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FAIT CLINIQUE Étude de la marche après ostéoplastie de retournement pour tumeur maligne de l’extrémité proximale du fémur Gait analysis after rotationplasty hip surgery for malignant tumor of the proximal femur D. Donati *, M.-G. Benedetti **, F. Catani **, L. Berti **, R. Capanna *** * Cinquième Division de Chirurgie Orthopédique, ** Laboratoire d’Analyse du Mouvement, Institut Orthopédique Rizzoli, Via di Barbiano 1/10, 40136 Bologne, Italie. *** Centre d’Orthopédie Traumatologique, Hôpital Careggi, Centre de Tumeur des Os, Florence, Italie. ABSTRACT Rotationplasty of the hip joint is a special surgical technique used for the treatment of malignant tumors of the proximal part of the femur. We report a clinical case and gait analysis results before and after rehabilitation training. Evaluation of joint motion, kinetic moments, and the electromyographic findings enabled us to document progressive adaptation of muscle and joint function to their new role in the motor pattern, demonstrating the exceptional strength of rotationplasty. Active control of two fulcrums in the lower limb, the pseudo hip proximally and the pseudo knee intermedially, makes this type of operation extremely advantageous compared to the alternative of hip disarticulation or hemipelvectomy. Total absence of pain together with the preservation of articular and cutaneous proprioception are important advantages. Rotationplasty is an attractive alternative for treatment of malignant tumors of the proximal part of the femur. Key words: Rotation surgery, hip, gait analysis, bone tumor. RÉSUMÉ L’ostéoplastie de retournement de la hanche est une technique chirurgicale particulière utilisée dans le traitement des tumeurs malignes de la partie proximale du fémur. Nous présentons ici un cas, étudié au moyen d’une analyse de la marche avant et après un programme de réhabilitation de la marche. L’évaluation des amplitudes articulaires et des moments cinétiques de l’articulation ainsi que l’électromyographie nous ont permis de documenter l’adaptation progressive des fonctions musculaires et articulaires à leur nouveau rôle développé dans les schémas moteurs, démontrant l’efficacité exceptionnelle de l’ostéoplastie de retournement. La possibilité de disposer d’un contrôle actif sur deux points d’appui dans le membre inférieur, la pseudo-hanche en proximal et le pseudo-genou en position intermédiaire, rend ce type d’opération extrêmement avantageux en comparaison avec les techniques alternatives de désarticulation de la hanche ou d’hémipelvectomie. L’absence totale de douleur jointe à la préservation de la proprioception articulaire et cutanée fait de cette opération, lorsqu’elle est possible, une bonne solution dans le traitement des tumeurs malignes de la partie proximale du fémur. Mots clés : Ostéoplastie de retournement, hanche, analyse du mouvement, tumeur de l’os. Tirés à part : M.-G. BENEDETTI, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected] Acceptation définitive le : 3 mai 2004 Revue de chirurgie orthopédique © Masson, Paris, 2004 2004, 90, 561-568

Étude de la marche après ostéoplastie de retournement pour tumeur maligne de l’extrémité proximale du fémur

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Page 1: Étude de la marche après ostéoplastie de retournement pour tumeur maligne de l’extrémité proximale du fémur

FAIT CLINIQUE

Étude de la marche après ostéoplastie de retournementpour tumeur maligne de l’extrémité proximale du fémurGait analysis after rotationplasty hip surgery for malignant tumor of the proximal femur

D. Donati *, M.-G. Benedetti **, F. Catani **, L. Berti **, R. Capanna ***

* Cinquième Division de Chirurgie Orthopédique, ** Laboratoire d’Analyse du Mouvement, Institut Orthopédique Rizzoli, Via di Barbiano 1/10,40136 Bologne, Italie.*** Centre d’Orthopédie Traumatologique, Hôpital Careggi, Centre de Tumeur des Os, Florence, Italie.

ABSTRACT

Rotationplasty of the hip joint is a special surgical technique used for the treatment of malignant tumors of the proximalpart of the femur. We report a clinical case and gait analysis results before and after rehabilitation training.

Evaluation of joint motion, kinetic moments, and the electromyographic findings enabled us to document progressiveadaptation of muscle and joint function to their new role in the motor pattern, demonstrating the exceptional strength ofrotationplasty.

Active control of two fulcrums in the lower limb, the pseudo hip proximally and the pseudo knee intermedially, makesthis type of operation extremely advantageous compared to the alternative of hip disarticulation or hemipelvectomy. Totalabsence of pain together with the preservation of articular and cutaneous proprioception are important advantages.

Rotationplasty is an attractive alternative for treatment of malignant tumors of the proximal part of the femur.

Key words: Rotation surgery, hip, gait analysis, bone tumor.

RÉSUMÉ

L’ostéoplastie de retournement de la hanche est une technique chirurgicale particulière utilisée dans le traitement destumeurs malignes de la partie proximale du fémur. Nous présentons ici un cas, étudié au moyen d’une analyse de lamarche avant et après un programme de réhabilitation de la marche. L’évaluation des amplitudes articulaires et desmoments cinétiques de l’articulation ainsi que l’électromyographie nous ont permis de documenter l’adaptation progressivedes fonctions musculaires et articulaires à leur nouveau rôle développé dans les schémas moteurs, démontrant l’efficacitéexceptionnelle de l’ostéoplastie de retournement. La possibilité de disposer d’un contrôle actif sur deux points d’appui dansle membre inférieur, la pseudo-hanche en proximal et le pseudo-genou en position intermédiaire, rend ce type d’opérationextrêmement avantageux en comparaison avec les techniques alternatives de désarticulation de la hanche oud’hémipelvectomie.

L’absence totale de douleur jointe à la préservation de la proprioception articulaire et cutanée fait de cette opération,lorsqu’elle est possible, une bonne solution dans le traitement des tumeurs malignes de la partie proximale du fémur.

Mots clés : Ostéoplastie de retournement, hanche, analyse du mouvement, tumeur de l’os.

Tirés à part : M.-G. BENEDETTI, à l’adresse ci-dessus.E-mail : [email protected]

Acceptation définitive le : 3 mai 2004

Revue de chirurgie orthopédique © Masson, Paris, 20042004, 90, 561-568

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INTRODUCTION

L’ostéoplastie de retournement de la hanche est une tech-nique chirurgicale développée par Winkelmann (1, 2) qui enmodifiant « l’ostéoplastie de retournement de Van Ness » aproposé une alternative aux méthodes de désarticulation dela hanche et d’hémipelvectomie dans le traitement destumeurs malignes de la partie proximale du fémur.

Les principales indications pour l’ostéoplastie de retour-nement [Winkelmann (2), Capanna et al. (3)] sont l’exten-sion de la tumeur primaire, la présence d’une large résection(qui ne rend pas praticable la récupération du membre et oùla seule alternative reste l’amputation), le jeune âge dupatient, l’intégrité des nerfs et des vaisseaux sanguins.Grâce à ce procédé, le membre retourné peut croître régu-lièrement et de cette manière il est possible d’éviter d’autresopérations. Les avantages de l’ostéoplastie de retournementpar rapport à la désarticulation de la hanche et à l’hémipel-vectomie sont à prendre en compte puisque en préservantl’articulation du genou et de la cheville et en adoptant uneprothèse très légère qui peut être utilisée activement, lepatient peut marcher, courir, faire du sport et mener une viepratiquement normale, comme cela a été montré par Win-kelmann (2) et Rigault et al. (4). Néanmoins, la perfor-mance fonctionnelle dépend en grande partie de la repro-grammation, pendant le mouvement, du rôle du muscle etde l’articulation retournés qui doit devenir habituelle avec letemps. Récemment, Hillmann et al. (5) ont présenté desrésultats fonctionnels d’analyse de la marche très satisfai-

sants chez cinq patients présentant le type BIIIa d’ostéo-plastie de retournement. Par ailleurs, de très bon résultatsfonctionnels de l’ostéoplastie de retournement du genou ontété publiés [Catani et al. (6), Hillmann et al. (7), McClena-ghan et al. (8), Murray et al. (9), Renard et al. (10), Steen-hoff et al.(11), Van der Windt et al.(12)], ainsi qu’un bonniveau de qualité de vie [Veenstra et al. (13)].

Nous présentons ici les résultats de l’analyse de la mar-che dans un cas clinique avant et après un programme deréhabilitation visant au rétablissement de la marche nor-male, où une attention particulière a été portée sur l’adapta-tion du muscle retourné à son nouvel emploi moteur et àl’amélioration consécutive des schémas articulaires dumouvement pendant la marche.

OBSERVATION

Une patiente, âgée de 11 ans, a subi une résection et une ostéo-plastie de retournement de la hanche droite pour un sarcomed’Ewing de la partie proximale du fémur. L’indication de ce typede traitement était le jeune âge de la patiente en croissance et lanécessité d’exécuter une résection extra-articulaire de la partieproximale du fémur (fig. 1a). Une incision a été pratiquée avec latechnique de Smith-Peterson modifiée pour les amputations. Lesvaisseaux iliaques et fémoraux ont été réclinés vers l’avant et lenerf sciatique vers l’arrière. Le fémur a ensuite été sectionné àenviron 5 centimètres des condyles fémoraux, laissant la patella etson tendon en place. La longueur de la résection était de 32 cmpour le fémur et de 2 cm pour la partie sus-cotyloïdienne. Le cotylea été enlevé en sectionnant les os iliopubien et ischiopubien. Nous

FIG. 1. − Résonance magnétique de la hanche avant le traitement (a) et radiographie de la hanche traitée (b).

a b

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avons pu respecter une large marge chirurgicale. Après rotation de180° du membre inférieur, une ostéosynthèse entre le fémur distalet l’aile iliaque a été effectuée avec une plaque vissée (fig. 1b). Lesmuscles glutei (medius et minimus) ont ensuite été suturés autendon patellaire, formant les extenseurs de la pseudo-hanche,alors qu’en avant le psoas, suturé au tendon du biceps fémoral,avec les gastrocnemiens, permettant la flexion de la pseudo-hanche. Le gluteus maximus a été réinséré latéralement. Un plâtrepelvi-pédieux a été réalisé dès le 5e jour postopératoire et maintenupendant un mois (33 jours).

Secondairement, a été réalisé un « bermuda plâtré » pendant ledeuxième mois postopératoire.

Un mois après l’opération chirurgicale, lorsque le premier plâ-tre a été enlevé, une mobilisation prudente de la hanche et dugenou a été effectuée avec le Kinetec. Au cours du deuxième moispostopératoire, a été effectuée une mobilisation prudente active etpassive de l’articulation tibio-tarsienne. Après que le deuxièmeplâtre ait été enlevé, nous avons procédé à la mobilisation de lahanche sous anesthésie. Après la consolidation, la patiente a suiviune physiothérapie de réadaptation pendant un an dans le but derééduquer les muscles dans leur nouveau rôle pendant la marche etpour atteindre, en accord avec les valeurs présentées dans la litté-rature par Winkelmann (2), une flexion de la hanche d’environ 60°et une amplitude de 0° à 90° de flexion/extension de la cheville(pseudo-genou). Le protocole de réhabilitation prévoyait la mobi-lisation active et passive de la hanche et du genou pendant aumoins 30 minutes deux fois par jour, une thérapie de stimulationélectrique des muscles glutei et des fléchisseurs de la hanche et unemobilisation active de la tibio-tarsienne. La déambulation étaitpermise sans appui avec l’utilisation de deux cannes anglaises.Onze mois après l’opération, une prothèse a été mise en place etune rééducation fonctionnelle prudente et progressive, spécifiqueà la prothèse a été effectuée. Graduellement, l’appui a pu êtreaugmenté avec l’aide des cannes anglaises. La déambulation auto-nome sans support a été atteinte au bout de 24 mois.

Le résultat tant médical que fonctionnel a été évalué avec lescritères de la Musculo-Skeletal Tumour Society (MSTS) [Enne-king et al. (14)].

Une analyse de la marche a été réalisée dans le laboratoired’Analyse du Mouvement de l’Institut orthopédique de Rizzoli(Italie), avant (deux ans postopératoires) et après (trois ans posto-pératoires) un programme spécifique de réadaptation visant aurétablissement fonctionnel des muscles et du mouvement des arti-culations pendant la marche. Le système ELITE de stéréophoto-grammétrie (BTS, Milan, Italie) a été employé pour étudier lacinématique du mouvement, une plate-forme de force de Kistler(Winterthur, Suisse) a mesuré les forces de réaction des pieds ausol et une électromyographie de surface TELEMG a été employéepour enregistrer l’activité motrice du membre inférieur. Huit mus-cles ont été examinés simultanément : les spinaux homolatéral etcontrolatéral, le gluteus medius, le droit fémoral, les musclessemi-tendineux, semi-membraneux et biceps fémoral, le gastroc-nemien médial et le muscle tibial antérieur. Le protocole utilisépour l’évaluation cinématique et cinétique était le protocole CASTde Cappozzo et al. (15). Les données de l’analyse de la marche ontété comparées à un groupe de référence de 10 sujets en bonnesanté, âgés en moyenne de 27 ans (± 4 ans), sept hommes et troisfemmes [Benedetti et al.(16)].

La patiente marchait avec prothèse et chaussures. La prothèsepesait environ 1,5 kg et était constituée de résine stratifiée jusqu’àla surface plantaire (INAIL, Vigorso di Budrio, Bologna, Italie).

Le pied était un « pied Otto Bock 1D10 » à faible restitutiond’énergie. La prothèse avait également une « ceinture pelvienne »avec une articulation mécanique externe à la hanche. Ceci a permisde limiter, voire d’éliminer l’inclinaison latérale lorsque lapatiente marchait. En accord avec Winkelmann (1), une sollicita-tion excessive des ligaments collatéraux latéral et médial dans lastabilisation du pseudo-genou a été évitée, en raison du manque decontribution des muscles. La « ceinture pelvienne » fournissaitégalement la sécurité nécessaire en cas de chute puisque la nou-velle articulation ne permettait pas de mouvements d’abduction oud’adduction. Dans un même souci de sécurité, la flexion dupseudo-genou a été limitée à environ 55° afin d’éviter une fracturede la cheville en cas de chute.

RÉSULTATS

Les principaux résultats sont résumés dans le tableau I.

Évaluation clinique et fonctionnelle

Les résultats de l’évaluation clinique et fonctionnellemesurés selon la Musculo Skeletal Tumor Society étaient de57 % (17/30 points) au premier suivi et de 90 % audeuxième (27/30). La patiente a acquis plus d’autonomieavec le temps, ses capacités de marche étaient devenuesmoins limitées (3 points au premier contrôle, 4 au second) etles anomalies de démarche mineures (3 points au premiercontrôle et 4 au second). Après l’opération chirurgicale, lapatiente ne s’est jamais plainte de douleur (5 points). Lafonction s’était résolument améliorée (1 point au premiercontrôle, 4 au second) et la patiente pouvait marcher partoutsans l’aide d’une canne (1 point au premier contrôle et 5points au second). Pour finir, elle était satisfaite de l’inter-vention et n’a exprimé aucune réaction émotive négative (4points).

L’amplitude de flexion du genou (pseudo-hanche) sesituait aux alentours de 45° au premier examen et de 60° àl’examen suivant, alors que la cheville (pseudo-genou) avaitune flexion dorsale d’environ 20° et une flexion plantaired’environ 70° identiques au deuxième examen.

Paramètres temps distance

Les paramètres de temps distance ont montré une inéga-lité entre les pas, et ceci aussi bien lors du premier que dudeuxième examen de suivi (tableau II). La durée des phasesd’appui et oscillante différait entre le membre gauche et ledroit. La phase d’appui était plus courte dans le membretraité, alors qu’elle était prolongée dans le membre sain, cequi confirme la boiterie qui était évidente. Lors du premiersuivi la longueur du pas était plus courte que la normale et sadurée notablement plus longue. Par conséquent, la cadencedivergeait de la norme (elle était diminuée), et la vitesse deprogression était réduite. En conclusion, la double phased’appui était supérieure à la normale.Au deuxième suivi, onpouvait constater une normalisation dans la longueur du pasdans la vitesse de progression et dans la double phased’appui. La durée du cycle du pas s’était améliorée maissans atteindre les niveaux de référence.

OSTÉOPLASTIE DE RETOURNEMENT POUR TUMEUR MALIGNE DE L’EXTRÉMITÉ PROXIMALE DU FÉMUR 563

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Forces de réaction du pied au sol

Lors du premier suivi, la force verticale présentait un picanormal pendant la position médiane et une réduction de lapoussée. Sur la composante postéro-antérieure, il y avaitune charge excessive sur le membre traité, caractérisée parun retard pour atteindre la première crête (bascule anormaledu talon). Sur le plan coronal, le membre était sollicitépendant la durée de la phase d’appui dans une directionmédio-latérale. Au deuxième suivi, la composante verticaleétait tout à fait normale. Sur les composantes postéro-antérieure et médio-latérale, une amélioration était mani-feste, en particulier en ce qui concernait la phase de réponseà la charge.

Cinématique et cinétique de l’articulation

Lors du premier suivi, la pseudo-hanche (fig. 2a) étaitmaintenue dans une position neutre, légèrement tenduependant toute la phase d’appui.Au deuxième suivi (fig. 2b),

le schéma angulaire de la hanche s’était notablement amé-lioré. On pouvait observer une légère flexion dans les pha-ses d’appui initial et d’oscillation et un pic d’extension dansla phase où les orteils décollent du sol. Le moment articu-laire de la hanche s’est avéré notablement amélioré lors dudeuxième contrôle et était caractérisé par une marchebiphasée de flexion-extension. Le pseudo-genou restait enflexion (fig. 3a) tout au long de la phase d’appui. On pouvaitnoter une diminution marquée de la flexion, aussi bien lorsde la phase où les orteils décollent du sol que lors de la phased’oscillation. Au deuxième suivi (fig. 3b), la phase deréponse à la charge était caractérisée par une position enextension du genou, suivie d’une flexion plus marquée pen-dant la phase où les orteils décollent du sol et la phased’oscillation. Une amélioration était également évidentepour le genou, surtout lors de la seconde phase d’appui dumoment de fléchissement. La cheville, au premier suivi(fig. 4a), était fixe autour de la position neutre.Au deuxièmesuivi (fig. 4b), elle était en position neutre pendant la phase

TABLEAU I. − Récapitulatif des principaux résultats.

Premier suivi Deuxième suivi

MSTS score 57 % 90 %

Amplitude de flexion du genou 45° 60°

Amplitude de flexion dorsalede la cheville

20° 20°

Amplitude de flexion plantairede la cheville

70° 70°

Paramètres temps distancede la marche

Marche arythmique, longueur et vitesse du pasréduite

Marche arythmique, la longueur et la vitesse dupas augmentent

Forces de réaction du pied au sol Altération de la phase de réponse auchargement

Amélioration de toutes les composantes

Cinématique de l’articulation Amplitude réduite en flexion-extension de lapseudo-hanche et de la cheville, flexioncontinue du pseudo-genou pendant la phased’appui

Amélioration de l’amplitude articulaire de lapseudo-hanche et de la cheville pendant le paset de la cinématique du pseudo-genou pendantla phase d’appui

Cinétique de l’articulation Prédominance d’un moment extenseur à lapseudo-hanche, fléchisseur au pseudo-genou etaltération du moment en flexion dorsale à lacheville

Amélioration du moment aux trois articulationsavec réapparition d’un modèle biphasique

Compensation fonctionelledu côté controlateral

Présence de vaulting (saut) au niveau de lacheville controlatérale pour permettre lepassage du membre opéré en phase oscillante

Disparition du vaulting (saut)

EMG Contraction contemporaine du gastrocnemienet du tibial antérieur pour stabiliser le membreopéré soumis au poids. Le gastrocnemien secontracte pendant la phase oscillante pourassister la flexion de la pseudo-hanche.Absence d’activité du tibial antérieur pendantla phase oscillante pour supporter la flexion dupseudo-genou

Réapparition d’un modèle phasiqued’activation signifiant une adaptationfonctionnelle : le gastrocnemien s’activependant la phase d’appui en fonction de lastabilisation du pseudo-genou, et permetpendant la phase oscillante, la flexion de lapseudo-hanche. Le tibial antérieur, en revanche,au repos pendant la phase d’appui s’activependant la phase d’oscillation pour supporter laflexion du pseudo-genou

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initiale d’appui et pendant la phase d’oscillation, alors quedans la phase finale d’appui, on pouvait enregistrer unelégère flexion dorsale due à la méthode de fabrication de laprothèse avec une faible restitution d’énergie juste après lacharge maximum. Le moment articulaire à la cheville,caractérisé par un moment élevé en flexion dorsale, dans lapremière partie de la phase d’appui, tendait à devenir plusphysiologique. Enfin, sur le plan coronal, un bon contrôlede l’articulation a été mis en évidence à partir des momentsde l’articulation.

EMG (électromyographie)

Lors du premier suivi, l’activité du gastrocnemien médialet du muscle tibial antérieur était particulièrement intéres-sante. Au premier suivi, ils étaient activés simultanémentpendant la phase initiale d’appui dans le but de stabiliser lemembre porteur. Le gastrocnemien médial était égalementactivé pendant la phase d’oscillation pour assister la flexionde la pseudo-hanche (fig. 5a). Le muscle tibial antérieurétait au repos pendant la phase d’oscillation ne participant

TABLEAU II. − Paramètres temps distance.

Premier suivi Deuxième suivi

Côté droit (traité) Côté gauche Côté droit (traité) Côté gauche Valeurs de contrôle

Phase d’appui (% du pas) 57,4 69,2 57,0 65,5 60,9 ± 0,8

Longueur du pas (cm) 118,2 131,2 129,6 ± 12,1

Cycle (sec) 1,4 1,3 1,1 ± 0,1

Cadence (pas/min) 42,2 43,5 53 ± 5,2

Vitesse (cm/sec) 83,5 100,2 114,3 ± 13,9

Double support (% du pas) 26,2 22,4 21,2 ± 2,8

FIG. 2. − Cinématique et cinétique de la pseudo-hanche dans le plan sagittal. En ordonnée, l’angle et le moment de l’articulation dela pseudo-hanche au premier contrôle (a) et au second contrôle (b). La bande grise est la moyenne et la déviation standard du groupede contrôle. Les trois courbes se chevauchant montrent les trois marches du patient en pourcentage du cycle du pas (en abscisse).

a b

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pas, de ce fait, à la flexion du pseudo-genou. Lors dudeuxième suivi (fig. 5b), ce modèle avait complètementchangé. En effet, le gastrocnemien médial était en activitédès la position initiale — alors que le muscle tibial antérieurne l’était pas — stabilisant l’extension du pseudo-genou, etse substituant au quadriceps. Leur activité persistait pen-dant la phase d’oscillation pour permettre la flexion de lapseudo-hanche. Dans cette phase, on pouvait noter unebonne activité du muscle tibial antérieur, qui avait pour rôlede faire fléchir le pseudo-genou, permettant au membred’avancer.

La compensation fonctionnelle du côté controlatéral

Au niveau de la cheville, dans les phases moyenne etfinale d’appui, la flexion plantaire était présente et visait àélever le membre de soutien afin de permettre au membrecontrolatéral d’osciller plus longtemps en raison de laflexion réduite du genou. Au deuxième suivi, le modèletendait à rejoindre la norme, la flexion du genou devenantsuffisante dans le membre controlatéral.

DISCUSSION

L’analyse de la marche chez cette patiente nous a permisde documenter l’exceptionnelle efficacité fonctionnelle del’ostéoplastie de retournement de la hanche et de suivre lerétablissement progressif des fonctions musculaires et arti-

culaires. La possibilité d’utiliser de manière active les arti-culations du membre inférieur rend ce type de chirurgie derécupération du membre extrêmement avantageux. La pro-thèse utilisée, périodiquement adaptée à la croissance del’individu, est légère et facile à manipuler donnant aupatient un bon contrôle du pas, tout en protégeant simulta-nément les articulations préservées.

La fonction active des articulations et muscles restantsest secondée par l’apparition d’un schéma phasique decontrôle des muscles s’harmonisant avec le schéma amé-lioré d’extension et de flexion des articulations pendant lecycle de marche.

Le schéma coronal tout à fait satisfaisant du moment desarticulations des membres inférieurs devrait être pris encompte, puisqu’il suggère une distribution physiologiquedes forces de charge de l’articulation, qui sur ce plan seraitextrêmement préjudiciable à long terme. Après la périodede réhabilitation spécifique à la marche, la patiente a puréadapter de manière adéquate son activité musculaire eninversant la fonction des muscles du membre inférieur, etmaîtriser sa tendance à contracter les muscles en bloc pen-dant la phase d’appui du membre traité ; ceci dans le but destabiliser et de protéger le pseudo-genou, le membre secomportant comme un pilier rigide. Ceci est manifestemême lors de la meilleure évolution possible des forces deréaction du pied au sol où en particulier pendant la phase deréponse de charge dans la position médiane, le « choc »

FIG. 3. − Cinématique et cinétique du pseudo-genou dans le plan sagittal. En ordonnée, l’angle et le moment du pseudo-genou au premiercontrôle (a) et au second contrôle (b) en pourcentage du cycle du pas (en abscisse).

a b

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FIG. 4. − Cinématique et cinétique de la cheville prothétique dans le plan sagittal. En l’ordonnée, l’angle et le moment de la chevilleprothétique du côté traité au premier contrôle (a) et au second contrôle (b) en pourcentage du cycle du pas (en abscisse).

a b

FIG. 5. − Dynamiques brutes de l’EMG (électromyographie) du gastrocnemien médial et du muscle tibial antérieur pendant le cycle demarche au premier contrôle (a) et au second contrôle(b). Les phases d’appui et d’oscillation sont indiquées par CT1 (premier contactdu talon) DO (décollage des orteils) et CT2 (deuxième contact du talon).

a

b

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caractéristique du membre raide n’est plus présent dans lacomposante verticale. De même, dans les plans frontal ettransversal, et particulièrement dans la phase initialed’appui, la normalisation de l’impact et le modèle de chargedu membre sont patents.

En outre, on doit souligner la fonction du pied prothéti-que à faible restitution d’énergie qui permet, si chargéconvenablement, une facilitation pendant la phase d’impul-sion.

Une cinématique plus correcte des articulations du mem-bre inférieur, avec le genou en extension par l’action desgastrocnemiens, permet une charge fonctionnelle du piedprothétique qui, à son tour, produit l’énergie de la flexiondorsale, réduisant le moment de flexion au genou.

CONCLUSION

Le schéma de marche développé par la patiente dans letemps semble avoir optimisé la performance fonctionnelle.Une fois le contrôle du pied prothétique maîtrisé, la « cein-ture pelvienne », qui est un obstacle pour le patient, peutêtre enlevée. Par conséquent, le patient est satisfait lors dece type d’opération, un degré élevé de performance fonc-tionnelle est atteint grâce au contrôle actif de deux pointsd’appui articulaires ce qui lui permet d’effectuer non seule-ment des activités communes de vie quotidienne mais éga-lement de pratiquer du sport. L’absence totale de douleur,tout en préservant la proprioception de la peau et des articu-lations, fait de cette opération, lorsqu’elle est possible, uneexcellente solution dans le traitement des tumeurs de lapartie proximale du fémur.

En accord avec Winkelman (17), l’ostéoplastie de retour-nement de la hanche peut être considérée, en effet, commeune alternative valable à l’amputation, à la reconstructionpar allogreffe, ou à la prothèse de croissance aussi bien entermes de résultats fonctionnels que de reconstruction bio-logique et de complications réduites. Cependant, les don-nées comparatives de ces techniques, sur le plan de leurvalidité fonctionnelle à travers l’analyse de la marche, nesont pas disponibles dans la littérature, tout comme ne sontpas connus les résultats à long terme de l’ostéoplastie deretournement de la hanche.

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