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Michel de L'Hospital et les essais d'unification du droit civil

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SPARSAE HISTOIRE - ARCHÉOLOGIE - PATRIMOINE - ARTS ET TRADITIONS

- N° 57 -

MICHEL DE L'HOSPITAL

500e ANNIVERSAIRE DE SA NAISSANCE À AIGUEPERSE

Michel de L'Hospital, combattant pour la justice et la paix civile Michel de L'Hospital: du palais d' Aigueperse à la chancellerie de France Inauguration en 1826 de la statue de Michel de L'Hospital d' Aigueperse

& Les invasions normandes en Bourbonnais et Basse Auvergne

Saint Paterne, de Bretagne à Artonne

ASSOCIATION CULTURELLE D' AIGUEPERSE

ET SES ENVIRONS

1er

semestre 2006 ISSN 0763-0190 PRIX 11 €

UN COMBATTANT POUR LA JUSTICE ET LA PAIX CIVILE

MICHEL DE L'HOSPITAL

UN CELEBRE AIGUEPERSOIS, COMBATTANT POUR LA JUSTICE ET LA PAIX CIVILE

Dans son ouvrage, Les Six livres de la republique, Jean Bodin, penseur et ecrivain du XVIe siecle, celebrait Michel de L'Hospital, chancelier de France de 1560 a 1568, sous les regnes de Franc;ois II et Charles IX. Il le decrivait comme une illustration remarquable de celui qui surpassa les difficultes de sa jeunesse grace a la vertu et a l'erudition. Bodin notait que ses contemporains, notamment les gens du peuple, etaient tres fiers quand ils virent l'enfant d'un simple medecin devenir, par ses seules qualites, chancelier d'un grand royaume. 1 En effet, voici ce fils d'exile, originaire d' Aigueperse, qui, comme chancelier de France, s' attaqua courageusement aux tragiques turbulences des guerres de religion. Le role illustre que L'Hospital joua dans les crises des guerres civiles laissa une empreinte indelebile sur l 'histoire du XVIe siecle.

Les guerres de religion (1562-1598) avaient eclate pour des questions de dissensions religieuses, mais s'etaient vite compliquees de luttes d'ordre politique. Quand beaucoup de ses contemporains se trouvaient entraines par leurs passions religieuses et des inimities entre factions adverses, L'Hospital joua le role de mediateur entre ces factions a la cour du roi, choisissant de poursuivre une politique de coexistence pacifique entre les catholiques et les protestants. Homme de certitudes spirituelles et empreint de qualites poetiques, il promut l'idee d'accorder une liberte limitee de pratique religieuse aux protestants et eut la vision de sa mission de conduire ses contemporains vers une reconciliation avec Dieu. Sans relache, L'Hospital fut aussi un reformateur de l' administration judiciaire et un legislateur de haute volee, qualifie de « Solon de France» parses contemporains.2 De nos jours, dans un monde marque par de serieuses divisions religieuses et des conflits sociaux endemiques, l' esprit de reforme et la vision de cet homme remarquable sont plus a l' ordre du jour que jamais. 3

1 Dans le texte: « taus !es roturiers sont ravis d 'un plaisir incroyable, & se sentient taus honnorez ... quand its voyet le fils d 'un povre medecin [ devenir} chance lier d'un grand Royaume .. .[par ses J vertus illustres ». 2 Solon etait un hornme politique athenien (v. 640-v. 558 av. J.-C.). De famille noble, mais pauvre, grace a sa grande popularite, il devint archonte et fit des reformes en faveur du peuple. 3 Depuis une vingtaine d 'annees, L'Hospital a ete l 'objet d 'une attention renouvelee de la part des historiens dans le monde entier. Parmi ces recentes etudes, on note celles de Denis Crouzet, La sagesse et le malheur : Michel de L 'Hospital chancelier de France (Seyssel, 1998); Loris Petris, Michel de L 'Hospital et ses discours (1559-1562) (Geneve, 2002), Thierry Wanegffelen (ed.), De Michel de L 'Hospital a I 'edit de Nantes: Politique et religion face aux Eglises (Clermont-Ferrand, 2002) ; et de Seong-Hak Kim, Michel de L 'H6pital: The Vision of a Reformist Chancellor during the French Relig ious Wars (Kirksville, Mo., 1997). Les reuvres de L 'Hospital ont ete publiees au XIXe siecle: Oeuvres completes de Michel de L 'Hospital, 3 vols., editees par P.J.S. Dufey (Paris, 1824-1825). Les deux premiers volumes comprennent les discours de L'Hospital aux etats generaux et aux parlements, quelques notes et lettres diverses et son testament ; le troisieme volume fournit une collection de ses poemes en latin. L'ouvrage de Robert Descimon (ed.), Discours pour la majorite de Charles IX et trois autres discours (Paris, 1993) fournit une edition annotee et critique de quatre principaux discours politiques de L'Hospital. Dufey a egalement publie le Traite de la reformation de la justice, dans son ouvrage en deux

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DE LA POESIE AUX ETUDES JURIDIQUES

L'Hospital est le fils aine de Jean de L'Hospital, medecin personnel du connetable Charles de Bourbon. Dans son testament, L'Hospital indiqua qu'il n'avait jamais ete precisement sur de son age(« tousjours este en doubte demon aage »), mais les indications disponibles indiquent qu 'il est ne entre 1505 et 1507. Les historiens sont en desaccord sur son lieu de naissance. On a longtemps pense qu ' il etait ne au chateau de La Roche sur la commune de Chaptuzat pres d' Aigueperse. Toutefois une etude plus approfondie de la question oriente vers le palais des Montpensier de la ville d' Aigueperse4

• Parmi ses quelques souvenirs d'enfance, L'Hospital se rappelait que son pere, preoccupe par la passion de son fils Michel pour la litterature et tout particulierement pour la poesie, l' avait averti de la grande misere qui frappait la majorite des poetes. Peut-etre cet avertissement eut-il quelque effet, puisqu' il decida d'etudier le droit a l'universite de Toulouse afin de poursuivre une carriere juridique. L'education de Michel fut brusquement interrompue en 1523, lorsque le connetable de Bourbon se rebella contre le roi Franc;ois Ier_ Jean de L'Hospital, qui avait suivi fidelement son maitre dans son projet qui finalement avorta, dut s 'enfuir du pays aux cotes du connetable avec l' intention de servir l'empereur Charles V. En son absence de France, Jean fut par la suite condamne a mort. Le jeune Michel en subit les consequences et fut brievement jete en prison a Toulouse. Libere il quitta en 1526 le pays pour l'Italie afin d'y etudier le droit dans les universites de Padoue et de Bologne. 11 rec;ut le titre de docteur en droit de l'universite de Bologne. Ses etudes en Italie l' influencerent beaucoup pour construire ses vues humanistes.

Michel retouma avec son pere en France en 1533, en vertu de l'amnistie du roi. La, il reussit vite a rejoindre les elites parisiennes grace a son mariage avec Marie Morin, fille de Jean Morin, lieutenant criminel au Chatelet. En fait, son image de fils de traitre au pays faillit faire echec a son mariage. Apprenant l' implication de Jean de l'Hospital dans la rebellion de 1523, Jean Morin fremit a l' idee d'un mariage de sa fille avec Michel. 11 fallut le soutien du chancelier Antoine Dubourg pour que le mariage filt consacre en 1537. Le chancelier Dubourg, lui-meme auvergnat, fut peut-etre tout particulierement ouvert aux instances d 'un de ses compatriotes. Marie Morin lui apporta, dans sa corbeille de mariage, !'office de conseiller du Parlement et L'Hospital debuta ainsi sa carriere a Paris.

Par la suite, L'Hospital gagna sa promotion politique grace a sa reputation de poete. Auteur d'excellents hexametres, tout au long de sa vie il ecrivit des poemes en latin dans lesquels il exposait ses pensees, ses croyances, ses convictions, sa foi , sa philosophie et ses ambitions et ceci en des termes directs qui frappent par leur grande candeur.5 Ses capacites litteraires attirerent l'attention de Marguerite de Valois, sreur d'Henri II, qui, en 1550, s'attacha ses services comme chancelier de son duche de Berry. L'Hospital beneficia egalement de l' appui, genereux et prolonge, de la puissante maison des Guise. Charles de

volumes, Oeuvres inedites de Michel de L 'Hospital (1826), mais L'Hospital est-il l'auteur de ce traite ? La question reste debattue. 4 Cette question est excellemment traitee dans ce meme numero de Sparsae par Olivier Paradis qui eclaire d 'un jour nouveau cet aspect peu co1111u des premieres annees de Michel de L 'Hospital. 5 Les poesies de L'Hospital ont ete traduites en fran9ais par Louis Bandy de Naleche : Poesies completes du chancelier Michel de L'Hospital (Paris, 1857).

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Guise, cardinal de Lorraine, lui obtint en 1533 l'office de maitre des requetes et exen;:a egalement son influence au moment de sa nomination a la presidence de la Chambre des comptes (1555) et finalement a la chancellerie de France (1560).

Sur un plateau surplombant Chaptuzat, Aigueperse et la plaine de Limagne : le chateau de la Roche (photo Sparsae).

LE CHANCELIER COMBAT LA VIOLENCE ET EN APPELLE A LA CONCORDE RELIGIEUSE

Quand Henri II mourut en 1559, la France dut faire face a la fois a des dissensions religieuses, a une crise financiere grave et a un effondrement de la justice. A.ge de quinze ans, Frarn;:ois II poursuivit la politique de persecution religieuse de son pere. Mais le calvinisme s'etendait rapidement, beneficiant en partie de l' affaiblissement de l' autorite royale. En 1560, le nouveau chancelier L'Hospital mena, avec l' appui de la reine mere et regente, Catherine de Medicis, une politique faisant une claire distinction entre la sedition politique et les croyances religieuses. Les huguenots qui agissaient avec violence devaient etre punis, mais les autres devaient etre laisses en paix. L'Hospital pensait que la solution aux problemes de division religieuse ne se trouvait pas dans la persecution, mais dans des reformes d'ordre moral. S'adressant aux etats generaux d' Orleans, le 13 decembre 1560, le chancelier declara: « Il nous faut doresnavant garder de vertus et bonnes moeurs, et puis !es assaillir avec !es armes de charite, priers, persuasions, paroles de Dieu, qui sont propres a tel combat. » 11 en appela avec vigueur a la concorde religieuse : « Ostons ces mots diaboliques, noms de parts, factions et seditions, lutheriens, Huguenots, papists: ne changeons le nom de chrestien. » En septembre 1561 , la couronne convoqua une conference a Poissy entre theologiens calvinistes et catholiques, mais l' echec du collogue de Poissy mit un terme aux espoirs qu'un compromis doctrinal put restaurer ]'unite religieuse du royaume. L'Hospital en ressortit convaincu qu'une certaine tolerance a l'egard des protestants etait la seule voie pour eviter la guerre civile.

L'edit de janvier 1562 et celui d'Amboise de 1563 legaliserent la pratique religieuse des protestants. L'Hospital declara au conseil du roi tenu a Saint-Germain-en-Laye en 1562

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que « plusieurs peuvent etre citoyens qui ne sont pas chretiens »6 et que « l 'excornmunie ne laisse pas d 'estre citoyen. » Ces phrases memorables, annorn;ant avec cent ans d'avance celles de Pierre Bayle 7, saisissent bien le ressort meme de la politique religieuse de L'Hospital. Ces fortes paroles, toutefois, conduisirent a celebrer de maniere un peu anachronique L'Hospital comme l' avocat de la liberte de conscience.

Ce que L'Hospital tenta de realiser n'etait pas de garantir la liberte religieuse comme un droit fondamental, mais d' arreter les hostilites d'ordre religieux et d'assurer la paix dans le royaume. Il ne contestait pas !' importance d'un accord au plan religieux. Cependant il realisait aussi que, dans la situation du pays, une uniforrnite religieuse sous l'autorite du catholicisme ne pouvait pas etre atteinte sans danger pour l'Etat. Une coexistence momentanee des croyances etait la seule solution pour eviter l' anarchie d'une guerre civile. En fait, le gouvernement n'avait pas d' autre choix. Une persecution directe ne semblait que pouvoir renforcer les protestants dans leur opposition. Cette coexistence temporaire etait necessaire pour la preservation de la paix jusqu'a des temps meilleurs ou la grace de Dieu unirait les eglises.

L'HOSPITAL SE HEURTE DE PLEIN FRONT A L'ORDRE ETABLI DANS LA MISE EN CEUVRE DE SA POLITIQUE

La politique de tolerance promue par L'Hospital fit de lui la cible de nombreuses critiques et meme de haine. Le parlement de Paris, champion d'une approche tres conservatrice de la religion, refusa a de nombreuses reprises d' enregistrer tout edit visant a la pacification. Le chancelier etait deteste cordialement par la cour d'Espagne et par Rome, qui essayerent sans cesse de reduire son influence a la cour fran9aise. La malchance de L 'Hospital fut de se trouver pris entre des adversaires religieux radicaux. Il etait haY par les huguenots comme celui qui avait, jadis, beneficie du soutien de la maison de Guise. Mais, par ailleurs, sa politique vis-a-vis des religions garantissant une tolerance limitee aux protestants l'exposa aux accusations d'etre, secretement, un huguenot.

A la cour, les opposants catholiques de L'Hospital murmuraient « Dieu nous garde de la rnesse du chancelier », l' accusant d' assister a la messe par pur opportunisme. La formule « messe du chancelier » faisait reference aux offices catholiques auxquels quelques membres des eglises reformees continuaient de participer pour eviter d'etre declares heretiques. La messe du chancelier faisait partie des soi-disant trois merveilles de l' epoque, avec « !es grains de chapelet du connetable » et« le chapeau du cardinal de Chdtillon ». Les Parisiens se plaignaient, en effet, que, si le chancelier de L'Hospital ecoutait bien la messe quotidiennement, il n'en etait pas moins, en France, le chef des huguenots ; que le connetable de Montmorency marmonnait sans cesse son chapelet alors que son esprit etait toujours occupe par d'autres sujets ; et que, si Chatillon portait bien un chapeau de cardinal, cela ne l' empechait pas de defier le pape. L'Hospital proclama a plusieurs reprises sa foi catholique, mais la « messe du chancelier » fournit un sujet d' attaque facile pour ses adversaires. Cette

6 Le mot « chretiens » qu ' il employait ici devait etre pris comme synonyme de « catholiques ». 7 Pierre Bayle (I 647-1706), professeur a Sedan et erudit protestant, est !' auteur du Dictionnaire historique et critique (1696-1697). En 1683 ii s ' exila a Rotterdam ou ii mourut.

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formule servit dans le cercle international pour ceux qui cherchaient a chasser L'Hospital ou tout officiel frarn;ais qui paraissait compromettre les inten~ts catholiques.

Au total, sa politique religieuse fut la cause de sa mise a l'ecart par celui qui avait ete jusque la son soutien, le cardinal de Lorraine. En fait, les relations initiales de L'Hospital avec les Guise paraissent ne pas etre en coherence avec le portrait bien etabli de L'Hospital comme ardent opposant au fanatisme - fanatisme bien illustre par la faction des Guise. Comme on l'a vu, L 'Hospital beneficia d 'un soutien actif des Guise et conserva des relations etroites avec le cardinal de Lorraine et ceci au moins jusqu'en 1564, quand ce dernier revint apres la cloture du concile de Trente (1545-1563).

L 'Hospital s'opposa a la publication immediate des decrets issus du concile, telle que reclamee par le cardinal, car ces decrets seraient alles a l' encontre des termes memes des edits de pacification qui accordaient la liberte de pratique religieuse aux protestants. Le cardinal de Lorraine n'envisagea jamais l' idee meme de legaliser les offices religieux huguenots en France. I1 reprocha a L 'Hospital son opposition aux decisions du concile de l'Eglise. Lors d 'une reunion du conseil du roi, le cardinal s' ecria que le chancelier n'etait qu'un ingrat tentant de faire du mal au cardinal et a sa famille et ceci en depit de toutes les dettes qu' il avait a son egard. A la suite de cette celebre altercation de fevrier 1564, leur amitie se trouva irremediablement rompue. La relation entre L'Hospital et le cardinal illustre bien le dilemme dans lequel se trouvait le chancelier, pousse au conflit avec son parrain de longue date par les pressions des guerres de religion.

Alors qu ' il etait attaque de toutes parts pour sa politique en matiere de religion, L'Hospital fut aussi la cible de critiques tout aussi vehementes pour ses autres politiques. De fait, 1' etude de ces dernieres, un aspect sou vent trop rapidement traite par les historiens, peut

Gravure representant le chancelier de L'Hospital, © Bibliotheque publique et universitaire, Neuchatel.

faire decouvrir une vision nouvelle a la fois sur le chancelier et sur ses realisations. Un point de vue trop etroit subordonnant !'ensemble de ses politiques a la religion ferait courir le risque de reduire et d' obscurcir 1' ensemble des implications a la fois de son jugement et de sa vision politique. C'est ainsi que L'Hospital fut l'un des premiers hommes d'Etat du XVIe siecle qui realisa que les titulaires de charges, de plus en plus recalcitrants a l'egard de la couronne, a l'abri d 'offices retranches dans leur venalite, constituaient la principale menace pour la monarchie.

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LETTRE AUTOGRAPHE DE MICHEL DE L'HOSPITAL A CATHERINE DE MEDICIS

(Bibliotheque nationale de France, Frarn;:ais 15881 , fol. 139)

La lettre autographe* ecrite a Catherine de Medicis par L'Hospital le 19 mai 1565 et transcrite ci­dessous, est un parfait exemple de ses qualites de grand horrme d'Etat. S ' il l' estimait necessaire pour sauvegarder les lois du royaume et preserver les finances royales, L'Hospital ne craignait pas de defier les plus grands du royaume et meme la volonte de la reine mere ou du roi. Dans cette lettre, jusqu'a present peu connue, L'Hospital explique pourquoi il refusa d'apposer le sceau du chancelier sur un ordre royal accordant aux hommes du marechal de Bourdeille, gouverneur du Perigord, la propriete confisquee sur ceux-la memes que le marechal avait trompes. Ces hommes avaient ete condamnes par contumace de maniere tres sommaire par le marechal, sans suivre une procedure legale correcte, apparemment dans l'espoir de pouvoir disposer rapidement de leur propriete. Si le roi laissait passer une telle pratique et accordait un tel cadeau, L'Hospital previent que d'autres gouverneurs se sentiraient autorises a faire de meme et a demander de tels avantages.

* voir page ci-contre le fac-simile de cette lettre.

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t/c,nf r,c,t1./ez/ entent/re la cat1.se, cc,mme chc,se 1t1.i ne se re/v.se a 1t1.i 1t1.e ce sc,it./ /.fat/ame,

la cat1.se est 1t1.e /'c,n /"t1.rrc,it frc,t1.rer ma/hc,neste 1t1.e mc,nseiJnet1.r/ le mareschal /v.t a/le 1ar

em/eschement t/t1. R"!f /ere chastier !es mat1.1tais et/ mt1.tiniers at1.t/it 1ais et c,t1. /'c,n ne !es

/"t1.rrc,it /rent/re, !es /ere cc,nJamner/ 1ar t/e{at1.!t et cc,ntt1.maces et /t1.is 1t1. ';/ t/emant/a !es

amandes/ /"t1.r !t1.J et !es siens. Vot1.s sarez ce 1t1. 'c,n /et1.!t 5/c,ser la t/esst1.s/ et 1t1.e cela a

pid at/r,,ancer !es Jt1.semans /"t1.r !'es1erance/ des t/c,ns ; et /"t1.r sem6/a6/e raisc,n c,nt este

!es siet1.rs CJ t/er,,ant/ casse mesme 1t1.e lest/its t/c,ns /v.rent /aicts at1.ssi tc,st 1t1. 'ii /v.t

retc,t1.rne./ Vot1.!a ma raisc,n en la1t1.e!le j a!! et1. reS/c,rf at1.t/id mareschal/ de 1t1.iJ a!f me

/'hc,nnet1.r at1.fant 1t1.e le mien. Vot1.s c,rt/c,nerez la/ t/esst1.s ce 1t1. JI r,c,t1.S 1/aira ; !es

5c,t1.rernet1.rs et at1.!tre ainsi charse/ /"t1.rrc,ient demander en cas sem6/a6le de cela a /!t1.s

lonst1.e encc,re/ 1t1.e je r,c,t1.s /t1.is escrire./ /.fac/ame, je /de nc,stre seiJnet1.r r,c,t1.S t/c,ner

acc,m/!issement de r,c,s pc,ns/ et honestez desires, tres pc,ne et tres /c,n!Jt1.e "Je. Oe

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Votre tres ht1.m6le et tres c,peisant st1.ljet et serritet1.r

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Lettre autographe de Michel de L 'Hospital a Catherine de Medicis (cliche BnF, fran9ais 15881 , fol. 139) © Bibliotheque nationale de France,

publie avec l' autorisation de Mme_ Monique Cohen, conservateur general, departement des manuscrits.

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UN COMBATTANT POUR LA JUSTICE ET LA PAIX CIVILE

Ses efforts en vue de reformer la justice furent developpes et regroupes dans l'ordonnance d'Orleans (1561), l' edit de Roussillon (1564) et l'ordonnance de Moulins (1566). L'ordonnance d'Orleans etait fondee sur les cahiers des etats, refletant le souhait de reformes majeures exprime par une partie importante de la societe. Toutefois, sa croisade contre la venalite des offices de justice rencontra une forte opposition de la part du parlement de Paris. Pour ces magistrats, les efforts sans repit de L'Hospital en vue d'une reforme du systeme judiciaire apparaissaient comme leur etant tres hostiles. Ils decrierent I 'attitude autoritaire du chancelier. Il semblerait que rarement un chancelier avant !'Hospital eut employe des termes aussi durs et directs dans ses discours aux parlements, denon9ant leur desobeissance a l'autorite royale. Le parlement de Paris etait, parmi les opposants au chancelier L'Hospital, l'un des plus acrimonieux, ne se contentant pas de ralentir !' execution des reformes judiciaires, mais obstruant la mise en place des politiques religieuses. Il est vraisemblable que le cote impopulaire des reformes judiciaires de L 'Hospital fut responsable, au moins en partie, de l' appui moins qu'enthousiaste apporte par cette instance judiciaire a la politique religieuse du chancelier.

Des sa prise de fonction a la chancellerie, L'Hospital chercha sans cesse a assurer une independance complete de la Couronne vis-a-vis des affaires du pays et, en particulier, des affaires concernant l'Eglise. Face au risque de faillite financiere de l'Etat, le gouvernement, sous la conduite du chancelier, reussit en 1561 a obtenir la concession par le clerge d'une contribution financiere moyennant le retour des domaines de l'Eglise qui avaient ete alienes par la Couronne. Cet accord, connu sous le nom de « contrat de Poissy » entre le roi et le clerge, etablit un principe nouveau, celui d'une subvention annuelle du clerge. Ceci permit au chancelier d'etre acclame, meme par le nonce apostolique, comme « le plus competent ministre » en matiere financiere, mais dans le meme temps on vit se developper un fort ressentiment a son egard de la part de l'Eglise et de Rome. Quand cette mesure s'avera insuffisante pour fournir assez de ressources et satisfaire les besoins de la monarchie, le roi ordonna en 1563, sur la recommandation du chancelier, !' alienation forcee des biens de l'Eglise. Cette decision avait une valeur extraordinaire non seulement par ses consequences materielles mais aussi pour ses implications constitutionnelles, puisqu'elle etait la negation meme du principe d'inalienabilite du patrimoine de l'Eglise que le clerge avait jusque-la consideree comme indiscutable. Pour expliquer cette mesure controversee, le chancelier L'Hospital affirma que !' alienation ainsi decidee de la propre autorite du roi constituait une mesure parfaitement legitime, en accord avec les lois du royaume.

Les relations de L'Hospital avec le clerge et avec le parlement de Paris mirent clairement en evidence le fait qu'il etait un homme d'Etat disposant d'un sens politique avise. Son appreciation de la necessite politique guida ses choix. De nombreux historiens ont decrit la politique menee par le chancelier comme dictee par des questions d' ordre religieux. Si personne ne peut discuter le fait que les reactions de L'Hospital aux crises religieuses et civiles du royaume etaient fondees sur sa foi , ce point, sans aucun doute vrai, ne devrait pas etre pousse jusqu'a oublier une evaluation plus large de la politique du chancelier. Plutot qu'un apotre isole de la tolerance, il etait un homme politique avise et pragmatique. Mais sa mise en avant des prerogatives royales et ses efforts incessants en vue d'assurer le respect du pouvoir royal, ajoutes aux edits hautement impopulaires en vue de la paix civile, le firent encore moins aime par les tenants de l'ordre etabli. Plusieurs groupes d' interet puissants per9urent les efforts de reforme de L'Hospital comme des intrusions auxquelles il fallait

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UN COMBATTANT POUR LA JUSTICE ET LA PAIX CIVILE

resister pour preserver leurs privileges. L 'Hospital avait pleine conscience de ces oppositions. II remarqua avec gravite : « /es fauteurs des desordres ne me peuvent soujfrir, ni moi eux, » et declara qu' entre ses accusateurs et lui « c'est une guerre eternelle; telle est ma destinee. »

LE CHANCELIERDE L'HOSPITAL, DISGRACIE EN 1568, MEURT LE 13 MARS 1573

Malgre sa grande determination, l ' impuissance du chancelier a obtenir des soutiens pour ses politiques s'est averee pour lui des plus dommageables. Peut-etre etait-ce le prix a payer pour son idealisme. Tout au long de sa carriere, L'Hospital eut a faire face a un combat difficile. Son administration rigoureuse de la justice et ses precautions pour les finances du royaume augmenterent chaque jour le nombre de ses ennemis. Jamais personnellement populaire et manquant de l'appui dont il aurait beneficie s'il avait ete issu de familles illustres parlementaires, tout son pouvoir provint du soutien de Catherine de Medicis. Ce ne fut qu 'autant qu'elle inclinait a soutenir sa politique qu ' il put conserver sa charge. Mais la reine mere perdit peu a peu patience face a sa politique de conciliation et quand les critiques affecterent le gouvemement tout entier, l' accusant d 'attitudes denuees apparemment de fermete, elle decida de rendre le chancelier responsable de cette politique de tolerance qui n'avait mene a rien. Quand la seconde guerre civile de novembre 1567 eclata, !' influence politique de L 'Hospital declina rapidement et en octobre 1568 il rendit les sceaux de son ministere et se retira dans residence de Vignay (voir carte ci-dessous). Sa disgrace marqua la fin de tout espoir qui aurait encore pu subsister de resoudre pacifiquement cette crise civile sans precedent. De sa retraite, il fut le temoin des violences de la Saint-Barthelemy d'aout 1572. II ne put qu'admettre que tous ses efforts pour eviter les guerres religieuses s'effondraient. En fevrier 1573, L'Hospital fut officiellement demis de ses fonctions de chancelier, meme s'il en garda le titre. Le 12 mars suivant, il redigeait ses demieres volontes. II mourut le lendemain.

On ne sait que peu de chose sur la femme de Michel de L'Hospital, Marie, a }'exception de quelques mentions sporadiques dans ses poemes. Elle donna le jour a trois filles, mais une seule, Madeleine, survecut. La devotion et la confiance de L 'Hospital en son epouse sont rendues evidentes par le fait que, dans son testament, il la fit administratrice de tous ses biens. Madeleine et son mari, Robert Hurault, seigneur de Belesbat, maitre des requetes en 1560, eurent huit enfants. L 'Hospital exprima sa volonte que ses petits-fils ajoutent a leur nom de Hurault le nom de sa famille. Seuls deux d 'entre eux, Michel et Robert, eurent une descendance pour poursuivre la nouvelle lignee des Hurault de L 'Hospital. Michel Hurault de L'Hospital devint conseiller au parlement de Paris et epousa Olympe, fille de Guy du Faur de Pibrac, president du parlement de Paris et proche du chancelier. Attache au roi de Navarre, le futur Henri IV qui le fit son chancelier, Michel mourut en 1592, dans la religion protestante. Selon les genealogistes, la descendance de Michel Hurault de L'Hospital s' eteignit peu apres 1787.

Le nom « L 'Hospital » fut preserve par le frere du chancelier, Pierre. En octobre 1546, Michel de L'Hospital lui avait vendu pour 2000 ecus d 'or la seigneurie de La Roche a Chaptuzat qui lui avait ete donnee par son pere en 1537. II est vraisemblable que le chancelier utilisa cette somme pour acheter la propriete de Vignay ou il vecut ses demieres annees.

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Pierre, seigneur de La Roche, etait gentilhomme ordinaire aupres du due de Lorraine en 1546 et son fils servit comme maitre d'hotel du roi. Cette famille resta en Auvergne et fut mentionnee dans le Nobiliaire d'Auvergne publie en 1853.8

Milly-la-Foret

+ Champmotteux ~*

+ Malesherbes

+ Pithiviers

Vign~_A_ ,,~,-* Champmotteux

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L'Hospital professa a plusieurs reprises dans ses poemes que sa sagesse lui commandait de ne jamais se desengager de l'action publique. Son entiere carriere publique fut vouee a la courageuse defense de l'autorite royale, de telle sorte que les sujets du royaume pussent vivre dans la paix civile. Les plaidoyers de L'Hospital pour la tolerance et le maintien de la paix civile revelerent une vision qui se poursuivit en France, meme apres le reglement au XVIe siecle du conflit religieux. Un pauvre fils d'exile fut a l' origine d'une tradition de moderation et d' ideaux reformistes destines a etre repris dans l'histoire de France par d'autres ministres. Apres tout, Jean Bodin n'exagerait qu'a peine dans ses louanges relatives aux realisations de notre grand chancelier.

Marie Seong-Hak KIM

8 Jean-Baptiste Bouillet, Nobiliaire d'Auvergne, Clermont-Ferrand, 1846-1853.

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