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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 243–245 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Cas clinique Myxome de l’os maxillaire R. Zainine a,, H. Mizouni b , A. El Korbi a , N. Beltaief a , S. Sahtout a , G. Besbes a a Service d’ORL et de chirurgie maxillo-faciale, hôpital La Rabta, Jabbari, 1007 Tunis, Tunisie b Service de radiologie, hôpital La Rabta, Jabbari, 1007 Tunis, Tunisie i n f o a r t i c l e Mots clés : Myxome Os maxillaire Tumeur odontogène Endoscopie nasale r é s u m é Introduction. Le myxome du maxillaire est une tumeur mésenchymateuse bénigne rare, à croissance lente mais localement agressive. Sa pathogénie reste encore controversée. But. Étudier les aspects cliniques, radiologiques et anatomopathologiques et le traitement du myxome du maxillaire d’après un cas observé chez l’enfant. Résultat. Il s’agissait d’un nourrisson de deux mois et demi qui présentait une tumeur endonasale étendue à l’ethmoïde. L’exérèse chirurgicale a été réalisée par voie endonasale. Le diagnostic de myxome a été affirmé sur l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire, tandis que la biopsie initiale évoquait une dysplasie fibreuse. Aucune récidive n’a été constatée après deux ans et demi de surveillance. Conclusion. Le diagnostic du myxome du maxillaire est histologique. Son traitement est essentiellement chirurgical. Une surveillance rigoureuse et prolongée est requise devant le potentiel récidivant de cette tumeur. © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. 1. Introduction Le myxome du maxillaire est une tumeur bénigne rare, à crois- sance lente mais localement agressive. Il représente 3 à 7 % des tumeurs odontogéniques et 0,41 % des tumeurs osseuses [1]. Sa pathogénie est controversée et il peut toucher aussi bien l’os que les tissus mous [1]. Des cas sporadiques ont été rapportés dans la littérature [2,3]. Son traitement est chirurgical. 2. Observation Nous rapportons le cas d’un nourrisson âgé de deux mois et demi sans antécédents, qui présentait depuis un mois une obstruc- tion nasale gauche associée à une rhinorrhée homolatérale. À la consultation, l’examen endonasal a mis en évidence une formation charnue, non saignante, comblant la fosse nasale gauche, défor- mant l’aile narinaire et refoulant la cloison nasale vers la droite. Le DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.04.004. Ne pas utiliser pour citation la référence franc ¸ aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Zainine). cavum était libre. L’examen de la cavité buccale et de l’oropharynx était normal. L’examen cervical n’a pas objectivé d’adénopathies cervicales. Les examens ophtalmologiques et neurologiques étaient normaux. La tomodensitométrie a montré une masse ethmoïdonasale gauche prenant le contraste de fac ¸ on hétérogène, refoulant la cloi- son nasale responsable d’une lyse de la paroi inter-sinusonasale et de la lame papyracée avec extension intra-orbitaire, ainsi qu’une lyse des os propres du nez et du toit de l’ethmoïde avec extension endocrânienne (Fig. 1). En bas, il existait une lyse du palais osseux. À l’IRM, cette masse était en hyposignal T1, en hypersignal discrètement hétérogène T2, prenant le gadolinium de fac ¸ on hété- rogène, venant au contact de la paroi interne de l’orbite refoulant le droit interne sans signe d’envahissement intra-orbitaire, ni endo- crânien (Fig. 2 et 3). Une biopsie a été pratiquée. Le diagnostic de dysplasie fibreuse était retenu après l’examen anatomopathologique. Le nourrisson a été opéré par voie endonasale. En per- opératoire, la formation était tissulaire, très friable, avec une composante ostéocartilagineuse. Une exérèse complète a été pra- tiquée. L’examen anatomopathologique définitif a conclu à un myxome devant l’existence de cellules fusiformes et en étoiles, sans atypies cellulaires, séparées par une matrice myxoïde peu vascularisée infiltrant les structures osseuses adjacentes. Il n’y avait pas d’épithélium odontogène. Les suites opératoires étaient simples, sans récidive observée après deux ans et demi de recul. http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2013.08.002 1879-7261/© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

Myxome de l’os maxillaire

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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 243–245

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

as clinique

yxome de l’os maxillaire�

. Zaininea,∗, H. Mizounib, A. El Korbia, N. Beltaiefa, S. Sahtouta, G. Besbesa

Service d’ORL et de chirurgie maxillo-faciale, hôpital La Rabta, Jabbari, 1007 Tunis, TunisieService de radiologie, hôpital La Rabta, Jabbari, 1007 Tunis, Tunisie

i n f o a r t i c l e

ots clés :yxomes maxillaireumeur odontogènendoscopie nasale

r é s u m é

Introduction. – Le myxome du maxillaire est une tumeur mésenchymateuse bénigne rare, à croissancelente mais localement agressive. Sa pathogénie reste encore controversée.But. – Étudier les aspects cliniques, radiologiques et anatomopathologiques et le traitement du myxomedu maxillaire d’après un cas observé chez l’enfant.Résultat. – Il s’agissait d’un nourrisson de deux mois et demi qui présentait une tumeur endonasaleétendue à l’ethmoïde. L’exérèse chirurgicale a été réalisée par voie endonasale. Le diagnostic de myxome

a été affirmé sur l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire, tandis que la biopsie initialeévoquait une dysplasie fibreuse. Aucune récidive n’a été constatée après deux ans et demi de surveillance.Conclusion. – Le diagnostic du myxome du maxillaire est histologique. Son traitement est essentiellementchirurgical. Une surveillance rigoureuse et prolongée est requise devant le potentiel récidivant de cettetumeur.

© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

. Introduction

Le myxome du maxillaire est une tumeur bénigne rare, à crois-ance lente mais localement agressive. Il représente 3 à 7 % desumeurs odontogéniques et 0,41 % des tumeurs osseuses [1].

Sa pathogénie est controversée et il peut toucher aussi bien l’osue les tissus mous [1].

Des cas sporadiques ont été rapportés dans la littérature [2,3].on traitement est chirurgical.

. Observation

Nous rapportons le cas d’un nourrisson âgé de deux mois etemi sans antécédents, qui présentait depuis un mois une obstruc-

ion nasale gauche associée à une rhinorrhée homolatérale. À laonsultation, l’examen endonasal a mis en évidence une formationharnue, non saignante, comblant la fosse nasale gauche, défor-ant l’aile narinaire et refoulant la cloison nasale vers la droite. Le

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.04.004.� Ne pas utiliser pour citation la référence franc aise de cet article mais celle de’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neckiseases en utilisant le DOI ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (R. Zainine).

http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2013.08.002879-7261/© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

cavum était libre. L’examen de la cavité buccale et de l’oropharynxétait normal. L’examen cervical n’a pas objectivé d’adénopathiescervicales. Les examens ophtalmologiques et neurologiques étaientnormaux.

La tomodensitométrie a montré une masse ethmoïdonasalegauche prenant le contraste de fac on hétérogène, refoulant la cloi-son nasale responsable d’une lyse de la paroi inter-sinusonasale etde la lame papyracée avec extension intra-orbitaire, ainsi qu’unelyse des os propres du nez et du toit de l’ethmoïde avec extensionendocrânienne (Fig. 1). En bas, il existait une lyse du palais osseux.

À l’IRM, cette masse était en hyposignal T1, en hypersignaldiscrètement hétérogène T2, prenant le gadolinium de fac on hété-rogène, venant au contact de la paroi interne de l’orbite refoulant ledroit interne sans signe d’envahissement intra-orbitaire, ni endo-crânien (Fig. 2 et 3).

Une biopsie a été pratiquée. Le diagnostic de dysplasie fibreuseétait retenu après l’examen anatomopathologique.

Le nourrisson a été opéré par voie endonasale. En per-opératoire, la formation était tissulaire, très friable, avec unecomposante ostéocartilagineuse. Une exérèse complète a été pra-tiquée. L’examen anatomopathologique définitif a conclu à unmyxome devant l’existence de cellules fusiformes et en étoiles,sans atypies cellulaires, séparées par une matrice myxoïde peu

vascularisée infiltrant les structures osseuses adjacentes. Il n’yavait pas d’épithélium odontogène. Les suites opératoires étaientsimples, sans récidive observée après deux ans et demi derecul.
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244 R. Zainine et al. / Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 243–245

Fig. 1. Scanner du massif facial en coupe axiale.

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Fig. 2. IRM en séquence T2, coupe coronale.

. Discussion

Les myxomes ont été décrits pour la première fois par Virchown 1863 [3]. Ils sont d’origine mésenchymateuse et touchent le plusouvent l’adolescent et l’adulte jeune [1,2]. Ils sont plus rares chezes enfants et le nourrisson.

Pour certains auteurs, il ne semble pas exister de prédominancee sexe, pour d’autres une légère prédominance féminine a étéetrouvée [4].

Sa pathogénie est mal élucidée. Deux hypothèses ont été avan-ées : une qui plaide en faveur d’un développement tumoral auxépens de cellules souches persistantes au sein du tissu conjonctif,t l’autre en faveur d’une dégénérescence myxomateuse du stroma

breux [5].

Le myxome a une croissance lente. Il ne devient symptoma-ique que lorsqu’il atteint une taille volumineuse, responsable deouleurs ou de déformation faciale.

Fig. 3. IRM en séquence T1 avec injection de gadolinium, coupe coronale.

L’imagerie orientera le diagnostic lésionnel en précisant le siègeet l’extension tumorale.

L’examen tomodensitométrique d’un myxome retrouve unelésion osseuse multigéodique avec un épaississement corticalcontenant des septa dans une masse de densité tissulaire. La lésionqui n’est pas encapsulée apparaît infiltrante [6].

À l’IRM, le myxome est en hyposignal T1, hypersignal T2. Cetaspect est très évocateur mais inconstant. Le rehaussement aprèsinjection de produit de contraste est variable [3,7].

L’imagerie est utile au diagnostic différentiel car elle per-met d’éliminer les lésions qui sont dangereuses à biopsier :hémangiome endonasal, méningocèle ou méningo-encéphalocèle,hétérotopie gliale [7,8]. Seul l’examen anatomopathologique de lapièce opératoire établit le diagnostic définitif. Le myxome est carac-térisé par la présence des cellules ovoïdes, en étoiles et fusiformesdisséminées dans un abondant stroma mucoïde et un réseau defibres réticulaires. Il n’y a aucune atypie et l’activité mitotique estfaible. Il est très peu vascularisé. La présence de l’épithélium odon-togénique n’est pas indispensable au diagnostic ; elle signe l’originedentaire pour certains auteurs. Cet aspect pose un problème dediagnostic différentiel avec le liposarcome myxoïde, le rhabdomyo-sarcome ou encore les tumeurs fibroblastiques ou chondroïdes [3].

En immuno-histochimie, les cellules tumorales du myxomeexpriment la vimentine, mais n’expriment pas la cytokératine, leneurone spécifique enolase (NSE), la protéine acide gliale fibrillaire(GFAP), les neurofilaments, la desmine et le facteur VIII [3].

La valeur de la biopsie tumorale est discutable. En effet, commenous l’avons observé dans ce cas rapporté, l’étude du fragmentbiopsique ne montre généralement pas de signes pathognomo-niques car la tumeur contient plusieurs plages myxoïdes [3].

Le traitement des myxomes est chirurgical.

La plupart des auteurs s’accordent sur l’exérèse au large avec des

marges de sécurité de 10–15 mm pour tenir compte de l’agressivitéet du caractère récidivant de la tumeur [3].

Page 3: Myxome de l’os maxillaire

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[9] Rotenberg WB, Daniel JS, Nish AI, et al. Myxomatous lesions of the maxilla in

R. Zainine et al. / Annales françaises d’oto-rhino-laryn

Pour d’autres, une énucléation ou un simple curettage peut êtreratiqué. Brian et al. ne rapportent pas de récidive des myxomesaxillaires réséqués sans marges avec un recul moyen de huit ans

t demi [9]. Dans notre cas pédiatrique, aucune récidive n’est obser-ée après deux ans de surveillance, alors que l’exérèse complète neomportait pas de marges « au large ». Pour certains auteurs, cettettitude explique le taux de récidives qui s’observe dans 25 % desas [3].

Le choix de la voie d’abord dépend du siège et de l’extensionumorale.

Dans certains cas de tumeurs volumineuses où une résectionarge avec maxillectomie est réalisée, on se retrouve avec unemportante perte de substance. La réparation dépend de l’étenduee cette dernière. Si elle est inférieure à 5 cm, une réparation immé-iate par des greffons osseux, des lambeaux régionaux de rotationu des lambeaux à distance est pratiquée. Si la perte de substancest supérieure à 5 cm, des prothèses obturatrices sont requises. Laéparation par un lambeau libre est aussi proposée [10].

Les myxomes présentent un taux élevé de récidives dû à leurubstance gélatineuse et l’absence de capsule d’où la nécessité’une surveillance clinique et radiologique prolongée [2]. Le délaie récidive varie entre deux ans et 15 ans [3].

. Conclusion

Le myxome du maxillaire est une tumeur bénigne, mais àgressivité locale. Le diagnostic positif est posé sur l’étude ana-omopathologique de la pièce opératoire. Son traitement est

[

et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 243–245 245

chirurgical. Une surveillance rigoureuse et prolongée est requisedevant son potentiel récidivant.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

Références

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