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GASTROENTÉROLOGIE ET COLOPROCTOLOGIE 91 POST’U (2016) Ascite non cirrhotique ; Laurent Alric (u) Service de Médecine Interne-Pôle Digestif CHU Purpan, Toulouse E-mail : [email protected] Objectifs pédagogiques – Connaître les étiologies de l’ascite non cirrhotique – Stratégie diagnostique – Connaître les stratégies thérapeu- tiques L’ascite est un épanchement libre dans la cavité péritonéale qui est dans la majorité des cas liée à une cirrhose dont le diagnostic est aisé. Cependant, la présence d’une cirrhose n’est pas une condition exclusive et une ascite peut apparaître dans d’autres situa- tions pathologiques dont le diagnostic et la stratégie thérapeutique sont moins bien codifiés. On peut distinguer 2 types d’ascite non cirrhotique, celle liée à une atteinte du péritoine lui- même (infection, carcinose, ou sérite) qui est à différencier de celle sans atteinte péritonéale mais secondaire à une hypertension portale non cirrho- tique qui regroupe des pathologies essentiellement vasculaires ou lym- phatiques (Tableau I). Stratégie diagnostique L’examen clinique avec augmentation du périmètre abdominal et matité des flancs est présente pour une ascite de plus de 1 litre alors que pour des ascites de plus faible volume, c’est en général l’échographie qui permettra le dia- gnostic. Les ascites liées à une cirrhose ne sont pas abordées dans ce texte. Pour les ascites non cirrhotiques, le contexte de survenue comme une tuberculose ou une connectivite déjà connue donne un élément d’orienta- tion. La présence de signes généraux comme une fièvre ou un syndrome inflammatoire biologique peuvent orienter le clinicien vers certaines étio- logies néoplasiques ou infectieuses. Un examen radiologique de base par échographie ou le plus souvent par un scanner permet de visualiser le péri- toine, les organes digestifs, les veines sus-hépatiques et la veine porte. Les coupes thoraciques permettent de rechercher une atteinte extra-digestive comme une tuberculose ou une sarcoïdose. La ponction d’ascite quelle qu’en soit la méthode (ponction à l’aveugle ou bien écho-guidée) est l’élément clef permettant une orientation diagnos- tique. L’aspect macroscopique est à prendre en compte puisqu’en général l’ascite est de couleur jaune pâle alors qu’un aspect laiteux orientera vers une ascite chyleuse riche en triglycérides ou en chylomicrons. Une ascite spon- tanément hémorragique est suspecte d’être carcinomateuse (Tableau II). Le péritoine est une barrière qui va réguler les échanges en fonction de la pression hydrostatique et de la pression oncotique des protéines. La composition du liquide d’ascite est donc fonction de la pression veineuse dans le territoire portal mais égale- ment lymphatique ainsi que par la capacité de sécrétion ou de résorption du tissu péritonéal lui-même [ 1]. L’analyse du liquide d’ascite donne ainsi une orientation générale et des pistes étiologiques qui sont résumées dans le Tableau II. Analyse biochimique du liquide d’ascite Il faut obligatoirement déterminer la concentration en protéines du liquide d’ascite qui est mise en perspective avec la concentration en albumine du sérum, permettant de définir le gra- dient protéique sérum-ascite [2]. On considère qu’une ascite est pauvre en protides pour des valeurs inférieures à 25 g/L qui historiquement permet- taient de différencier les transsudats des exsudats. Le gradient albumine sérique-albu- mine dans l’ascite est plus discrimi- nant et on considère que lorsque ce gradient est > 11 g/L, il s’agit dans la majorité des cas d’une ascite secon- daire à une hypertension portale et plus rarement à une dénutrition pro- téique sévère. À l’inverse lorsque ce

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POST’U (2016)

Ascite non cirrhotique; Laurent Alric(u) Service de Médecine Interne-Pôle Digestif CHU Purpan, Toulouse

E-mail : [email protected]

Objectifs pédagogiques

– Connaître les étiologies de l’ascitenon cirrhotique

– Stratégie diagnostique– Connaître les stratégies thérapeu-

tiques

L’ascite est un épanchement libre dansla cavité péritonéale qui est dans lamajorité des cas liée à une cirrhosedont le diagnostic est aisé. Cependant,la présence d’une cirrhose n’est pasune condition exclusive et une ascitepeut apparaître dans d’autres situa-tions pathologiques dont le diagnosticet la stratégie thérapeutique sontmoins bien codifiés. On peut distinguer2 types d’ascite non cirrhotique, celleliée à une atteinte du péritoine lui-même (infection, carcinose, ou sérite)qui est à différencier de celle sansatteinte péritonéale mais secondaire àune hypertension portale non cirrho-tique qui regroupe des pathologiesessentiellement vasculaires ou lym-phatiques (Tableau I).

Stratégie diagnostique

L’examen clinique avec augmentationdu périmètre abdominal et matité desflancs est présente pour une ascite deplus de 1 litre alors que pour des ascitesde plus faible volume, c’est en générall’échographie qui permettra le dia-gnostic. Les ascites liées à une cirrhosene sont pas abordées dans ce texte.Pour les ascites non cirrhotiques, lecontexte de survenue comme unetuberculose ou une connectivite déjàconnue donne un élément d’orienta-tion. La présence de signes générauxcomme une fièvre ou un syndromeinflammatoire biologique peuventorienter le clinicien vers certaines étio-logies néoplasiques ou infectieuses.

Un examen radiologique de base paréchographie ou le plus souvent par unscanner permet de visualiser le péri-toine, les organes digestifs, les veinessus-hépatiques et la veine porte. Lescoupes thoraciques permettent derechercher une atteinte extra-digestivecomme une tuberculose ou unesarcoïdose.

La ponction d’ascite quelle qu’en soitla méthode (ponction à l’aveugle oubien écho-guidée) est l’élément clefpermettant une orientation diagnos-tique. L’aspect macroscopique est àprendre en compte puisqu’en générall’ascite est de couleur jaune pâle alorsqu’un aspect laiteux orientera vers uneascite chyleuse riche en triglycéridesou en chylomicrons. Une ascite spon-tanément hémorragique est suspected’être carcinomateuse (Tableau II).

Le péritoine est une barrière quiva réguler les échanges en fonction dela pression hydrostatique et de lapression oncotique des protéines. Lacomposition du liquide d’ascite estdonc fonction de la pression veineusedans le territoire portal mais égale-ment lymphatique ainsi que par lacapacité de sécrétion ou de résorptiondu tissu péritonéal lui-même [1].L’analyse du liquide d’ascite donneainsi une orientation générale et despistes étiologiques qui sont résuméesdans le Tableau II.

Analyse biochimique du liquided’ascite

Il faut obligatoirement déterminer laconcentration en protéines du liquided’ascite qui est mise en perspectiveavec la concentration en albumine dusérum, permettant de définir le gra-dient protéique sérum-ascite [2]. Onconsidère qu’une ascite est pauvre enprotides pour des valeurs inférieuresà 25 g/L qui historiquement permet-taient de différencier les transsudatsdes exsudats.

Le gradient albumine sérique-albu-mine dans l’ascite est plus discrimi-nant et on considère que lorsque cegradient est > 11 g/L, il s’agit dans lamajorité des cas d’une ascite secon-daire à une hypertension portale etplus rarement à une dénutrition pro-téique sévère. À l’inverse lorsque ce

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gradient est < 11 g/L une hypertensionportale est peu probable et il s’agitdans la majorité des cas d’une tuber-culose, d’une carcinose ou d’une autrecause [2-4].

Des analyses biochimiques complé-mentaires [1, 2] sont utiles dans cer-taines situations (Tableau II). En casd’ascite d’aspect laiteux, l’élévation dutaux des triglycérides dans le liquidepermet de confirmer le caractère chyleuxde l’ascite. L’augmentation dans l’as-cite du taux de cholestérol avec un seuilde 1,8 mmol/l ou des LDH par rapport

à la concentration sérique est fré-quente en cas de néoplasie avec unesensibilité de 90 % mais avec une mau-vaise spécificité [4]. Le dosage de l’adé-nosine désaminase [5], lorsque sontaux est élevé (> 21 à 30 UI/L) dans leliquide d’ascite, est un élément d’orien-tation vers une tuberculose périto-néale [5]. La sensibilité de ce marqueurserait de 90 à 100 % avec une spécificitéde 80 à 97 %. Cependant, en cas de cir-rhose, la sensibilité de l’augmentationde l’adénosine désaminase n’est quede 30 % [6]. De manière anecdotique,une forte augmentation du taux

d’amylase dans l’ascite peut orientervers une fistule pancréatique. L’analysede marqueurs tumoraux comme leCA125 ou le CA19-9 dans l’asciten’ont pas une sensibilité ou de spéci-ficité suffisante pour pouvoir êtrerecommandée.

Analyse cytologiqueet microbiologique de l’ascite

L’analyse cytologique du liquided’ascite doit être systématique en casd’ascite non cirrhotique. La ponctiondoit être de volume suffisant pour pou-voir permettre une analyse immuno-histochimique d’éventuelles cellulescarcinomateuses. Une ascite lympho-cytaire est un élément d’orientationvers une hémopathie lymphoïde ouune tuberculose alors qu’une asciteriche en polynucléaires neutrophilesest en faveur d’une infection périto-néale bactérienne avec un seuil de250 polynucléaires neutrophiles/mm3

[7]. L’étude immuno-histochimiquepermet de caractériser les cellules car-cinomateuses en n’hésitant pas à mul-tiplier les ponctions d’ascite en cas deprélèvement initial négatif. L’analysecytologique à la recherche de cellulescarcinomateuses a une sensibilité quiest variable de 50 % à 97 % en fonctiondes équipes [7]. Une cœlioscopie dia-gnostique avec biopsies péritonéalesn’est réalisée qu’en deuxième inten-tion si le diagnostic reste incertain.Le liquide d’ascite est envoyé pour ana-lyse microbiologique et culture aulaboratoire de bactériologie, mycobac-tériologie et éventuellement en para-sitologie-mycologie chez les patientsimmunodéprimés.

Tableau I. Maladies associée à l’ascite non cirrhotiqueOrigine de l’ascite Maladie causale

HépatiqueCirrhose

Thrombose veines sus-hépatiqueThrombose porte

Cancer hépatique diffus

Cardiaque Insuffisance cardiaquePéricardite constrictive

Rénale Syndrome néphrotique

MaligneCarcinose péritonéale

MésothéliomeLymphome

Infectieuse

TuberculosePéritonite bactérienne à pyogène

Infection à chlamydiaMaladie de WhippleInfection fungique

Infection parasitaire

Connectivite et maladie systémique

Lupus systémiqueSyndrome des anti-phospholipides

Maladie de GougerotAmylose

Sarcoïdose

Autres

Ascite chyleuseAscite pancréatique

Ascite biliaireSyndrome de Demong MeigHyperstimulation ovarienne

Hypothyroïdie

Tableau II. Caractéristiques de l’ascite en fonctions des maladies associées

CirrhoseInsuffisance

cardiaquecongestive

Cancer Tuberculose Infection Pancréatique

Aspect Jaune paille Jaune clair Laiteux ou sanglant Laiteux ou normal Trouble Laiteux/ troubleProtéines < 25 g/L < 25 g/L ≥ 25 g/L ≥ 25 g/L ≥ 25 g/L ≥ 25 g/LGradient ≥ 11 g/L ≥11 g/L < 11 g/L < 11 g/L < 11 g/L < 11 g/LLDH ↓ ↓ ou N ↓ ↑ ou N ↑ ou N ↑ ou NGlucose N N ↓ ↓ ↓ ↓

Amylase N N ↑ ou N N N ↑

Adénosinedésaminase N N ↓ ou N ↑ N N

Cytologie GB < 250 < 250 Cellulesnéoplasiques

≥ 250lymphocytes

≥ 250PNN < 250

Culturebactérienne – – – + ou – + –

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Étiologie des ascitesnon cirrhotiques

Gradient albumine sérum-ascitebas < 11 g/L

Carcinose péritonéale

Même si le gradient sérum-ascite estbas, il s’agit dans la majorité des casd’une ascite riche en protéines > 25 g/L.En cas d’ascite maligne, la physio-pathologie de l’ascite est multifacto-rielle avec une augmentation de laperméabilité vasculaire et une obstruc-tion du drainage lymphatique [7]. Cetteaugmentation de la perméabilité capil-laire est favorisée par certaines cyto-kines comme le VEGF. Les cancers lesplus fréquemment observés sont gyné-cologiques et en particulier ovarienmais également colorectal ou pancréa-tique [10]. À la différence des cancerssolides, les ascites lymphomateusessont plus rares. Une tumeur primitivepéritonéale comme le mésothéliomeest exceptionnelle avec une rentabilitédiagnostique de la ponction d’ascitequi est moins bonne (< 40 %) que celledes carcinoses péritonéales sur cancersolide. Le scanner oriente le diagnostic(Fig. 1). L’augmentation de la méso-théline dans le liquide d’ascite a unesensibilité de 67 % et ne remplace pasl’analyse anatomopathologique. En casde suspicion de mésothéliome, il fautavoir recours à la chirurgie cœliosco-pique pour réaliser des biopsies périto-néales permettant un diagnostic decertitude [11]. La possibilité d’uneexceptionnelle maladie gélatineuse dupéritoine est évoquée devant uneascite récidivante riche en mucine avec

une tumeur le plus souvent appendi-culaire ou ovarienne [7].

Tuberculose péritonéale

Il s’agit d’un liquide riche en lympho-cytes et avec un taux de protéine dansl’ascite > 25 g et un gradient albuminesérum-ascite est < 11 g/L. Le diagnosticest évoqué sur le contexte clinique etépidémiologique : un contact ou unséjour en zone d’endémie tuberculeuseassocié à une altération de l’état géné-ral. Seulement 38 % des patients ontune tuberculose pulmonaire [8]. L’IDRou le quantiféron ne sont positifs quedans 50 % à 80 % des cas [8, 9]. Le dia-gnostic est confirmé par la recherche àl’examen direct, en culture et par PCRde la mycobactérie. À l’examen direct,la mycobactérie est mise en évidencedans moins de 6 % des cas alors que laculture n’est positive que chez 20 à35 % des malades [8, 9]. Le diagnosticpar PCR a l’avantage de pouvoir êtreréalisé sur un volume faible avec unrésultat plus rapide mais là-aussi avecune sensibilité insuffisante de 60 à80 %. La valeur prédictive de la positi-vité du Quantiféron dans le liquided’ascite pourrait être intéressante maisreste non validée [6]. En cas de négati-vité des examens microbiologiquesavec une forte suspicion clinique, lediagnostic est fait par un abord chirur-gical cœlioscopique mettant en évi-dence sur le péritoine les granulomesavec nécrose caséeuse dont la sensibi-lité est excellente > 95 % [8, 9].

Bloc sus-hépatique

Que ce soit le syndrome de Budd-chiari par obstruction des veines sus

hépatiques (Fig. 2) ou par insuffisancecardiaque droite, l’ascite est en généralriche en protides. Le syndrome deBudd-chiari doit faire réaliser un biland’une thrombophilie constitutionnelleou acquise. Une ascite liée à une insuf-fisance cardiaque droite peut survenirau cours d’une cardiopathie aiguë ouchronique et doit faire éliminer unepéricardite constrictive ou une emboliepulmonaire massive. Les explorationsradiologiques des veines sus hépa-tiques et cardiologiques par cathété-risme droit permettent de confirmer lediagnostic.

Ascite chyleuse

Il s’agit d’une ascite riche en triglycé-rides avec une concentration dansl’ascite > 2 g/L. Elle est suspectée parl’aspect macroscopique blanchâtre oulaiteux du liquide d’ascite riche en pro-tides [4]. La première cause est liée à untraumatisme chirurgical du canal lym-phatique, en particulier en chirurgieurologique ou vasculaire abdominale[12]. Plus rarement, il s’agit d’uneatteinte ganglionnaire d’un lymphomeet exceptionnellement d’une maladiecongénitale par dysplasie des canauxlymphatiques ou par une infectionparasitaire à filaires après un séjour enzone d’endémie.

Maladie dysimminutaire

Les connectivites peuvent s’associer àune ascite qui est en général riche enprotides et secondaire à une sérite parvascularite péritonéale en particulierpour le lupus systémique [4]. Uneconnectivite est à différencier d’uneatteinte péritonéale d’un syndromehyper éosinophilique ou le taux d’éosi-nophiles sanguins est très élevé avec uneascite également riche en éosinophiles.

Figure 1. Mésothéliomeavec infiltration tissulaire sur la coupe

axiale (flèche) – la reconstructioncoronale montre un foie

non dysmorphique (collection Pr Otal,Radiologie CHU Rangueil Toulouse)

Figure 2. Foie de contours réguliersavec un macro-nodule d’hyperplasie

nodulaire régénérative(collection Pr Otal,

Radiologie CHU Rangueil Toulouse)

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En cas de syndrome néphrotique aucours d’un lupus ou d’une amylose,l’ascite s’intègre dans une anasarqueliée à une hypoalbuminémie majeureavec protéinurie élevée.

Gradient albumine sérum-asciteélevé > 11 g/L

Il s’agit le plus souvent d’une maladievasculaire du foie avec une hyperten-sion portale non cirrhotique [13]. Demultiples maladies vasculaires du foiesont associées à une hypertension por-tale non liée à la cirrhose (Tableau III).En effet chez le patient cirrhotique, legradient porto-sus hépatique > 5 mm/Hg est lié à l’augmentation de la résis-tance sinusoïdale alors que dansl’hypertension portale non cirrhotique,le gradient porto sus-hépatique est leplus souvent normal ou très modéré-ment élevé avec une pression dans laveine porte qui est normale. L’hyper-tension portale non cirrhotique inclutdes maladies vasculaires diversesdont la classification dépend du siègede l’augmentation des résistances

vasculaires qui peut être sinusoïdale,pré-sinusoïdale ou plus rarement post-sinusoïdale (Tableau III). L’imagerie parscanner peut donner un élémentd’orientation en précisant le caractèrehomogène ou nodulaire du foie (Fig. 2)et la perméabilité des veines sus hépa-tiques ou du tronc porte (Fig. 3). Le dia-gnostic d’hypertension portale noncirrhotique repose sur les critères deSchouten et al. [14] associant les pointssuivants : splénomégalie et hyper-splénisme, varices œsophagiennes,ascite, augmentation du gradientporto-sus-hépatique, circulation colla-térale, exclusion de la cirrhose sur labiopsie hépatique, exclusion des autrescauses de maladie hépatique (viralestéato-hépatite,hépatite auto-immune,hémochromatose, maladie de Wilsonou cirrhose biliaire primitive), exclu-sion des autres causes d’hypertensionportale non cirrhotique (fibrose hépa-tique congénitale, la sarcoïdose ou labilharziose), perméabilité des veinessus hépatiques et de la veine portepar imagerie de type écho-doppler ouscanner.

Les causes d’hypertension portale noncirrhotique en fonction de la localisa-tion du bloc pré-sinusoïdal, sinusoïdalou post-sinusoïdal sont résuméesdans le tableau 3. Les complicationsde l’hypertension portale non cirrho-tique sont dominées par les hémorra-gies digestives par rupture de varicesalors que l’ascite n’est présente quedans 10 à 34 % des cas [13-14]. Le dia-gnostic est porté par l’étude hémody-namique et surtout par la biopsiehépatique. Le diagnostic anatomopa-thologique est souvent difficile etnécessite un prélèvement de taillesuffisante [15]. Le dialogue avec l’ana-tomopathologiste est très importantet permet de préciser l’atteinte vas-culaire et la présence éventuelle d’unehyperplasie nodulaire régénérativeavec transformation nodulaire duparenchyme hépatique en l’absencede fibrose extensive péri-nodulaire(Fig. 4). Dans certains cas, le diagnosticde la cause de l’hypertension portalenon cirrhotique peut être très difficileou révéler une pathologie inattendue(Fig. 5).

Sinusoïdal

Fibrose sinusoïdaleHépatite alcoolique

Médicaments(méthotrexate, amiodarone)

Toxiques(chlorure vinyl, cuivre)

Métabolique(NASH, maladie de gaucher)

Infectieux(hépatite virale, VIH fièvre Q,

CMV, syphilis secondaire)

Collapsus inusoïdalMaladies inflammatoires aiguës

Thrombophilie

Infiltration sinusoïdaleMastocytose

Dysmyélopoièse hépatiqueMaladie de gaucher

Amylose

Compression sinusoïdaleAmylose

Leishmaniose

Post­sinusoïdal

Maladie veino­occlusiveIrradiation hépatique

Toxiques – Alcaloïdes pyrrolizidiniqueMédicaments :

Gemtuzumab, ozogamicine, actinomycin D,dacarbazine, cytosine,

arabinoside, mithramycine,6-thioguanine, azathioprine,

busulfan plus cyclophosphamide

Sclérose des veines hépatiquesIrradiation

RadiothérapieHypervitaminose A

Envahissement malinHémangio-endothéliome épithélioïde

Thrombose maligneAngiosarcome

ThromboseBudd Chiari

Thrombose caveThrombophilie

Hépatite granulomateuseSarcoïdose

MycobactériesDéficits immunitaires

Tableau III. Causes de l’hypertension portale non cirrhotique

Pré­sinusoïdal

Anomalies congénitalesPolykystoseRendu Osler

Fistule artérielleFibrose hépatique congénitale

Maladies biliairesCholangite sclérosante

Cholangiopathie auto-immuneToxiques – chlorure de vinyle

Occlusion néoplasique de la veine porteLymphome

Hémangio-endothéliome épithélioïdeCancer

Leucémie lymphoïde chronique

Lésions granulomateusesSchistosomiase,

Sarcoïdose

AutresSclérose hépatoportale,

PélioseHyperplasie nodulaire régénérativeHypertension portale idiopathique

Thrombophilie

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Prise en chargethérapeutique

Le traitement de l’ascite non cirrho-tique dépend du contexte étiologique.Les diurétiques lorsqu’ils sont utilisésseuls sans traitement de la maladiecausale sont en général peu efficaces.En cas de carcinose péritonéale, le trai-tement est le plus souvent chimiothé-rapique avec ou sans chimiothérapiehyperthermique intra péritonéale. Denouvelles stratégies thérapeutiquesutilisant l’immunothérapie sont main-

tenant disponibles en cancérologie etdoivent être intégrées dans la stratégiethérapeutique. C’est le cas du catu-maxomab qui est un anticorps mono-clonal hybride de rat/souris dirigéspécifiquement contre la moléculed’adhésion cellulaire épithéliale(EpCAM) et l’antigène CD3. L’antigèneEpCAM est surexprimé dans la plupartdes carcinomes. Le CD3 est exprimé surles lymphocytes T matures au sein durécepteur du lymphocyte T. Le Catu-maxomab induit une réaction immu-nologique concertée contre les cellulestumorales, faisant intervenir différentsmécanismes d’action tels que l’activa-tion des lymphocytes T, la cytotoxicitéà médiation cellulaire dépendant desanticorps ou du complément et la pha-gocytose. Ceci aboutit à la destructiondes cellules tumorales [16]. L’utilisationdu catumaxomab est indiquée pour letraitement intrapéritonéal de l’ascitemaligne chez les patients atteints decarcinomes EpCAM-positifs lorsque letraitement standard n’est pas dis-ponible ou lorsque celui-ci n’est plusutilisable. Les résultats des essais dephase II/III, en particulier dans les car-cinoses péritonéales au cours des can-cers de l’estomac ou ovariens, ont

démontré une efficacité statistique-ment significative sur la durée de sur-vie sans ponction, qui était quatre foissupérieure à celle du groupe témoin[16, 17]. L’administration du catumaxo-mab est réalisée en quatre perfusionsintrapéritonéales. La balance bénéfice/risque de ce traitement reste discutée.La combinaison d’une immunothéra-pie par catumaxomab avec la chirurgieou la chimiothérapie systémiquenécessite d’être évaluée [18].En cas d’ascite tuberculeuse, un traite-ment de 6 mois est nécessaire en débu-tant par une quadrithérapie de 2 mois.Il faudra vérifier la sensibilité phéno-typique de la souche en culture à l’iso-niazide. Pour éviter, une fibrose périto-néale secondaire, une corticothérapiede quelques semaines est introduitedans les tuberculoses pulmonairesflorides [9].Au cours du syndrome de Budd-chiari,le traitement anticoagulant ou dufacteur de thrombophilie associé estnécessaire et peut être complété par lamise en place d’un shunt porto sushépatique par voie Trans jugulaire [19].Le traitement du foie cardiaque sera leplus souvent médical sauf en cas depéricardite constrictive où il serachirurgical.Les ascites chyleuses nécessitent lamise en place de mesures nutrition-nelles avec l’utilisation de triglycéridesà chaîne moyenne et hyper protidiquealors qu’une reprise chirurgicale estproposée en cas d’ascite chyleusepost-opératoire. Un traitement parSomatostatine a montré une certaineefficacité pour des ascites chyleusespost-opératoires [12].Dans le cas de l’hypertension portalenon cirrhotique, la prise en charge estplus difficile avec le traitement de lacause lorsqu’elle a été identifiée.En par-ticulier l’arrêt du médicament s’il s’agitd’une toxicité médicamenteuse ou letraitement de la connectivite parexemplesontindispensables.Lamiseenplaced’unshuntportosushépatiqueparvoietransjugulaireencasd’asciteréfrac-taire aux diurétiques a une efficacitéinconstante avec peu de cas publiés [13].

Conclusion

Le diagnostic de la cause d’une ascitenon cirrhotique nécessite une approcheglobale du patient en raison de la mul-tiplicité des pathologies potentiellement

Figure 3. Syndrome de Budd Chiari à la phase aiguë – foie congestif, augmentéde volume. Les 3 veines sus-hépatiques sont thrombosées simultanément.

Sur la reconstruction coronale, on ne visualise que les veines moyenne et gauche(collection Pr Otal, Radiologie CHU Rangueil Toulouse)

Réticuline Trichrome de Masson

Figure 4. Hyperplasie nodulaire régénérative avec une fibrose portale faible,des images focales de fibrose des veines centro lodulaire et une nodulation

hépatocytaire (collection Pr Selves, anatomopathologie CHU Toulouse)

Figure 5. Coupe anatomopathologiqued’une hépatite granulomateuse

révélant une sarcoïdose

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responsables. L’analyse du contexte desurvenue et du liquide de ponction per-met dans la majorité des cas d’orienterle diagnostic. L’ascite dans ce cadre làn’est qu’un symptôme et le traitementde la maladie causale est indispen-sable.

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55Les Cinq points fortsRechercher une maladie générale associée en particulier unetuberculose ou une néoplasie.Faire une ponction et demander une analyse complète du liquided’ascite (cytologie et biochimie puis bactériologie voire parasitologie).Évaluer le gradient d’albumine sérum­ascite qui oriente vers l’étiologie.Documenter une éventuelle atteinte péritonéale par un examentomodensitométrique.Rechercher une hypertension portale non cirrhotique sur les critèresde Schouten.

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GIE

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Questions à choix unique

Question 1

Au cours de la tuberculose péritonéale

❏ A. La majorité des patients a aussi une localisation pulmonaire❏ B. Le gradient d’albumine sérum-ascite est < 11 g/L❏ C. L’examen direct est positif dans plus de 50 % des cas❏ D. Une concentration basse d’adénosine désaminase dans l’ascite est caractéristique❏ E. Une IDR négative exclut le diagnostic

Question 2

Chez un patient ayant une carcinose péritonéale

❏ A. L’analyse cytologique de l’ascite est très sensible pour le diagnostic de mésothéliome❏ B. L’ascite est pauvre en protéine❏ C. Le taux de cholestérol dans l’ascite est le plus souvent bas❏ D. Le dosage des marqueurs tumoraux dans l’ascite a une excellente sensibilité et spécificité❏ E. La chimiothérapie est le traitement de référence

Question 3

Dans l’hypertension portale non cirrhotique

❏ A. Il est inutile de vérifier la perméabilité des veines sus-hépatiques❏ B. Le gradient porto sus-hépatique est le plus souvent très élevé❏ C. Une cause médicamenteuse est exceptionnelle❏ D. La biopsie hépatique par voie trans jugulaire avec prise de pression est utile❏ E. Une complication par une ascite est plus fréquente qu’une hémorragie

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Notes