Transcript

Article original

Les lymphangiomes kystiques du mésentère et du méso-côlon.Prise en charge diagnostique et thérapeutique

J.Y. Mabrut1*, J.P. Grandjean2, L. Henry3, J.P. Chappuis4, C. Partensky5, X. Barth6, E. Tissot6

1Service de chirurgie générale, digestive et de transplantation hépatique, hôpital de la Croix-Rousse,103, Grande-rue-de-la-Croix-Rousse, 69317 Lyon Cedex 04, France ; 2service de chirurgie, clinique Sainte Marie-Thérèse, Bron,France ; 3service de radiologie digestive, pavillon H, hôpital Edouard Herriot, Lyon, France ; 4service de chirurgie pédiatrique,

pavillon Tbis, hôpital Edouard-Herriot, Lyon, France ; 5service de chirurgie digestive, pavillon D, hôpital Edouard-Herriot, Lyon,France ; 6service de chirurgie d’urgences viscérales, pavillon G , hôpital Edouard-Herriot, Lyon, France

RESUMEBut de l’étude : Rapporter les aspects cliniques, diagnos-tiques et thérapeutiques des lymphangiomes kystiqueslocalisés au méso-côlon et au mésentère.Matériel et méthodes : Quinze observations ont étécolligées. Il s’agissait de cinq adultes (âge moyen : 36,8ans, extrêmes : 26–46 ans) et de dix enfants (âge moyen :23 mois, extrêmes : 0–5 ans). Une fois, le diagnostic a étéporté en anténatal. Les signes cliniques étaient : douleursabdominales (80 %), syndrome fébrile (20 %), masseabdominale (46 %), occlusion intestinale (33 %), ascitechyleuse une fois. Les lésions siégeaient dans le mésen-tère ou le méso-côlon droit (86 %) ou dans le méso-côlongauche (13 %).Résultats : Une résection complète a été réalisée 11 fois(imposant dix fois une résection intestinale), une résectionincomplète trois fois et une lésion a été traitée par injectionintrakystique de doxycycline. Après un suivi moyen de cinqans, un patient a récidivé après une résection complète,une lésion a évolué après exérèse incomplète et lapatiente traitée par sclérothérapie locale est asymptoma-tique 3,5 ans après sa dernière injection.Conclusion : Le lymphangiome kystique du mésentèreest une tumeur malformative bénigne du système lympha-tique. Son diagnostic nécessite une confirmation histolo-gique. Le traitement de choix est l’exérèse complète de lalésion. L’injection intrakystique de produit sclérosant estpossible pour les lésions non résécables de la racine dumésentère. © 2002 Éditions scientifiques et médicalesElsevier SAS

Lymphangiome kystique / Mésentère / Méso-côlon /Diagnostic / Traitement

ABSTRACTMesenteric and mesocolic cystic lymphangiomas.Diagnostic and therapeutic management.Study aim: Study of clinical, diagnostic and therapeuticaspects of mesenteric and mesocolic cystic lymphangio-mas.Material and methods: 15 cases were retrospectivelyanalysed: 5 adults (mean age 36.8 years, range 26 to 46)and 10 children (mean age 23 months, range 0 to 5 years).Diagnosis was prenatal in 1 case. Symptoms were:abdominal pain (80%), fever (20%), abdominal mass(46%), occlusive syndrome (33%), chylous ascitis 1 case.Tumours were mesenteric (86%) or mesocolic (13%).Results: Complete resection was performed in 11 cases(including 10 bowel resections), incomplete resections in 3and doxycycline sclerotherapy once. Mean follow-up is 5years. One recurrence occured 6 years after completeresection and 1 tumour increased after incomplete resec-tion. Patient treated by sclerotherapy was non symptom-atic with a 3.5 years follow-up after last injection.Conclusion: Mesenteric and mesocolic cystic lymphan-giomas are congenital benign tumours. Complete resec-tion should be performed whenever possible. Intracysticsclerotherapy with doxycyclin is possible for unresectablelymphangiomas. © 2002 Éditions scientifiques et médi-cales Elsevier SAS

Cystic lymphangioma / Mesenteric / Mesocolic /Diagnosis / Treatment

Reçu le 12 novembre 2001 ; accepté le 12 mars 2002.*Auteur correspondant. Tél. : +04-72-07-16-27 ;fax : +04-72-07-18-97.Adresse e-mail : [email protected] (J.Y. Mabrut).

Ann Chir 2002 ; 127 : 343-9© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS0003394402007708/FLA

Les lymphangiomes kystiques (LK) sont destumeurs conjonctives malformatives vasculaires cor-respondant à une séquestration de tissu lymphatiquesecondaire à une anomalie de développementembryologique du système lymphatique [1]. Lalocalisation craniofaciale, cervicale ou axillaire estla plus habituelle. Les formes intra-abdominalessont rares et se situent préférentiellement dans lemésentère [2]. Le but de ce travail a été, à partird’une série de 15 observations, de préciser lesconnaissances actuelles concernant la pathogénie, laprésentation clinique, l’ imagerie et le traitement desLK de l’abdomen situés spécifiquement au niveaudu mésentère ou du méso-côlon.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

Cette étude rétrospective a porté sur 15 malades prisen charge entre 1973 et 1999 (Tableau 1). Il s’agis-sait de cinq adultes et de dix enfants âgés de moinsde cinq ans. L’âge moyen au moment du diagnosticétait de 36,8 ans pour les cinq adultes (quatrefemmes et un homme) avec des extrêmes de 26 à 48ans, et de 23 mois pour les dix enfants (sept garçonset trois filles) avec des extrêmes de 0 à 5 ans. Unefois, le diagnostic a été réalisé par échographie enanténatal. La présentation clinique au moment dudiagnostic était la suivante : douleurs abdomina-les = 12 (80 %), syndrome fébrile = 3 (20 %), masseou voussure de la paroi abdominale = 7 (46 %),occlusion intestinale aiguë = 5 (33 %). Une patientea présenté une rupture spontanée de sa tumeurresponsable d’une ascite et d’une pleurésie chy-leuse. Les examens d’ imagerie réalisés à viséediagnostique en préopératoire ont été : dix échogra-phies (66 %), cinq tomodensitométries (33 %) etdeux IRM (13,2 %) avec pour but de préciser lanature et/ou la localisation de la lésion décelée enéchographie. Deux opacifications coliques ont étéréalisées mettant une fois en évidence une compres-sion colique extrinsèque. Quatre enfants ont étéopérés sans examen radiologique complémentaire(en dehors d’une radiographie abdominale sanspréparation) pour un syndrome occlusif aigu del’ intestin grêle. Une exploration chirurgicale (unefois par laparoscopie) a permis de confirmer lediagnostic suspecté par l’ imagerie préopératoire oud’établir le diagnostic chez 11 patients (73 %).

RÉSULTATS

Tous les malades ont été opérés. Treize lésions(86 %) siégeaient dans le mésentère (dont deux dansle méso-côlon droit) et deux lésions (13 %) dans leméso-côlon gauche. La taille des lésions variait de5 à 20 cm de diamètre. Onze (73 %) exérèsestumorales complètes ont été réalisées imposant dixrésections intestinales : sept résections de grêle,trois résections coliques (deux hémicolectomiesdroites et une colectomie segmentaire gauche). Trois(20 %) exérèses macroscopiquement incomplètesont été réalisées pour des lésions situées au contactdes vaisseaux mésentériques. Une malade, pourlaquelle l’atteinte de la racine du mésentère rendaittoute résection impossible sans sacrifice intestinalétendu, a bénéficié d’un traitement local par injec-tions sclérosantes itératives à base de doxycyclineen peropératoire puis par voie percutanée. Le dia-gnostic a toujours été confirmé par un examenanatomopathologique. Trois fois (20 %), les lésionsétaient surinfectées. Les complications ont concernéquatre malades. Un nourrisson opéré en état de chocsur occlusion intestinale aiguë est décédé au 4e jourd’une défaillance multiviscérale. Trois malades ontété réopérés à distance pour un syndrome occlusif(deux volvulus du grêle et une occlusion sur bride).Après exérèse complète, le suivi moyen était de cinqans (deux mois à 16 ans) et une malade a présentéune récidive six ans après exérèse jugée macrosco-piquement complète (ayant imposé une hémicolec-tomie droite). Elle a bénéficié d’une exérèse itéra-tive. Sur les trois malades ayant bénéficié d’uneexérèse partielle, un a présenté une récidive décou-verte par échographie de surveillance à deux mois.Le patient étant asymptomatique et les lésions depetite taille (2 cm) et stables durant une surveillanced’un an, le patient n’a pas été réopéré. Les deuxautres n’ont pas présenté de récidive après un suivide un et six ans. La malade traitée par plusieursinjections sclérosantes locales est actuellementasymptomatique trois ans et demi après la dernièreinjection percutanée. Elle a pu mener à terme unegrossesse de façon normale avec un accouchementpar voie basse.

DISCUSSION

Les LK sont des tumeurs situées au niveau des tissussous-cutanés de la face et du cou (60 %), des

344 J.Y. Mabrut et al.

Tableau 1. Caractéristiques des 15 observations

N° Sexe Age Clinique Diagnostic Situation/taille Traitement Histologie Suivi, événements

1 F 32 ans Douleurs, Masse Echographie, TDM Epiploon, Méso-côlon D Omentectomie LK surinfecté Suivi = 14 moisTempérature Cœlioscopie 20 cm Colectomie D RAS (clinique + écho)

2 F 35 ans Douleurs, Masse Echographie Mésentère, Méso-côlon D Colectomie D LK surinfecté Suivi = 6 ansTempérature Laparotomie 20 cm Récidive = > Laparotomie

3 M 43 ans Douleurs Echographie Méso-côlon gauche Résection dômesaillant

LK Suivi = 1 an

TDM 5 cm Curetage RAS (clinique)4 F 48 ans Douleurs Echographie Mésentère Résection LK Suivi = 6 mois

TDM 5 cm RAS (clinique + TDM)5 M 3 ans ½ Occlusion post-

opératoireLaparotomie Mésentère Résection de grêle LK Suivi = 6 mois

10 cm RAS (clinique)6 M 2 mois Occlusion du grêle Laparotomie Mésentère Résection de grêle LK Décédé J4

5 cm Laparotomie itérative7 M 5 ans Occlusion du grêle Laparotomie Mésentère Résection de grêle LK surinfecté Suivi = 4 ans

12 cm RAS (clinique)8 M 18 mois Occlusion du grêle Lavement colique Mésentère Fenestration puis

résection de grêleLK Suivi = 13 ans

Laparotomie RAS (clinique)9 F 2 mois Douleurs Echographie Mésentère Résection de grêle LK Suivi = 6 ans

Laparotomie Exérèse partielle Volvulus du grêle10 M 5 mois Douleurs, Masse Echographie Méso-côlon gauche Résection colique G

segmentaireLK surinfecté Suivi = 16 ans

Température Laparotomie Volvulus du mésentèreGrêle court

11 M 3 ans ½ Masse Laparotomie Mésentère Résection de grêle LK Suivi = 4 ansOcclusion aiguë dugrêle

RAS (clinique)

12 F 3 ans ½ Douleurs Echographie, TDM Mésentère Résection de grêle LK Suivi = 2 moisMasse Laparotomie 6 cm RAS (clinique)

13 M 18 mois Périmètre ombilical Echographie anténa-tale

Mésentère (malrotationintestinale)

Résection de grêle LK sur vol-vulus chroni-que

Suivi = 1 an

IRM, Laparotomie Exérèse partielle Récidive échographique14 F Naissance Diagnostic anténatal Echographie Mésentère Résection de grêle LK Suivi = 6 ans

6 cm Occlusion sur bride15 F 26 ans Douleurs Echographie, TDM Mésentère Sclérothérapie pero-

pératoire (doxycy-cline)

LK Suivi = 5 ans et ½Masse Laparotomie Ascite + pleurésie chy-

leuseRécidive, Sclérothérapiepercutanée

Lymphangiom

eskystiques

dum

ésentère345

extrémités (20 %), du tronc (10 %) et des aisselles.Les localisations profondes abdominales (2 à 10 %),médiastinales ou thoraciques (5 %) sont plus rares[2-3]. Dans l’abdomen, les lésions atteignent préfé-rentiellement le mésentère et l’épiploon mais égale-ment le foie, la rate, le pancréas, le rein et lasurrénale, le côlon ou le duodénum [4-7]. Dansmoins de 10 % des cas, les lésions sont diffuses etprennent un aspect de lymphangiomatose kystiquepéritonéale pouvant être confondue avec une carci-nose péritonéale [8]. Dans sa localisation mésenté-rique, l’ incidence est estimée à 1/100 000 autopsieset 1 à 8/100 000 hospitalisations, ce qui correspondà une fréquence de 1/100 000 chez l’adulte et de1/20 000 chez l’enfant [9-11]. Il s’agit de la lésiontumorale kystique du mésentère la plus fréquentechez l’adulte (30 %) [1]. Le sexe ratio est de un chezl’adulte et, chez l’enfant, elle atteint les garçons 3fois sur 4, ce que nous avons également observédans notre série [5,6,10].

Le développement des LK serait expliqué par unarrêt du développement des connexions lymphatico-veineuses durant l’embryogenèse [12]. L’absence dedrainage des sacs lymphatiques primitifs serait res-ponsable de la formation d’une lésion kystiquecontenant de la lymphe. La persistance anormale dusac rétropéritonéal serait ainsi à l’origine des loca-lisations rétropéritonéales et mésentériques ou méso-coliques après son attraction vers l’avant lors dudéveloppement des mésos. Cette théorie congénitaleest renforcée par des observations de LK dépistés enpériode anténatale (un cas dans notre série) et par lefait que la majorité des LK abdominaux sont dia-gnostiqués avant l’âge de cinq ans (60 % dans lalittérature, 66 % dans notre série) [13-14]. Cepen-dant, le diagnostic peut être fait à tout âge [5,6].

Les formes cliniques sont polymorphes. Lorsquela lésion est symptomatique, les signes cliniquessont en rapport avec le volume tumoral ou avec unecomplication mécanique, infectieuse ou hémorragi-que. Aucun signe n’est spécifique du diagnostic etc’est le bilan d’ imagerie qui orientera le diagnostic.La radiographie abdominale sans préparation, leplus souvent normale, peut mettre en évidence uneopacité centrale refoulant les clartés digestives enpériphérie, d’exceptionnelles calcifications en pré-sence d’un kyste ancien remanié [15], des niveauxhydro-aériques intestinaux signant une occlusion, un

niveau hydro-aérique intrakystique après une ponc-tion à visée diagnostique ou lors d’une infection àgermes anaérobies. En échographie, le LK se pré-sente comme une lésion liquidienne kystique hypoé-chogène, uni ou multiloculaire, àcloisons et àparoisfines. En tomodensitométrie, la tumeur est liqui-dienne homogène, hypodense avant et après injec-tion de produit de contraste (Fig. 1). Un contenugraisseux caractéristique de la présence de liquidechyleux peut être objectivé par une densité négativemais il ne permet pas toujours le diagnostic diffé-rentiel avec un tératome d’origine ovarienne. Uneaugmentation de la densité peut être observée en casd’hémorragie intrakystique. Les parois et les cloi-sons sont visibles mais fines et ne se rehaussent pasaprès injection de produit de contraste [15]. En IRM,le contenu de la lésion peut être précisé de manièreplus spécifique. En cas de contenu liquidien, il existeun hyposignal en T1, un hypersignal en T2 qui serenforce sur les échos tardifs en T2 (Figs. 2 et 3). Unsignal graisseux dans le kyste est caractéristique etse traduit par un iso ou hypersignal en T1, unhypersignal en T2 diminuant en T2 tardif. Lescloisons et les parois sont en général en hyposignalaux deux séquences T1 et T2. Une prise de Gado-linium par la paroi et les cloisons peut cependantêtre observée [16]. La lymphographie bipédieuse aété utilisée pour le diagnostic des formes rétropéri-tonéales. L’espace rétropéritonéal se prolongeant en

Fig. 1. Lymphangiome kystique du méso-côlon droit : aspect TDM(cas n°1).

346 J.Y. Mabrut et al.

avant entre les feuillets péritonéaux du mésentère etdu méso-côlon, elle pourrait être intéressante dans lediagnostic des LK du mésentère et du méso-côlon.Cependant, une communication avec le systèmelymphatique est rarement mise en évidence limitantson intérêt [17]. La ponction à l’aiguille fine ramèneun liquide chyleux ou séreux selon l’ importance etl’ancienneté des connections avec le réseau lympha-tique avec en cytologie la présence de lymphocyteset de lipides.

Dans notre expérience, en l’absence d’ indicationopératoire en urgence, le bilan morphologique préo-pératoire a permis de poser le diagnostic de tumeurkystique du mésentère et de suspecter celui delymphangiome kystique devant une lésion kystiqueà contenu liquidien hypoéchogène, hypodense com-portant des cloisons. Cependant, une explorationchirurgicale a toujours été proposée pour traitementet confirmation histologique. Les principaux dia-gnostics différentiels sont représentés par les kystesde l’ovaire, les duplications digestives, les mucocè-les appendiculaires voire les cystadénomes muci-neux ou les pseudokystes en présence d’une lésion

située au contact du pancréas. Macroscopiquement,les lésions de LK apparaissent blanchâtres ou trans-lucides. Elles peuvent être uniloculaires (25 %) oupolylobée multikystiques (75 %) avec des pochescommunicantes ou non. Elles siègent dans le mésen-tère ou le méso-côlon, au contact de l’ intestin ouplus rarement à la racine des mésos posant alors unproblème thérapeutique. Le contenu des kystes peutêtre séreux ou chyleux. Microscopiquement, lesparois sont réduites à une surface endothélialedoublée extérieurement par du tissu conjonctif. Lediagnostic de LK peut donc être affirmé en présenceen histologie : d’un endothélium à la surface desparois (confirmant une origine vasculaire) et defibres musculaires lisses dans le tissu conjonctif desparois. Les kystes mésentériques d’origine mésothé-liale représentent le principal diagnostic différentielen histologie [1,9,18]. L’origine de la proliférationtumorale est souvent évoquée en microscopie opti-que avec l’absence de cellules musculaires dans laparoi du kyste et la présence d’un revêtementcubique à sa surface pour les kystes d’originemésothéliale [19]. Dans les cas difficiles, la micros-copie électronique et l’ immunohistochimie permet-tent d’affirmer la nature mésothéliale de la lésion

Fig. 2. Lymphangiome kystique du mésentère : IRM (hypersignalT2) (cas n°13).

Fig. 3. Lymphangiome kystique du mésentère englobant l’artèremésentérique supérieure : IRM (T2) (cas n°15).

Lymphangiomes kystiques du mésentère 347

grâce à la négativité du facteur VIII et à la positivitédes cytokératines.

Le traitement des LK du mésentère est essentiel-lement chirurgical. La corticothérapie n’a jamais faitla preuve de son efficacité. L’exérèse chirurgicalecomplète représente le traitement de choix de cettetumeur bénigne en assurant une guérison définitive.Cependant, le caractère complet de l’exérèse peutêtre difficile à affirmer pour les lésions de la racinedes mésos ou aucune marge de sécurité n’est possi-ble, exposant le patient à un risque de récidivecomme dans une de nos observations. En cas detumeur peu volumineuse située à distance des vis-cères et de la racine des mésos, une énucléation estsuffisante. Un traitement par laparoscopie a pu êtreréalisé par certains auteurs, en cas de localisation auniveau du côlon, de l’arrière cavité des épiploons etmême du mésentère [20-22]. Cette voie d’abordnécessite toutefois une certitude diagnostique afind’éviter un risque de dissémination en cas de lésionmaligne notamment d’origine ovarienne. Une résec-tion intestinale est nécessaire pour obtenir uneexérèse totale en cas de lésion développée au contactdes vaisseaux intestinaux ou la paroi du tube digestif(66 % de nos observations). Une résection partiellelaissant en place le fond du kyste peut s’ imposer enprésence de rapports intimes avec les vaisseauxmésentériques, afin d’éviter une résection intestinaleétendue non justifiée pour une tumeur bénigne. Ledrainage percutané expose au risque d’écoulementlymphatique prolongé [9]. Les injections sclérosan-tes avaient été initialement proposées par voie per-cutanée pour le traitement de LK superficiels nonrésécables de la face. L’OK-432t (picibanil) a étéutiliséavec succès au Japon et en Amérique du Nord[23] ; l’Ethibloct (zeïne) est actuellement utilisé enFrance en association avec de l’éthanol absolu [24].L’efficacité des injections sclérosantes percutanéesayant étédémontrée pour le traitement des lymphan-giomes kystiques superficiels, Motlitch et al. ont étéles premiers à appliquer cette méthode aux LK nonrésécables de localisation abdominale et pelvienne[25]. Ils ont obtenu des résultats après injectionsrépétées de doxycycline dont l’efficacité sur leslymphocèles, les pleurésies et les péricarditeschroniques était déjà connue [26]. Un traitementidentique appliqué en peropératoire puis de façonitérative en percutané à permis, chez une de nospatientes, de contrôler une ascite et une pleurésie

chyleuses secondaires à un LK diffus non résécablede la racine du mésentère. Ces indications restentd’exception.

La stratégie thérapeutique peut être orientée par lebilan iconographique préopératoire. En cas de lésionde petite taille située en périphérie sur le mésentère,le problème de la résécabilité ne se pose pas et lebilan préopératoire peut être limité à une échogra-phie ou à une tomodensitométrie à visée diagnosti-que. Au contraire, s’ il s’agit de lésions volumineu-ses ou situées à la racine des mésos, la résécabilitéreste à démontrer. L’ IRM, avec séquence vasculaire,nous paraît alors un examen intéressant pour préci-ser au mieux les rapports de la tumeur avec lesvaisseaux mésentériques (Fig. 3). Cependant, seulel’exploration chirurgicale permettra d’apprécier lecaractère résécable ou non des lésions. En cas detraitement symptomatique pour un LK non réséca-ble en totalité, la meilleure option thérapeutiquereste à définir. L’exérèse incomplète expose à unrisque de récidive de 10 à15 % [9,27] et les résultatsdes injections intrakystiques de produit sclérosantn’ont pas été évalués à long terme. L’utilisation defaçon combinée de ces deux méthodes thérapeuti-ques paraît théoriquement possible même si aucunedonnée n’est actuellement disponible dans la litté-rature.

CONCLUSION

Le LK du mésentère est une tumeur malformativetoujours bénigne du système lymphatique. La symp-tomatologie clinique est polymorphe et non spécifi-que. Le diagnostic, évoqué par l’ imagerie, peut êtreeffectué dans la période anténatale ou au contrairetardivement à l’âge adulte, mais il nécessite uneconfirmation histologique. Le traitement de choixest chirurgical consistant en une exérèse complètede la lésion. L’ injection intrakystique de produitsclérosant peut être utilisée à visée symptomatique,en cas de lésion diffuse de la racine du mésentère,non résécable sans sacrifice intestinal extensif.

REFERENCES

1 Guivarc’h M. Les tumeurs du mésentère. A propos de 102 cas. AnnChir 1994;48:7–16.

2 Hancock BJ, St-Vil D, Luks FI, Di Lorenzo M, Blanchard H.Complications of lymphangiomas in children. J Ped Surg 1992;27:220–6.

348 J.Y. Mabrut et al.

3 Icard P, Le Rochais JP, Galateau F, Jehan A, Martel B, Brun J, et al.Les lymphangiomes kystiques du médiastin. A propos de 3 cas,revue de la littérature. Ann Chir 1998;52:629–34.

4 Hamdi A, Nouri A, Selmi M, Zouari K, Belghith M, Nouri K, et al.Le lymphangiome kystique abdominal de l’enfant. Ann Chir1993;47:553–6.

5 Ros PR, Olmsted WW, Moser RP, Dachman AH, Hjermstad BH,Sobin LH. Mesenteric and omental cysts: histologic classificationwith imaging correlation. Radiology 1987;164:327–32.

6 Takiff H, Calabria R, Yin L, Stabile BE. Mesenteric cysts andintra-abdominal cystic lymphangiomas. Arch Surg 1985;120:1266–9.

7 Gerosa Y, Bernard B, Lagneau M, You K, Hoang C, Bras-seur JL, et al. Lymphangiome kystique du duodénum révélé parune hémorragie digestive et associé àune entéropathie exsudative.Gastroentérol Clin Biol 1993;17:591–3.

8 Deshmukh SS, Oak SN, Karmarkar SJ, Ramadwar RH, Kalgut-kar AD. Mesenteric lymphangiomatosis in children: a distinctclinico-pathological entity. Pediatr Surg Int 1993;8:343–5.

9 Kurtz RJ, Heimann TM, Beck AR, Holt J. Mesenteric andretroperitoneal cysts. Ann Surg 1986;203:109–12.

10 Steyaert H, Guitard J, Moscovici J, Juricic M, Vaysse P, Jus-kiewenski S. Abdominal cystic lymphangioma in children: benignlesions that can have a proliferative course. J Ped Surg 1996;31:677–80.

11 Chung MA, Brandt ML, St-Vil D, Yazbeck S. Mesenteric cysts inchidren. J Pediatr Surg 1991;26:1306–8.

12 Sabin FR. The lymphatic system in human embryos, with aconsideration of the morphology of the system as a whole. Am JAnat 1909;9:43–57.

13 Merrot T, Chaumoitre K, Simeoni-Alias J, Allessandrini P,Guys JM, Panuel M. Les lymphangiomes kystiques abdominauxde l’enfant. Aspects cliniques, diagnostiques et thérapeutiques : àpropos de 21 observations. Ann Chir 1999;53:494–9.

14 Dyon JF, Sabatier E, Jouk PS, Baudain P. Images kystiquesabdominales de diagnostic anténatal. A propos de 9 cas. Pédiatrie1990;45:857–68.

15 Vargas-Serrano B, Alegre-Bernal N, Cortina-Moreno B, Rodri-guez-Morero R, Sanchez-Ortega F. Abdominal cysticlymphangiomas: US and CT findings. Eur J Radiol 1995;19:183–7.

16 Guerin E, Babin C, Moulle P, Barret F. Lymphangiome kystiquerétropéritonéal. Diagnostic pré-opératoire. A propos d’un cas. JRadiol 1987;68:693–5.

17 Vital JL, Guivarc’h M, Mouchet A, Picard JD. A propos d’un casde lymphangiome kystique rétropéritonéal opacifié par lympho-graphie. Ann Radiol 1975;18:163–70.

18 Potet F, Barge J, Flejou JF, Zeitoun P. Pathologie vasculairemésentérique. Histopathologie du tube digestif. Paris: Masson,1988. p. 267–74.

19 Toublanc M, Grossin M, Doumecq-Lacoste JM, Bocquet L. Lemésothéliome multikystique péritonéal. Etude ultrastucturale etimmunohistochimique à propos d’une observation. Ann Pathol1985;5:305–11.

20 Tiffet O, Perrot L, Baccot S, Gay JL, Cuilleret J. Traitement parlaparoscopie d’un lymphangiome kystique du côlon droit. LyonChir 1995;91:354.

21 Vara-Thorbeck C, Toscano Mendez R, Herrainz Hidalgo R, MataMartin JM, Vara-Thorbeck R. Laparoscopic resection of a giantmesenteric cystic lymphangioma. Eur J Surg 1997;163:395–6.

22 Saw EC, Ramachandra S. Laparoscopic resection of a giantmesenteric cyst. Surg Laparosc Endosc 1994;4:59–61.

23 Ogita S, Tsuto T, Nakamura K, Deguchi E, Tokiwa K, Iwai N.OK-432 therapy for lymphangioma in children: why and how doesit work? J Ped Surg 1996;31:477–80.

24 Martinot V, Descamps S, Février P, Patenotre P, Breviere JM,Piette F, et al. Evaluation du traitement des lymphangiomeskystiques par injection percutanée d’Ethibloct chez 20 patients.Arch Pédiatr 1997;4:8–14.

25 Molitch HI, Unger EC, Witte CL, Van Sonnenberg E. Percuta-neous scerotherapy of lymphangiomas. Radiology 1995;194:343–7.

26 McDowell II GC, Babaian RJ, Johnson DE. Management ofsymptomatic lymphocoele via percutaneous drainage and sclero-therapy with tetracycline. Urology 1991;37:237–9.

27 Singh S, Maghrabi M. Small bowel obstruction caused by recur-rent cystic lymphangioma. Br J Surg 1993;80:1012.

Lymphangiomes kystiques du mésentère 349


Recommended