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Gastroenterol Clin Biol, 2005, 29 1186 Cryptosporidiose après transplantation hépatique ne diarrhée aiguë est une complication possible, parfois sévère, observée après transplantation hépatique. Les étiologies infectieuses sont les plus fréquentes. Nous rapportons le cas exceptionnel d’un malade ayant présenté une colite aiguë à Cryptosporidium après transplantation hépatique. Observation Une femme de 59 ans était prise en charge en septembre 2003 pour une cirrhose alcoolique décompensée classée Child-Pugh C. La malade était sevrée depuis plus de 6 mois et l’indication de transplantation hépatique était posée. La trans- plantation était réalisée à partir d’un donneur vivant (son fils) en février 2004. Le traitement immunosuppresseur comportait tacrolimus et corticoïdes. La corticothérapie était stoppée après 3 mois. Les suites opératoires précoces étaient simples. Le taux résiduel de tacrolimus était maintenu entre 7 et 12 ng/ml. Une sténose de l’anastomose bilio-biliaire (canal hépatique droit du donneur-canal hépatique commun du receveur) était mise en évi- dence en juin 2004 devant l’apparition d’un ictère et d’un prurit associés à une dilatation des voies biliaires intra-hépatiques, et traitée par prothèse endoscopique. L’ictère régressait progressi- vement. Début octobre 2004, la malade se plaignait d’une diar- rhée non fébrile, faite de 10 à 15 selles par jour, diurnes et nocturnes, associée à des vomissements, sans rectorragie, sans douleur abdominale. Le taux résiduel de tacrolimus était de 6,5 ng/ml. La coproculture était négative. La malade était hospi- talisée le 18 octobre en urgence pour déshydratation aiguë. L’état général était altéré et il existait un syndrome inflammatoire biologique marqué (CRP à 127 mg/L). L’hémogramme était dans les limites de la normale. Il existait un hyponatrémie à 127 mmol/L et une hypokaliémie à 2,9 mmol/L, associées à une insuffisance rénale (urée à 35,9 mmol/L et créatinine à 235 Pmol/L). L’évolution biologique et clinique était favorable après réhydratation par voie veineuse. Il n’existait pas de symp- tomatologie évocatrice d’une atteinte infectieuse extra-digestive (pulmonaire, hépatique ou oculaire). De nouvelles coprocultures, la recherche de toxine de Clostridium difficile et les sérologies Salmonella, Shigella, Campylobacter et Yersinia étaient négati- ves. La recherche de cytomegalovirus dans le sang par PCR était négative. Un traitement par métronidazole (1,5 g/j) était institué. Le 27 octobre, l’examen parasitologique des selles mettait en évidence des oocystes de Cryptosporidium. Un traitement par nitazoxanide (Cryptase ® ) à la dose de 2 g/j était débuté le 2 novembre et le métronidazole était arrêté. Le taux résiduel de tacrolimus était de 7,4 ng/mL et la posologie de tacrolimus était réduite de 5 à 3 mg par jour. La diarrhée persistait et une gas- troscopie et une rectoscopie étaient réalisées le 10 novembre et étaient macroscopiquement normales. L’examen histologique des prélèvements biopsiques était sans particularité, et la recherche de cytomegalovirus par PCR négative. L’amélioration clinique était ensuite progressive, avec disparition de la diarrhée après 15 jours de traitement. Parallèlement, il existait une disparition du syndrome inflammatoire biologique (CRP à 16 mg/L). La malade pouvait regagner son domicile le 19 novembre 2004, après qua- tre semaines d’hospitalisation. Une recherche dans les selles d’oocystes de Cryptosporidium était négative les 2-3-4 décembre et le traitement par nitazoxanide était arrêté (après 4 semaines de traitement). Discussion Chez cette malade, plusieurs étiologies pouvaient être évo- quées pour expliquer la survenue d’une diarrhée aiguë grave dans les mois suivant une transplantation hépatique. L’hypothèse d’une toxicité médicamenteuse n’était pas retenue, en l’absence de prise médicamenteuse nouvelle récente et de prise de médica- ment potentiellement responsable. La première hypothèse était celle d’une colite infectieuse aiguë. Les infections les plus fréquen- tes dans cette situation clinique sont dues à des germes banaux : Salmonella, Shigella, Campylobacter, Yersinia, Escherichia coli, Entamoeba histolytica, Clostridium difficile. D’autres peuvent être des infections opportunistes, en particulier par le cytomegalovirus. Les infections par Cryptosporidium font partie des étiologies possibles de diarrhée aiguë infectieuse, et sont habituellement observées dans un contexte de baisse des défenses immunitaires [1, 2]. Elles sont essentiellement observées chez les malades por- teurs du VIH et exceptionnelles après transplantation d’organe, comme la transplantation hépatique [3]. Ce type d’infection a été rapporté après greffe de moelle, transplantation rénale ou trans- plantation intestinale [4, 5]. Après transplantation hépatique, quelques cas ont été rapportés chez des enfants [6]. La transmis- sion est féco-orale, et 1 à 3 % de la population générale est por- teur d’oocystes dans les selles. Les diarrhées à cryptosporidie représentent 2,2 % des diarrhées dans les pays développés, chez l’immunocompétent. La fréquence est plus élevée (7 %) chez les enfants. Le diagnostic repose sur la mise en évidence des oocys- tes dans les selles en microscopie par coloration de Ziehl- Neel- sen. La recherche des oocystes peut être optimisée par des tests d’immuno-fluorescence ou d’ELISA. La PCR n’est pas disponible en routine. La cryptosporidiose peut se compliquer d’une atteinte des voies biliaires, réalisant un aspect de cholangite sclérosante. Chez notre malade, l’aspect cholangiographique était celui d’une sténose anastomotique et le diagnostic d’une atteinte infec- tieuse a été écarté. Les traitements anti-parasitaires de la cryp- tosporidiose ont été particulièrement utilisés chez les malades porteurs du VIH et leur efficacité est très partielle. La première étape est de réduire l’immunodépression. Ceci peut être obtenu par diminution du traitement immunosuppresseur chez le trans- planté, comme dans notre observation. Les molécules actives uti- lisées sont la paromomycine (Humatin ® ), l’azithromycine (Zythromax ® ), et le nitazoxanide. L’interêt d’associations médi- camenteuses n’est pas démontré. Le traitement doit être maintenu jusqu’à disparition des oocystes dans les selles. Dans les cas de diarrhées sévères résistantes, un autre agent pathogène, tel que le cytomegalovirus, doit être recherché. L’évolution peut être pro- longée en l’absence d’efficacité du traitement. En conclusion, le diagnostic d’infection à Cryptosporidium doit être évoqué après transplantation hépatique devant tout tableau de diarrhée aiguë. Elle doit être reconnue rapidement par un examen parasitologique des selles pour débuter un traite- ment adapté. La durée du traitement peut être prolongée et dépend de son efficacité, démontrée par la disparition de l’élimi- nation des oocystes dans les selles. Jérôme DUMORTIER (1, 2), Batistina CRUCHAUDET (3), Marie-Antoinette PIENS (4), Yves BOUFFARD (1, 2), Vincent PEYREGNE (1, 2), Olivier BOILLOT (1, 2) (1) Fédération des Spécialités Digestives, (2) Unité de Transplantation Hépatique, (3) Service d’Urgences Médicales, Hôpital Edouard Herriot, Lyon ; (4) Laboratoire de Parasitologie-Mycologie Médicale, Faculté Rockefeller, Lyon. L

Cryptosporidiose après transplantation hépatique

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Gastroenterol Clin Biol, 2005, 29

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Cryptosporidiose après transplantation hépatiquene diarrhée aiguë est une complication possible, parfois sévère, observée après transplantation hépatique. Les étiologies infectieuses sont les plus fréquentes. Nous rapportons le cas exceptionnel d’un malade ayant présenté une colite aiguë à Cryptosporidium après

transplantation hépatique.

Observation

Une femme de 59 ans était prise en charge en septembre2003 pour une cirrhose alcoolique décompensée classéeChild-Pugh C. La malade était sevrée depuis plus de 6 mois etl’indication de transplantation hépatique était posée. La trans-plantation était réalisée à partir d’un donneur vivant (son fils) enfévrier 2004. Le traitement immunosuppresseur comportaittacrolimus et corticoïdes. La corticothérapie était stoppée après3 mois. Les suites opératoires précoces étaient simples. Le tauxrésiduel de tacrolimus était maintenu entre 7 et 12 ng/ml. Unesténose de l’anastomose bilio-biliaire (canal hépatique droit dudonneur-canal hépatique commun du receveur) était mise en évi-dence en juin 2004 devant l’apparition d’un ictère et d’un pruritassociés à une dilatation des voies biliaires intra-hépatiques, ettraitée par prothèse endoscopique. L’ictère régressait progressi-vement. Début octobre 2004, la malade se plaignait d’une diar-rhée non fébrile, faite de 10 à 15 selles par jour, diurnes etnocturnes, associée à des vomissements, sans rectorragie, sansdouleur abdominale. Le taux résiduel de tacrolimus était de6,5 ng/ml. La coproculture était négative. La malade était hospi-talisée le 18 octobre en urgence pour déshydratation aiguë.L’état général était altéré et il existait un syndrome inflammatoirebiologique marqué (CRP à 127 mg/L). L’hémogramme était dansles limites de la normale. Il existait un hyponatrémie à127 mmol/L et une hypokaliémie à 2,9 mmol/L, associées à uneinsuffisance rénale (urée à 35,9 mmol/L et créatinine à235 Pmol/L). L’évolution biologique et clinique était favorableaprès réhydratation par voie veineuse. Il n’existait pas de symp-tomatologie évocatrice d’une atteinte infectieuse extra-digestive(pulmonaire, hépatique ou oculaire). De nouvelles coprocultures,la recherche de toxine de Clostridium difficile et les sérologiesSalmonella, Shigella, Campylobacter et Yersinia étaient négati-ves. La recherche de cytomegalovirus dans le sang par PCR étaitnégative. Un traitement par métronidazole (1,5 g/j) était institué.Le 27 octobre, l’examen parasitologique des selles mettait enévidence des oocystes de Cryptosporidium. Un traitement parnitazoxanide (Cryptase®) à la dose de 2 g/j était débuté le2 novembre et le métronidazole était arrêté. Le taux résiduel detacrolimus était de 7,4 ng/mL et la posologie de tacrolimus étaitréduite de 5 à 3 mg par jour. La diarrhée persistait et une gas-troscopie et une rectoscopie étaient réalisées le 10 novembre etétaient macroscopiquement normales. L’examen histologique desprélèvements biopsiques était sans particularité, et la recherchede cytomegalovirus par PCR négative. L’amélioration cliniqueétait ensuite progressive, avec disparition de la diarrhée après15 jours de traitement. Parallèlement, il existait une disparition dusyndrome inflammatoire biologique (CRP à 16 mg/L). La maladepouvait regagner son domicile le 19 novembre 2004, après qua-tre semaines d’hospitalisation. Une recherche dans les sellesd’oocystes de Cryptosporidium était négative les 2-3-4 décembreet le traitement par nitazoxanide était arrêté (après 4 semainesde traitement).

Discussion

Chez cette malade, plusieurs étiologies pouvaient être évo-quées pour expliquer la survenue d’une diarrhée aiguë grave

dans les mois suivant une transplantation hépatique. L’hypothèsed’une toxicité médicamenteuse n’était pas retenue, en l’absencede prise médicamenteuse nouvelle récente et de prise de médica-ment potentiellement responsable. La première hypothèse étaitcelle d’une colite infectieuse aiguë. Les infections les plus fréquen-tes dans cette situation clinique sont dues à des germes banaux :Salmonella, Shigella, Campylobacter, Yersinia, Escherichia coli,Entamoeba histolytica, Clostridium difficile. D’autres peuvent êtredes infections opportunistes, en particulier par le cytomegalovirus.

Les infections par Cryptosporidium font partie des étiologiespossibles de diarrhée aiguë infectieuse, et sont habituellementobservées dans un contexte de baisse des défenses immunitaires[1, 2]. Elles sont essentiellement observées chez les malades por-teurs du VIH et exceptionnelles après transplantation d’organe,comme la transplantation hépatique [3]. Ce type d’infection a étérapporté après greffe de moelle, transplantation rénale ou trans-plantation intestinale [4, 5]. Après transplantation hépatique,quelques cas ont été rapportés chez des enfants [6]. La transmis-sion est féco-orale, et 1 à 3 % de la population générale est por-teur d’oocystes dans les selles. Les diarrhées à cryptosporidiereprésentent 2,2 % des diarrhées dans les pays développés, chezl’immunocompétent. La fréquence est plus élevée (7 %) chez lesenfants. Le diagnostic repose sur la mise en évidence des oocys-tes dans les selles en microscopie par coloration de Ziehl- Neel-sen. La recherche des oocystes peut être optimisée par des testsd’immuno-fluorescence ou d’ELISA. La PCR n’est pas disponibleen routine. La cryptosporidiose peut se compliquer d’une atteintedes voies biliaires, réalisant un aspect de cholangite sclérosante.Chez notre malade, l’aspect cholangiographique était celuid’une sténose anastomotique et le diagnostic d’une atteinte infec-tieuse a été écarté. Les traitements anti-parasitaires de la cryp-tosporidiose ont été particulièrement utilisés chez les maladesporteurs du VIH et leur efficacité est très partielle. La premièreétape est de réduire l’immunodépression. Ceci peut être obtenupar diminution du traitement immunosuppresseur chez le trans-planté, comme dans notre observation. Les molécules actives uti-lisées sont la paromomycine (Humatin®), l’azithromycine(Zythromax®), et le nitazoxanide. L’interêt d’associations médi-camenteuses n’est pas démontré. Le traitement doit être maintenujusqu’à disparition des oocystes dans les selles. Dans les cas dediarrhées sévères résistantes, un autre agent pathogène, tel quele cytomegalovirus, doit être recherché. L’évolution peut être pro-longée en l’absence d’efficacité du traitement.

En conclusion, le diagnostic d’infection à Cryptosporidiumdoit être évoqué après transplantation hépatique devant touttableau de diarrhée aiguë. Elle doit être reconnue rapidementpar un examen parasitologique des selles pour débuter un traite-ment adapté. La durée du traitement peut être prolongée etdépend de son efficacité, démontrée par la disparition de l’élimi-nation des oocystes dans les selles.

Jérôme DUMORTIER (1, 2), Batistina CRUCHAUDET (3),Marie-Antoinette PIENS (4), Yves BOUFFARD (1, 2),

Vincent PEYREGNE (1, 2), Olivier BOILLOT (1, 2)(1) Fédération des Spécialités Digestives, (2) Unité de Transplantation

Hépatique, (3) Service d’Urgences Médicales,Hôpital Edouard Herriot, Lyon ;

(4) Laboratoire de Parasitologie-Mycologie Médicale,Faculté Rockefeller, Lyon.

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Lettres à la rédaction

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RÉFÉRENCES

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2. Chen XM, Keithly JS, Paya CV, LaRusso NF. Cryptosporidiosis.N Engl J Med 2002;346:1723-31.

3. Wong NA, Bathgate AJ, Bellamy CO. Colorectal disease in liver al-lograft recipients — a clinicopathological study with follow-up. Eur JGastroenterol Hepatol 2002;14:231-6.

4. Delis SG, Tector J, Kato T, Mittal N, Weppler D, Levi D, et al. Diag-nosis and treatment of cryptosporidium infection in intestinal trans-plant recipients. Transplant Proc 2002;34:951-2.

5. Minz M, Udgiri NK, Heer MK, Kashyap R, Malla N. Cryptosporidia-sis in live related renal transplant recipients: a single center experi-ence. Transplantation 2004;77:1916-7.

6. Gerber DA, Green M, Jaffe R, Greenberg D, Mazariegos G, Reyes J.Cryptosporidial infections after solid organ transplantation in chil-dren. Pediatr Transplant 2000;4:50-5.

Panophtalmie au cours du traitement d’une hépatite C par interferon pégylé et ribavirine

es principales complications ophtalmologiques de l’interféron sont l’aggravation d’une rétinopathie diabétique, des occlusions artérielles ou veineuses, un œdème maculaire cystoïde et des nodules dysoriques [1, 2]. Une neuropathie optique ischémique antérieure aiguë, une

paralysie oculomotrice du 3e ou 6e nerf crânien et une cécité corticale ont également été décrites. Ces manifestations sont rares mais graves, car non régressives, même après l’arrêt du traitement. La survenue d’une cécité définitive est possible. À notre connaissance, même si les complications infectieuses sont classiques sous interféron et ribavirine, la fonte purulente de l’œil n’a jamais été rapportée.

Observation

Un homme âgé de 69 ans, d’origine marocaine, a été hospi-talisé en urgence en novembre 2003 pour fièvre, un œil droitrouge et douloureux, avec baisse brutale de l’acuité visuelle.Dans ses antécédents, on notait un diabète non insulino-dépen-dant avec rétinopathie diabétique débutante traité par Amarel®.En juillet 2001, le malade avait consulté pour prise en charged’une cirrhose compensée, avec un score de Child-Pugh à 5. Unbilan biologique sanguin montrait une activité sérique de l’ALATà 3 fois la valeur supérieure de la normale (N), de l’ASAT à 2 N,des gamma-GT et des phosphatases alcalines normales. La séro-logie de l’hépatite C et l’ARN du virus de l’hépatite C étaientpositifs. Le génotype était 2a avec une virémie à 7 300 UI/mL. Letaux de prothrombine était à 75 % et le taux de plaquettes à90 000/mm3. L’alpha-fœto-protéine sérique était normale. Labiopsie hépatique montrait un score Métavir A2-F4. Enseptembre 2003, la numération formule sanguine mettait en évi-dence un taux d’hémoglobine à 15,5 g/dL, une numération leu-cocytaire mesurée à 6 400/mm3, dont 2 176 polynucléairesneutrophiles/mm3, et une thombopénie à 87 000/mm3. Les séro-logies du virus de l’immuno-déficience humaine et du virus del’hépatite B étaient négatives. Le taux d’hémoglobine glycosyléeétait à 7,4 % (N < 6 %). Un traitement par interféron pégylé alpha2b à la posologie de 120 Pg/semaine et ribavirine 800 mg/jourétait débuté. Quatre semaines après le début du traitement, lepatient présentait un taux d’hémoglobine à 11,9 g/dL et unethrombopénie à 54 000/mm3. Le nombre de globules blancss’élevait à 4 900/mm3 avec une neutropénie à 1 029/mm3. Unenouvelle injection d’interféron pégylé à la posologie réduite à100 Pg était réalisée. La posologie de ribavirine n’était pasmodifiée. Quelques jours après l’injection, le malade présentaitune hyperthermie et des frissons. En moins de 24 heures, de vio-lentes douleurs oculaires droites apparaissaient, rapidement sui-vies d’une baisse brutale de l’acuité visuelle. À l’admission,l’examen clinique objectivait une fièvre à 39,5qC. L’examengénéral était normal. L’examen ophtalmologique retrouvait, auniveau de l’œil droit, un œdème palpébral intense avec sécré-tions purulentes. L’examen ophtalmologique concluait à unepanophtalmie aiguë droite. Le bilan biologique montrait un taux

d’hémoglobine à 10 g/dL, 4 000 globules blancs par mm3 avecune neutropénie à 1 000/mm3. L’activité de l’ASAT était à 2 N etcelle de l’ALAT était normale. La bilirubine totale était mesurée à19 mg/L et la CRP à 96 mg/L. Les hémocultures objectivaient laprésence de Staphylococcus aureus. En dépit d’une antibiothéra-pie systémique associant l’ofloxacine à la ceftazidime et d’injec-tions intra-oculaires intra-vitréennes de vancomycine, l’évolutionvers une phtyse de l’œil droit n’a pu être évitée. Une énucléationavec mise en place secondaire d’une bille habillée de Vicryl a étéréalisée. Les suites opératoires ont été simples permettant la sortiedu patient 48 heures après l’intervention.

Discussion

La panophtalmie ou fonte purulente de l’œil, est une infectiondu contenu du globe oculaire propagée à toutes les structures del’œil [3]. Les panophtalmies aiguës évoluent, comme dans la pré-sente observation, en 24 à 48 heures. Elles sont liées à la prolifé-ration de germes virulents, tels que les Staphyloccoques, lesStreptoccoques et les Bacilles Gram négatifs, et peuvent être soitd’origine exogène, soit endogène. Les panophtalmies exogènespeuvent être iatrogènes, comme après une chirurgie de cata-racte, traumatiques, suite à une plaie orbitaire, un corps étrangerintra-orbitaire, ou peuvent compliquer une kératite. Les panoph-talmies endogènes correspondent soit à la diffusion d’une infec-tion dentaire ou sinusienne, soit à une greffe bactérienne aucours d’une bactériémie, presque toujours dans un contexted’immuno-dépression. Dans la présente observation, la panoph-talmie aiguë à Staphyloccoccus aureus était probablement endo-gène, d’origine septicémique. Les hémocultures positives à cemême germe et la survenue retardée des signes fonctionnels ocu-laires de 24 heures par rapport aux premiers signes de déchar-ges bactériémiques, habituellement très précoces, en attestent. Laporte d’entrée infectieuse de ce germe n’a pu être identifiée.

Deux facteurs favorisants la survenue d’un sepsis étaient pré-sents chez notre malade : le diabète, qui multiplie par unfacteur 4 le risque de développer une endophtalmie après chi-rurgie de la cataracte [3] et la cirrhose. Bien qu’il soit possible derencontrer une leuco-neutropénie au cours d’infections sévères,

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