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1 Objet d’étude 2 : Identité et diversité Étude d’une œuvre : Entendez-vous dans les montagnes…Maïssa BEY Séquence proposée par S. Gouazé, LP Perdiguier N. Ihoual, LP Latécoère Problématique générale : Comment transmettre une blessure individuelle lorsqu’elle s’inscrit dans une histoire collective ? Interrogation : - Comment transmettre son histoire, son passé, sa culture ? Objectifs généraux : - Comprendre comment une œuvre met en tension les expériences individuelles et les questions collectives. - Situer les œuvres du genre biographique dans leur contexte historique et sociologique Séance de lancement : entrer dans l’œuvre Durée 1H Objectifs : - Entrer en contact avec l’œuvre - S’interroger sur les personnages, leurs relations, le type de récit, le thème Supports : - Excipit : p75 « Elle se tait à présent » -jusqu’à la fin. - 1 ere de couverture (L’image, le titre, l’auteur) - La dédicace - L’exergue - La photographie I. L’Excipit (Extrait pages 75 à la fin) 1) Présentez la situation (lieux, personnages présents) 2) Quel lien peut-on imaginer entre l’homme et la femme dont on ignore l’identité ? II. La première de couverture 1) Observez la première de couverture, qu’évoquent pour vous le texte et l’image ?

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Objet d’étude 2 : Identité et diversité Étude d’une œuvre : Entendez-vous dans les montagnes…Maïssa BEY Séquence proposée par S. Gouazé, LP Perdiguier N. Ihoual, LP Latécoère

Problématique générale : Comment transmettre une blessure individuelle lorsqu’elle s’inscrit dans une histoire collective ? Interrogation :

- Comment transmettre son histoire, son passé, sa culture ? Objectifs généraux : - Comprendre comment une œuvre met en tension les expériences individuelles et les questions collectives. - Situer les œuvres du genre biographique dans leur contexte historique et sociologique

Séance de lancement : entrer dans l’œuvre Durée 1H Objectifs :

- Entrer en contact avec l’œuvre - S’interroger sur les personnages, leurs relations, le type de récit, le thème

Supports :

- Excipit : p75 « Elle se tait à présent » -jusqu’à la fin. - 1ere de couverture (L’image, le titre, l’auteur)

- La dédicace

- L’exergue

- La photographie

I. L’Excipit (Extrait pages 75 à la fin)

1) Présentez la situation (lieux, personnages présents)

2) Quel lien peut-on imaginer entre l’homme et la femme dont on ignore l’identité ? II. La première de couverture

1) Observez la première de couverture, qu’évoquent pour vous le texte et l’image ?

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III. La dédicace « A celui qui ne pourra jamais lire ce livre. A mes fils »

2) Que pensez-vous de la dédicace, que semble-elle suggérer ? IV. L’exergue Déf : Un exergue est une inscription qui précède un texte. Voici celui de l’œuvre. « Ô soldats dont l’Afrique avait halé la joue N’avez-vous donc vu pas que c’était de la boue Qui vous éclaboussait ? » Victor Hugo, A l’obéissance passive, 1853.

3) Que vous évoque cet extrait du poème de Victor Hugo ? Que peut-il suggérer sur le récit ?

V. La photographie de 1955

4) Décrivez la photo (personnes, paysage). Quels éléments la légende apporte-t-elle ou confirme-t-elle quant à vos hypothèses ?

VI. La 4ème de couverture

5) Que nous apprend la lecture de la 4ème de couverture ?

Pour séance suivante : Lire le texte jusqu’à la page 20.

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Extrait page 75 à la fin Elle se tait à présent. Même si tout n’est pas dit, même si une douloureuse palpitation la fait encore frémir, quelque chose s’est dénoué en elle. Que ce soit lui ou quelqu’un d’autre, peu importe. Elle se dit que rien ne ressemble à ses rêves d’enfant, que les bourreaux ont des visages d’homme, elle en est sûre maintenant, ils ont des mains d’homme, parfois même des réactions d’homme et rien ne permet de les distinguer des autres. Et cette idée la terrifie un peu plus. Marie reprend :

- Je crois qu’on arrive bientôt. Des voyageurs chargés de bagages passent dans le couloir en discutant à voix haute. « Prochain arrêt ...Terminus ! Le train va entrer en gare. » Comme pour s’ébrouer, Marie secoue la tête, faisant voler sa chevelure dans un mouvement plein de grâce, avant de l’attacher avec une barrette qu’elle tire de la poche de son jean. Elle se lève, va ouvrir la porte, fait quelques pas dans le couloir. Face à face, l’homme et la femme ne bougent pas. Elle n’attend rien. Elle sait qu’il n’y a rien à attendre. Elle le regarde, elle l’observe, elle le détaille, attentivement, minutieusement, comme si elle voulait fixer dans sa mémoire chaque trait de son visage. Il a les yeux baissés, les mains posées sur ses genoux. Il ne cherche pas à se dérober. Elle referme le livre, le remet dans son sac. Elle comptait le terminer pendant le voyage, mais elle n’a pas beaucoup avancé dans la découverte de cette histoire issue d’une autre guerre. Peu importe. Elle a du temps pour lire, pour chercher des réponses. Beaucoup de temps...elle sera ailleurs peut-être. Elle fera d’autres voyages. Elle se lève pour enfiler son manteau. Elle dit à voix haute, comme si elle était seule dans le compartiment :

- Dommage...il fait nuit. On ne peut pas voir la mer… Marie revient. Elle prend son sac à dos, adresse un sourire à la femme et désigne du doigt la valise.

- Je peux vous aider ? - Non, non, merci ...elle n’est pas trop lourde…

L’homme a déjà empoigné la valise. - Vous permettez ?

Elle ne répond pas. Sur le pas de la porte, Marie fait un signe de la main et s’en va d’un pas léger. A son tour, elle saisit son sac à main et se dirige vers la sortie. Portant la valise et le cabas, il la suit. Elle descend les marches et s’arrête sur le quai. Elle se retourne. Il est derrière elle et lui tend la valise. Avant même qu’elle ait eu le temps d’ouvrir la bouche pour le remercier, il dit :

- Je voulais vous dire...il me semble...oui...vous avez les mêmes yeux...le même regard que...que votre père. Vous lui ressemblez beaucoup.

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Séance 1 L’étrangère Quelle part de nous-mêmes l’autre nous renvoie-t-il ? Objectifs :

- Étudier la mise en place des personnages, et de la narration : les différents points de vue

- Réfléchir à la manière dont se déclenche la mémoire personnelle des personnages

- Faire le lien avec l’histoire collective : La mobilisation des appelés après le déclenchement de la lutte armée par le FLN

Supports :

- Incipit pages 11.14 jusqu’à « inconnus » - Déclenchement des mémoires : - Extrait pages 16-18 « Elle a les yeux fermés, …..chair brûlée » - Extrait p18-20 « Elle ne sent pas très bien …somnolence » p20

Lisez les p. 11 à 15 : ORAL

Que raconte le début du récit ? Que savons- nous des lieux ? De l’époque ? Quels sont les personnages ? Qu’apprenons-nous sur eux ?

Qui parle ? Selon quel point de vue ? Au vu de notre séance précédente, en quoi cela peut-il être surprenant ?

Lisez les pages 16 à 19 jusqu’à « somnolence »

1) Que représentent les passages en italique ?

2) Quel élément déclenche ces souvenirs ?

3) Que racontent ces souvenirs ? 4) En vous appuyant sur le lexique, les expressions ainsi que sur la syntaxe (construction des phrases) indiquez quelle image du conflit est renvoyée au lecteur. (Relevez des passages pour justifier vos réponses) 5) Extrait p.19 « une question, la même » jusqu’à « somnolence » p20 : A quoi le visage de l’homme ramène-t-il la femme aux yeux sombres ?

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Séance 2 Fille d’instituteur indigène en Algérie Quelle part d’héritage ? Objectifs :

- Étudier la part autobiographique et le choix d’une énonciation à la 3ème personne dans l’extrait « Entendez-vous dans les montagnes »

- Confronter cet extrait avec une nouvelle autobiographique du même auteur

- S’interroger sur l’importance de la figure paternelle dans la vie de l’auteur et sur la transmission père/fille

- Confronter l’extrait pages 20.21 et documents d’archives

Supports :

- Extrait pages.20.21 (elle a souvent essayé de reconstituer ….retirée du doigt)

- Extrait de la nouvelle de Maïssa Bey « 7 jours sans école »in Recueil Une enfance outre-mer Leïla Sebbar, récit autobiographique

- Extrait interview Maïssa Bey dans Jeune Afrique, 5 février 2007.

- La carte postale et le commentaire

- L’arrêté de nomination

Lecture extrait pages 20.21

1) Qu’est-ce qui permet au personnage de se souvenir de son père ?

2) De quoi se souvient-elle précisément ?

3) Comment l’auteur met-il en avant le manque provoqué par l’absence du père ? Vous étudierez notamment la syntaxe (construction des phrases) et le lexique.

Extrait + La carte postale et L’arrêté de nomination

4) Maïssa Bey évoque son père dans ce récit. Pourquoi choisit-elle la troisième personne du singulier ?

Document 2. « 7 jours sans école » Maïssa Bey, in Recueil Une enfance outre-mer Leïla Sebban, éd Le Seuil.

1) Dans cette courte nouvelle, Maïssa Bey raconte un souvenir d’enfance. Quels thèmes et quel choix énonciatif « d’entendez-nous dans nos montagnes » retrouve-t-on ? Qu’est ce qui est différent ?

2) Que ressent l’enfant ? Quel mot Massa Bey met-elle sur cette expérience ?

3) En quoi l’événement raconté est-il déterminant dans l’existence de Maïssa Bey ?

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Document 3. Maïssa Bey in Jeune Afrique, 5 février 2007 1) A l’aide du document 3, de la carte postale et de l’arrêté de nomination, dites quel rapport Maïssa Bey

entretient avec la langue française. Pourquoi malgré l’indépendance de l’Algérie et le retour de l’arabe comme langue officielle, choisit-elle d’écrire en français ?

2) Pourquoi peut-on dire que la langue française est constitutive de son identité ? Document 2

« Janvier 1957. Enfin un point d’ancrage. Un repère sûr. Quoi de plus solide qu’une date pour étayer ses souvenirs ? Certifiée conforme par les livres d’histoire. Grève générale de sept jours décrétée par le FLN, Front de libération nationale. L’air est glacial. La main serrée dans la main de son père, elle traverse les rues du village. C’est lui qui est venu la chercher à l’école, pour la première fois. D’habitude, à cette heure, il travaille encore. Il porte le petit cartable dans lequel il a mis le carnet scolaire après avoir pris conscience de son classement. Il l’a lu sans rien dire. Zéro dans toutes les matières. Zéro en lecture. Zéro en dictée. Zéro en calcul. Zéro en écriture. Rang : 27e sur 27. La maîtresse a distribué les carnets sans rien dire. Les autres fois, elle annonçait les classements, donnait des images aux trois premières et sermonnait celles qui n’avaient pas la moyenne. Moment attendu avec impatience par la fillette qui rentrait chez elle en courant pour annoncer à son père qu’elle était première. Parce qu’elle était toujours première « la petite Mauresque » comme l’avait fait un jour remarquer à la sortie de l’école une mère dépitée. Ce n’est pas de sa faute si cette fois elle est dernière. Elle n’est pas allée à l’école pendant toute une semaine. Et c’était la semaine des compositions. La maîtresse en personne était venue à la maison pour les prévenir. Son père a été inflexible. Il n’a pas enseigné, n’a pas non plus envoyé ses enfants à l’école, obéissant au mot d’ordre. C’est tout. Il le sait donc bien que ce n’est pas de sa faute à elle. Elle se tait, tente en vain de ravaler la boule de chagrin qui remonte dan sa gorge. Parce qu’elle ne comprend pas pourquoi il a décidé qu’elle n’irait pas à l’école. D’habitude, avant les compositions, c’est lui qui fait réciter les leçons, une formalité pour elle, dit-il souvent en riant, fier de cette enfant qui apprend tout très vite et pose tant de questions pour comprendre le monde. Que je retrouve l’exacte nature de mes sentiments à cet instant. Que j’écarte, sans concession au présent, ceux qui sont venus se greffer bien plus tard et qui font corps avec tout ce qui s’est accumulé en moi depuis, au point qu’il m’est difficile de faire le tri. Première tentation, dire la peine. Les larmes. En rajouter même. La peur d’une sanction aussi. Cela semble tellement évident ! Mais non. Rien de tout cela. Il y a aussi ce moi( ?)qui s’impose avec une telle force qu’il me fait rejeter tous les autres : humiliation. Première humiliation. Tellement forte, tellement inacceptable qu’elle a déterminé tout le reste. Ma vie. Mais ce mot est trop difficile pour être pensé par un enfant. Trop lourd. « Première expérience de l’injustice » me semble plus adapté. Première étape d’un long, d’un douloureux apprentissage. - ... parce que nous sommes arabes. »

Maïssa Bey « 7 jours sans école » in Recueil Une enfance outre-mer Leïla Sebbar. 2001

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Document 3

« Née pendant la colonisation, j’ai appris le français à l’école. Mais le français est aussi ma langue paternelle. Mon père était l’un des rares instituteurs arabes à le maîtriser parfaitement. Il est mort en 1957 sous la torture, j’avais 6 ans, mais il a eu le temps de m’apprendre à lire et à écrire en français avant même que j’aille à l’école. Il m’a transmis cela comme quelque chose de très précieux, car, pour lui, la langue permettait d’aller vers l’autre, de le comprendre. La langue française est donc celle que j’ai reçue en héritage, une langue legs. C’est grâce à elle que j’ai eu accès au monde, à la culture. Après la période coloniale, j’aurais pu me tourner vers la langue arabe ou du moins m’y intéresser, mais j’ai appris l’arabe classique sur le tard. À la maison, nous parlions l’arabe algérien, qui est présent dans mes écrits, dans mes personnages. Je les entends, je les appréhende dans la langue populaire algérienne. Mon rapport à la langue française est un rapport d’amour. Je n’ai aucun complexe à écrire et à m’exprimer en français. L’essentiel est de pouvoir dire ce que j’ai à dire, ce que je ressens, mes colères et mes révoltes. Il n’y a pas de différence entre l’intime et l’écrit. » Maïssa Bey in Jeune Afrique, 5 février 2007

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Séance 3 : Comment désigner l’Autre ? Objectifs :

- Étudier la désignation des différentes communautés dans l’Algérie française

- S’interroger sur ce qu’elles disent du regard des différentes communautés les unes envers les autres dans la société coloniale

- S’interroger sur la nature des documents (travail d’historien sous forme dessinée, roman graphique, archive) et les confronter

- Confronter histoire individuelle et histoire collective : la société coloniale

- Écrire une lettre

Supports :

- Extraits du livre pp. 52-54

- L’Algérie c’est beau comme l’Amérique. Olivia Burton, éd Steinkis pp.97 à 99 et pp 111 à 113

- Histoire dessinée de la guerre d'Algérie Benjamin Stora Illustré par : Sébastien Vassant. Du Seuil.2016. page 17-18

- Certificat de nationalité du père de Maïssa Bey

- Un livre, un jour. 11 Mars 2015. France 3. (https://www.france.tv/france-3/un-livre-un-jour/102357-l-

algerie-c-est-beau-comme-l-amerique-d-olivia-burton-et-mahi-grand-steinkis.html) Étude du récit page 52 : « on vous a donc parlé de …à page 53 « Ils ont été soumis par Rome. »

1) En tenant compte de vos séances d’histoire, à quelle catégorie d’habitants de l’Algérie française appartient le grand-père de Marie ? Pourquoi préfère-t-il le mot « événements » à celui de « guerre » ?

2) Selon la femme, pourquoi Marie hésite-t-elle à prononcer le mot « arabe » ? A ses yeux, l’emploi de ce terme revêt-il forcément une connotation raciste ? Pourquoi ?

Contexte sociétal actuel / Contexte société coloniale

3) a) Relevez tous les mots qui ont servi à désigner les arabes en Algérie pendant la colonisation

en distinguant ceux qui ont une connotation raciste. Cherchez dans le dictionnaire les mots que vous ne connaissez pas.

Termes à connotation raciste

Termes sans connotation raciste

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b) Relevez les mots qui désignent les populations non-musulmanes.

4) Que nous montre « cette profusion de mots » sur les rapports entre les populations arabe et européenne en Algérie pendant la colonisation ?

- les mots officiels utilisés par l’administration - les mots populaires

Lecture du Certificat de nationalité du père de Maïssa Bey (livre)

5) Que nous indique le certificat de nationalité du père sur le statut des arabes pendant la colonisation française ?

Étude des 2 bandes dessinées + Vidéo : Un livre, un jour du 11 Mars 2015, consacrée au roman graphique d’Olivia Burton.

1) Lisez les deux extraits de bande dessinée. Qu’est ce qui les différencie ?

2) Pourquoi Olivia Burton entreprend-elle ce voyage ?

3) De quelle manière parvient-elle à distinguer dans son roman graphique « la mémoire et les idées toutes faites » de la réalité qu’elle côtoie dans l’Algérie contemporaine ?

4) Quels éléments contenus dans ces deux extraits illustrent l’extrait que nous venons d’étudier ?

5) D’après la BD historique quelle est la situation des enfants indigènes dans la société coloniale ?

6) Comment la famille algérienne décrit-elle la scolarisation des enfants indigènes pendant la colonisation ?

7) Quelles sont les relations entre enfants, d’après les algériens. Ceci correspond-il à la mémoire

transmise par la mère d’Olivia ? - Écriture Supports : extraits du roman graphique d’O.Burton et Vidéo, Un livre, un jour du 11/03/15.

Lors de son séjour, Olivia écrit à sa mère pour lui raconter comment ce voyage lui permet de mieux connaître l’histoire de sa famille. Vous rédigerez cette lettre. (20 à 25 lignes)

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Extrait pages 52,53 - On vous a donc parlé de…de la guerre, de la guerre d’Algérie ? - Bien sûr. Mon grand-père m’en a parlé…mais…lui, il dit « les événements »…et j’ai souvent l’impression qu’il n’aime pas trop qu’on lui pose des questions. Il dit que c’était très dur, oui…et…il n’aime pas trop en parler. Mais lui…il vivait dans un village. Il était instituteur. Il n’a jamais eu de problèmes avec les... Elle s’arrête brusquement et se mord les lèvres. C’est vrai comment dire ? Les Arabes ? Mais il est sûr qu’après la façon dont ce mot vient d’être prononcé dans ce même lieu par une femme terrorisée par une bagarre, une Française de souche sans aucun doute, il est difficile de ne pas y voir des relents de racisme. Mais après tout, on a toujours besoin de classifications pour les espèces vivantes, aussi bien animales qu’humaines. Alors pourquoi ne pas désigner des hommes par leur race ? Ou par leur religion, même si beaucoup s’en sont éloignés ? On dit bien « les juifs ». On peut varier en précisant l’appartenance à un peuple, un groupement humain, une région, une tribu. Il faut avoir des repères pour pouvoir situer quelqu’un ! Pourquoi serait-ce insultant ? L’insulte serait-elle contenue dans le mot, ou seulement dans l’intention, ou encore dans la représentation que l’on a de la race, du groupe désigné ? Combien de mots, d’expressions a-t-on dû inventer pour eux ! Tout cela en fonction du contexte historique. Toutes sortes de vocables, d’expressions composées, une profusion de mots: indigènes, Français musulmans d’Algérie, bicots, bougnoules, métèques, melons, moukères, Fatmas pour les femmes, toutes les femmes, Nord-Africains ou mieux encore, pour marquer les progrès du vocabulaire colonial officiel : Français de souche Nord-Africaine…FSNA pour faire plus court. Tous ces termes étant dûment répertoriés dans les dictionnaires, avec, pour certains d’entre eux, une précision nécessaire : termes injurieux, racistes. Pour les Arabes, les Français –et par extension tous le Européens – sont des roumis, ce qui d’un point de vue historique, étymologique et d’une certaine façon…objectif, rappelle simplement qu’à un certain moment de leur histoire, ils ont été soumis par Rome.

Document 2. Certificat de nationalité du père de Maïssa Bey

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Document 3. L’Algérie c’est beau comme l’Amérique. Olivia Burton

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Document 3. Histoire dessinée de la guerre d'Algérie Benjamin Stora Illustrée par : Sébastien Vassant. Éditions Seuil.2016.

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Séance 4 : « J’avais vingt ans… bon pour le service »

Comment transmettre la mémoire d’une « sale guerre » ?

Objectifs : - S’interroger sur la difficulté pour le grand-père de Marie et pour Jean de transmettre la mémoire de

ce conflit

- Étudier les procédés d’écriture (syntaxe, lexique, figure de styles) utilisés par l’auteur pour montrer la colère dans le discours de Jean

- Repérer des arguments dans le discours de Jean

- Contextualiser le récit en le confrontant à un document historique et à un témoignage

- Confronter témoignage et récit historique

Supports : - Extrait pages 55 « Encouragé par le sourire amical » à page 58 « ne pas perdre l’équilibre » - Proposition de loi pour la reconnaissance de l’état de guerre en Algérie : Extrait des débats de l’Assemblée Nationale le 28 Avril 1999. - Extrait interview de Serge Drouot, le 30 novembre 2005. Dossier Pédagogique du film « La trahison de Philippe Faucon » - BD Histoire dessinée de la guerre d’Algérie Benjamin Stora, Sébastien Vassant. Ed. Le Seuil.2017 pp. 95 à 97 et 175

Lecture extrait pages 55 à 58.

1) Quelle question pose Marie ? Pourquoi ? Selon-vous, à qui s’adresse-t-elle ?

2) Comment peut-on interpréter le silence du grand-père de Marie sur la guerre d’Algérie ?

3) Le récit de Maïssa Bey est écrit en 1998. Quel point de vue l’appelé défend-il ? Relevez les arguments utilisés.

4) Quel sentiment domine dans ce passage ? Justifiez en relevant des procédés d’écriture et en vous appuyant sur la syntaxe. Selon vous, qu’est ce qui provoque ce sentiment ?

5) A la fin de l’extrait, l’homme finit par répondre directement à Marie. De quelle manière le fait-il ? Est-ce facile pour lui d’évoquer cette guerre ?

6) Que laisse-t-il entendre à Marie et à la femme aux yeux sombres sans parvenir à le dire ?

Lecture Proposition de loi. (Document 2)

1) Quels sont les termes officiels employés pour désigner le conflit jusqu’en 1999 ?

2) Pourquoi le législateur a-t-il jugé nécessaire d’employer désormais l’expression « guerre d’Algérie » ?

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Lecture entretien Serge Drouot et récit d’histoire graphique. (Document 3 et 4) Document 3.

1) Pourquoi et comment la guerre d’Algérie a-t-elle marqué l’existence de Serge Drouot ?

2) Pourquoi Serge Drouot a-t-il peu évoqué la guerre à son retour ? Prolongement : Documents 3 et 4

1) Qui étaient les harkis ? Pourquoi et comment sont-ils recrutés par l’armée française ?

2) Pourquoi font-ils le choix de l’armée française ?

3) Quel sort subissent-ils à l’indépendance ? Conclusion : A l’aide des réponses précédentes, expliquez la phrase de l’historien Benjamin Stora : « Ceux qui ont subi la guerre affrontent la surdité d’un monde qui préfère oublier leurs souffrances » (Histoire de la guerre d’Algérie) La Découverte, « Repères », 2004

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Extrait pages 55.58 Encouragée par le sourire amical de la femme qui lui fait face, Marie continue. Mais à qui s’adresse-t-elle maintenant ?

- Dites, c’était vraiment si terrible cette guerre ? C’était une vraie guerre ? C’est parce que mon grand-père…personne n’en parle vraiment…je ne sais même pas s’il la faite…non, je ne crois pas…il nous aurait…il préfère nous raconter comme c’était avant. Avant les événements, comme il dit.

L’homme ne répond pas tout de suite. Il semble plongé dans une douloureuse réflexion. C’était sa guerre à lui. Oui, c’était une vraie guerre. Son père avait eu lui aussi sa guerre. Et il y était allé en chantant la Marseillaise. Comme lui. Et avant lui, le père de son père, et ainsi des nombreuses générations prisent dans les pièges souvent tragiques de l’histoire. Oui, il avait eu vingt ans, et il avait eu sa guerre lui aussi…une vraie guerre, aussi…oui…aussi effroyable que les précédentes. Toutes les guerres sont terribles aux yeux de ceux qui les font, de ceux qui doivent les faire – au nom de Dieu, de la civilisation, de la patrie, de la liberté, de la révolution…seuls les épithètes changent : guerres de religion, grande guerre, guerre de libération, guerre d’occupation, guerre civile…et quelque soit le côté où l’on est il faut toujours se convaincre que c’est le bon côté, la bonne cause, et que la violence, les violences sont parfois nécessaires…Ne pas se poser trop de questions…Les champs de bataille sont toujours jonchés de héros…Aller à la mort en chantant, en portant haut et fier, le beau drapeau…sinon…Sale guerre ! Mais y a-t-il jamais eu de guerre propre, autrement que dans le langage de ceux qui dans le confort des salons, des salles de réunion et sous les feux des projecteurs, n’ont jamais eu besoin de porter des tenues de camouflage, n’ont jamais tenu un homme au bout d’un fusil ? Dans la guerre, dans toutes les guerres, l’ennemi a toujours le même visage. Le visage de notre propre mort. Et personne ne peut supporter de se retrouver confronté à sa propre mort. Il faut donc anéantir celui qui nous fait face, parce qu’il sécrète notre peur, que nous nous reconnaissons en lui – qu’il se reconnaît en nous. Et c’est cette image de nous- même que nous voulons supprimer. Se dire que le mal n’est plus le mal quand il faut empêcher le pire…Et tout le reste n’est que duperie, verbiage, inutile souffrance.

- C’était…c’était…une guerre…comme toutes les guerres. Beaucoup de haine, d’injustices, de souffrance. Il y avait ceux qui…donnaient des ordres…et ceux qui…exécutaient. C’est toujours comme ça que ça se passe.

Il se tait un instant et poursuit, à voix basse, comme s’il se parlait à lui-même. - Inutile de se poser des questions…de chercher à discuter les ordres. Il fallait servir et obéir. Même

si…et parfois… Il ne termine pas la phrase. Il a à présent les yeux fixés sur le sol. Il semble chercher ses mots, avancer avec précaution, comme si il était au bord d’un gouffre et qu’il lui fallait faire très attention pour ne pas perdre l’équilibre.

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Document 2. Proposition de loi pour la reconnaissance de l’état de guerre en Algérie : Extrait des débats de l’Assemblée Nationale le 28 Avril 1999

Mesdames, Messieurs, En adoptant la loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, le Parlement entendait assurer une complète égalité des droits entre les militaires engagés dans les opérations de sauvegarde de l’ordre en Afrique du Nord et ceux ayant servi en période de guerre. Cette loi faisait toutefois mention des « opérations effectuées en Afrique du Nord » et non de la « guerre d’Algérie ». Depuis, un quart de siècle s’est écoulé sans que les sacrifices consentis par nos soldats dans ce conflit n’aient été pleinement reconnus. Cette situation est vécue à juste titre par les anciens combattants comme un reniement de ce qu’ils ont fait par devoir au service de la Nation. Si la nature particulière de ce conflit, qui ne ressemblait pas aux guerres du début et du milieu de ce siècle, a pu expliquer les réticences à le qualifier d’emblée de guerre, les esprits, par une lente évolution appuyée sur un développement des travaux historiques, ont progressivement tendu à considérer que les événements d’Afrique du Nord devaient, par les méthodes de combat utilisées et les risques encourus par nos soldats, être assimilés à une guerre et non pas à de simples opérations de police. Si chacun s’accorde aujourd’hui à reconnaître que l’expression du langage courant « guerre d’Algérie » correspond à la réalité historique vécue par nos concitoyens, il n’en demeure pas moins que seule la loi peut mettre fin à cette situation. Il convient donc d’officialiser cette appellation et de faire disparaître l’expression « opérations de maintien de l’ordre » du code des pensions militaires d’invalidité et du code de la mutualité pour les combats qui se sont déroulés sur le territoire algérien entre 1954 et 1962. Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI TITRE Ier MODIFICATION DU CODE DES PENSIONS MILITAIRES D’INVALIDITÉ ET DES VICTIMES DE LA GUERRE

Article 1er Dans l’article L. 1er bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, après les mots : « sous son autorité », sont insérés les mots : « à la guerre d’Algérie ou ». […]

Document 3. Interview de Serge Drouot, le 30 novembre 2005.

Serge Drouot est secrétaire national de la FNACA*, président de la Commission GAJE (Guerre d’Algérie Jeunesse Enseignement). Mais il s’exprime ici en son nom propre et ne raconte que son histoire personnelle. Le style oral a été conservé.

Le départ Quel âge aviez-vous lors de votre départ pour l’Algérie ? J’ai été appelé sous les drapeaux le 4 novembre 1959, à vingt ans. C’est vraiment un cas particulier, mon cas, car j’ai eu vingt ans le 16 septembre 1959, le jour du discours de De Gaulle sur l’autodétermination. Cela m’a marqué profondément. […] Aviez-vous le sentiment de partir à la guerre, puisque l’on ne l’appelait pas comme cela à l’époque ? Oui. Moi j’ai malheureusement eu plusieurs camarades de quartier qui ont été tués en Algérie. J’ai assisté à leurs obsèques. Je sais que là-bas c’est une guerre avec tout ce que cela comporte. Même si je n’ai pas toute la vision des choses puisque je suis encore en France. […] Aviez-vous déjà vu des Algériens ? Que pensiez-vous d’eux ? Oui. Moi j’habitais Boulogne-Billancourt. Il y a les usines Renault, sur 35 000 salariés il y a un tiers d’Algérien. […] La guerre d’Algérie m’a profondément marqué avant mon départ, car j’ai perdu mon meilleur copain, et aussi pour une autre raison. Un jour on a vu arriver un jeune Algérien, Laïfa Khelifati. Il avait fait de brillantes études à Alger, où la fac n’a pas voulu de lui et lui a dit d’aller faire des études à Paris. Il a atterri chez moi, profondément déçu, en 1955-1956. Il écrivait des poèmes, il était très érudit. Il a été contraint de trouver du boulot à la blanchisserie à Boulogne-Billancourt, comme manœuvre. Le soir, il couchait dans un foyer de travailleurs Nord-Africains, où il y avait sans cesse des descentes de police. Un jour, avant novembre 1956, il est venu nous trouver pour dire qu’il rentrait en Algérie, cela contre toute

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attente ; il nous a dit repartir combattre avec ses frères. Je n’ai plus eu de nouvelles. En Algérie, j’ai passé 24 mois avec une seule crainte : me trouver en face de lui. […]

Sur place, Avez-vous eu peur ? Oui. Je suis parti avec la peur de me trouver face à face avec quelqu'un que je connaissais, et avec l’idée que je pouvais mourir. Puis on ne pense plus à la peur, à part dans des moments particuliers, quand on est de garde, ou pendant des opérations. Puis la peur recommence quand la fin du service approche : on a peur de se faire descendre avant de revenir en France […] Vous est-il arrivé d’avoir envie de désobéir aux ordres, voire de désobéir ? J’ai eu envie de désobéir, mais ça n’est pas dans ma nature car ça ne règle pas les problèmes. La bonne solution c’est d’essayer de convaincre les autres qu’il faut se comporter d’une certaine façon. Mais ce n’est pas simple, et il y a eu des moments où j’ai été impuissant. L’être est parfois passif : il ne désobéit pas, mais il n’obéit pas pour autant. Quand on a vingt ans, on accepte difficilement les ordres, surtout de la part d’officiers qui ne nous respectent pas. […]

Après le retour Avez-vous eu envie de parler tout de suite de votre expérience en Algérie ? J’ai eu des frictions avec ma famille à propos de choses idiotes. Je ne comprenais pas que l’on donne au chat du bif steak haché alors que nous mangions très mal en Algérie. Après j’ai voulu prendre un travail mais je n’ai pas pu : je pesais 43 kg à ce moment-là, je suis parti en maison de repos. J’ai commencé à pouvoir en parler vraiment à partir du moment où j’ai commencé à être actif à la FNACA.* Mes enfants, mon épouse savent, mais pas tout. Ils ne peuvent pas comprendre certaines de mes attitudes aujourd'hui. C’est le lot de tous les anciens appelés. Je n’ai pas retrouvé ma place à EDF; les techniques ont évolué considérablement en peu de temps, mon avancement a été brisé par ces années de guerre. Et il y a des incompréhensions, même dans nos propres familles, sur cette guerre. Il y en a qui disent que l’on n’a pas été capables de garder la France à la France ; d’autres pensent que l’on est des salauds, que l’on a fait que de torturer. Il y a donc eu un repli sur soi-même des appelés. Il y a même eu des gens internés en hôpital psychiatrique. Moi j’estime que malgré les divergences la famille ne m’a pas trop laissé tomber. A un moment il y a un sentiment de ras-le-bol, de mécontentement : on a passé les plus belles années de notre jeunesse en Algérie. […] Propos recueillis et retranscrits par Hélène Chauvineau et Valérie Marcon, enseignantes *FNACA : Fédération nationale des anciens combattants d’Algérie. Elle a créé en 1981 la commission GAJE (Guerre d'Algérie Jeunesse Enseignement) qui a pour objectif “d’apporter aux jeunes, qui sont l'avenir de la France, les chaînons essentiels de la mémoire, le message d'une génération qui a subi un passé douloureux et veut pour les générations montantes, bâtir un avenir de paix, de compréhension, de fraternité.

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Document 4. Histoire dessinée de la guerre d’Algérie Benjamin Stora, Sébastien Vassant. Ed. Le Seuil.2017 pp. 95 à 97 et 175

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Devoir maison Objectifs :

- Réinvestir les connaissances acquises lors des cours d’histoire et de français

- Travailler l’écriture argumentative Sujet d’écriture : Au lycée vous venez de terminer le cours sur la décolonisation de l’Algérie. Vous êtes invité(e) dans la famille de votre amie Marie, une discussion s’engage sur la guerre d’Algérie et son grand-père remet en cause le terme de guerre : il préfère parler « d’événements ». A la lumière de vos connaissances vous tentez de le persuader que l’on ne peut pas désigner ce conflit autrement que par le mot « guerre ». Écrivez ce discours dans lequel vous développerez trois arguments que vous appuierez par des exemples concrets. (30 lignes environ)

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Séance 5 – Un impossible aveu Un nécessaire affrontement ? 2h

Objectifs :

- Étudier les procédés d’écriture utilisés pour montrer l’expression de la souffrance, la difficulté à évoquer le traumatisme chez la femme

- Étudier comment l’auteur rend compte de la tension entre les personnages

- Étudier comment les douloureuses mémoires des deux personnages se font échos

Supports : - Extrait pp 40 à 43 « « Il se tait un instant » jusqu’à « conversation » - Extrait p. 44 « dans un dédoublement étrange » jusqu’à « maintenant » p. 45 - Extrait p. 64, 66-67, 73, 74 : la douloureuse mémoire de l’homme - Extrait pp 72 à 73 « il a été torturé une nuit entière » ... « à moins que... » - Extrait Algérie, 1954-1962, Lettres, carnets et récits des français et des algériens dans la guerre.

Les Arènes, France Info. Benjamin Stora, Tramor Qemeneur. 2010

Document 2. Algérie, 1957.1962. B. Stora, T. Quemeneur.

Lecture pages 40 à 43

1) Quelles sensations l’évocation de « Boghari » provoque-t-elle chez la femme ? Justifiez en vous appuyant sur le lexique et sur la syntaxe.

2) Quelle est l’origine de ce malaise ? A quel événement cette évocation renvoie-t-elle le personnage ?

3) Comment imagine-t-elle les bourreaux de son père ? (p.42)

4) Pourquoi tente-t-elle de fuir ce souvenir dans un premier temps ?

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Lecture pages 44.45

1) Selon vous que signifie l’expression « dédoublement étrange » ?

2) Encouragé par sa réponse, l’homme continue d’évoquer Boghari : « C’était...fin 1956, début 1957 », « Mais...c’était vraiment une très belle région...si... ». Pourquoi l’homme hésite-t-il à son tour ? Comment réagit la femme à ses propos ?

. Lecture page 64 : « L ‘homme répond avec un calme impressionnant » « Puis il referme la porte ».

1) Que comprend le lecteur à ce moment du récit ? Vous attendiez-vous à cette révélation ? Si oui,

pourquoi ? 2) Est-ce que la description du père de la femme correspond à l’image qu’elle s’en faisait ? Pourquoi

confirme-t-elle la part autobiographique de ce récit ? 3) Quel regard Jean porte-t-il sur cet homme ? Justifiez avec le texte. Lecture extrait 65-67 « Debout près de la porte, un soldat en tenue léopard »… « Le silence s’est maintenant installé ».

1) Que nous indique la tenue du soldat qui interroge le père de la femme ? Quelle est son attitude envers l’instituteur ?

2) A quelle autre violence fait-il allusion ? Quel climat entre les ennemis cet extrait montre-t-il ?

3) Pourquoi Jean n’a pas la même attitude que le capitaine ? Que se passe-t-il entre lui et

l’instituteur ?

Lecture page 72 « «Marie regarde la femme » jusqu’à «page 73 « à moins que »

1) Encouragée par les interrogations de Marie, la femme réussit à dire ce qu’elle sait de la mort de

son père, à évoquer le fait qu’il a été torturé et abattu. Quel sentiment domine chez la femme lorsqu’elle évoque « la corvée de bois » ? Justifiez à l’aide du texte.

Lecture pages 73 « La jeep vient de démarrer » jusqu’à page 75.

1) Pourquoi la mémoire de l’homme répond-elle aux interpellations de la femme ?

2) Dans le souvenir, comment réagit Jean face à « la corvée de bois » ?

3) Quelle sensation semble envahir l’homme dans le wagon, que laisse envisager son silence ? (page 75)

4) Comment réagit la femme à ce silence ?

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Extrait pp 40 à 43 « « Il se tait un instant » jusqu’à « conversation »

Il se tait un instant. Puis il revient à la charge :

- Vous habitez à Alger ? Elle hoche la tête. Il n’a pas employé l’imparfait. Pourtant… Elle corrige, machinalement :

- Oui, Alger…enfin…j’habitais à Alger. - Et…vous connaissez Boghari ? Un village aux portes du Sud. Pas très loin d’Alger. Enfin…Pas

vraiment un village…plutôt un gros bourg.

Elle sursaute, le souffle coupé. Elle ne peut pas s’empêcher de serrer les poings très fort, tellement fort que ses ongles s’enfoncent profondément dans la paume et qu’enfin la douleur l’oblige à réagir. Il semble n’avoir rien vu. Non, non…elle ne posera aucune question. Elle est née à Boghari. Elle y a vécu. Jusqu’à la mort de son père. Il n’a pas remarqué la pâleur qui envahit son visage. Il a envie de parler. C’est la première fois. La première fois depuis…Il fixe un point derrière elle, comme s’il fixait un écran et continue à voix basse. Pourquoi a-t-il envie de parler ? Il ne sait pas. Il ne sait pas si elle l’écoute. Peu lui importe. Il répète encore une fois :

- Je suis médecin. J’ai fini mes études après la guerre. Là-bas, j’étais affecté à l’infirmerie du camp. Occasionnellement…Je croyais vraiment qu’on avait besoin d’infirmiers pour soigner des hommes…

Il reprend lentement : - Des hommes…C’est vrai, il m’est arrivé parfois d’en soigner…

Il n’a rien remarqué, tout entier plongé dans ses souvenirs. Elle a froid soudain…très froid. Un souffle glacé vient s’engouffrer, qui l’a fait frissonner de la tête aux pieds. Elle a souvent imaginé LA scène. Mais depuis qu’elle est là, paradoxalement, elle a fini par ne plus y penser. Sans doute parce que d’autres scènes, bien réelles celles-là, sont venues supplanter les images qu’elle cherchait à fabriquer à partir d’autres récits. A d’autres scènes décrites par ceux qui avaient survécu. Toute petite déjà, elle essayait de donner un visage aux hommes qui avaient torturé puis achevé son père avant de le jeter dans une fosse commune. Mais elle ne parvenait pas à leur donner un visage d’homme. Ce ne pouvait être que des monstres…comme ceux qui aujourd’hui, pour d’autres raisons et presque aux mêmes endroits, égorgent des enfants, des femmes et des hommes. Elle voyait alors des hommes encagoulés, entièrement vêtus de noir pour mieux se fondre dans la nuit, un peu à l’image des bourreaux représentés dans les livres et les films d’histoire. Des hommes sans visage qui longtemps avaient hanté ses rêves. Plus tard, riche de ses certitudes, elle ajoutait : des hommes qui n’avaient rien d’humains. Elle ne veut pas, elle ne veut rien entendre de plus. Et si elle se levait maintenant ? Si elle sortait, changeait de compartiment, descendait à la prochaine station ? Si elle lui demandait doucement, mais fermement, de se taire ? Elle voudrait bien pouvoir dire…excusez-moi, j’ai mal à la tête…d’autant plus qu’elle ressent un véritable malaise physique, elle vient d’en prendre conscience. Elle a la tête prise dans un étau et des battements douloureux, lancinants, lui ébranlent les tempes. Comme pour chercher un moyen d’endiguer la souffrance qui vient de ressurgir, elle se retourne vers la jeune fille qui, les voyant parler, a ôté ses écouteurs depuis un moment, certainement pour prendre part à la conversation.

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Extrait p. 44 « Dans un dédoublement étrange » jusqu’à « maintenant » p. 45

Dans un dédoublement étrange, elle s’entend dire :

- Je...je connais bien Boghari. J’y suis née… Encouragé par cette réponse, l’homme semble avoir envie de poursuivre son évocation. Il passe plusieurs fois la main dans ses cheveux, se penche vers elle et reprend, sur un ton un peu plus ferme :

- J’y ai passé toute la période d’instruction. Il y avait une grande caserne, à sept kilomètres du village sur les hauteurs. Ca s’appelait…Boghar. C’était…fin 1956, début 1957, pendant les événements. Il s’en est passé des choses là-bas…Il n’était pas très recommandé de se balader dans les parages…

Il s’arrête un instant puis, comme pour la prendre à témoin, il se retourne brusquement vers la jeune fille qui l’écoute aussi :

- Mais…c’était vraiment une très belle région…si… Elle a le cœur qui bat un peu fort. Ses mains sont glacées. La date…Elle n’ose pas prendre toute la mesure de ce qui est en train de se passer à cet instant. Et il y a ce « si »…suivi d’un silence. Pourquoi hésite-t-il ? Elle voudrait qu’il…non, elle ne sait pas si elle a vraiment envie de le laisser continuer à parler, sans rien lui dire. Mais la conversation est lancée maintenant.

Résumé pages 62.63

Marie continue à interroger l’ancien appelé et la femme aux yeux sombres sur la Guerre d’Algérie. Elle dit son incompréhension devant le silence de sa famille mais aussi de l’école. L’homme évoque « le droit » au silence qu’il considère comme « le seul remède » puis il plonge à nouveau dans ses pensées. Extrait p. 64

L’homme répond avec un calme impressionnant. Il s’exprime dans un français parfait, presque sans accent. Étonnant pour un Arabe ! C’est un homme robuste, trapu, au visage replet, avec des lunettes rondes cerclées de noir derrière lesquelles les yeux semblent tout petits. Toute l’apparence d’un père de famille, tranquille et débonnaire. Assis derrière la petite table qui fait office de bureau, Jean finit de remplir le formulaire. Puis il lève la tête et l’observe. Costume de lainage gris foncé, chemise blanche…Un peu trop d’assurance, se dit-il. Différent des autres. De ceux qui arrivent en grelottant de peur avant même que ça commence. Il n’a pas pu le tutoyer, comme il le fait tout naturellement avec les autres. Il ne peut même pas s’expliquer pourquoi. Il s’en veut un peu pour ça. L’homme debout au milieu de la pièce faiblement éclairée regarde autour de lui. Ils sont seuls. Ils n’ont rien à se dire. Les présentations sont terminées. Les collègues ne sont pas encore descendus. Ils s’occupent des autres. Une charretée de choix, on l’a prévenu. Celui-là est l’un des deux instits. L’intellectuel du groupe. Le lieutenant passe la tête par la porte : On va le garder pour la fin, celui-là. A tout seigneur tout honneur ! Comme ça, il aura peut-être le temps de réfléchir ! Puis il referme la porte.

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Extrait pp 65 à 67

Debout près de la porte, un soldat en tenue léopard, les doigts passés dans son ceinturon, regarde la scène d’un air indifférent. Jean tend la feuille à l’homme silencieux. Il a dessiné un organigramme, une pyramide composée de plusieurs triangles. Des noms sont inscrits et encadrés à l’angle de chaque ligne. Quelques-uns des cadres ne portent aucune mention. Tu sais écrire, toi, l’instit ! Tu n’es pas comme les autres. Bon, d’accord tu as fait grève, mais ça…On te demande pas de parler. Tiens, prends le stylo ! Écris ! Tu vois ? Là…et là ! On sait que tu connais les noms ! Remplis les blancs. C’est tout ce qu’on te demande. Comme ça on pourra pas dire que tu as parlé. Demain matin tu retrouveras tes enfants, tu pourras serrer ta femme dans tes bras. Elle s’appelle comment ta femme ? Tu ne veux pas le dire ? C’est vrai, les Arabes ils aiment pas parler de leur femme. Ca veut pas dire qu’ils les aiment moins que nous autres, hein ? C’est bon, c’est chaud, une p’tite femme dans un lit…à l’heure qu’il est, elle doit pleurer toutes les larmes de son corps, la pauvre…et tes enfants ? Tu penses pas à tes enfants ? Non, bien sûr…tu n’as pas pensé à eux avant, je vois pas pourquoi tu penserais à eux maintenant…et ça veut faire la révolution ! Jean tente de saisir le regard de l’homme qui garde la tête obstinément baissée. Le capitaine se redresse. Il allume une Bastos qu’il tend à l’homme. Tiens, tu fumes ? Ah, pardon ! Monsieur ne fume pas. C’est interdit par les fellagas, c’est vrai, j’avais oublié ! On ne fume pas, on ne boit pas,…je vous le dis…tous des saints ! T’en as vu déjà des hommes au nez coupé et aux lèvres tranchées ? C’est ce qu’ils leur font, tes copains, n’est-ce pas ? Et c’est pas beau à voir…Bon ! Écoute ce que je te propose. On va tous faire un tour à côté et on te laisse seul. Tu auras le temps de réfléchir tranquillement… Au moment où il se lève, un hurlement terrible venu d’une pièce voisine les fait tous tressaillir. D’un air contrarié, le capitaine hausse les épaules. Avant de sortir, il se retourne vers Jean qui s’est levé pour le suivre. Toi, tu restes ici, je vais voir ce qui se passe…L’homme lève enfin la tête et regarde Jean, droit dans les yeux.

Résumé pages 69 à 72 L’homme finit par reprendre la parole et interroge la femme sur son père. Il était instituteur à Boghari et il est mort pendant la guerre. La femme tente alors de le faire parler, de lui faire avouer qu’il a croisé son père dans ce camp spécial. Mais l’homme résiste et le ton monte. Lorsque les interrogatoires des combattants algériens sont évoqués, Marie l’interroge sur la pratique de la torture. Il justifie alors ces pratiques par la situation « On ne pouvait faire autrement ».

Extrait pp 72 à 73 Marie regarde la femme.

- Votre père a… - Il a été torturé. Avec ses compagnons. Pendant une nuit. Une nuit entière. Puis exécuté…de

plusieurs balles. C’est ce qu’on nous a dit. « Abattu alors qu’il essayé de s’enfuir. » Version officielle. Reprise par les journaux de l’époque. C’est ce qu’on appelait la corvée de bois. C’est comme ça qu’on se débarrassait des…

Elle se tourne vers l’homme et le fixe, droit dans les yeux. Elle désigne la jeune fille : - Vous devez savoir ce que c’est, non ? Expliquez- lui ! Ce qu’était la corvée de bois, expliquez lui à

elle qui ne sait rien de cette guerre, elle à qui son grand-père n’a rien raconté d’autre que ses palpitantes parties de pêche en Algérie.

Avant même qu’il réagisse, elle commence sur le ton d’une personne qui raconte une histoire : - Il y avait du bois dans la forêt de Mongorno…à quelques kilomètres de Boghari, pas très loin de la

forêt de Boghar…de belles souches…et comme les hivers étaient très froids, il fallait se chauffer dans les casernes et dans les camps. Le problème est que tous les prisonniers qu’on envoyait chercher du bois ne revenaient pas. Vous savez pourquoi ? Dites-le, vous qui vous souvenez des hivers, là-bas ! A moins que…

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Extrait pp 73 à 74 La jeep vient de démarrer. Au volant, Claude hésite quelques secondes sur le chemin à prendre. Peu importe, toute la zone est sécurisée. Il s’engage sur le premier sentier à droite et peste contre les nombreuses ornières qui secouent le véhicule et ralentissent son avancée. Au-dessus de lui, les feuillages des arbres se rejoignent et forment une voûte transpercée de faisceaux de lumière. C’aurait pu être une belle ballade ! Il se retourne vers son compagnon silencieux. Trop taciturne, Jean ! C’est à peine s’il desserre les lèvres. Depuis quelques jours, il a changé…il s’isole…On dirait qu’il réfléchit un peu trop. Faudra le tenir à l’œil ! D’ici qu’on l’envoie avec des disciplinaires… Il débouche sur une clairière, s’arrête et coupe le contact. Une main sur le volant, il se retourne vers Jean. A toi de jouer maintenant ! Tu descends ? En moins d’un quart d’heure tout est terminé. Jean a déchargé les huit corps qui gisent maintenant sur la terre. Claude lui donne une bourrade amicale sur l’épaule. T’en fais pas, vieux, on les retrouvera demain ! Huit fellagas faits prisonniers, abattus dans la forêt alors qu’ils tentaient de s’enfuir au cours d’une corvée de bois. Une belle prise, non ? Tu pourras même ajouter qu’ils n’ont pas répondu aux sommations…si ça peut te faire du bien…Jean remonte dans la jeep et s’installe sur le siège à côté de lui sans répondre.

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Séance 6 : Dire et partager ses souffrances peut-il permettre une réconciliation des mémoires ? 1h Objectifs :

- S’interroger sur la démarche entreprise par Maïssa Bey à travers l’écriture de cette nouvelle.

- S’interroger sur l’importance de la réconciliation des mémoires pour le vivre ensemble aujourd’hui

- Formuler à l’écrit une réponse à la problématique Supports :

- Excipit : page 75 « Même si tout n’est pas dit » à la fin

- Extrait de la « Question » Henri Alleg, éditions de Minuit, 1958.

- Affiche du film de Laurent Heynemann, « La Question » 1976 tiré du livre d’Alleg.

Lecture de l’excipit page 75 « Même si tout n’est pas dit » à la fin et discussion à l’oral 1) « Elle se dit que rien ne ressemble à ses rêves d’enfants, que les bourreaux ont des visages

d’hommes…des mains d’hommes, parfois même des réactions d’hommes …et rien ne permet de les distinguer. » Que montre cette phrase de l’évolution du personnage de la femme ?

2) Comment interprétez-vous les dernières lignes du livre ? L’aveu de l’homme est-il un acte d’honnêteté envers la femme ou bien un acte de libération pour l’ancien appelé ?

. Lecture Affiche du film de Laurent Heynemann « La Question » et extrait de « La Question » Henri Alleg, éditions de Minuit, 1958.

Militant communiste et anticolonialiste, Henri Alleg est arrêté et torturé par l’armée française en juin 1957. Dans « la question »publié en 1958, il témoigne des sévices qu’il a subis.

1) Pourquoi Henri Alleg ne voulait-il pas parler de la torture en Algérie et pourquoi décide-t-il de témoigner néanmoins ?

Écriture : Comme Henri Alleg en 1958, l’historien Benjamin Stora en 1998 affirme « On ne peut partager l’avenir en niant le passé commun, conflictuel ». Dites en une dizaine de lignes pourquoi Maïssa Bey contribue à travers son récit « Entendez-nous dans les montagnes » à partager ce passé commun conflictuel.

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.

Extrait de la « Question » Henri Alleg, éditions de Minuit, 1958.

« Il y a maintenant plus de trois mois que j’ai été arrêté. J’ai côtoyé, durant ce temps, tant de douleurs et tant d’humiliations que je n’oserais plus encore parler de ces journées et de ces nuits de supplices si je ne savais que cela peut être utile, que faire connaître la vérité c’est aussi une manière d’aider au cessez-le-feu et à la paix. Des nuits entières, durant un mois, j’ai entendu hurler des hommes que l’on torturait, et leurs cris résonnent pour toujours dans ma mémoire. J’ai vu des prisonniers jetés à coup de matraque d’un étage à l’autre et qui, hébétés par la torture et les coups, ne savaient plus que murmurer en arabe les premières paroles d’une ancienne prière. »

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Évaluation finale Type bac

Texte 1

Ali est un vétéran de la 2nd Guerre mondiale, il a notamment participé en 1944 avec l’armée française à la bataille de

Monte Cassino ce qui lui a valu l’obtention de nombreuses médailles. En 1962, suite à l’indépendance, il doit quitter

précipitamment l’Algérie avec sa famille car il est menacé pour avoir donné des informations à l’armée française

pendant la guerre d’indépendance. Il obtient un emploi dans une usine automobile à Flers en Normandie où il

s’installe avec sa famille.

Un dimanche matin gris et terne de l’année 67, une de ces journées d’hiver normand qui paraît s’étirer

d’octobre à avril, alors que les enfants font leurs devoirs à la table du salon, Ali quitte le canapé et marche

jusqu’au grand meuble qui occupe tout un mur de la pièce […] Dans la partie basse, à gauche, il y a le tiroir

qui contient les médailles d’Ali, « les sept kilos de ferraille » qu’il a apportés d’Algérie avec lui.

Ce jour-là, sans un mot, il se lève du canapé dans lequel il regarde la télé, va jusqu’à l’armoire, sort le

tiroir du meuble, et disparaît dans la cuisine. Hamid, Kader, Dalila et Claude l’entendent ouvrir un placard,

en tirer la grosse poubelle puis leur parvient le bruit des médailles qui glissent depuis le fond du tiroir et

tombent en tas sur les épluchures, un « ploc » assourdi et gluant.

Ali revient dans le salon, remet le tiroir vide en place et retourne s’asseoir sur le canapé. Il n’a pas dit un

mot. Les enfants continuent à faire leur devoir, sans rien oser demander.

- C’était peut-être un appel à l’aide, dira Hamid plus tard.

- C’était un geste de rébellion, dira Dalila.

- C’est dommage, dira Kader.

- Je n’ai aucun souvenir de cette scène, dira Claude. Tu es sûre qu’elle a eu lieu ?

Mais sur le moment, ils se taisent.

Ils parlent de moins en moins à leurs parents, de toute manière. La langue crée un éloignement

progressif. L’arabe est resté pour eux un langage d’enfant qui ne couvre que les réalités de l’enfance. Ce

qu’ils vivent aujourd’hui, c’est le français qui le nomme, c’est le français qui lui donne forme, il n’y a pas de

traduction possible. Alors, quand ils s’adressent à leurs parents, ils savent qu’ils s’amputent de toute une

maturité nouvelle et qu’ils redeviennent des gamins de Kabylie. Il n’y a pas de place dans les

conversations, entre l’arabe qui pour eux s’efface dans le temps et le français qui résiste à leurs parents,

pour les adultes qu’ils sont en train de devenir.

Ali et Yema regardent l’arabe devenir langue étrangère pour leurs enfants, ils entendent les mots qui

échappent de plus en plus, les approximations qui se multiplient, le français qui vient truffer la surface des

paroles. Ils voient l’écart qui se creuse et ils ne disent rien, à part – peut-être – de temps en temps, parce

qu’il faut dire quelque chose :

- C’est bien mon fils.

Alice Zeniter, L’Art de perdre, Éditions Flammarion, 2017.

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Texte 2

« Née pendant la colonisation, j’ai appris le français à l’école. Mais le français est aussi ma langue

paternelle. Mon père était l’un des rares instituteurs arabes à le maîtriser parfaitement. Il est mort en 1957

sous la torture, j’avais 6 ans, mais il a eu le temps de m’apprendre à lire et à écrire en français avant même

que j’aille à l’école. Il m’a transmis cela comme quelque chose de très précieux, car, pour lui, la langue

permettait d’aller vers l’autre, de le comprendre. La langue française est donc celle que j’ai reçue en

héritage, une langue legs. C’est grâce à elle que j’ai eu accès au monde, à la culture. Après la période

coloniale, j’aurais pu me tourner vers la langue arabe ou du moins m’y intéresser, mais j’ai appris l’arabe

classique sur le tard. À la maison, nous parlions l’arabe algérien, qui est présent dans mes écrits, dans

mes personnages. Je les entends, je les appréhende dans la langue populaire algérienne. Mon rapport à la

langue française est un rapport d’amour. Je n’ai aucun complexe à écrire et à m’exprimer en français.

L’essentiel est de pouvoir dire ce que j’ai à dire, ce que je ressens, mes colères et mes révoltes. Il n’y a pas

de différence entre l’intime et l’écrit. »

Maïssa Bey in Jeune Afrique, 5 février 2007

Texte 3

Leïla Sebbar est née d’un père algérien et d’une mère française, elle a vécu son enfance en Algérie. A la mort de son

père, elle tente de retrouver qui il était, lui qui ne lui a jamais rien transmis de ses origines et de sa culture algérienne.

Mon père ne savait pas ce que j’apprends aujourd’hui, longtemps après, ou le savait-il et il n’en disait

rien, il parlait peu. Peut-être la langue étrangère l’a-t-elle séparé des mots qu’il aurait choisis pour nous,

ses enfants. A sa femme, il parle dans la langue de la France, sa langue à elle, je les entends depuis la

véranda, derrière la fenêtre au verre granuleux, opaque, de la salle d’eau. Ils peuvent tout se dire, ils se

disent tout, c’est ce que je pense alors. […] Elle est sa femme et sa langue est sa langue, lorsqu’il parle

avec elle. Mais les enfants, ses enfants, nés sur sa terre à lui, de son corps infidèle, il a rompu la lignée,

ses enfants nés dans la langue de leur mère, il les aime, la mère de ses enfants et sa langue, il a lu des

livres à la bougie après le travail pour la maison de sa jeune mère, veuve, il récite des vers, appris par

cœur, mieux que les français de son pays qui n’aiment pas l’étude. Dans sa langue, il aurait dit tout ce qu’il

ne dit pas dans la langue étrangère, il aurait parlé à ses enfants de ce qu’il tait, il aurait raconté ce qu’il n’a

pas raconté, non pas de sa vie à lui, un père ne parle pas de sa propre vie à ses enfants, il respecte la

pudeur, l’honneur, la dignité, et eux aussi, il le sait, ils le savent, non, de sa vie il n’aurait pas parlé, mais

les histoires de la vieille ville marine, les légendes, les anecdotes du petit homme rusé qui se moque des

puissants et ça fait rire les faibles, les pauvres, il aurait raconté les ancêtres, le quartier, vérité et

mensonge, il aurait rit ave ses enfants dans sa langue et ils auraient appris les mots de gorges, les sons

roulés, répétés, articulés encore et encore, maître d’école dans sa maison, ensemble ils auraient

déchiffrés, récités, inscrit sur l’ardoise noire des lettres qu’ils ne savent pas tracés. Ses enfants auraient ri

comme les enfants de sa rue, comme eux ils auraient parlé et crié.

Mais il n’a pas parlé la langue de sa mère avec son fils, ses filles, et il ne sait pas comment faire.

Maintenant. Il se tait.

Leïla Sebbar, Je ne parle pas la langue de mon père, Éditions Julliard, 2003.

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Compétences de lecture (10 points)

Présentation du corpus

Question n°1 : Présentez le corpus, en trois à six lignes, en montrant son unité et ses différences. (3

points)

Analyse et interprétation

Question n°2 :

Texte 1

Comment l’auteur met-il en avant la distance entre les enfants et les parents ? Quelle place tient la langue

dans cet éloignement ? Justifier en vous appuyant sur le texte.

Question n°3 :

Textes 2 et 3

De quelle manière chaque auteur vit-elle sa relation avec le père. Quelle place la langue prend-t-elle

dans cette relation ? Expliquez. (4 points)

Compétences d’écriture (10 points)

Selon vous la langue maternelle ou paternelle est-elle toujours nécessaire à la construction de l’identité ?

Vous répondrez à cette question, dans un développement argumenté d’une quarantaine de lignes, en vous

appuyant sur les textes du corpus, sur vos lectures de l’année et sur vos connaissances personnelles.