FPI. Enfin, la prise en charge des comorbidités (cardio-vasculaires, néoplasiques, thrombo-emboliques) consti-tue un point essentiel pour la qualité de vie de ces malades.

Les nouvelles voies thérapeutiques

Outre les nombreuses voies ou pistes thérapeutiques actuellement explorées et évaluant de nouvelles drogues dans le traitement de la FPI (anti-IL13, anti-CTGF, anti-CCL2,

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anti-récepteur A de l’endothéline, anti-tyrosine kinase, tha-lidomide, minocycline, inhibiteurs de la lipo-oxygénase, octréotide, anti-TGFβ, chélateur du cuivre, losartan...) et que reprend R. du Bois dans une excellente mise au point [15], on peut évoquer aussi la voie d’administration. L’aventure de l’IFNγ n’est semble-t-il pas terminée, malgré les résul-tats négatifs de l’essai INSPIRE. Dans la perspective d’une meilleure efficacité du produit avec de plus grandes concen-trations in situ dans le poumon, la voie inhalée a été testée par une équipe new-yorkaise [16]. Chez 10 patients ayant une FPI, l’IFNγ a été administré par nébulisation. La dis-tribution des particules radio-marquées (Tc99m) a été éva-luée par scintigraphie et dans le LBA. Soixante-quatre pour cent du produit était localisé dans le poumon après inhalation avec une bonne répartition à la périphérie du poumon (ratio centro-périphérique 0,854) et une bonne corrélation avec les résultats du LBA [16]. Néanmoins, nous ne savons pas si ces concentrations pulmonaires sont vraiment plus importantes que celles obtenues par voie orale. Au cours d’un mini-sym-posium scientifique sur les thérapeutiques émergentes dans les pneumopathies interstitielles diffuses, cette même équipe a présenté les résultats de la tolérance de cette procédure chez ces 10 malades ayant une FPI [17]. Le schéma de traitement consistait en une inhalation de 100 μg d’IFNγ trois fois par semaine pendant 50 semaines. Hormis le recueil des effets indésirables, le suivi comportait une évaluation fonctionnelle toutes les 16 semaines et un LBA initial et à 24 semaines. Les auteurs observaient une amélioration de la CVF et de la DLCO parallèlement à la baisse des cytokines pro-fibrosantes (FGF-2, IL5) dans le LBA. Ces données préliminaires, qui apparaissent alors que l’ère de l’IFN semblait définitivement révolue, vont peut-être ouvrir la voie à des essais de phase III, qui devraient pouvoir suivre rapidement.

La voie inhalée a également été employée dans un essai multicentrique (27 centres) japonais évaluant la NAC

seule contre placebo dans le traitement de la FPI [18]. Les patients recevaient une inhalation de 352,4 mg de NAC deux fois par jour. L’objectif principal était la variation de la CVF à 48 semaines. La tolérance était correcte, mais aucune différence significative n’a été observée entre les 2 groupes. L’analyse post-hoc suggère cependant, avec toutes les limites d’une telle analyse, une stabilisation de la fonction chez les patients les plus graves...

Références

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7 Noble PW, Albera C, Bradford WZ, Costabel U, Kardatzke D, King Jr TE, Sahn SA, Szwarcberg J, Valeyre D, du Bois RM : Eff ect of pirfenidone on lung function and progression-free survival (PFS) in patients with idiopathic pulmonary fi brosis (IPF): a meta-analy-sis of three phase III Studies. Am J Respir Crit Care Med 2010 ; 181 : A1257.

8 Sode BF, Dahl M, Nielsen SF, Nordestgaard BG : Venous thromboem-bolism and risk of idiopathic interstitial pneumonia in 7.4 million individuals. Am J Respir Crit Care Med 2010 ; 181 : A1109.

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10 King Jr TE, Albera C, Bradford WZ, Costabel U, Hormel P, Lancaster L, Noble PW, Sahn SA, Szwarcberg J, Th omeer M, Valeyre D, du Bois RM : Eff ect of interferon gamma-1b on survival in patients with idio-pathic pulmonary fi brosis (INSPIRE): a multicentre, randomised, pla-cebo-controlled trial. Lancet 2009 ; 374 : 222-8.

11 Bajwa EK, Ayas NT, Schulzer M, Mak E, Ryu JH, Malhotra A : Interferon-gamma1b therapy in idiopathic pulmonary fi brosis: a meta-analysis. Chest 2005 ; 128 : 203-6.

12 Ziesche R, Hofbauer E, Wittmann K, Petkov V, Block LH : A preli-minary study of long-term treatment with interferon gamma-1 b and

Tableau III.

Recommandations ATS/ERS/JRS/ALAT 2010 pour le traitement de la fi brose pulmonaire idiopathique*.

Recommandation Niveau de preuve

Oxygénothérapie Fortement pour Faible

Transplantation Fortement pour Fort

Corticoïdes pour les exacerbations aiguës

Faiblement pour Très faible

Réhabilitation Faiblement pour Très faible

Refl ux gastro-œsophagien

Faiblement pour Très faible

*Seules les recommandations positives apparaissent dans ce tableau.

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