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Article original Troubles non spécifiques du langage chez lenfant Non-specific language disorders in children C.-L. Gérard Centre de référence pour les troubles du langage et des apprentissages de lenfant, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France Reçu le 4 juillet 2005 ; accepté le 10 janvier 2006 Résumé Les troubles non spécifiques du langage ne touchent pas intrinsèquement la capacité reconnue comme innée à manipuler les codes linguisti- ques. Ils ont cependant une importance pour le psychiatre soucieux denvisager lensemble des troubles pouvant mettre en cause ladaptation de lindividu en développement. La description de ces troubles, qui touchent le langage oral mais aussi le langage écrit, peut amener à discuter la perspective nosographique utilisée actuellement dans les systèmes de classification internationaux. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Non-specific language disorders do not impair innate capacity to manipulate linguistic codes. They are important for psychiatric practice, which attempts to improve adaptation of the individual in development. More precise descriptions of these disorders can modify perspectives of classification of oral and written language developmental disorders. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Troubles du langage ; Enfant ; Neuropsychologie ; Dysphasie ; Dyslexie Keywords: Language disorders; Child; Neuropsychology; Specific language impairment; Dyslexia On entendra ici par troubles non spécifiques du langage, les troubles qui touchent de manière significative le développe- ment et lutilisation du code linguistique, dans ses modalités orales ou écrites, alors que lon ne peut pas mettre en cause datteinte primaire, structurelle, de la compétence pour mani- puler ces codes. Une telle énonciation recèle des présupposés : sur la manière de concevoir le développement du langage avec la référence aux termes de structure et de compétence ; sur la manière de classer les troubles du développement et dutiliser le concept de « spécificité ». Il convient dexpliciter ces présupposés neuropsychologi- ques et nosographiques avant de développer la description des catégories cliniques que lon peut regrouper sous ce terme qui rappelle le sigle NOS (not otherwise specified) utilisé par le DSM pour les troubles envahissants du développement [1]. Le développement des aspects cliniques abordera séparé- ment les troubles non spécifiques du langage oral et les trou- bles du développement du langage écrit. Cette mise au point a pour but de compléter les références actuellement offertes par une recherche « clinique » dont lap- proche corrélative tend à homogénéiser les populations détu- des à partir de critères dexclusion trop souvent plus explicites que les critères dinclusion. Cest dailleurs un des grands reproches faits aux promo- teurs de lutilisation du terme « troubles spécifiques », qui ne semblent pas en état de pouvoir dire ce que lon fait des autres troubles, les « non-spécifiques »... Ce qui est particulièrement http://france.elsevier.com/direct/NEUADO/ Neuropsychiatrie de lenfance et de ladolescence 54 (2006) 5461 Adresse e-mail : [email protected] (C.-L. Gérard). 0222-9617/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurenf.2006.01.003

Troubles non spécifiques du langage chez l'enfant

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http://france.elsevier.com/direct/NEUADO/

Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 54 (2006) 54–61

Article original

Adre

0222-96doi:10.1

Troubles non spécifiques du langage chez l’enfant

Non-specific language disorders in children

C.-L. Gérard

Centre de référence pour les troubles du langage et des apprentissages de l’enfant, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France

Reçu le 4 juillet 2005 ; accepté le 10 janvier 2006

Résumé

Les troubles non spécifiques du langage ne touchent pas intrinsèquement la capacité reconnue comme innée à manipuler les codes linguisti-ques. Ils ont cependant une importance pour le psychiatre soucieux d’envisager l’ensemble des troubles pouvant mettre en cause l’adaptation del’individu en développement. La description de ces troubles, qui touchent le langage oral mais aussi le langage écrit, peut amener à discuter laperspective nosographique utilisée actuellement dans les systèmes de classification internationaux.© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Non-specific language disorders do not impair innate capacity to manipulate linguistic codes. They are important for psychiatric practice,which attempts to improve adaptation of the individual in development. More precise descriptions of these disorders can modify perspectivesof classification of oral and written language developmental disorders.© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Troubles du langage ; Enfant ; Neuropsychologie ; Dysphasie ; Dyslexie

Keywords: Language disorders; Child; Neuropsychology; Specific language impairment; Dyslexia

On entendra ici par troubles non spécifiques du langage, lestroubles qui touchent de manière significative le développe-ment et l’utilisation du code linguistique, dans ses modalitésorales ou écrites, alors que l’on ne peut pas mettre en caused’atteinte primaire, structurelle, de la compétence pour mani-puler ces codes.

Une telle énonciation recèle des présupposés :

● sur la manière de concevoir le développement du langageavec la référence aux termes de structure et de compétence ;

● sur la manière de classer les troubles du développement etd’utiliser le concept de « spécificité ».

sse e-mail : [email protected] (C.-L. Gérard).

17/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.016/j.neurenf.2006.01.003

Il convient d’expliciter ces présupposés neuropsychologi-ques et nosographiques avant de développer la descriptiondes catégories cliniques que l’on peut regrouper sous ce termequi rappelle le sigle NOS (not otherwise specified) utilisé par leDSM pour les troubles envahissants du développement [1].

Le développement des aspects cliniques abordera séparé-ment les troubles non spécifiques du langage oral et les trou-bles du développement du langage écrit.

Cette mise au point a pour but de compléter les référencesactuellement offertes par une recherche « clinique » dont l’ap-proche corrélative tend à homogénéiser les populations d’étu-des à partir de critères d’exclusion trop souvent plus explicitesque les critères d’inclusion.

C’est d’ailleurs un des grands reproches faits aux promo-teurs de l’utilisation du terme « troubles spécifiques », qui nesemblent pas en état de pouvoir dire ce que l’on fait des autrestroubles, les « non-spécifiques »... Ce qui est particulièrement

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critique pour le psychiatre d’enfant qui sait que le trouble dulangage est une manière commune d’exprimer les perturbationsdu développement [2].

1. Présupposés neuropsychologiques

La neuropsychologie [3] propose un corpus de référencespour la description et l’étude des troubles du développement,même si son implication ne s’est pas toujours faite sans ambi-guïté ni abus.

L’un des abus fréquemment relevés a été le plaquage d’unesémiologie lésionnelle valable chez l’adulte cérébrolésé sur lapathologie pédiatrique du développement, c’est-à-dire concer-nant des enfants pour lesquels, à l’évidence, le développementn’avait pas été altéré par un évènement lésionnel.

Mais la neuropsychologie en ce qui concerne les troubles dudéveloppement de l’enfant semble avoir pu s’imposer par rap-port à la psychologie ou la psycholinguistique :

● en permettant de dépasser le mode uniquement descriptifavec lequel on se contentait, par exemple pour les troublesdu langage oral, dans les années 1960 d’opposer dévianceset retards ;

● en donnant une significativité adaptative à certains des trou-bles du langage [4] : par eux-mêmes certains troubles dulangage représentent un risque adaptatif, non pas parcequ’ils s’écartent seulement du schéma normal, mais parcequ’ils mettent en cause l’interface entre l’enfant dans saconstitution et son environnement éducatif.

Les troubles du développement du langage oral et écrit onttrouvé des références surtout dans le cadre de la neuropsycho-logie cognitive. On cherchait à décrire des troubles qui met-taient en cause structure ou compétence langagière [5] : struc-ture et compétence étaient des productions conceptuellesnaturelles de cette discipline.

L’un des principes à la base de cette neuropsychologie co-gnitive est la reconnaissance dans le fonctionnement intellec-tuel de modules de fonctionnement autonomes. Ces modulespeuvent être atteints de manière distincte par une pathologiefocale. La structure modulaire du fonctionnement du langageoral et du langage écrit a pu être ainsi décrite avec les aphasieset alexies. Chez l’adulte mature, l’organisation modulaire peutêtre décrite par la comparaison des cas où des composantesdifférentes de cette structure sont atteintes par une lésion céré-brale. L’outil permettant cette « dissection fonctionnelle » estla méthode des dissociations. Chez l’enfant, la « compétence »est l’organisation préétablie avant la naissance qui permet demettre en marche avec la stimulation les modules.

La compétence linguistique pressentie par des linguistescomme Chomsky [6] avant l’application réelle au développe-ment de la neuropsychologie cognitive permettait de supposerque, pour se développer, le langage, qui n’est pas appris, doitpouvoir compter sur un organe qui « fait de la règle » à partirde l’expérience de communication.

Si pour certains spécialistes des troubles du développementde l’enfant, comme Temple [7], cette référence à la neuropsy-chologie cognitive peut paraître comme évidente, pour d’au-tres, comme Bishop [8], et en particulier pour la pathologiedu développement du langage oral, cette référence théoriquen’est pas aussi évidente.

Pour Bishop, une approche athéorique de la « spécificité »suffit à occuper une recherche clinique maintenant traditionnel-lement fondée sur l’approche corrélative des phénomènes tou-chant tant au comportement qu’à ses corrélats cognitifs.

Dans une telle « neuropsychologie », le développement estdécrit avec des modèles assez grossiers et son analyse colle à lapartition fonctionnelle d’une neuropsychologie descriptivemais surtout quantitative.

En étant un peu extrême, la réalité de la fonction devientcelle du test. Une grande partie de la recherche clinique ac-tuelle portant sur les troubles du développement écrit commeoral obéit cependant à ce type de référence, et paradoxalementles modèles du fonctionnement intrinsèque du langage n’y sontpas pris en compte : on fait alors de la neuropsychologie del’enfant… sans neuropsychologie.

La définition de la spécificité repose alors souvent sur ladifférence quantitative que montre l’enfant dans ses performan-ces dans le domaine du langage par rapport à son fonctionne-ment intellectuel général : c’est ainsi que sont habituellementdéfinis les troubles spécifiques du développement du langageoral ou SLI (specific language impairment) [9].

Alors que cette « neuropsychologie » veut se démarquer dela neuropsychologie cognitive, elle lui emprunte de façon trèsapproximative le paradigme de la dissociation fonctionnellepour postuler que des troubles définis à partir d’une dissocia-tion quantitative seront de facto spécifiques.

Un certain nombre d’auteurs [10] commencent à remettre enquestion la pertinence de cette méthode diagnostique pour lediagnostic d’entités cohérentes.

D’une manière générale, on peut reprocher à ce type de« neuropsychologie » de ne pas avoir suffisamment de référen-ces théoriques pour expliquer le développement. La descriptionde performances dans des domaines arbitrairement délimités nepermettant pas réellement de lier l’observation de la fonctionen développement avec l’évolution des structures neurologi-ques, et surtout de repérer la part de l’environnement dans ledéveloppement du langage et de ses troubles.

Nous pensons cependant que la neuropsychologie cognitiveet la neuropsychologie du développement ont des intérêts com-muns. La neuropsychologie cognitive recèle implicitement unprogramme pour la pathologie de l’enfant dans la nécessitéqu’a la théorie modulaire de trouver des bases structurelles àses modules qui sont présupposés être innés.

Et cette approche trouve des points de convergence avec laneurobiologie qui essaie de lier développement et adaptationpar une meilleure connaissance des interfaces entre structuresneurales et expérience éducative [11].

De ce point de vue, la neuropsychologie de l’enfant a am-plement joué son rôle ces dernières années en validant les hy-

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pothèses concernant le caractère inné de structures permettantle traitement « spécifique » du langage.

Les preuves de l’innéité des bases structurelles du fonction-nement du langage ne permettent pas de comprendre ce queveut dire apprendre ou acquérir les codes linguistiques et doncce qui pourra caractériser les enfants pour lesquels l’expositioncommune à la stimulation langagière (dans le cas de l’oral) ouà l’apprentissage explicite (dans le cas de l’écrit) ne suffit pas.

Il faut pouvoir imaginer une démarche clinique qui permettede rattacher certains regroupements symptomatiques et certai-nes dynamiques d’acquisition langagières aux modèles dufonctionnement du code et à leurs corrélats biologiques.

On a un exemple d’une théorisation de cette démarche pourles troubles du langage écrit avec Frith [12] qui rétablit unecohérence entre l’approche biologique des troubles dyslexi-ques, l’approche fonctionnelle liée à l’utilisation des modèlesdes voies de lecture et l’approche comportementale cliniquequi examine le rôle de l’environnement dans la manière d’arri-ver à la performance.

On en a un autre exemple de spéculations autorisant cettedémarche avec Hauser, et al. [13] pour le langage oral, où ondépasse les fonctionnements modulaires pour en revenir à unevision de la « faculté de langage » pour réexaminer ce que c’estqu’acquérir le langage et ce qui est vraiment spécifique à l’hu-main dans cette tâche.

L’adaptation de ce modèle (Fig. 1) nous a permis [4] deprévoir différentes possibilités « spécifiques » et non « spécifi-ques » de ne pas parvenir à la maîtrise de la modalité orale.

La modélisation neuropsychologique permet donc non seu-lement de prévoir les obstacles structurels à l’expression de lacompétence linguistique, mais aussi les conséquences desinteractions entre cette compétence et l’expérience éducative.

Cette vision dynamique, qui colle bien avec celle tout aussidynamique de la neurobiologie moderne du développement,prévoit donc une place pour les troubles « non spécifiques »,c’est-à-dire ceux qui ne touchent pas forcément la structure etla compétence langagière.

La neuropsychologie a des propositions pour redéfinirconceptuellement les troubles du développement. Quelle estla situation actuelle de ces troubles dans les classifications ?

Fig. 1. La faculté de langage, adaptation du modèle d’après Hauser et al.

2. Présupposés nosographiques

Les troubles du développement appartiennent aux troublesmentaux comme en témoignent leur position dans les sectionsconsacrées aux troubles mentaux débutant dans l’enfance desclassifications DSM III R et ICD 10 [14].

Ces classifications reconnaissaient effectivement des caté-gories « troubles spécifiques du développement du langageoral » et « troubles spécifiques d’acquisition du langage écrit ».

La référence au développement et aux troubles spécifiquesn’existe cependant plus dans le DSM–IV.

Que traduit ce glissement sémantique qui nous semble pour-tant important, puisque si on le suit, il n’y a plus que des trou-bles non spécifiques… ?

Pour le comprendre, il faut se souvenir que la mise en va-leur de la notion de trouble des apprentissages dans les années1960–1970 [15] a été le fait essentiellement de la psychologiede l’éducation et que celle-ci s’est faite en parallèle au déve-loppement d’une conception plus médicale des troubles spéci-fiques du développement du langage avec les dysphasies ou lesdyslexies.

Pour les psychologues de l’éducation, la référence au déve-loppement cérébral n’était que métaphorique, la « spécificité »provenait en réalité des profils psychométriques qui pouvaientcaractériser des troubles d’apprentissage distincts et qui pou-vaient donner droit en toute logique et de façon évaluable àdes programmes de remédiation, dans les domaines fonction-nels déficitaires. Cette référence aux troubles des apprentissa-ges a donc abouti à la création et à la justification d’une mé-thode d’évaluation et de prise en charge très pragmatique desdifficultés d’accès aux cursus éducatifs dits réguliers : elle avalorisé scientifiquement une pratique d’éducation spéciale.

Pour les auteurs appartenant au second mouvement, souventneurologues, il s’agissait, avec des troubles tels que dysphasiesou dyslexies non pas d’isoler des « profils » mais de définir desentités pouvant avoir à leur origine des particularités structurel-les [16]. Cela a d’ailleurs donné lieu aux théories des anoma-lies des dominances en ce qui concerne les substrats neurolo-giques des dyslexies [17].

Entre ces deux voies (psychologique et neurologique) s’estconstituée depuis une troisième voie, celle d’une psychiatriequi se voulait plus scientifique. Celle-ci repose sur des appro-ches corrélatives des comportements et la recherche d’un déter-minisme biologique dont l’intérêt semble être renouvelé par lagénétique moléculaire et l’imagerie fonctionnelle. On a vu ain-si apparaître une vision « spectrale » des troubles des acquisi-tions, remplaçant la recherche d’entités distinctes à l’intérieurdes troubles spécifiques du développement :

● la référence aux fonctions cérébrales traditionnelles devenaitmoins importante que l’étude de processus plus faciles àquantifier, troubles de l’attention, troubles de discriminationtemporelle pour donner deux exemples de troubles proces-suels, qui pour les premiers semblent importants pour lestroubles d’acquisition de l’écrit et pour les seconds pourles troubles d’acquisition du langage oral ;

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Fig. 2. Classification des troubles du langage oral.

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● chaque « syndrome » déficit d’acquisition pouvait s’associeraux autres et pouvait se différencier par des déficits de « per-formance » représentant ces processus.

Il n’y a donc plus de trouble spécifique du langage, mais desdéficits d’acquisition de la langue orale expressifs ou réceptifs,des coordinations, de l’attention… qui peuvent parfois d’ail-leurs s’associer comme le propose Gillberg [18] avec sonDAMP (« deficit in attention, motor control, and perception »)

La pertinence de ce type de classification se mesure non pasà l’échelon individuel, mais au niveau des populations regrou-pées pour faire la preuve corrélative. À l’échelon individuel, onconserve le mode d’approche de la psychologie de l’éducation ;les enfants faisant l’objet de comorbidité pouvant bénéficier deplusieurs programmes ; cette position « ouverte » du faitqu’elle permet de ne rien laisser passer en termes de déficitétant considérée, suivant ce point de vue, comme un bénéficepour l’enfant.

On voit dans cette position nosographique, qui semble doncavoir prévalu dans le DSM IV une alliance entre un pragma-tisme scientifique et un pragmatisme remédiatif :

● l’abandon de la référence à la spécificité développementale,permet d’éviter pour faciliter l’inclusion dans les études cli-niques les subtilités d’une approche médicale, jugée tropcomplexe ;

● l’abandon de critères d’exclusion trop absolus satisfait aussiun certain nombre de groupes de pression associatifs. Pourdes raisons de spécificité, certains enfants étaient exclus dessoins remédiatifs si on suivait les critères anciens.

Dans une telle conception, la seule spécificité qui englobeles troubles reconnus du langage est remédiative.

En d’autres termes, une anomalie du langage est reconnuecomme un trouble du langage, si elle justifie une démarcheremédiative.

Notre vision de la rééducation, héritée d’une tradition cli-nique de la rééducation sémiologique neurologique telle qu’il-lustrée par Blanche Ducarne de Ribaucourt [19], ne se satisfaitpas évidemment d’une telle conception qui illustre pour notredomaine, une dérive scientiste de la psychiatrie.

Même si, par les technologies modernes, elle prétend pou-voir rattacher le comportement, ici les troubles du développe-ment, au cerveau et au génome, le plus grand reproche que l’onpeut lui faire est la négation de l’intérêt d’une démarche cli-nique centrée sur l’individu.

Notre volonté, avec le support d’une véritable neuropsycho-logie clinique de l’enfant, est d’ouvrir une quatrième voie.Celle-ci permettrait de fonder les décisions concernant les en-fants ayant un trouble du langage sur la connaissance acquiseautour des différents syndromes reconnus et étudiés par cettediscipline à partir des relations entre structures singulières etdéveloppement de la fonction.

Dans une telle neuropsychologie, chaque syndrome est dé-fini par des contraintes cognitives orientant la relation entre

structure et éducation et ayant donc des risques adaptatifs par-ticuliers.

La connaissance de ces contraintes permet à l’échelon indi-viduel de décider une programmation éducative pour optimiser,aux différentes étapes du développement, l’expérience éduca-tive.

Dans chaque domaine fonctionnel, les références cliniquesse sont d’abord construites autour des troubles reconnuscomme spécifiques (dysphasies pour les troubles du langageoral, dyslexies dysphonétiques pour les troubles du langageécrit), ces troubles spécifiques étant caractérisés par une at-teinte primaire, structurelle de la compétence décrite par la neu-ropsychologie cognitive. Chemin faisant, l’étude de troublesdont l’interface était contrainte en d’autres points que la com-pétence spécifique aux codes a permis de décrire d’autres si-tuations où la référence neuropsychologique pouvait là encoreorienter la programmation éducative.

Nous allons maintenant en voir des exemples séparémentpour les troubles du langage oral et les troubles du langageécrit.

3. Troubles non spécifiques du développementdu langage oral

La Fig. 2 résume la classification à laquelle nous sommesparvenus en adaptant le modèle de Hauser et Chomsky.

Il ne peut pas y avoir de non-spécificité absolue, à partir dumoment où on parle de troubles du langage. Si on parle detroubles du langage, c’est que l’on a forcément une attente spé-cifique par rapport au constat de déficit d’utilisation du lan-gage. On entend alors par trouble du développement du lan-gage oral, toute situation mettant en jeu l’adaptation del’individu par le fait même, qu’il ne va pas être en mesure demaîtriser ou d’utiliser le média oral. Ce diagnostic nécessite unjugement clinique permettant de déterminer que l’état de fonc-tionnement du langage est en deçà de ce que l’on peut attendreétant donné le niveau cognitif et d’investissement social del’enfant. On définira ainsi ce que nous appelons la spécificitéremédiative, implicitement d’ailleurs reconnue dans l’utilisa-tion par le DSM IV du terme « trouble d’acquisition du lan-gage oral ».

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Les troubles touchant spécifiquement la compétence linguis-tique (troubles fonctionnels et dysphasies) sont interprétéscomme émanant d’une incapacité à dériver de la simple expo-sition au langage les règles syntaxiques, phonologiques et d’or-ganisation des lexiques : ce sont donc les traditionnels troublesspécifiques. Cette spécificité n’est plus définie simplement pardes critères d’exclusion, mais par rapport à un modèle cohérentde la « faculté de langage » (Fig. 1). Le défaut de fonctionne-ment de cet organe destiné à faire « automatiquement » de larègle conduit à des profils de déficits linguistiques, alors qu’iln’y a pas de contrainte évidente à la prononciation, au traite-ment sensoriel ou d’atteinte de la capacité d’investissement desfonctions de communication.

Cette position sur les limites entre spécificité et non-spéci-ficité n’est cependant pas admise par tous les courants de neu-ropsychologie de l’enfant, puisque le courant qui suit les expé-riences de Tallal tend à mettre en rapport les troubles« spécifiques » du langage avec des contraintes sensorielles[20]. Mais la définition retenue par ces auteurs de troubles spé-cifiques se fonde uniquement sur la valeur « sémiologique » dela dissociation psychométrique ponctuelle que l’on peut cons-tater en comparant des tests psycholinguistiques et un niveauintellectuel et n’implique que vaguement l’examen différentieldes autres variables par exemple conceptuelles ou intentionnel-les qui peuvent gêner le développement de la capacité de par-ler.

On voit là l’effet normalisateur d’une clinique dominée pardes critères opératoires, car simplistes, mais nécessaires pourune recherche clinique qui peut se permettre une absence decohérence théorique pourvu qu’elle produise des faits expéri-mentaux.

Pour notre part, asseoir la notion de spécificité sur un mo-dèle théorique de la faculté de langage permet de ne pas traiterles troubles du langage de façon tautologique : on n’a pas untrouble du langage uniquement par le fait d’avoir des tests delangage déficients.

Notre clinique exige alors la différenciation entre :

● troubles spécifiques touchant la compétence langagière etautorisant de penser que le traitement rééducatif direct dulangage oral dans ses aspects phonologiques, lexicaux etgrammaticaux aura un intérêt adaptatif ;

● et les cas de troubles non spécifiques, où il faut aller plusloin pour expliquer le déficit aux tests et organiser logique-ment les stratégies éducatives. Nous en distinguons aumoins quatre grandes catégories, d’après les différentes si-tuations prévues par notre modèle en dehors de l’atteinte dela compétence linguistique :

○ existence de contraintes motrices à la réalisation de laparole : comme c’est le cas des dyspraxies verbales im-portantes à reconnaître car elles impliqueront d’une partdes thérapies psychomotrice et d’autre part une enquêteétiologique recherchant des anomalies génétiques ; ladifficulté à réaliser la séquence de parole masque unecompétence linguistique potentiellement préservée ;

○ existence de contraintes sensorielles ; dans ces cas, l’in-capacité de langage peut être mise en rapport avec desdifficultés non spécifiquement linguistiques de traite-ment de l’information auditive comme c’est le cas dansle CAPD (central auditory processing disorder) [21] ;

○ existence au premier plan de difficultés d’investissementsymbolique du langage en rapport avec des limitationsde conceptualisation : l’outil langagier ne se développepas dans ses fonctions de spécification et de médiatisa-tion de l’interaction ; l’action directe sur le déficit langa-gier est contre-indiquée : il faut promouvoir dans ce typede circonstance une action préalable utilisant les systè-mes de communication augmentatifs ; c’est en particu-lier le cas d’enfants ayant ce que l’on appelle des trou-bles expressifs sévères.

Ces troubles expressifs sévères ont en commun : – de ne pas permettre l’accès à un langage proposition-nel à cinq ans ;

– de toucher les fonctions symboliques du langage ;– d’imposer une réflexion sur le pronostic d’oralisation ;– pronostic souvent précisé par le contexte neurologiqueou génétique particulièrement présent dans ces cas detroubles « sévères du langage ».

Ces troubles non spécifiques se différencient ainsi destroubles spécifiques du langage oral :

– qui n’obèrent pas le pronostic d’oralisation ; contrai-rement à l’idée reçue, même si on porte un diagnosticde dysphasie, on est sûr que l’enfant parlera et de fa-çon canonique à terme, le problème d’adaptation étantlié au coût que représente la construction de capacitéslinguistiques ne pouvant pas se reposer comme dans ledéveloppement normal sur des automatismes ;

– qui n’impliquent pas une lésion ni au niveau neurolo-gique ni au niveau génétique.

D’ailleurs, le cas bien connu actuellement de liaisonentre troubles du langage et « lésion génétique » avecla mise en cause du gène FoxP2 concerne des troublesqui ne sont pas dans notre classification spécifiques,puisque touchant essentiellement la réalisation motricede la parole [22] ;

○ une autre situation de troubles « non spécifiques » dulangage prévue dans le modèle que nous avons adaptéde Hauser et al., implique les facteurs d’intentionnalité,ceux-ci, eux-mêmes à l’origine de deux types de troubles :

– troubles entrant dans le cadre d’un syndrome dysexé-cutif ; la difficulté langagière entre dans le cadre d’unedifficulté générale de planification intentionnelle del’action comme en témoignent hyperactivité motrice,persévérations, adhérence aux stimuli, difficultés dedécentration et de décontextualisation, tant de l’ex-pression que de la compréhension ;

– trouble de la communication sociale : cette possibi-lité permet de répondre à la question que l’on s’estlongtemps posée de formes de passage entre troublesenvahissants du développement et dysphasies, pro-

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blème qui ne nous paraît pas pertinent dans notreconception nosographique mettant en avant l’enjeuadaptatif au centre de toute délimitation fonctionnelledes troubles du langage. Mais certains enfants sontvus entre trois et cinq ans pour des troubles du lan-gage expressifs et réceptifs existant alors que dans lecomportement on ne retrouve pas les signes habituelsdes syndromes autistiques. Le trouble du langage estremarquable par : l’importance de l’écholalie ; la dif-ficulté de s’engager dans des processus d’interpréta-tion concernant notamment les logiques factuelles ouintentionnelles alors que la fonction de dénominationest préservée et que l’enfant en contexte et pour sesbesoins propres a une communication opératoire ; ladifficulté pour utiliser les outils langagiers permettantde référentialiser pour autrui les relations d’objets, cequi peut amener à des « agrammatismes » rappelant ceque l’on peut observer dans les cas de troubles dys-phasiques ; les difficultés pragmatiques observéesavec la difficulté à mettre en phase l’intervention dansle dialogue mais aussi conserver un contrôle de l’adé-quation thématique du dialogue.

La réorientation pragmatique de la communication par l’ex-plicitation des liens entre intention et production permet sou-vent à ces enfants de progresser assez rapidement, ce qui justi-fie la prise en compte en tant que tel du trouble du langagepuisqu’elle permet ensuite des stratégies éducatives efficaceset pas simplement sur du court terme.

On voit donc que cet intérêt pour la différenciation de diffé-rents niveaux de spécificité des troubles du langage oral enrichitconsidérablement la clinique des troubles du langage ; la symp-tomatologie ne s’arrête pas à la constatation de déficits linguis-tiques, mais implique l’ensemble des composantes développe-mentales au service de la communication et de l’adaptation.

Cette clinique implique aussi une diversification des straté-gies rééducatives, ce qui reste pour nous l’essentiel car elleplace l’individu au centre de la problématique clinique, mêmesi les stratégies décisionnelles sont difficiles à « évaluer » dufait de ce parti pris de l’observation au niveau de l’individu.

4. Troubles non spécifiques de l’acquisition du langage écrit

Le même repositionnement nosographique par rapport auconcept de spécificité a été rendu nécessaire pour les troublesdu langage écrit.

Pendant longtemps, on avait cru que l’utilisation d’un terme(« dyslexie ») suffisait à affirmer sa spécificité, comme on secontentait de la constatation d’une dissociation psychométriqueentre performance dans le domaine du langage écrit et capaci-tés intellectuelles pour inférer la nature constitutionnelle decette particularité.

La neurologie des troubles du langage écrit avec les étudesd’imagerie [23] a proposé une idée cohérente de ce que seraitun trouble de la compétence lexique : un trouble affectant l’au-tomatisation des processus d’assemblage qui permettent demettre en rapport les sons verbaux avec un mode de représen-

tation graphique ; lié à une difficulté plus générale affectant lacapacité à traiter la phonologie.

Cette entité apparaissant d’autant plus sûre qu’elle corres-pond à une constante en dépit des variations liées à la langueet qu’elle peut être associée à un dysfonctionnement localisabledans l’hémisphère gauche par l’imagerie fonctionnelle.

Cette image cohérente de la spécificité est cependant encoreune fois établie sur des populations d’études et non à l’échelonindividuel. Les populations d’études ont été recueillies sur descritères opératoires, simples, pour des sujets qui n’étaient pastrop atteints pour passer les tests. Elles ne représentent pas for-cément ce qui nous est proposé cliniquement au quotidien. Cequi fait que cette vision d’une « dyslexie neurologique » nousapparaît plus comme une abstraction, certes utile pour com-prendre la neurologie de la lecture, mais insuffisante pour ex-pliquer la « plainte dyslexique ».

En d’autres termes si la dyslexie dysphonétique, c’est-à-direcaractérisée par l’atteinte primaire de la voie d’assemblage re-présente l’image de la déficience développementale de la com-pétence lexique, il faut pour rendre compte de la diversité de laplainte dyslexique imaginer et décrire des troubles qui serontde facto non spécifiques. Il faut alors faire appel à des constatations cliniques ayant échappé à la perspicacité d’une recher-che clinique partiale dans ses critères, ayant en particulier pri-vilégié l’hypothèse phonologique.

Là encore, il faut différencier la spécificité remédiative et laspécificité neuropsychologique, c’est-à-dire celle qui met encause une compétence structurée au niveau du système ner-veux.

Il y a des causes fonctionnelles durables non liées forcémentà des déficits structurels localisés sur l’apprentissage du lan-gage écrit qui peuvent conduire à une même plainte que lesclassiques dyslexies, voire à une symptomatologie de surfaceidentique, mais qui, si l’on veut être efficace doivent être re-connues comme différentes.

Beaucoup des études qui se prétendent neuropsychologiquesdans le contexte des troubles des apprentissages de la lecturepêchent par un défaut de base : l’insuffisance de la descriptiondu contexte développemental du déficit lexique, ce qui donneplus de chance de se focaliser sur le déficit phonologique.

L’observation systématique des troubles du langage écritavec l’approche nosographique que nous avons décrite plushaut de la neuropsychologie clinique de l’enfant nous a amenésà distinguer au moins trois circonstances cliniques qui, si on encroit la position dominante concernant les troubles d’acquisi-tion du langage écrit, seront considérées comme non spécifi-ques. Mais pour nous, elles ont une valeur syndromique dansle sens où les incapacités durables fonctionnelles que présen-tent ces enfants dans le domaine de l’écrit ont une significati-vité adaptative.

4.1. Les troubles de la lecture et de l’écriture à composantespatiale

Ce n’est pas la composante linguistique de la lecture qui estatteinte, mais la difficulté à spatialiser les différents unités re-

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connues comme pertinentes pour la lecture et l’écriture (phonè-mes, morphèmes). Ces troubles peuvent être associés d’ailleursà des troubles du geste et des difficultés praxiques constructives.

4.2. les troubles de la lecture associés à un trouble attentionnel

Nous en avons fait une description sur cas unique [24] etmontré qu’une étude neurolinguistique pouvait les caractériserpar rapport aux modèles de la lecture ; ce trouble est particu-lièrement associé aux troubles de l’attention avec ou sans hy-peractivité.

4.3. les troubles de la lecture et de l’écritureassociés à l’anxiété de performance

La signification sociale de l’apprentissage de la lecture, lacontrainte temporelle (un trimestre) imposé par notre systèmeéducatif pour montrer les compétences pour maîtriser cet enjeusocial peuvent expliquer pourquoi un échec d’apprentissage dulangage écrit peut apparaître « spécifiquement » chez des en-fants n’ayant pas d’autres perturbations des conduites ou intel-lectuelles et alors que l’équipement structurel propre à l’écritest potentiellement présent, en particulier pour les compétenceslinguistiques. L’anamnèse peut cependant dans certains casmontrer de façon prémorbide des difficultés pour faire faceémotionnellement à la contrainte socioscolaire ; mais ces en-fants peuvent être référés comme tout « dyslexique » seulementau cours du CP. L’analyse neuropsychologique couplée à l’ob-servation comportementale face à des tâches pas forcément le-xiques peut objectiver des biais cognitifs qui empêchent la fi-xation de représentations permettant de traiter de façonautomatique et systématique le matériel écrit.

Ce qui est particulier est que ces biais peuvent structurerl’équipement pour lire de telle façon qu’ils créent durablementun déficit d’automatisation, dont la chronicité et la sévéritépourraient laisser penser que le déficit ne peut être que structu-rel.

C’est un exemple supplémentaire où l’expérience éducativedéviée peut retentir sur l’organisation cognitive, qui est un pro-cessus que les neurobiologistes décrivent comme continu, à lafois objet et sujet des mécanismes d’adaptation.

La reconnaissance de ces trois types non spécifiques detroubles d’acquisition du langage écrit, fruit d’une observationsystématique, longitudinale et complète du développement, estimportante car, dans chaque cas, elle oriente sur des approchesremédiatives distinctes de ce que l’on propose pour les dysle-xies développementales :

● dans le premier cas, thérapies psychomotrices ;

● dans le deuxième cas entraînement perceptif s’inspirant dece que l’on propose dans les cas d’atteintes neurovisuelles ;

● dans le troisième cas, déconditionnement des biais par devéritables remédiations cognitives.

5. Implications pour la recherche cliniquede la reconnaissance des troubles non spécifiques

L’existence de ces troubles non spécifiques du langage vientgêner un consensus qui semblait établi depuis quelques annéesautour de l’abord neuropsychologique des troubles du langage.

Il faut reconnaître au mouvement neuropsychologique d’a-voir permis de traiter de façon plus précise les fonctions ins-trumentales de la communication ; cela a permis y compris làoù ne s’y attendait pas (comme l’autisme) d’enrichir l’arsenalthérapeutique.

Il semble cependant que cet abord, du moins tel qu’il a étéconçu a souffert d’un autocentrisme, c’est-à-dire rétrécissant laréalité clinique à ses centres d’intérêts propres ou rejetant deses intérêts ce qui avait du mal à entrer dans ses modèles lesplus spécifiques ; par exemple pour ce qui concerne les trou-bles du langage écrit, les troubles attentionnels ou émotionnels,qui ne rentraient pas facilement dans le modèle à deux voies detroubles de la lecture.

Les troubles non spécifiques sont là pour montrer qu’il n’y apas dans le développement que des structures préétablies et desmodules. Mais, le développement dépend aussi pour unegrande part de la qualité des interfaces entre ces structures etl’expérience éducative.

La diversification des troubles pouvant amener à un troubledes apprentissages et la diversification actuelle des modèlesgénétiques pouvant amener à des troubles des apprentissagesillustrent ce fait. On en a un exemple avec les troubles de com-munication de l’enfant X fragile, qui touchent spécifiquementcette interface sans toucher aux modules langagiers.

Cela d’ailleurs amène à repenser la manière de concevoir laspécificité de l’atteinte des fonctions instrumentales qui a ététrop influencée par une conception statique de la neuropsycho-logie cognitive puisque celle-ci de toute façon avait évité lacomplexité du raisonnement sur l’organisme en développe-ment, réservant sa réflexion fondamentale au nourrisson.

Pour les mêmes raisons, ces troubles non spécifiques mé-connus par une psychiatrie corrélative représentent une alterna-tive plus productive pour l’individu, lors de l’analyse des rap-ports entre comportements et fonctions instrumentales.

Toute une branche de la psychiatrie de l’enfant devrait d’ail-leurs se consacrer à l’élaboration des modèles de ces inter-actions et alimenter la construction de ces modèles par des pa-radigmes cliniques qui mettent en cause les idées trop bienétablies des relations entre structures et développement.

C’est ce que nous tentons avec ce que nous avons appelé icila neuropsychologie clinique de l’enfant.

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