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© MASSON Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 5, 559-562 559 A. MILLOGO et coll. Mémoire Syndrome de Guillain-Barré chez les patients infectés par le VIH à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) A. Millogo, A. Sawadogo, D. Lankoandé, A.B. Sawadogo Service de Médecine Interne, Centre Hospitalier National Souro Sanou, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso. Reçu le 07/06/2002 ; Reçu en 1 re révision le 04/04/2003 ; Reçu en 2 e révision le 04/04/2003 ; Accepté le 12/06/2003. RÉSUMÉ Les neuropathies périphériques sont des manifestations fréquentes au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Parmi elles, le syndrome de Guillain-Barré (SGB) survient habituellement au cours des stades précoces de l’infection par le VIH. Nous rapportons ici une étude prospective portant sur 5 ans et 32 cas de SGB diagnostiqués dans le service de médecine interne de l’hôpital de Bobo-Dioulasso. L’originalité de cette série tient à la fréquence de l’étiologie VIH dans cette population de Guillain-Barré dans un service où la prévalence de l’infection par le VIH est estimée à 20,1 p. 100. La sérologie VIH était positive dans 27 cas sur 32, 25 cas de sérologie VIH1 positive et 2 cas de co-infection par le VIH1 et le VIH2. La prédominance masculine était nette 87,5 p. 100 des cas. Dans 65,7 p. 100 des cas, la maladie s’était installée pendant la saison sèche. Un syndrome infectieux était retrouvé dans les antécédents de 84,4 p. 100 des patients. Cliniquement, le tableau clinique comprenait sys- tématiquement une paraparésie flasque ascendante, associée à des troubles sphinctériens transitoires exclusivement retrouvés chez les patients séropositifs. Une atteinte des nerfs crâniens n’a été retrouvée que dans 3 cas. Une poussée hypertensive (4 cas), une hypotension orthostatique (3 cas) et une crise sudorale (2 cas) n’ont été retrouvées que chez les patients infectés par le VIH. La dissociation albumino- cytologique du LCR était présente chez 75 p. 100 de l’ensemble des patients et chez 66 p. 100 des patients séropositifs. Le nombre de lymphocytes CD4 calculé chez 18 patients était inférieur à 200/mm 3 chez 10 d’entre eux (moyenne de 180/mm 3 ). La marche a pu être reprise au bout de 30,6 jours en moyenne chez les patients VIH négatifs et de 51,1 jours chez les patients VIH positifs. Le SGB semble donc plus fréquent et plus sévère chez les patients infectés par le VIH et sa survenue devrait imposer la pratique systématique d’un test de dépistage du VIH. Guillain-Barré syndrome in HIV-infected patients at Bobo-Dioulasso Hospital (Burkina Faso). A. Millogo, A. Sawadogo, D. Lankoandé, A.B. Sawadogo, Rev Neurol (Paris) 2004; 160: 5, 559-562. SUMMARY Neurological manifestations of human immunodeficiency virus (HIV) infection are frequent and several associated peripheral neuro- pathies have been recognized. Among them, Guillain-Barré syndrome (GBS) may occur either early or during the course of the illness. We present a prospective study of 32 consecutive cases of GBS managed over a 5-year period at Bobo-Dioulasso Hospital where HIV preva- lence reaches 20.1p.cent. Male gender predominated (24/32). GBS occurred during the dry season for 65.7p.cent of the patients. Prior infections were found in 84.4p.cent. The motor deficit was paraplegia or tetraplegia. Clinically, paraplegia was associated with transient urinary sphincteric involvement in 24 HIV-infected patients and 3 HIV negative patients. Facial nerve paralysis was found in 3 patients. Among the 32 patients with GBS, 27 were tested positive for HIV. Two patients were infected by HIV1 and HIV2. Cerebrospinal fluid examination showed albumin-cell dissociation and elevated albumin level in 75p.cent of the samples. Autonomic neuropathies were seen in 9 HIV-infected patients. The CD4 counts were above 200/mm 3 in 10 among 18 HIV-infected patients. The clinical presentations were more severe in HIV-positive patients with a longer duration of symptoms. HIV-infected patients walked unaided within 51.1 days of peak paralysis. No fatal event occurred. This study indicates clearly that GBS in young adults is strongly associated with HIV infection and should be considered as an indicator of HIV infection in Black Africans. In the tropical context GBS should lead to HIV screening. Tirés à part : A. MILLOGO, Service de Médecine Interne, Centre Hospitalier National Souro Sanou, Bobo-Dioulasso, BP 854, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso. E-mail : [email protected]

Syndrome de Guillain-Barré chez les patients infectés par le VIH à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)

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Page 1: Syndrome de Guillain-Barré chez les patients infectés par le VIH à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)

© MASSON Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 5, 559-562 559

A. MILLOGO et coll.

Mémoire

Syndrome de Guillain-Barré chez les patients infectés par le VIH à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)A. Millogo, A. Sawadogo, D. Lankoandé, A.B. SawadogoService de Médecine Interne, Centre Hospitalier National Souro Sanou, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso.Reçu le 07/06/2002 ; Reçu en 1re révision le 04/04/2003 ; Reçu en 2e révision le 04/04/2003 ; Accepté le 12/06/2003.

RÉSUMÉLes neuropathies périphériques sont des manifestations fréquentes au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine

(VIH). Parmi elles, le syndrome de Guillain-Barré (SGB) survient habituellement au cours des stades précoces de l’infection par le VIH.Nous rapportons ici une étude prospective portant sur 5 ans et 32 cas de SGB diagnostiqués dans le service de médecine interne del’hôpital de Bobo-Dioulasso. L’originalité de cette série tient à la fréquence de l’étiologie VIH dans cette population de Guillain-Barré dansun service où la prévalence de l’infection par le VIH est estimée à 20,1 p. 100.

La sérologie VIH était positive dans 27 cas sur 32, 25 cas de sérologie VIH1 positive et 2 cas de co-infection par le VIH1 et le VIH2. Laprédominance masculine était nette 87,5 p. 100 des cas. Dans 65,7 p. 100 des cas, la maladie s’était installée pendant la saison sèche.Un syndrome infectieux était retrouvé dans les antécédents de 84,4 p. 100 des patients. Cliniquement, le tableau clinique comprenait sys-tématiquement une paraparésie flasque ascendante, associée à des troubles sphinctériens transitoires exclusivement retrouvés chez lespatients séropositifs. Une atteinte des nerfs crâniens n’a été retrouvée que dans 3 cas. Une poussée hypertensive (4 cas), une hypotensionorthostatique (3 cas) et une crise sudorale (2 cas) n’ont été retrouvées que chez les patients infectés par le VIH. La dissociation albumino-cytologique du LCR était présente chez 75 p. 100 de l’ensemble des patients et chez 66 p. 100 des patients séropositifs. Le nombre delymphocytes CD4 calculé chez 18 patients était inférieur à 200/mm3 chez 10 d’entre eux (moyenne de 180/mm3). La marche a pu êtrereprise au bout de 30,6 jours en moyenne chez les patients VIH négatifs et de 51,1 jours chez les patients VIH positifs.

Le SGB semble donc plus fréquent et plus sévère chez les patients infectés par le VIH et sa survenue devrait imposer la pratiquesystématique d’un test de dépistage du VIH.

Guillain-Barré syndrome in HIV-infected patients at Bobo-Dioulasso Hospital (Burkina Faso).A. Millogo, A. Sawadogo, D. Lankoandé, A.B. Sawadogo, Rev Neurol (Paris) 2004; 160: 5, 559-562.

SUMMARYNeurological manifestations of human immunodeficiency virus (HIV) infection are frequent and several associated peripheral neuro-

pathies have been recognized. Among them, Guillain-Barré syndrome (GBS) may occur either early or during the course of the illness. Wepresent a prospective study of 32 consecutive cases of GBS managed over a 5-year period at Bobo-Dioulasso Hospital where HIV preva-lence reaches 20.1p.cent. Male gender predominated (24/32). GBS occurred during the dry season for 65.7p.cent of the patients. Priorinfections were found in 84.4p.cent. The motor deficit was paraplegia or tetraplegia. Clinically, paraplegia was associated with transienturinary sphincteric involvement in 24 HIV-infected patients and 3 HIV negative patients. Facial nerve paralysis was found in 3 patients.Among the 32 patients with GBS, 27 were tested positive for HIV. Two patients were infected by HIV1 and HIV2. Cerebrospinal fluidexamination showed albumin-cell dissociation and elevated albumin level in 75p.cent of the samples. Autonomic neuropathies were seenin 9 HIV-infected patients. The CD4 counts were above 200/mm3 in 10 among 18 HIV-infected patients. The clinical presentations weremore severe in HIV-positive patients with a longer duration of symptoms. HIV-infected patients walked unaided within 51.1 days of peakparalysis. No fatal event occurred.

This study indicates clearly that GBS in young adults is strongly associated with HIV infection and should be considered as an indicatorof HIV infection in Black Africans. In the tropical context GBS should lead to HIV screening.

Tirés à part : A. MILLOGO, Service de Médecine Interne, Centre Hospitalier National Souro Sanou, Bobo-Dioulasso, BP 854, Bobo-Dioulasso,Burkina Faso. E-mail : [email protected]

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A. MILLOGO et coll.

INTRODUCTION

L’atteinte du système nerveux périphérique revêt desmanifestations variables au cours des différents stades del’immunodéficience progressive liée à l’infection par leVIH (Katlama, 2001 ; Said et al., 1991). Le syndrome deGuillain-Barré (SGB), neuropathie démyélinisante inflam-matoire aiguë, semble essentiellement se rencontrer dansles stades précoces de l’infection par le VIH (Bahemuka,1988 ; Chinyanga et Danha, 1992 ; Dalakas et Cupler,1996 ; Geny et al., 1996 ; Howlett et al., 1996 ; Thorntonet al., 1991 ; Verma, 2001). Sa gravité réside dans le risquepotentiel d’atteinte bulbaire ou respiratoire. Au BurkinaFaso, la prévalence de l’infection par le VIH, en constanteprogression depuis le premier cas dépisté en 1986, est esti-mée à 20,1 p. 100 dans le service de Médecine Interne deBobo-Dioulasso (Millogo et al., 1999).

L’objectif de cette étude était de décrire les aspects clini-ques, biologiques et évolutifs du SGB selon le statut VIHchez des patients hospitalisés dans le Service de médecineinterne de Bobo-Dioulasso.

PATIENTS ET MÉTHODES

Une étude prospective a été réalisée du 1er janvier 1996au 31 décembre 2000 dans le service de Médecine Internedu Centre hospitalier Sanou Souro de Bobo-Dioulasso. Lesmalades adultes (hommes et femmes) ont été inclus dansl’étude de façon consécutive.

Le service de Médecine Interne du Centre hospitalierde Bobo-Dioulasso comporte 61 lits. Sur la période del’étude, 8 522 malades ont été admis dont 453 pour destroubles neurologiques. Le diagnostic de SGB a étéretenu sur les critères d’Asbury et Cornblath (1990).Aucun des patients ne connaissait son statut sérologiqueau moment de l’hospitalisation et le test VIH avait étépratiqué systématiquement chez tous les patients. Lanumération des lymphocytes CD4 n’a donc été réalisée quechez un faible nombre de patients, en raison de son coût(10,98 Euros). Les recherches bactériologique et virologi-que n’ont pas été possibles faute de matériels appropriés.La biopsie nerveuse périphérique et l’électromyographien’ont pu être pratiqués. Suite à l’hospitalisation, les patientsont été suivis en consultation externe pendant 6 mois.

RÉSULTATS

Pendant la période concernée, sur les 453 malades admisdans le service de Médecine Interne pour des troubles neu-rologiques, 32 cas de SGB ont été diagnostiqués. L’échan-tillon était exclusivement constitué de noirs africains.Soixante-quinze pour cent des patients avaient entre 15 et40 ans [15-65 ans]. L’âge moyen était de 37,6 ans. Vingt-trois patients étaient de sexe masculin et 9 de sexe fémininsoit un sex-ratio de 2,5. La maladie s’était installée entre les

mois d’octobre et mai pour 65,7 p. 100 des cas, et entre juinet septembre pour 34,3 p. 100 des cas (Fig. 1).

Manifestations cliniques

Un syndrome infectieux a été trouvé dans les antécédentsde 84,4 p. 100 des malades à type de fièvre et/ou d’infec-tion des voies respiratoires supérieures survenues dans les10 jours précédant l’installation du déficit moteur. Des épi-sodes de candidoses buccales récidivantes et/ou de zona ontété signalés par ailleurs chez 24 patients. Aucun patientn’était fébrile au moment de son hospitalisation. Lespatients ont été admis pendant la phase d’installation dudéficit moteur dans 8 cas avec alors une durée moyenned’installation de 12,5 jours ou pendant la phase en plateaudans 24 cas avec alors une durée moyenne d’installation de21,8 jours. Le tableau clinique était alors une neuropathiesensitivo-motrice aiguë. Les douleurs et/ou les paresthésiesà type de fourmillement ont été trouvées chez 81,2 p. 100des patients et prédominaient aux membres inférieurs. Lestroubles sensitifs profonds à type de trouble du sens deposition des segments de membres ont été mis en évidencechez 12 patients. Les troubles moteurs, à prédominanceproximale et d’allure ascendante, étaient constants, limitésaux membres inférieurs dans 27 cas et atteignant les4 membres chez 5 malades. Les réflexes ostéo-tendineuxétaient abolis aux 4 membres dans tous les cas. Une diplé-gie faciale a été retrouvée chez 3 patients. L’atteinte desmuscles respiratoires est survenue chez 6 patients tous séro-positifs, mais n’a pas nécessité de transfert en soins inten-sifs. Des troubles sphinctériens transitoires à type dedysurie avec retard à la miction et faiblesse du jet urinaire(18 cas) ou de rétention d’urines (6 cas) régressifs en10 jours en moyenne ont été retrouvés chez tous les patientsinfectés par le VIH ayant des antécédents de zona ou decandidose. Des manifestations spontanément résolutivesà type de poussée hypertensive (4 cas), d’hypotensionorthostatique (3 cas) et de crise sudorale (2 cas) ont été

Fig. 1. – Répartition saisonnière des cas.Seasonal distribution of the cases.

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5

10

15

20

VIH+ VIH-

octobre-mai

juin-septembre

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© MASSON Mémoire • Syndrome de Guillain-Barré chez les patients infectés par le VIH à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) 561

A. MILLOGO et coll.

trouvées chez 9 patients séropositifs. Aucune manifestationcentrale n’a été objectivée.

Signes biologiques

Sur les 32 patients, 27 avaient une sérologie positive pourle VIH1 et 5 avaient une sérologie VIH négative. Il existait2 cas de co-infection VIH1-VIH2. L’étude cytologique etchimique du LCR montrait une dissociation albumino-cytologique chez 75 p. 100 des patients VIH positifs avecune albuminorachie variant entre 0,6 et 2,1 g/l et un nombrede cellules compris entre 1 et 10/mm3. Chez les patients VIHpositifs, le nombre moyen de cellules dans le LCR était de20 mm3 et l’albuminorachie de 1,80 g/l (Tableau I).

Le LCR était normal chez 4 patients, tous séronégatifs.La numération des lymphocytes CD4 réalisée chez 18 despatients infectés par le VIH montrait un nombre de lympho-cytes CD4 inférieur à 200/mm3 dans 10 cas. Les sérologiesdu cytomégalovirus (CMV) et du Campylobacter jejunin’ont pas pu être réalisées. L’électromyogramme n’a pasété réalisé, par manque de matériel dans notre structure. Letraitement a consisté en une rééducation fonctionnelle pré-coce associée à une vitaminothérapie B1, B6, B12 et à laprévention des complications de décubitus.

Évolution

L’évolution a été évaluée uniquement sur des critères cli-niques et notamment sur la récupération fonctionnelle.Chez l’ensemble des patients, le séjour hospitalier oscillaitentre 15 et 48 jours avec une durée moyenne de 31,5 jours.La récupération fonctionnelle permettant une autonomie demarche était de 51,2 jours en moyenne pour les patientsVIH positifs et de 30,6 jours chez les patients VIH négatifs(Tableau I). Aucune complication à type de phlébite oud’embolie pulmonaire n’a été retrouvée. Aucun décès n’aété rapporté en cours d’hospitalisation.

DISCUSSION

L’incidence hospitalière du SGB est relativement moinsimportante dans cette série comparée à celles de Bahemuka(1988) au Kenya (incidence annuelle de 6,75 nouveaux cas/an), de Howlett et al. en Tanzanie (7,37cas/an) (1996) et deChinyanga et Danha (1992) au Zimbabwe (8 cas/an). Elleest toutefois plus élevée que celle de Beale et Miller (1985)en Afrique du Sud dans une unité de soins intensifs (6,28cas/an).

Le sexe masculin semble plus fréquemment atteint (Benya-hmed et al., 2000 ; Feki et al., 2002). Il s’agit dans 75 p. 100des cas de sujets jeunes et cette répartition semble correspon-dre à celle de l’infection par le VIH dans la population géné-rale au Burkina Faso (Anonyme, 1999). Dans cette sériecomme dans d’autres (Lyu et al., 1997 ; Boucquey et al.,1991), une prédominance saisonnière est souvent trouvée. Les

signes de début sont classiques, généralement marqués par desparesthésies et/ou une faiblesse des membres inférieurs. Lestroubles sphinctériens transitoires sont relativement peu fré-quents au cours du SGB en Afrique (Bahemuka, 1988 ;Howlett et al., 1996). Classiquement, ils se rencontrentdans les variantes du SGB (Asbury et Cornblath, 1990). Ladiplégie faciale, habituellement fréquente (Benyahmed etal., 2000 ; Feki et al., 2002 ; Said et al., 1991) n’a étéretrouvée que chez 3 patients. Le SGB était associé àl’infection par le VIH dans 30,5 p. 100 des cas en Tanzanie(Howlett et al., 1996) et dans 55 p. 100 des cas au Zimba-bwé où il semblait constituer un stade précoce de l’infec-tion par le VIH (Thornton et al., 1991). Dans cette étude,84,4 p. 100 des patients examinés étaient infectés par leVIH. Parmi eux, 8 avaient un nombre de CD4 comprisentre 200 et 400/mm3 et 10 avaient des CD4 inférieurs à200/mm3. Ces résultats montrent que le SGB peut survenirà tous les stades de l’infection par le VIH, (Howlett et al,1996 ; Said et al, 1991 ; Thornton et al., 1991) y comprisau cours des stades d’immunodépression avancée. Cettesurvenue tardive dans l’évolution de la maladie VIH pour-rait être expliquée par la difficulté d’accès aux soins, auxmédicaments anti-rétroviraux et par la malnutrition impor-tante qui prévalent dans la population africaine touchée parle VIH. La dissociation albumino-cytologique, présentechez 75 p. 100 des patients de cette étude, est habituelle-ment retenue comme un des critères importants de diagnos-tic du SGB.

Aucun des patients n’a nécessité une prise en charge enréanimation. Les désordres cardio-respiratoires, qui condi-tionnent très souvent le pronostic et imposent le transfert enréanimation, sont en fait observés dans des proportionsvariables dans les grandes séries (Benyahmed et al., 2000 ;

Tableau I. – Caractéristiques comparées du syndrome de Guillain-Barré selon le statut VIH.Comparative characteristics of Guillain-Barré syn-drome by HIV Status.

PatientsVIH positifs

(n = 27)

PatientsVIH négatifs

(n = 5)

Sexe 21 hommes

6femmes

2hommes

3femmes

Âge moyen (années) 30,8 44,4Atteinte respiratoire 4 2Troubles dysautonomiques

9 0

Troubles sphinctériens 18 6Délai moyende récupération motrice (jours)

51,1 30,6

Nombre moyende cellules/mm3

de LCR

20 8

Concentration moyenne en albumine du LCR (g/l)

1,8 0,8

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A. MILLOGO et coll.

Feki et al., 2002). Des manifestations dysautonomiquespeuvent également s’observer au cours du SGB du patientinfecté par le VIH (Said et al, 1991), comme cela a été lecas dans cette série chez 9 patients.

L’évolution a été marquée par une résolution du déficitmoteur dans un délai variable. Chez les séropositifs, le délaimoyen de la récupération motrice était significativementplus long que chez les séronégatifs. Les agents pathogènesles plus souvent incriminés sont le CMV (Jacobs et al.,1998 ; Meier et al., 1996 ; Miller et al., 1996) et le Campy-lobacter jejuni (Boucquey et al., 1991 ; Jacobs et al., 1998 ;Lastovica et al., 1997 ; Orlikowski et al., 2002). Plus récem-ment, le virus du West Nile (Ahmed et al, 2000) et le Chla-mydia pneumoniae (Coste et al., 2002 ; Jacobs et al., 1998)ont été cités comme pouvant être responsables de SGB.Pour ce qui est du VIH, il semble directement incriminédans la survenue des neuropathies associées à cette infection(Petratos et Gonzales, 2000). L’atteinte du système nerveuxpériphérique chez les patients infectés par le VIH est eneffet associée à une synthèse intrathécale d’anticorps anti-sulfatide en relation avec les affections démyélinisantesinduites par le VIH (De Gasperi et al, 1996). L’associationde Campylobacter jejuni avec le SGB semble favoriser unehospitalisation avec utilisation de la ventilation artificielle(Lastovica et al., 1997). Dans cette série, le seul traitementqui était disponible, le traitement symptomatique, a été uti-lisé et aucun recours aux moyens de réanimation n’a éténécessaire. Les immunoglobulines et les échanges plasmati-ques qui ont fait la preuve de leur efficacité (Radzwill et al.,2002) ne sont pas encore disponibles dans nos structures.

Cette étude montre que le SGB peut survenir, voire êtreplus fréquent dans les stades avancés de l’infection par leVIH et qu’il est alors marqué par une évolution cliniqueplus longue. La survenue d’un SGB chez un patient jeunedoit donc faire pratiquer une sérologie de l’infection par leVIH, le SGB dans notre expérience étant souvent révélateurd’une infection par le VIH.

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