I.E.P. de Lyon L'applicabilité de la Responsabilité
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I.E.P. de Lyon Université Lumière Lyon II L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux activités touristiques au Nunavut Boris LULE Directeur : M. Bernard BAUDRY Année universitaire 2007/2008
I.E.P. de Lyon L'applicabilité de la Responsabilité
L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux
activités touristiques au Nunavut
Boris LULE Directeur : M. Bernard BAUDRY Année universitaire
2007/2008
Table des matières Remerciements . . 5 Liste des sigles . . 6 Corps
. . 7 Introduction . . 8
Démarche . . 8 Cheminement intellectuel . . 8 Méthodologie . .
11
Définitions . . 12 Tourisme, tourismes . . 12 Responsabilité
sociale d'entreprise, développement durable . . 15 Arctique, Nord,
Sud, Nunavut . . 16 Peuple inuit, inuit . . 18 Economie
traditionnelle et partage . . 18
Problématique et plan . . 19 I/ Les domaines d'applicabilité de la
Responsabilité sociale d'entreprise . . 20
A. Une économie dominée . . 20 1. RSE et importance des matières
premières et des services . . 20 2. Le malentendu du « tourisme
solidaire » . . 22
B. Le tourisme dans des lieux isolés . . 29 1. Transports . . 30 2.
Une consommation ostentatoire : « resourcism » et « preservationism
» . . 32
II/ Les notions qui échappent à la RSE . . 36 A. L'impasse de
l'opposition entre science occidentale et savoir traditionnel à
travers le tourisme . . 36
1. Les limites de la dichotomie responsabilité sociale /
responsabilité environnementale . . 37 2. Savoir traditionnel
versus rationalité économique . . 39
B. La RSE et le tourisme, instruments d'un néocolonialisme . . 40
1. Universalisation d'un modèle capitaliste hiérarchique via la RSE
dans le tourisme . . 41 2. Universalisme des droits, un instrument
d'oppression . . 45 3. Pour une autre définition de l'authentique .
. 47
Conclusions . . 52 Bibliographie . . 56
Ouvrages . . 56 Articles de revues . . 58 Rapport . . 60 Emission
radiophonique . . 60 Ressources électroniques : . . 60 Conférences
données dans le cadre du Programme d'Etudes Arctiques . . 61
Annexes . . 62
Questionnaires . . 62
Produit Intérieur Brut du Nunavut en 1999187 . . 64
Modèle théorique de D'AMORE sur les relations entre résidentes,
résidents et touristes188 . . 65
Modèle de DOXEY sur les relations entre résidentes, résidents et
touristes189 . . 65
Modèle conceptuel de MURPHY sur la gestion du tourisme191 . .
67
Déclaration de Manille sur le tourisme mondial192 . . 68 Code
Mondial d'Ethique du Tourisme . . 72 Programme « Linking Tourism
and Conservation in the Arctic» . . 72
Remerciements
LULE Boris_2008 5
Remerciements Je remercie M. Bernard BAUDRY pour avoir accepté de
diriger ce mémoire et de participer au jury.
Je remercie M. Christian MERCIER pour avoir accepté de participer
au jury.
Je tiens aussi à remercier toute l'équipe du Programme d'Etudes
Arctiques de l'Université de Lapponie, et notamment MM. Alain
GRENIER et Florian STAMMLER ainsi que Mme Elina HELANDER-RENVALL,
qui m'ont donné la volonté d'accomplir ce travail.
Je remercie enfin Elisa pour ses encouragements et conseils
avisés.
L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux
activités touristiques au Nunavut
6 LULE Boris_2008
Liste des sigles
e.g. : exempli gratia etc : et caetera GDP : Gross Domestic Product
(Produit intérieur brut) ICC : International Inuit Conference
(Conférence inuit internationale) OMT : Organisation mondiale du
tourisme ONU : Organisation des Nations Unies RSE : responsabilité
sociale d'entreprise WWF : World Wide Fund for Nature (Fonds
mondial pour la nature)
Corps
Corps
When I went to school in Fort McPherson I can remember being taught
that the Indians were savages. We were violent, cruel and
uncivilized. I remember reading history books that glorified the
white man who slaughtered whole nations of Indian people. No one
called the white men savages, they were heroes who explored new
horizons and conquered new frontiers1.
C'est un métier, maintenant, que d'être explorateur, métier qui
consiste, non pas, comme on pourrait le croire, à découvrir au
terme d'années studieuses des faits restés inconnus, mais à
parcourir un nombre élevé de kilomètres et à rassembler des
projections fixes ou animées, de préférence en couleurs, grâce à
quoi on remplira une salle, plusieurs jours de suite, d'une foule
d'auditeurs auxquels des platitudes et des banalités sembleront
miraculeusement transmutées en révélations pour la seule raison
qu'au lieu de les démarquer sur place leur auteur les aura
sanctifiées par un parcours de vingt mille kilomètres2.
1 « Quand je suis allé à l'école à Fort McPherson, je peux me
souvenir avoir appris que les Indiens et Indiennes étaient des
sauvages. Nous étions violents, cruels et non civilisés. Je me
souviens que j'ai lu des livres d'histoire qui glorifiaient l'homme
blanc qui a massacré des nations entières de peuples indiens.
Personne n'appelait les hommes blancs des sauvages, ils étaient des
héros qui exploraient de nouveaux horizons et conquéraient de
nouvelles frontières », traduit par nos soins, NERYSON (Richard),
1977, cité par BRODY (Hugh), 1987, Living Arctic Hunters of the
Canadian North, Londres, Faber and Faber, p.5.
2 LEVI-STRAUSS (Claude), 1955, Tristes Tropiques, Paris, Plon,
p.14, cité par REAU (Bertrand), POUPEAU (Frank), 2007, «
L'enchantement du monde touristique », Actes de la recherche en
sciences sociales, numéro 170 (Les nouvelles (?) frontières du
tourisme), Décembre 2007, p.5.
L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux
activités touristiques au Nunavut
8 LULE Boris_2008
Introduction
L'Arctique est, avec les grandes forêts amazoniennes, les fonds des
mers, les hautes montagnes et l'Antarctique, un des derniers lieux
de la planète considérés comme inaccessibles ou presque, réservés à
un petit groupe d'explorateurs, d'exploratrices, de scientifiques
et de touristes privilégiés. L'Arctique est un espace propice aux
mythes qui entourent tant l'environnement pour sa mer de glace, ses
grandes étendues désertiques et gelées ainsi que ses mammifères
marins et terrestres, que les peuples qui l'habitent pour leur
adaptation aux conditions climatiques et leurs sociétés
égalitaires. L'Arctique attire aussi l'attention du Sud pour
l'observation des évolutions de son climat à l'heure où on
s'inquiète du « changement climatique ». Cependant, avec les
progrès en matière de transports notamment, la région la plus
septentrionale du globe devient de plus en plus accessible pour les
touristes plus ou moins fortunés, et ce en même temps que les
Inuit, aux côtés des autres peuples autochtones, apparaissent dans
les institutions internationales en réclamant un respect de leurs
cultures et de leurs environnements. Ces conditions sont propices à
l'apparition d'un tourisme responsable qui se rapproche,
consciemment ou non, des notions de responsabilité sociale
d'entreprise développées dans les vingt dernières années.
Au cours de ce travail nous explorons les limites du concept de
responsabilité sociale d'entreprise en étudiant son applicabilité à
l'activité touristique dans une région isolée, le Nunavut. Cela
nous amène à étudier ce concept avec des outils économiques, bien
sûr, mais aussi sociologiques, écologiques et ethnologiques.
Cependant, compte tenu du fait que la responsabilité sociale
nécessite d'élargir les objectifs de l'entreprise au-delà des
objectifs purement économiques, l'approche adoptée dans ce travail
a toute sa place dans l'étude de ce concept.
Démarche Le « coût d'entrée » en économie semble être jugé
prohibitif par bien des sociologues ou philosophes contemporains
qui s'en consolent par des jugements aussi dépréciatifs que peu
éclairés. Bien des économistes, symétriquement, préfèrent ne pas
voir les enjeux sociaux et philosophiques des modèles fondamentaux
qu'ils construisent3.
En abordant le concept de responsabilité sociale d'entreprise par
son applicabilité au tourisme au Nunavut, nous tentons dans ce
travail de prendre en compte des arguments tant sociologiques que
philosophiques aux côtés des arguments classiques de la discipline
économique. Cela nécessite une approche pluridisciplinaire qui nous
semble bien adaptée au sujet traité.
Cheminement intellectuel 3 CARTELIER (Jean), 2001, « La monnaie. Du
concept économique au rapport social », Sciences de la Société,
numéro 52, février 2001, p.112.
Introduction
LULE Boris_2008 9
Au départ, nous avons pour objectif d'étudier l'applicabilité du
concept de responsabilité sociale d'entreprise aux activités
traditionnelles des peuples inuit et sáme. Cette approche nous
aurait permis de nous intéresser plus particulièrement aux
adaptations de ces peuples à l'entreprenariat occidental, et
comment ils peuvent utiliser des concepts inventés pour dans le
contexte occidental à leurs propres cultures. Cependant, compte
tenu du fait que nous avons nous-mêmes une culture occidentale,
avec des modes de pensées occidentaux; que nos sources sont presque
exclusivement constituées de travaux menés par des Occidentaux; et
qu'un travail de terrain nous est impossible compte tenu de la
distance à parcourir, nous nous sommes résolus à abandonner cette
approche. En effet, il ne nous aurait pas été possible d'aller
au-delà d'un travail de lecture occidentale (par notre situation et
nos sources) d'un concept occidental (la responsabilité sociale
d'entreprise) appliqué à des activités inuit et sáme donc dans des
contextes « autochtones ». Cette démarche nous paraît être
dangereuse en ce qu'elle nous dirige rapidement vers une attitude
distante, voire condescendante et néocoloniale vis-à-vis des
cultures étudiées. En conséquence, après plusieurs lectures
anthropologiques sur le sujet, notamment les ouvrages du chercheur
en anthropologie sociale Hugh BRODY4, et des anthropologues Nicolas
PETERSON et Toshio MATSUYAMA5, nous avons réorienté notre recherche
sur un axe moins sensible et qui prend directement en compte les
interactions entre Occidentaux et autochtones, l'activité
touristique. Même après avoir effectué ce recentrage du sujet, nous
tenons à conserver une forte imprégnation anthropologique pour
cette étude. Dès le départ nous avons été conscients de la quasi
absence de sources provenant directement des peuples inuit étudiés
– mise à part les quelques discours prononcés par Sheila
WATT-CLOUTIER6, présidente de l'International Inuit Conference, qui
défend une vision très entrepreneuriale de la société inuit
actuelle et qui promeut un fort développement économique associé à
un retour des ressources naturelles situées dans les terres inuit
aux communautés autochtones. En conséquence l'unique manière à
notre disposition permettant de prendre en compte les spécificités
de la culture inuit est de se fier aux textes écrits par les
anthropologues spécialisés dans la région. Les nombreux chercheurs
et chercheuses ayant travaillé dans ce domaine sont tous
anglo-saxons. Les travaux de Robert HUNT, spécialiste en
anthropologie économique et Antonio GILMAN7, Jonathan PARRY et
Maurice BLOCH8, du géographe spécialisé dans les sociétés et
cultures inuit George WENZEL9 ainsi que ceux de ce
4 BRODY (Hugh), 1987, opus cité. 5 PETERON (Nicolas), MATSUYAMA
(Toshio) (eds), 1991, Cash, Commoditisation and Changing Foragers,
Osaka (Japon), National Museum of Ethnology, Senri Ethnological
Studies 30, 293p. 6 WATT-CLOUTIER (Sheila), Présidente de l'ICC
Canada, Vice-présidente de l'ICC, 27 Mai 1999, Discours à l'Inuit
Business Symposium, Calgary (Alberta, Canada).
http://inuitcircumpolar.com/index.php?ID=107&Lang=En
WATT-CLOUTIER (Sheila), Présidente de l'ICC Canada, Vice-présidente
de l'ICC, Février 2000, Discours à l'Atelier du Nunavut sur le
Commerce. http://inuitcircumpolar.com/index.php?ID=105&Lang=En
WATT-CLOUTIER (Sheila), Présidente de l'ICC Canada, Vice-présidente
de l'ICC, 18-19-20 Août 2003, Discours au Sommet Mondial des
Entrepreneurs Autochtones, Toronto (Ontario, Canada). http://
inuitcircumpolar.com/index.php?ID=77&Lang=En 7 HUNT (Robert),
GILMAN (Antonio) (eds), 1998, Property in Economic Context, New
York et Boston, University Press of America, 381p. 8 PARRY
(Jonathan), BLOCH (Maurice) (eds), 1989, Money and the Morality of
Exchange, Cambridge, Cambridge University Press, 276p. 9 WENZEL
(George), 1991, Animal Rights, Human Rights Ecology, Economy and
Ideology in the Canadian Arctic, Toronto, University of Toronto
Press, 205p.
10 LULE Boris_2008
même auteur en collaboration avec Grete HOVELSRUD-BRODA et Nobuhiro
KISHIGAMI10
constituent les fondements anthropologiques de cette étude. Pour ce
qui est de la responsabilité sociale d'entreprise, plusieurs
ouvrages nous
permettent de mener une étude précise sur le sujet. Françoise
QUAIREL-LANOIZELEE et Michel CARPON11 nous fournissent les bases
nécessaires pour aborder le sujet; ensuite, l'article de Bernard
GRAND et Philippe GRILL dans le numéro 14 (Développement durable,
responsabilité sociale et stratégie d'entreprise) de la revue
Economie et Sociétés Série « Economie de l'entreprise » 12
constitue une approche philosophique très complète et pertinente de
la notion de responsabilité sociale.
En France, le tourisme n'est malheureusement pas un domaine de
recherche institutionalisé. Les ouvrages sur ce sujet sont apparus
tardivement et sont peu nombreux relativement à la littérature
anglo-saxonne, très développée. Par exemple, l'ouvrage de Dean
MACCANNELL, The Tourist A New Theory of the Leisure Class 13, paru
des 1976, est une référence sur le sujet. La pauvreté de la
littérature française sur le sujet dure jusqu'au milieu des années
1990, quand les problématiques liées au « tourisme solidaire » et à
l' « écotourisme » sont apparues. De fait, ce sont des articles de
revues scientifiques qui constituent la majeure partie des sources
françaises de ce travail, avec notamment le numéro 178 (Les masques
du tourisme) de la Revue Tiers-Monde et le numéro 170 (Les
nouvelles (?) frontières du tourisme) de la revue Actes de la
recherche en sciences sociales. Dans le numéro 449 de la revue
Territoires, l'article signé par Françoise POTIER et Francine
DEPRAS14 constitue une bonne introduction aux problématiques de
responsabilité sociale dans le domaine du tourisme. De plus, compte
tenu de l'aire géographique étudiée l'ouvrage de Marie LEQUIN15,
Ecotourisme et gouvernance participative paru en 2001 s'est révélé
très pertinent pour mener cette étude à son terme.
Georges CAZES et Georges COURADE distinguent quatre étapes dans la
recherche sur le tourisme, du tourisme « moteur de développement »
vers le tourisme « faiseur de paix », puis le « temps des
dénonciations » et enfin le « temps des chartes »16. Nous nous
situons dans cette dernière phase, propice au développement de
stratégies de responsabilité sociale dans les entreprises
touristiques. En conséquence, des ouvrages portant sur cet aspect
sont parus en ce qui concerne l'Arctique, le plus complet et le
plus
10 WENZEL (George W.), HOVELSRUD-BRODA (Grete), KISHIGAMI
(Nobuhiro) (eds), 2000, The Social Economy of Sharing: Resource
Allocation and Modern Hunter-Gatherers, Osaka (Japon), National
Museum of Ethnology, Senri Ethnological Studies 53, 219p.
11 CARPON (Michel), QUAIREL-LANOIZELEE (Françoise), 2007, La
responsabilité sociale d'entreprise, Paris, La Découverte, Repères,
97p.
12 GRAND (Bernard), GRILL (Philippe), 2004, « Développement
durable, éthique et entreprise: une approche critique », Economies
et Sociétés Série « Economie de l'entreprise », numéro 14
(Développement durable, responsabilité sociale et stratégie
d'entreprise), Avril-Mai 2004, pp.685-755.
13 MACCANNELL (Dean) (1976), The Tourist A New Theory of the
Leisure Class, New York, Schocken Books Inc., 214p. 14 POTIER
(Françoise), DEPRAS (Francine), 2004, « Le tourisme à l'épreuve du
développement durable », Territoires, numéro
449, juin 2004, pp.11-13. 15 LEQUIN (Marie), 2001, Ecotourisme et
gouvernance participative, Sainte-Foy (Québec, Canada), Presses de
l'Université
du Québec, 234p. 16 CAZES (Georges), COURADE (Georges), 2004, «
Introduction: les masques du tourisme », Revue Tiers-Monde,
numéro
178 (Les masques du tourisme), avril-juin 2004, p.264.
Introduction
LULE Boris_2008 11
dirigé vers la pratique étant celui de Brenin HUMPHREYS, Åshild
ØnvikPEDERSEN, Peter PROKOSCH et Bernard STONEHOUSE17 publié avec
le concours de l'Institut polaire de Norvège et celui du Fonds
mondial pour la nature (WWF). Aussi, et pour prendre en compte les
peuples autochtones dans cette démarche, l'ouvrage de Richard
BUTLER et de Tom HINCH18 est très important.
Enfin, parce que l'approche postcoloniale nous paraît
particulièrement adaptée à la situation étudiée, nous nous référons
régulièrement au travail de Hazel TUCKER et Colin Michael
HALL19.
Méthodologie Effectuer une telle recherche nous pose de nombreuses
difficultés pratiques. Tout d'abord, étant donné le fait que très
peu d'ouvrages traitant des peuples inuit sont disponibles à Lyon,
nous effectuons la majorité des recherches bibliographiques dans
les fonds documentaires des sites parisiens du musée du Quai
Branly, du musée d'histoire naturelle, de l'Institut de géographie
Paris I-Sorbonne et de la Bibliothèque de management-tourisme de
l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée.
Ensuite, nous envoyons un questionnaire20 à diverses entreprises de
tourisme intervenant au Nunavut. Ce court questionnaire a pour
objectif de demander à ces organisations d'une part si elles
adoptent une stratégie de responsabilité sociale sous forme de
pratiques particulières ou de rédaction d'un rapport; d'autre part
si elles ont une stratégie spécifique envers les populations inuit,
que ce soit par leurs ressources humaines ou par des aides ou
avantages en-dehors de leur activité principale. Ces questionnaires
sont transmis par courrier électronique mais aucun d'entre eux ne
nous est renvoyé. Si nous sommes conscients que cet échec est
dommageable pour ce travail, nous nous interdisons à interpréter
cette absence de réponse dans un sens ou dans un autre; en effet,
compte tenu de la petite taille des entreprises de tourisme au
Nunavut, nous pouvons raisonnablement estimer que cette absence de
réponse est simplement due au fait que ces firmes n'ont pas le
personnel nécessaire pour traiter cette demande.
Nous préférons donc nous concentrer sur l'étude bibliographique. Au
cours de ce travail nous sommes très influencés par la pensée de
Thorstein VEBLEN21 qui a développé l'idée dès 1899 que le loisir
est avant tout un symbole de classe qui permet de se distinguer
socialement via des « dépenses ostentatoires ».
17 HUMPHREYS (Brenin H.), PEDERSEN (Åshild Ønvik), PROKOSCH
(Peter), STONEHOUSE (Bernard), 1998, Linking Tourism and
Conservation in the Arctic Proceedings from Workshops in January
20-22, 1996 and March 7-10, 1996 in Longyearbyen, Svalbard, TromsØ
(Norvège), Norsk Polarinstitutt et WWF, Meddelelser 159,
139p.
18 BUTLER (Richard), HINCH (Tom) (eds), 1996, Tourism and
Indigenous Peoples, Londres, International Thomson Business Press,
444p.
19 HALL (Colin Michael), TUCKER (Hazel) (eds), 2004, Tourism and
Postcolonialism Contested discourses, identities and
representations, New York, Routledge, 193p.
20 Vide Infra p.97 (Annexe 0 Questionnaire). 21 VEBLEN (Thorstein),
1978, La Théorie de la classe de loisir, Paris, Gallimard, TEL
(première édition 1970), traduction
EVRARD (Louis), (The Theory of the Leisure Class, Londres, The
Macmillan Company et The Viking Press, 1899), 278p.
L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux
activités touristiques au Nunavut
12 LULE Boris_2008
La pensée de Michel FOUCAULT22 est importante pour comprendre
l'approche postcoloniale de ce sujet. En effet, cet auteur a
introduit la notion de discours conflictuels et le fait qu'une
société favorise une certaine version de la vérité sur les autres,
un « régime de vérités ». Pour nous, le régime de vérités étudié
concerne le voyage : quelles sont les vérités du discours
occidental sur le voyage, les relations de pouvoir entre les
touristes, les résidentes et résidents et les entreprises
touristiques? Nous nous référons à Beverley Ann SIMMONS qui
soutient que « the postcolonial Western-centric imaginations about
cultural elitism, hedonistic desire, freedom and escape, as well as
colonial and exploration discourses with their inherent race, class
and gender relations of power are essential to construct a regime
of truth about travel practices and social relations in a
contemporary travel discourse 23 ». En conséquence la théorie
postcoloniale nous apparaît être un axe de recherche pertinent pour
ce travail, notamment parce que cette théorie s'applique
particulièrement aux formes de tourisme « responsables ».
Définitions Il s'agit maintenant de définir les notions clefs de ce
travail, en commençant par l'activité étudiée (le tourisme, 0.B.1),
suivie des stratégies mises en place par les firmes (responsabilité
sociale d'entreprise, 0.B.2), la région dans laquelle nous nous
plaçons (le Nunavut, 0.B.3), les peuples qui l'habitent (Inuit,
0.B.4) et leur économie traditionnelle (0.B.5).
Tourisme, tourismes
Définition et caractéristiques principales L'Organisation mondiale
du tourisme (OMT) définit le tourisme comme « the activities of
persons travelling to and staying in places outside their usual
environment for not more than one consecutive year for leisure,
business and other purposes »24. Cette définition, bien que très
vague, est la seule valable à l'échelle internationale. Une telle
définition permet en effet de prendre en compte l'ensemble des cas
relevant d'un secteur touristique qui se caractérise par une grande
hétérogénéité. Le tourisme dans le Nunavut concerne essentiellement
des voyages pour les loisirs et des séjours professionnels, les
autres raisons, notamment médicales, étant inexistantes.
22 FOUCAULT (Michel), 1979, « Truth and power: an interview with
Alessandro Fontano and Pasquale Pasquino », in Michel Foucault:
Power/Truth/Strategy, eds MORRIS (Meaghan), PATTON (Paul), Sydney,
Feral Publications, pp.48-58.
23 « Les imaginations occidentalo-centrées postcoloniales à propos
de l'élitisme culturel, le désir hédoniste, la liberté et la fuite,
tout comme les discours coloniaux et d'exploitation avec leurs
relations inhérentes de pouvoir entre genres, classes et races sont
essentielles pour construire un régime de vérités à propos des
pratiques de voyage et des relations sociales dans un discours
contemporain sur le voyage », traduit par nos soins, SIMMONS
(Beverley Ann), 2004, « Saying the same old things: a contemporary
travel discourse and the popular magazine text », in Tourism and
Postcolonialism Contested discourses, identities and
representations, eds HALL (Colin Michael), TUCKER (Hazel), New
York, Routledge, p.54. 24 « les activités de personnes voyageant et
demeurant en-dehors de leur environment habituel pour une durée
inférieure à une année consécutive pour le loisir, le travail ou
d'autres raisons », traduit par nos soins, GRENIER (Alain A.),
2004, The nature of nature tourism, Rovaniemi (Finlande), Lapland
University Press, p.49.
Introduction
LULE Boris_2008 13
Pierre PY considère que le tourisme présente quatre
caractéristiques principales : « une forte hétérogénéité, une
croissance diversifiée, une rigidité et une adaptation imparfaite à
la demande 25 ». Si nous développons les caractéristiques de
rigidité et d'adaptation imparfaite à la demande au cours de ce
travail26, il importe de préciser dès à présent cette hétérogénéité
et cette croissance diversifiée.
Des formes multiples 27
Le tourisme adopte des formes extrêmement différentes permises par
des technologies de transports de plus en plus rapides. Le «
sightseeing » est permis en premier lieu par ces technologies, mais
aussi par la faculté des touristes de se passer partiellement du
contact avec les résidentes et résidents28; en effet, il consiste
en aller visiter un petit nombre d'attractions touristiques d'un
espace donné, en ne profitant que très peu des services procurés
sur place et en réduisant le temps passé dans ce lieu.
D'autres formes incluent le tourisme « hors-sol » et le tourisme «
parc protégé » qui concernent les séjours dans des lieux isolés de
leur environnement, qui reproduisent les conditions de vie que les
touristes connaissent dans leur vie quotidienne. Il s'agit, par
exemple, des hôtels reproductibles dans les régions
balnéaires.
À côté de ces tourismes « sightseeing » et « hors-sol », souvent
considérés péjorativement en ce qu'ils évitent tous contacts avec
les populations locales, un « tourisme responsable » se développe.
Cette expression rassemble les notions d'écotourisme, tourisme
rural, tourisme solidaire, tourisme durable, qui mettent toutes
l'accent sur l'observation de la nature, la valorisation des
produits locaux et de l'artisanat. Ainsi, nous reprenons la
définition de LEQUIN pour ce qui est de l'écotourisme :
29 30
Au cours de cette étude nous nous intéressons particulièrement à
l'écotourisme défini comme ci-dessus. Cependant, compte tenu de la
diversité des situations dans le Nunavut, nous différencions l' «
écotourisme » du « tourisme solidaire ». En effet, il nous semble
que les différents produits touristiques soit sont très focalisés
sur la découverte et la protection de l'environnement, soit mettent
l'accent sur la découverte et la protection des cultures inuit : si
certains touristes vont à la rencontre de l'environnement
uniquement, d'autres accordent une plus grande place aux peuples
qui vivent au Nunavut; tous se réclament de la protection des
objets visités mais avec des caractéristiques différentes. Au cours
de ce travail nous tenons souvent à différencier ces deux types de
tourisme; ainsi, nous utilisons le terme
25 PY (Pierre), 2002, « Le tourisme Un phénomène économique », 4e
édition, Notes et études documentaires, numéro 5155, juillet 2002,
181p.
26 Vide infra p.30 (1.A.2. Le malentendu du « tourime solidaire »)
27 « Aujourd'hui, un seul tour en charter 'Soleil de Minuit' à
Resolute Bay (75 degrés de latitude Nord) dépose cent voyageurs
de
Chicago, Toronto et Atlanta bien au-delà du Cercle Arctique pour
une demi-journée et les remmènent à toute allure », traduit
par
nos soins, WENZEL (George), 1991, opus cité, p.14. 28 Vide infra
p.62 (2.B.1.a.i Repousser les frontières géographique) 29 LEQUIN
(Marie), 2001, Ecotourisme et gouvernance participative, Sainte-Foy
(Québec, Canada), Presses de l'Université du
Québec, p.3. 30 ZIFFER (Karen A.), 1989, Ecotourism: The Uneasy
Alliance, Washington DC, Conservation International et Ernst and
Young,
p.6, cité par LEQUIN (Marie), 2001, opus cité, p.16.
L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux
activités touristiques au Nunavut
14 LULE Boris_2008
« écotourisme » pour désigner le tourisme focalisé sur
l'environnement et sa protection, et l'expression « tourisme
solidaire » quand les visiteurs cherchent un contact plus grand
avec les peuples autochtones. Pour désigner l'ensemble de ces deux
types de tourisme, nous utilisons l'expression « tourisme
responsable ».
Bien que tous les touristes veulent s'immerger, à plus ou moins
grande échelle, dans les cultures et les sociétés qu'ils visitent,
nous constatons que cette intention est beaucoup plus forte chez
les touristes responsables, ce qui les différencie des touristes
hors sol.
Différents classements Le tourisme n'est pas homogène et, à côté de
ces différentes formes de tourisme, nous présentons ici deux autres
formes de classement des touristes, qui nous paraissent utiles pour
mieux caractériser les touristes au Nunavut.
Par la forme du voyage
Le premier classement qui nous intéresse, présenté par PY31, est
discriminant en fonction de la forme du voyage. Il distingue, parmi
les voyageurs, les voyageurs internes des voyageurs internationaux.
Ensuite, dans chacune de ces deux catégories, il distingue les
visiteurs, à savoir ceux qui demeurent moins de douze mois sur le
lieu visité. Parmi ces visiteurs, il différencie les « touristes »,
qui passent au moins une nuit sur leur destination, des «
excursionnistes », qui restent une journée au maximum.
À partir de ce classement, PY en effectue un second, dans lequel il
distingue : le tourisme interne, qui concerne les résidents,
résidentes d'un pays visitant leur propre
pays, le tourisme récepteur, qui concerne les non-résidents,
non-résidentes d'un pays visitant
un pays autre que le leur, le tourisme émetteur, qui concerne les
résidents, résidentes d'un pays visitant d'autres
pays. En ce qui concerne le Nunavut, le tourisme émetteur est très
important.
Par les motif du voyage L'Organisation mondiale du tourisme
distingue six grands groupes de touristes en fonction des motifs de
voyage32. Ces six grands groupes sont :
loisirs, détente, vacances; visites à des parents et amis; affaires
et motifs professionnels; traitements médicaux; religions et
pèlerinages; autres. En ce qui nous concerne, les principaux motifs
de tourisme au Nunavut correspondent à
la troisième catégorie (affaires et motifs professionnels), qui
représente, selon le service de 31 PY (Pierre), 2002, opus cité,
pp.17-18. 32 PY (Pierre), 2002, opus cité, p.18.
Introduction
LULE Boris_2008 15
statistique du Canada, les trois-quarts des visiteurs de la
région33. Vient ensuite la première catégorie (loisirs, détente,
vacances), alors que les deuxième (visites à des parents et amis),
quatrième (traitements médicaux) et cinquième catégories (religions
et pèlerinages) sont presque inexistantes.
Responsabilité sociale d'entreprise, développement durable Nous
nous référons ici aux travaux de CARPON et QUAIREL-LANOIZELEE34 qui
estiment que la responsabilité sociale d'entreprise (RSE) est un
effort de conciliation entre l'activité économique et les attentes
de la société qui nécessite d'admettre qu'il existe une tension
entre l'exploitation des ressources matérielles et humaines et la
satisfaction des besoins de la population.
Ces auteurs distinguent deux approches de la RSE : une approche
anglo-saxonne qui considère l'entreprise comme un être moral qui
volontairement adopte des stratégies de responsabilité en direction
d'un intérêt général/bien commun; une approche latine qui considère
l'entreprise comme responsable vis-à-vis de ses « parties prenantes
» donc contrainte à adopter des stratégies de responsabilité dans
leur direction. Cette notion de partie prenante regroupe tous les
acteurs et actrices qui ont de l'influence sur l'entreprise, que
cela se situe au niveau de la détention de capital (les
actionnaires), au niveau des relations sociales (e.g. les
syndicats) ou d'autres personnes morales ou physiques, tels que les
organisations non gouvernementales. En ce qui concerne le tourisme
au Nunavut, les entreprises étudiées ont une plus grande influence
anglo-saxonne que latine; aussi, elles sont plus enclines à adopter
des stratégies envers les communautés dans lesquelles elles
évoluent. En conséquence, nous considérons que l'approche
anglo-saxonne doit être privilégiée. Néanmoins l'importance de la
notion de partie prenante dans la recherche sur la RSE nous oblige
à prendre en compte cette théorie. Ainsi, en ce qui concerne le
tourisme, sa grande dépendance envers les communautés d'accueil
nous amène à considérer ces dernières comme des parties prenantes
de l'entreprise, c'est-à-dire des actrices et acteurs qui ont de
l'influence sur les résultats de la firme, et ce au même titre que
les propriétaires de celle-ci, bien qu'ils n'en contrôlent pas le
capital.
Au cours de ce travail, nous sommes amenés à évoquer la notion de «
développement durable » définie par la Commission sur
l'environnement et le développement de l'Organisation des Nations
Unies (ONU) en 1987 comme « un développement qui répond aux besoins
des générations présentes sans compromettre les capacités des
générations futures à répondre aux leurs 35 ». En effet, il nous
paraît indispensable d'évoquer la notion de développement durable
aux côtés de celle de responsabilité sociale d'entreprise car la
première constitue un objectif plus large et plus directement
politique de pratiques contenues dans la seconde. En conséquence,
il nous semble que les justifications les plus pertinentes de
l'adoption de stratégies de RSE se trouvent dans l'objectif de
développement durable. Enfin, la notion de développement durable
étant elle-même mouvante, cela permet de voir différentes
justifications de la RSE émerger36.
33 Economic Services The Conference Board of Canada, 2001, Nunavut
Economic Outlook, Ottawa (Ontario, Canada), p.71.
http://www.gov.nu.ca/english/public/ 34 CARPON (Michel),
QUAIREL-LANOIZELEE (Françoise), 2007, opus cité.
35 Commission sur l'environnement et le développement de
l'Organisation des Nations Unies, 1988, Notre Avenir à Tous dit
Rapport BRUNDTLAND, Paris, Chiron, 462p, cité par CARPON (Michel),
QUAIREL-LANOIZELEE (Françoise), 2007, opus cité, p.12.
36 Vide infra p.47 (1.B.2. Une consommation ostentatoire: «
resourcism » et « preservationism »).
16 LULE Boris_2008
Au Nunavut les acteurs et actrices sont très influencés par les
pratiques anglo- saxonnes; pour notre part nous sommes plus proches
des théories européennes. Pour ce travail, ces deux approches nous
paraissent plus complémentaires que concurrentes.
Arctique, Nord, Sud, Nunavut Il convient maintenant de définir la
région étudiée, l'Arctique (0.B.3.a) et le Nunavut (0.B.3.b).
Arctique L'Arctique est la partie la plus au Nord du globe
terrestre. Certaines définitions donnent pour limite Sud le cercle
polaire arctique. En ce qui nous concerne, nous préférons prendre
pour limite Sud la ligne qui sépare l'espace dans lequel les arbres
poussent, au sud, de l'espace dans lequel les arbres ne poussent
pas, au Nord. Notre définition de l'Arctique ne comprend donc pas
la forêt boréale. Cette limite correspond à la ligne au-delà de
laquelle la température moyenne mensuelle en juillet ne dépasse pas
dix degrés Celsius, ce qui explique le fait que les arbres ne
peuvent pas croître dans l'Arctique. Sociologiquement, elle
correspond aussi à la séparation entre les peuples inuit et les
autres peuples autochtones vivant au Canada. Ainsi, lors de la
création du Nunavut en 1993, cette ligne sert de frontière Sud du
territoire.
Lorsque nous nous plaçons dans l'Arctique, attitude que nous
adoptons au cours de ce travail, c'est du « sud » que viennent les
colonisateurs, le pouvoir central est au Sud tout comme les centres
de décisions économiques. En ce qui nous concerne, le « sud » est
le pouvoir fédéral canadien, situé à Ottawa (Ontario); nous
étudions le Nunavut, une entité fédérée de l'Etat canadien.
Nunavut
Population du Nunavut « Nunavut » signifie, en langue inuktitut, «
notre terre ». En effet, les frontières du territoire sont tracées
de façon à délimiter l'espace habité par les peuples inuit, alors
que le Sud de cette ligne est habité par les peuples dene.
Le Nunavut est un territoire de plus de deux millions de kilomètres
carrés divisé en trois régions (Baffin, Keewatin, Kitikmeot) sur
lequel vivent, selon les chiffres du recensement de 200637, moins
de trente mille personnes (Nunavummiut) dont 85 pour cent se
considèrent comme inuit. Cette population est jeune (40 pour cent a
moins de quinze ans) et une large majorité, 70 pour cent, a pour
langue maternelle l'Inuktitut.
Création du Nunavut Le Nunavut est séparé des Territoires du
Nord-Ouest le 01.04.1999 au terme d'une procédure de vingt-trois
ans : en 1976 les négociations portant sur les revendications
territoriales des Inuit ont débuté; en 1982, une majorité des
électeurs et électrices du Territoire du Nord-Ouest se prononcent
pour la scission; en 1992, une majorité des électrices et électeurs
du futur Nunavut se prononcent pour l'accord sur les revendications
territoriales;
37 Recensement de 2006 pour le Nunavut
http://www12.statcan.ca/english/census06/data/profiles/aboriginal/Details/
Page.cfm?
Lang=E&Geo1=PR&Code1=62&Geo2=PR&Code2=01&Data=Count&SearchText=Nunavut&SearchType=Begins&SearchPR=01&B1=All&GeoLevel=&GeoCode=62
LULE Boris_2008 17
en 1993 la transition commence avec le vote de deux lois par
Ottawa, la Loi concernant l'accord sur les revendications
territoriales du Nunavut et la Loi sur le Nunavut. Depuis 1999
cette région dispose des mêmes administrations que les autres
entités fédérées, avec notamment un gouvernement investi par un
assemblée élue au suffrage universel. Cependant, il n'existe pas de
partis politiques propres au Nunavut, la plupart des décisions de
l'assemblée sont prises au consensus. De plus, le Nunavut Tungavik
Incorporated, association créée pendant la période de transition
des années 1990, représente et protège les intérêts de vingt-et-un
mille Inuit et constitue, selon Natalia LOUKACHEVA38, un deuxième
niveau de gouvernance.
Economie du Nunavut L'économie du Nunavut repose sur l'exploitation
des ressources naturelles, la finance et l'administration39. Le
tourisme ne constitue pas un secteur reconnu par l'organisme de
statistiques canadien : cet organisme considère que le tourisme
inclut une partie des secteurs « Accomodation, Food and Beverage
Services » (Services de logement, alimentation et boisson), «
Transportation Industries » (Activités de transport) ainsi qu'une
partie de la catégorie « Other Service Industries » (Autres
activités de services). En utilisant cette définition, l'organisme
estime que le tourisme contribue pour trente-cinq millions de
dollars canadiens au produit intérieur brut du territoire, soit 4,8
pour cent40. Si cette proportion est relativement faible, le
tourisme constitue néanmoins une activité productrice de richesses
et représente environ cinq cents emplois dans cent vingt-trois
entreprises. Ce tourisme est varié :
41
Cette diversité des produits touristiques ne doit pas nous faire
oublier que les touristes visitant les parcs naturels sont ceux qui
restent le plus longtemps au Nunavut et qui dépensent le plus
d'argent sur place, et ce même si il y a un manque
d'infrastructures d'accueil dans ces zones protégées42. Le
développement du tourisme dans la région est aussi confronté au
problème du coût des transports et du manque de formation à
l'hébergement43. De fait, au Nunvavut, plus de 22 pour cent des
foyers comportent moins d'une pièce par occupant, proportion qui
tombe à 4 pour cent pour l'ensemble du Canada44.
38 LOUKACHEVA (Natalia), 2004, Autonomy and Indigenous Peoples of
the Arctic Legal Status of Inuit (case study of Greenland and
Nunavut), thèse soutenue à l'Université de Toronto en 2004, dirigée
par MACKLEM (Patrick) et SOSSIN (Lorne), Ann Arbor (USA, Michigan),
SOSSIN, p.126. 39 Economic Services The Conference Board of Canada,
2001, opus cité, p.61. 40 Vide Infra p.100 (Annexe 1 Produit
Intérieur Brut du Nunavut en 1999). 41 « Alors que les sports de
chasse et de pêche continueront à jouer un rôle important dans
l'activité touristique il y a beaucoup
d'autres types de tourisme qui se développent et qui jouent un rôle
plus grand au Nunavut. Ils incluent les produits de tourisme
d' « aventure » (canoë/kayak, randonnée, etc.), le tourisme
culturel, le tourisme fondé sur la nature (écotourisme), le
tourisme
éducatif et d'autres produits touristiques spécialisés », traduit
par nos soins, Economic Services The Conference Board of
Canada,
2001, opus cité, p.71. 42 Economic Services The Conference Board of
Canada, 2001, opus cité, p.71. 43 idem, p.72. 44 Recensement de
2006 pour le Nunavut, opus cité.
L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux
activités touristiques au Nunavut
18 LULE Boris_2008
Peuple inuit, inuit Les Inuit peuplent les régions de l'Alaska, du
Nord du Canada, du Groënland et de l'extrême Est de la péninsule de
Chukotka. Ils sont cent vingt-cinq mille en tout, dont trente-deux
mille vivant au Nunavut. Nous considérons ici que le terme inuit
s'applique à toute personne se reconnaissant comme inuit.
Ils sont organisés en communautés (vingt-six au Nunavut) qui
organisent, à l'intérieur de chacune, des mécanismes de régulation
qu'il est important de décrire succinctement pour comprendre dans
les structures auxquelles les entreprises de tourisme doivent
s'adapter.
Economie traditionnelle et partage Les sociétés inuit sont
traditionnellement organisées sur la base du partage. Cela ne veut
pas dire que chacun éprouve du plaisir à donner, mais que toute
possession de certains objets est temporaire et que le possesseur
n'a pas de choix sur le temps qu'il peut les garder. Si les
premières recherches anthropologiques sur le partage dans les
communautés inuit considèrent cette pratique simplement comme
essentielle à la subsistence dans l'Arctique, on la considère
aujourd'hui comme un aspect essentiel de la culture et de
l'identité inuit45. Les partages sont de différentes natures
suivant les cas. Les plus répandus sont, par exemple, le «
piqatigiit », système qui fait que si une personne A donne une
partie de phoque à B, B donne cette même partie à A quand elle tue
un phoque à son tour; le « payuktuq » consiste en le don de
portions de phoques n'appartenant pas au piqatigiit à des foyers
non inclus dans le partenariat de chasseurs46. Selon HUNT47, le
partage est une règle puissante avec de longues discussions pour
former des parts appropriées, et ceci avec pour objectif de
produire une absence de concentration de biens matériels et
d'influence politique. Ainsi, le « partage de la demande » est un
système dans lequel l'initiative du partage et la détermination de
l'item à partager relèvent de la partie qui ne possède pas. Le
partage s'oppose à la redistribution en ce qu'il ne nécessite pas
de structure centralisée. Respecter ces pratiques nécessite
d'importants efforts d'adaptation pour les activités économiques
occidentales. En ce qui concerne les activités touristiques, cela
est encore plus difficile en raison notamment du fait que les
visiteurs restent peu de temps sur place. Cependant, nous rejetons
tout essentialisme et déterminisme et refusons de considérer que,
dès lors que des institutions occidentales pénètrent des cultures
autres, une homogénéisation inéluctable se développe. En effet, si
tel était le cas, compte tenu de la forte pénétration de
l'institution monétaire, par exemple, dans les communautés inuit,
ce travail n'aurait pas de sens. De fait, considérer que les
institutions économiques (monnaie, tourisme) ont une importance
primordiale pour les peuples autochtones est en soi une idée
néocoloniale car cela pose une spécificité occidentale (la grande
importance des activités économiques) comme universelle. Pourtant
cela ne veut pas dire qu'il faut simplement laisser les
institutions économiques occidentales pénétrer les sociétés
autochtones; au contraire, nous estimons que la communauté doit
jouer un rôle important.
45 COLLINGS (Peter), CONDON (Richard G.), WENZEL (George), 1998, «
Modern Food Sharing Network and Community Integration in the
Central Canadian Arctic », Arctic Journal of the Arctic Institute
of North America, volume 51, numéro 4, Décembre 1998, p.301. 46
idem, pp.304-305. 47 HUNT (Robert C.), 2000, « Forager Food Sharing
Economy: Transfers and Exchanges », in The Social Economy of
Sharing: Resource Allocation and Modern Hunter-Gatherers, eds
WENZEL (George W.), HOVELSRUD-BRODA (Grete), KISHIGAMI (Nobuhiro),
Osaka (Japon), National Museum of Ethnology, Senri Ethnological
Studies 53, p.9.
Introduction
LULE Boris_2008 19
Problématique et plan Ce travail a pour objectif de déterminer
l'applicabilité de la responsabilité sociale d'entreprise aux
entreprises de tourisme au Nunavut.
Dans une première partie, nous étudions les domaines dans lesquels
l'application de la RSE nous paraît être, sinon aisée, du moins
possible. Dans une seconde partie, nous nous intéressons aux
domaines qui nous semblent échapper à la notion de RSE.
L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux
activités touristiques au Nunavut
20 LULE Boris_2008
I/ Les domaines d'applicabilité de la Responsabilité sociale
d'entreprise
La responsabilité sociale d'entreprise nous paraît adaptée dans un
certain nombre de domaines pour les activités touristiques au
Nunavut. Le tourisme se prête bien à la RSE, comme le montrent les
différents tourismes durable, solidaire, et écotourisme qui se
développent. Les pratiques de la RSE peuvent être appliquées pour
tenter d'augmenter la qualité de la croissance économique de la
région en diminuant sa dépendance au Sud, pour aider à préserver
les pratiques culturelles des peuples inuit en augmentant leur
implication dans les projets touristiques et pour essayer de
diminuer les conséquences négatives dues aux longs transports
nécessaires pour atteindre la région. La RSE se place ainsi dans
une perspective de dépendance à l'égard des ressources et dans un
contexte de multiples petites entreprises.
Les concepts de la responsabilité sociale d'entreprise sont
applicables aux particularités d'activités dans une économie
dominée (1.A) et prenant place dans des lieux isolés (1.B).
A. Une économie dominée La RSE doit faire face au Nunavut à la
grande dépendance des activités économiques à l'égard du Sud. Ce
concept doit être capable d'atténuer ces dépendances en augmentant
la qualité de la croissance économique, et ce malgré le fait que le
tourisme est une activité à faible valeur ajoutée (1.A.1). En même
temps, le tourisme solidaire s'appuie pour son développement sur un
« malentendu » qui peut dans certains cas être perçu comme
bénéfique. Il s'agit ici d'étudier dans quels cas ce malentendu
peut apporter des avantages à tous les acteurs et actrices sur le
terrain (1.A.2). L'application de la RSE est compliquée par la
prépondérance des petites entreprises dans ce secteur; cependant
cela comporte aussi des avantages, notamment lorsqu'on prend en
compte le fort besoin d'implication des communautés d'accueil dans
l'activité touristique (1.A.3).
1. RSE et importance des matières premières et des services
a. Modèle de développement dépendant du Sud Justifier l'importance
de la responsabilité sociale d'entreprise dans le modèle de
développement de l'Arctique nécessite en premier lieu de préciser
dans quel modèle de développement nous nous trouvons. En effet,
nous nous opposons à la théorie des
I/ Les domaines d'applicabilité de la Responsabilité sociale
d'entreprise
LULE Boris_2008 21
étapes du développement développée par Walt Whitman ROSTOW48, qui,
en faisant du développement un processus exclusivement économique
et technologique, laisse peu de place aux concepts de
responsabilité sociale d'entreprise. Au contraire, nous nous
plaçons dans la perspective développée par François PERROUX49 en
faisant une distinction entre croissance et développement, le
second nécessitant une plus grande implication des actrices et
acteurs économiques et non économiques.
En effet, dans le cas du Nunavut, la région est dominée par les
centres économiques et politiques du Sud. C'est ainsi que dans les
années 1980 la région souffre économiquement et culturellement
suite à la directive européenne 83/229/EEC établissant un embargo
sur les peaux de phoque dans les Communautés, et faisant baisser
énormément le prix des peaux sur les marchés. Par exemple, selon
WENZEL50, en 1985, alors que le coût de la chasse a
considérablement augmenté entre-temps (notamment en raison de
l'évolution des équipements), le prix moyen de la peau de phoque
retombe à son niveau de 1960. En ce qui concerne Clyde, cela met en
péril la tradition de partage en raréfiant considérablement la
viande de phoque, diminue les déplacements saisonniers de la
population, augmente le nombre d'employés dans la communauté et
affecte fortement toute une génération de personnes dont les
compétences et capacités linguistiques ne permettent pas de se
reconvertir. A cause de décisions prises au Sud, la communauté perd
le contrôle sur son économie et ses pratiques culturelles.
Cela est tout à fait applicable à l'activité touristique car selon
POTIER et DEPRAS51
elle est dominée par l'offre des prestataires de tourisme des pays
« émetteurs », les pays « récepteurs » ayant peu de pouvoir. Si
cette dépendance peut difficilement être supprimée, les principes
de responsabilité sociale d'entreprise sont capables de prendre en
compte les aspirations des populations réceptrices.
b. Services à faible valeur ajoutée 52
Le tourisme est une activité de service qui peut se rapprocher aux
services à la personne. En conséquence, quand une région fonde son
activité économique sur le tourisme, elle est particulièrement
vulnérable : ces activités sont les premières à être touchées lors
d'un ralentissement économique. Pour limiter les risques liés à ce
facteur, Sébastien CONDES53
considère qu'il faut que la région ait une offre touristique
diversifiée, mêlant différents motifs (professionnel et agrément),
modes de visite (groupe et individuel), clientèles (domestique et
régionale). Ce sont les entreprises qui acceptent de diversifier
leurs activités, parfois au détriment de la rentabilité immédiate,
qui assurent leur pérennité.
48 ROSTOW (Walt Whitman), 1970, Les Etapes de la croissance
économique. Un manifeste non communiste, Paris, Seuil, traduction
DU ROURET (M-J), (The Stages of Economic Growth. A Non-Communist
Manifesto, Cambridge, Cambridge University Press, 1960), 255p. 49
PERROUX (François), 1961, L'Economie du XXe siècle, Grenoble,
Presses Universitaires de Grenoble, 859p.
50 WENZEL (George), 1991, opus cité. 51 POTIER (Françoise), DEPRAS
(Francine), 2004, opus cité, pp.11-13.
52 CAZELAIS (Normand), 2000, « L'espace touristique québecois
contemporain », in L'Espace touristique, eds CAZELAIS
(Normand), NADEAU (Roger), BEAUDET (Gérard), Québec, Presses de
l'Université du Québec, pp.1-60. 53 CONDES (Sébastien), 2004, « Les
incidences du tourisme sur le débeloppement », Revue Tiers-Monde,
numéro 178 (Les masques du tourisme), avril-juin 2004,
pp.269-291.
L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux
activités touristiques au Nunavut
22 LULE Boris_2008
Selon LEQUIN, ces effets saisonniers négatifs peuvent être
compensés si le tourisme responsable génère d'autres activités
économiques annexes pendant les saisons creuses, telles que
l'artisanat. Les entreprises d'écotourisme, qui adoptent une
stratégie de responsabilité sociale d'entreprise, doivent être
capables de favoriser de telles activités.
Enfin, ces mesures, si elles sont nécessaires, ne peuvent pas
supprimer le fait que « pour des raisons structurelles, encore plus
que circonstancielles, le tourisme doit plutôt être conçu et
développé comme un secteur d'appoint, qui vient épauler d'autres
secteurs plus porteurs 55 ». Normand CAZELAIS montre ici que les
régions réceptrices, malgré toutes les précautions prises, ne
peuvent pas compter sur le seul tourisme pour leur
développement.
2. Le malentendu du « tourisme solidaire » 56
Pour MACCANNELL, toute activité touristique se situe dans une
relation entre les représentations et la réalité. Ici, nous
défendons que, spécialement en ce qui concerne l'écotourisme, cette
différence entre représentation et réalité entraîne un « malentendu
». Cela est fortement imbriqué dans une contradiction du tourisme
solidaire consistant en ce que les touristes, qui viennent pour
s'immerger dans une société « préservée de la modernité », veulent
aussi « développer le village ».
a. De puissants obstacles à l'échange interculturel Nous
considérons ici que le tourisme solidaire entraîne un certain
nombre de malentendus entre entreprises de tourisme, communautés
d'accueil et touristes qui peuvent être productifs, c'est-à-dire
qu'ils peuvent améliorer la situation de ces trois groupes. Nous
développons donc les avantages des malentendus productifs dans
cette partie, que nous critiquons plus bas dans le texte57.
L'illusion Nadège CHABLOZ dans l'article Le malentendu les
rencontres paradoxales du « tourisme solidaire » 58 distingue trois
malentendus du tourisme solidaire, alors que ce même tourisme
entend créer une rencontre « authentique59 ». Le premier malentendu
est le « malentendu productif », qui porte sur des objectifs et
logiques différents; il est cependant qualifié de « productif » en
ce qu'il y a des pratiques communes qui apportent des avantages à
chacun. Le second est qualifié de « malentendu bien entendu » car
l'équivoque est pilotée, organisée par les protagonistes car elle
leur apporte des avantages immédiats. Le troisième et dernier
54 LEQUIN (Marie), 2001, opus cité, p.22. 55 CAZELAIS (Normand),
2000, opus cité, p.45.
56 « Habituellement, le premier contact qu'un touriste a avec une
attraction n'est pas l'attraction elle-même mais avec une
représentation de celle-ci », traduit par nos soins, MACCANNELL
(Dean), 1976, opus cité, p.110. 57 Vide infra p.73 (2.B.3 Pour une
autre définition de l'authentique) et p.81 (3. Conclusions). 58
CHABLOZ (Nadège), 2007, « Le malentendu Les rencontres paradoxales
du « tourisme solidaire » », Actes de la recherche en sciences
sociales, numéro 170 (Les nouvelles (?) frontières du tourisme),
Décembre 2007, pp.32-47. 59 Vide infra p.73 (2.B.3 Pour une autre
définition de l'authentique).
I/ Les domaines d'applicabilité de la Responsabilité sociale
d'entreprise
LULE Boris_2008 23
est le « malentendu-pieux mensonges » qui vise à créer et maintenir
l'enchantement de la rencontre touristique. Pour l'auteure, les
organisations qui interviennent dans le tourisme solidaire font de
la « désinformation par omission 60 » tout comme les accueillants,
les touristes eux-mêmes participant à l'illusion.
Cela est dû au fait que « l'espace touristique est d'abord un
espace mental [...] et également un espace de désir 61 » et que les
attraits sont vendus à la clientèle par l'image. Ainsi, le
malentendu improductif est paradoxalement celui qui entraîne une
meilleure compréhension entre visiteurs et visités et détruit
l'illusion. Le tourisme solidaire et la responsabilité sociale
d'entreprise n'ont donc pas pour objet de résoudre le malentendu en
organisant une compréhension complète entre visiteurs et visités.
Au contraire, ils doivent entretenir une part d'illusion qui leur
est propre.
Les artefacts La déception des visiteurs, qui résulte de la perte
de la part d'illusion, est due au fait que « our attention is
distracted by the artefacts and tools that we recognize as our own
62 ». De fait, dans l'Arctique, la forte augmentation du nombre de
motoneiges et de bateaux à moteur depuis les années 1960 détruisent
l'image d'un peuple inuit peu avancé technologiquement; cependant
cela ne se fait pas au profit de la création d'une meilleure
compréhension interculturelle car les visiteurs, dont le mode de
compréhension du monde est focalisé sur les technologies, changent
leur image des inuit en peuple « occidentalisé », qui a perdu ses
spécificités culturelles. Cela constitue une illusion improductive
en ce qu'elle supprime l'attrait touristique pour l'Arctique dans
la clientèle potentielle. Aussi, il paraît inadapté aux séjours
touristiques solidaires de quelques jours seulement de remettre en
cause des valeurs et perceptions du monde si profondément ancrées
dans les systèmes de pensée des visiteuses et visiteurs
occidentaux.
Pour WENZEL, « the only news that fits the « real » North concerns
treks by Japanese, American or British adventurers to the Pole,
expeditions from which Inuit are notably absent 63 ».
L'impossibilité d'une réelle compréhension interculturelle est
patente au cours d'un séjour touristique.
En conséquence nous sommes en accord avec Louis J. D'AMORE quand il
estime que « communities in tourist destination areas should adopt
or refine themes and events that reflect history, local lifestyles
or geographic settings 64 », et cela pour mieux correspondre aux
objectifs du tourisme solidaire. Cela montre bien que le malentendu
se situe surtout au niveau de la perception de ce qui est
authentique et de ce qui ne l'est pas : les autochtones
construisent des attractions qui paraissent authentiques aux
touristes, alors qu'eux-mêmes ne les considèrent pas comme tel. En
effet, c'est seulement par la mise en
60 CHABLOZ (Nadège), 2007, opus cité, p.45. 61 CAZELAIS (Normand),
2000, opus cité, pp.8-9.
62 « notre attention est distraite par les artefacts et outils que
nous considérons comme nôtres », traduit par nos soins, WENZEL
(George), 1991, opus cité, p.57.
63 « les seules nouvelles qui correspondent au « vrai » Nord
concernent les parcours par les aventuriers japonais, américains ou
britanniques vers le pôle, expéditions desquelles les Inuit sont
notablement absents », traduit par nos soins, idem, p.14.
64 « les communautés dans les espaces recevant des touristes
devraient adopter ou perfectionner les thèmes et évènements qui
reflètent l'histoire, les styles de vie locaux ou les cadres
géographiques », traduit par nos soins, D'AMORE (Louis J.), 1983, «
Guidelines to Planning in Harmony With the Host Community », in
Tourism in Canada: Selected Issues and Options, ed MURPHY (Peter
E.), Victoria (Colombie Britannique, Canada), University of
Victoria, Western Geographical Series Volume 21, p.156.
L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux
activités touristiques au Nunavut
24 LULE Boris_2008
scène et le spectacle que les touristes conservent une image des
Inuit comme d'une culture différente de la leur; ils ne peuvent
réellement comprendre une culture par le spectacle et les
évènements organisés à leur intention. L'illusion, le malentendu
sont productifs pour les deux groupes.
b. Le besoin de forte implication des dominés dans l'entreprise
pour rendre possible un échange interculturel
Cependant, selon Jacqueline GREKIN et Simon MILNE65, une majorité
des résidentes et résidents de la localité touristique de Pond
Inlet considère que les touristes devraient avoir une plus grande
exposition à la culture inuit, cela étant observé également parmi
les touristes visitant cette localité.
Le nécessaire respect de la « capacité de charge » Avant toute
chose, l'activité touristique doit respecter la « capacité de
charge », définie par Jean-Michel DEWAILLY et Emile FLAMENT comme «
le nombre de personnes (de touristes) qu'un écosystème peut
accueillir sans que l'équilibre de ses composantes, en quantité et
en qualité, soit rompu 66 ». Cependant il nous paraît essentiel
d'élargir cette notion au système socioéconomique dans lequel
l'activité touristique prend place, ce qui englobe aussi les
structures économiques, sociales et culturelles. Ainsi, nous
prenons la définition de D'AMORE : « social carrying capacity for
tourism is [...] that point in the growth of tourism where local
residents perceive on balance an unacceptable level of social
disbenefits from tourism development 67 ».
Le modèle établi par D'AMORE68 (cf Annexe 2 Modèle théorique de
D'AMORE sur les relations entre résidentes, résidents et touristes
69) nous semble satisfaisant pour aborder l'évolution dans le temps
des relations entre les résidents, résidentes et les touristes.
DOXEY70 a établi un tableau décrivant le changement d'attitude des
hôtes par rapport aux touristes dans le temps (cf Annexe 3 Modèle
de DOXEY sur les relations entre résidentes, résidents et touristes
71).
La notion de capacité de charge, et notamment de capacité de charge
sociale d'une communauté nous paraît essentielle en ce qui concerne
la responsabilité sociale
65 GREKIN (Jacqueline), MILNE (Simon), 1996, « Toward sustainable
tourism development: the case of Pond Inlet, NWT », inTourism and
Indigenous Peoples, eds BUTLER (Richard), HINCH (Tom), Londres,
International Thomson Business Press, pp.76-106. 66 DEWAILLY
(Jean-Michel), FLAMENT (Emile), 1993, Géographie du tourisme et des
loisirs, Paris, SEDES, Dossiers des images économiques du monde,
p.228 cité par NADEAU (Roger), 2000, « Tourisme et environnement »,
in L'Espace touristique, eds CAZELAIS (Normand), NADEAU (Roger),
BEAUDET (Gérard), Québec, Presses de l'Université du Québec, p.76.
67 « la capacité de charge sociale pour le tourisme est le point
dans la croissance du tourisme auquel les résidents et résidentes
percoivent dans l'équilibre un niveau inacceptable de coûts sociaux
dûs au développement du tourisme », traduit par nos soins, D'AMORE
(Louis J.), 1983, opus cité, p.144.
68 idem, p.136. 69 Vide infra p.101 (Annexe 2 Modèle théorique de
D'AMORE sur les relations entre résidentes, résidents et
touristes). 70 MASON (Peter), 1998, « Drafting tourism codes for
the Arctic », in Linking Tourism and Conservation in the Arctic
Proceedings
from Workshops in January 20-22, 1996 and March 7-10, 1996 in
Longyearbyen, Svalbard, eds HUMPHREYS (Brenin H.), PEDERSEN (Åshild
Ønvik), PROKOSCH (Peter), STONEHOUSE (Bernard), Tromsø (Norvège),
Norsk Polarinstitutt et WWF, Meddelelser 159, pp.13-25.
71 Vide infra p.102 (Annexe 3 Modèle de DOXEY sur les relations
entre résidentes, résidents et touristes).
I/ Les domaines d'applicabilité de la Responsabilité sociale
d'entreprise
LULE Boris_2008 25
d'entreprise en ce qui concerne le tourisme, spécialement dans le
Nunavut. En effet, de par la très petite taille des communautés,
l'arrivée des touristes perturbe beaucoup la société. Aussi la
grande sensibilité de l'environnement écologique vis-à-vis des
perturbations extérieures nous amène à penser que la capacité de
charge de l'écosystème est faible. Ainsi, malgré le fait que la
région soit très étendue, sa capacité de charge est faible et la
saturation rapidement atteinte. Une entreprise touristique
responsable doit donc être capable de limiter rapidement ses
activités, ce qui correspond assez bien à la notion d'écotourisme,
qui se veut à petite échelle. Ce tourisme doit donc être « intégré
» en ce qu'il doit « remettre les enjeux locaux, humains et
environnementaux au coeur de l'analyse et de l'action : exigence de
décroissance, de démocratie et de vision prospective 72 ». De fait,
ce sont toujours les résidentes, résidents qui déterminent, suivant
leur perception et non suivant des raisonnements rationnels ou
économiques, le niveau de la capacité de charge sociale.
Une étape, l'implication des résidentes et résidents dans les
entreprises touristiques Le respect de la capacité de charge ne
suffit pas pour qu'une entreprise touristique soit responsable, il
faut aussi qu'il y ait une certaine équité dans la relation entre
les touristes et les résidents et résidentes. Pour atteindre cet
objectif il faut que les résidentes et résidents soient impliqués
dans l'activité touristique. Cela est d'autant plus important en ce
qui concerne le Nunavut que les hôtes ont pour la plupart une
culture éloignée des touristes et qu'ils constituent un peuple
différent de ceux qui les visitent. Cela commence très tôt, dès le
marketing du produit touristique.
73
Il s'agit de faire en sorte que les résidentes et résidents aient
une maîtrise de leur image et de celle de leur région. Or il est
très rare que la communauté d'accueil définisse sa propre image; en
effet, les tâches de marketing sont toujours exclusivement
considérées comme dirigées vers les clients potentiels, et les
communautés d'accueil ne sont jamais compétentes pour connaître les
attentes de ces clients qui vivent et pensent de façon très
éloignées d'elles. Par exemple, en ce qui concerne le Nunavut,
GREKIN et MILNE74
considèrent que les agents de voyage situés au Sud (Montréal)
connaissent très peu la région et conseillent très peu aux
visiteurs et visiteuses potentiels d'y aller. De plus, lorsque ces
agents sont capables de donner une image de la région et de son
peuple, cette image est créée sans la participation de ce peuple.
C'est ainsi que à Pond Inlet, les tours « tout inclus » sont «
almost entirely marketed through southern tour operators, with
community outfitters providing the local service 75 .».
Dans ce modèle de développement du tourisme, les communautés
d'accueil perçoivent relativement peu des revenus tirés de
l'activité car, selon les mêmes auteurs et toujours à
72 MOREAU DEFARGES (Philippe), 2001, « Le droit des peuples au
divorce », Le débat, numéro 114, mars-avril 2001, p.12. 73 « La
promotion des attractions locales devrait être sujette à
l'assentiment des résidentes et résidents. [...] La promotion
détermine quel type et le nombre de visiteurs qui seront attirés
et, plus important, quelles seront leurs attentes », traduit par
nos
soins, D'AMORE (Louis J.), 1983, opus cité, p.154. 74 GREKIN
(Jacqueline), MILNE (Simon), 1996, opus cité. 75 « presque
entièrement vendus par des tour opérateurs du Sud, avec des
OUTFITTERS de la communauté qui fournissent le service local »,
traduit par nos soins, idem, p.82.
L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux
activités touristiques au Nunavut
26 LULE Boris_2008
Pond Inlet, seulement 40 pour cent du prix d'un tour « tout inclus
» revient à la communauté d'accueil, le reste restant au sud.
Dans ces conditions, il paraît difficile d'augmenter les revenus de
la communauté d'accueil sur les tours « tout inclus », ce qui est
pourtant un des éléments importants de la responsabilité sociale
d'entreprise dans le tourisme. En revanche, si on effectue une
distinction entre le tourisme « vers l'Arctique » et le tourisme «
dans l'Arctique », HINCH et BUTLER estiment que « while tourism to
the Arctic is still primarily externally controlled and managed,
tourism within the Arctic has a high degree of local involvement,
especially in the area of artefact production and guiding 76 ». Si
ce n'est pas dans la vente de tours « tout inclus » ni dans les
transports vers la région, la participation des résidentes et
résidents à l'activité touristique dans l'Arctique paraît assez
développée en ce qui concerne les activités dans l'Arctique,
artisanat et guidage.
Un objectif, l'initiative des résidentes et résidents dans les
activités touristiques Résoudre les problèmes d'implication des
résidentes et résidents, et notamment de leur maîtrise de l'image
de la région, peut être atteint par la maîtrise de l'initiative des
activités touristiques. Il s'agit ici de faire en sorte que les
résidentes et résidents planifient eux-mêmes le tourisme en
fonction de leurs priorités. L'entreprise doit alors se obéir aux
préférences de la communauté d'accueil constituée en partie
prenante.
77 78
Dans l'optique de WATT-CLOUTIER, vice-présidente de l'International
Inuit Conference (ICC) et considérant les Inuit comme entrepreneurs
touristiques eux-mêmes, les résidentes et résidents sont déjà à
l'initiative et gèrent des entreprises de tourisme, ce qui nous
conforte dans l'idée que le tourisme « dans l'Arctique » est bien
intégré aux communautés d'accueil. Cependant, selon GREKIN et
MILNE, des barrières administratives empêchent les résidents et
résidentes de s'impliquer plus dans l'activité touristique, comme
par exemple les nombreuses règlementations imposées par Ottawa sur
la vente de produits alimentaires, qui empêchent la vente de
produits issus de la chasse, alors que cette activité est centrale
pour les communautés d'accueil79.
Nous considérons que le fait que certaines personnes issues des
communautés d'accueil soient à l'initiative des activités
touristiques ne suffit pas à assurer la responsabilité sociale et
environnementale des entreprises. En effet, dans ces communautés,
on observe souvent une grande différence de pratiques
traditionnelles entre les personnes qui sont salariées et les
personnes qui ne le sont pas, les premières ayant tendance à
diminuer
76 « alors que le tourisme vers l'Arctique est encore
principalement contrôlé et géré à l'extérieur, le tourisme dans
l'Arctique a un haut degré d'implication locale spécialement dans
le domaine de la production artisanale et du guidage », traduit par
nos soins, HINCH (Thomas), BUTLER (Richard), 1996, « Indigenous
tourism: a common groud for discussion », inTourism and Indigenous
Peoples, eds BUTLER (Richard), HINCH (Tom), Londres, International
Thomson Business Press, p.24. 77 « Les Inuit dévelopent et
co-dirigent des entreprises internationales dans la pêche, la
production et le marketing artistique et
artisanal, le tourisme, le développement institutionnel. Ce sont
tous des domaines dans lesquels les Inuit on eu un succès
local
considérable », WATT-CLOUTIER (Sheila), Présidente de l'ICC Canada,
Vice-présidente de l'ICC, 27 Mai 1999, opus cité. 78 « Le
développement à venir de l'écotourisme, du tourisme culturel et du
tourisme d'aventure dans le Nord du Canada pourrait
offrir une valeur significante en termes d'emplois et de revenu »,
WATT-CLOUTIER (Sheila), Présidente de l'ICC Canada, Vice-
présidente de l'ICC, Février 2000, opus cité. 79 GREKIN
(Jacqueline), MILNE (Simon), 1996, opus cité, p.98.
I/ Les domaines d'applicabilité de la Responsabilité sociale
d'entreprise
LULE Boris_2008 27
leur pratique de la chasse et leurs déplacement saisonniers. Ainsi,
compte tenu des interactions souvent fortes entre le tourisme et la
chasse, par exemple, il est probable que des divergences
apparaissent entre les entrepreneurs inuit dans le tourisme et les
chasseurs, qui doivent restreindre leurs activités pour ne pas
incommoder les visiteuses et visiteurs. Même si ces problèmes sont
souvent résolus à l'échelle de la communauté, ce processus étant
aidé par la petite taille et la forte cohésion sociale à
l'intérieur de celle- ci, Debra ENZENBACHER considère que « it may
prove necessary to develop sets of guidelnes for different types of
visitors to the Arctic e.g. unescorted overnight campers and
backpackers, photographers, boaters, divers, bird watchers, cross
country skiers, snowmobilers, and film makers 80». En effet, la
grande diversité des activités touristiques dans l'Arctique et des
objectifs des visiteuses et visiteurs complique une bonne gestion
du tourisme. Aussi, il est nécessaire que les communautés
elles-mêmes soient à l'initiative et conservent la maîtrise sur ces
indications à l'intention des visiteurs et visiteuses. De plus, le
fait que ces codes soient sous la maîtrise des communautés
d'accueil permet d'éviter une multiplicité des codes de conduite
émanant du sud, peu compris par les acteurs et actrices sur le
terrain.
c. RSE et petites entreprises dans le secteur du tourisme Le
troisième domaine dans lequel la responsabilité sociale
d'entreprise doit être adaptée pour pouvoir s'appliquer dans le
Nunavut concerne les petites entreprises. En effet, avec environ
cent vingt-trois opérateurs touristiques dans le Nunavut employant
directement cinq cent personnes81, l'activité touristique dans la
région est caractérisée par une multiplicité de petites structures.
Compte tenu du fait, relevé par CARPON et QUAIREL-LANOIZELEE, que
la responsabilité sociale d'entreprise ne fait pas consensus,
surtout parmi les petites et moyennes entreprises82, il faut
développer des pratiques qui leur conviennent. De plus, CAZES et
COURADE relèvent que, en ce qui concerne le tourisme, les codes
sont souvent très généraux et émanent d'organisations
internationales, d'administrations nationales, de transporteurs,
d'associations ou autres, ce qui diminue leur visibilité et leur
applicabilité83. Dans cette partie, nous décrivons comment
l'instrumentation de la responsabilité sociale d'entreprise définie
par CARPON et QUAIREL-LANOIZELEE84 est organisée dans le Nunavut,
en termes de pratiques, de « reporting », d'audit des pratiques et
d'audit des rapports.
La RSE comme contrainte imposée par les donneurs d'ordre
80 « il peut être nécessaire de développer des séries d'indications
pour les différents types de visiteurs et visiteuses dans
l'Arctique par emple les campeurs non guidés, les routards, les
photographes, les caboteurs, les plongeurs, les observateurs
d'oiseaux, les skieurs de fond, les conducteurs de motoneige et les
réalisateurs de films », traduit par nos soins, ENZENBACHER (Debra
J.), 1998, « Mechanisms for promoting and monitoring compliance
with Arctic tourism guidelines », in Linking Tourism and
Conservation in the Arctic Proceedings from Workshops in January
20-22, 1996 and March 7-10, 1996 in Longyearbyen, Svalbard, eds
HUMPHREYS (Brenin H.), PEDERSEN (Åshild Ønvik), PROKOSCH (Peter),
STONEHOUSE (Bernard), Tromsø (Norvège), Norsk Polarinstitutt et
WWF, Meddelelser 159, p.39. 81 Economic Services The Conference
Board of Canada, 2001, opus cité, p.71. 82 CARPON (Michel),
QUAIREL-LANOIZELEE (Françoise), 2007, opus cité, p.17. 83 CAZES
(Georges), COURADE (Georges), 2004, « Introduction: les masques du
tourisme », Revue Tiers-Monde, numéro 178 (Les masques du
tourisme), avril-juin 2004, p.265. 84 CARPON (Michel),
QUAIREL-LANOIZELEE (Françoise), 2007, opus cité, 97p.
L'applicabilité de la Responsabilité sociale d'entreprise aux
activités touristiques au Nunavut
28 LULE Boris_2008
Dans la littérature de management, nous trouvons souvent le concept
de « touristicité » définie par Philippe CALLOT comme « la
potentialité attractive théorique de chaque territoire, aux
dimensions de l'échelle géographique et humaine 85 ». Selon
l'auteur, « deux déterminants sont à prendre en compte pour
apprécier la touristicité : d'une part, la notoriété du lieu, de
l'évènement, du monument et, d'autre part, l'accessibilité 86 ».
Parce que ce concept ne prend en compte ni la société ni
l'environnement dans lesquels le tourisme prend place, nous
considérons qu'il est fondamentalement opposé aux pratiques de
responsabilité sociale d'entreprise, et ce même si, dans le secteur
du tourisme et en ce qui concerne les petites entreprises, la RSE a
peu de place.
Se