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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 59 (2011) 41–47 Cas clinique La métaphore chez les enfants avec troubles envahissants du développement non spécifiés Metaphor in children with pervasive developmental disorders not otherwise specified S. Melogno , C. D’Ardia , B. Mazzoncini , G. Levi Dipartimento di Scienze Neurologiche, Psichiatriche e Riabilitative dell’età evolutiva, “Sapienza” Università di Roma, Via dei Sabelli, 108, 00185 Rome, Italie Résumé But. – Les auteurs illustrent le cas d’un enfant avec troubles envahissants du développement non spécifiés (TED-NS), en analysant certains aspects de ses compétences linguistiques et communicatives, en particulier, les usages métaphoriques, en compréhension et en production. Méthode. – Les auteurs confrontent et analysent du point de vue cognitif et linguistique certains échantillons de langage spontané correspondant à deux différentes phases du développement de l’enfant étudié. Les premiers sont extraits d’une cassette vidéo tournée en famille, remontant à âge de trois ans et 11 mois, lorsque l’enfant avait été diagnostiqué comme étant TED-NS. Les seconds font partie d’une réévaluation effectuée à l’âge de neuf ans. Résultats. – L’enfant, à l’âge de trois ans et 11mois, présente des atypies linguistiques et communicatives dans ses usages métaphoriques, par rapport aux compétences des enfants de même âge à développement typique. Ces atypies sont toujours présentes et même accentuées à l’âge de neuf ans. À cet âge-là, que ce soit au cours d’un testing spécifique de compréhension de métaphores ou dans le langage spontanément utilisé pendant la consultation, on assiste, d’une part, à des usages pseudométaphoriques et, de l’autre, à une perte de rapport dans la communication avec autrui, lorsque le langage devient métaphorique. Conclusion. – Ce cas suggère l’importance de prendre en compte les compétences métaphoriques en tant que domaine de recherche pouvant contribuer à identifier ultérieurement certaines caractéristiques des TED-NS et à spécifier les sous-types linguistiques et communicatifs qui caractérisent cette population clinique. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Autisme ; Troubles envahissants du développement non spécifiés ; Langage ; Métaphore Abstract Background. – The authors describe the case of a child with pervasive developmental disorder not otherwise specified (PDS-NOS) by analyzing aspects of his language skills and communication, in particular the way he uses metaphorical language. As is known from literature, such use is quite problematic in autism. Method. – Samples of spontaneous speech of the child are analyzed and compared at two different stages of his development from a linguistic and a cognitive point of view. The first stage has been video-recorded at home and dates back to 3 years and 11 months, when the child received his first diagnosis of PDD-NOS, while the second stage has been documented by a complete new evaluation in a clinical setting, at the age of 9. Results. – At 3 years and 11 months the child displays forms of atypical language, which appear as metaphorical but in a way that differs from the usages of normally developing children. These atypical forms are still present and even emphasized at 9, and create specific troubles in communication with adults. Conclusion. – This case study underlines the importance of considering metaphorical competence in all its aspects, in comprehension as well as in production, as a privileged way for accessing core communicative deficits in PDD-NOS. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Autism; Pervasive developmental disorder not otherwise specified; Language; Metaphor Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Melogno). 0222-9617/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurenf.2010.06.010

La métaphore chez les enfants avec troubles envahissants du développement non spécifiés

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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 59 (2011) 41–47

Cas clinique

La métaphore chez les enfants avec troubles envahissants dudéveloppement non spécifiés

Metaphor in children with pervasive developmental disorders not otherwise specified

S. Melogno ∗, C. D’Ardia , B. Mazzoncini , G. LeviDipartimento di Scienze Neurologiche, Psichiatriche e Riabilitative dell’età evolutiva, “Sapienza” Università di Roma,

Via dei Sabelli, 108, 00185 Rome, Italie

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ut. – Les auteurs illustrent le cas d’un enfant avec troubles envahissants du développement non spécifiés (TED-NS), en analysant certains aspectse ses compétences linguistiques et communicatives, en particulier, les usages métaphoriques, en compréhension et en production.éthode. – Les auteurs confrontent et analysent du point de vue cognitif et linguistique certains échantillons de langage spontané correspondant à

eux différentes phases du développement de l’enfant étudié. Les premiers sont extraits d’une cassette vidéo tournée en famille, remontant à âgee trois ans et 11 mois, lorsque l’enfant avait été diagnostiqué comme étant TED-NS. Les seconds font partie d’une réévaluation effectuée à l’âgee neuf ans.ésultats. – L’enfant, à l’âge de trois ans et 11 mois, présente des atypies linguistiques et communicatives dans ses usages métaphoriques, par

apport aux compétences des enfants de même âge à développement typique. Ces atypies sont toujours présentes et même accentuées à l’âge deeuf ans. À cet âge-là, que ce soit au cours d’un testing spécifique de compréhension de métaphores ou dans le langage spontanément utiliséendant la consultation, on assiste, d’une part, à des usages pseudométaphoriques et, de l’autre, à une perte de rapport dans la communication avecutrui, lorsque le langage devient métaphorique.onclusion. – Ce cas suggère l’importance de prendre en compte les compétences métaphoriques en tant que domaine de recherche pouvantontribuer à identifier ultérieurement certaines caractéristiques des TED-NS et à spécifier les sous-types linguistiques et communicatifs quiaractérisent cette population clinique.

2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots clés : Autisme ; Troubles envahissants du développement non spécifiés ; Langage ; Métaphore

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ackground. – The authors describe the case of a child with pervasive developmental disorder not otherwise specified (PDS-NOS) by analyzingspects of his language skills and communication, in particular the way he uses metaphorical language. As is known from literature, such use is

uite problematic in autism.ethod. – Samples of spontaneous speech of the child are analyzed and comcognitive point of view. The first stage has been video-recorded at homerst diagnosis of PDD-NOS, while the second stage has been documented besults. – At 3 years and 11 months the child displays forms of atypical la

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n production, as a privileged way for accessing core communicative deficit2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

eywords: Autism; Pervasive developmental disorder not otherwise specified; Langu

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (S. Melogno).

222-9617/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.neurenf.2010.06.010

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On peut exclure que de telles redénominations répondent à

2 S. Melogno et al. / Neuropsychiatrie de l

. Introduction

À l’exception des observations pionnières effectuées paranner sur les enfants autistes [1], la recherche sur la métaphore

n neuropsychiatrie de l’enfance en est encore à ses débuts. Lesauses de ce retard sont multiples et peuvent être, au moins enartie, reconduites à l’influence des théories qui conditionnèrenta possibilité même de concevoir un rapport entre l’enfant et la

étaphore, ce qui eut pour effet de limiter le rôle de la métaphoreun aspect purement décoratif du langage. Grâce aux avancées à

a fois dans le domaine linguistique et psychologique, une reva-orisation du phénomène métaphorique dans le développementypique s’est imposée : d’un côté, la fréquence des métaphoresans la communication et leur centralité dans la cognition ontté pleinement reconnues [2], et, de l’autre, leur précocité danse langage de l’enfant est apparue de facon manifeste [3–5].

En relation aux troubles autistiques, c’est au début des années980 que l’on assiste à la « redécouverte » du phénomène méta-horique, en particulier dans le cadre des recherches concernanta théorie de l’esprit [6,7]. Encore aujourd’hui, conscients de’hétérogénéité des profils linguistiques et cognitifs qui carac-érisent les troubles envahissants du développement (TED), leshercheurs continuent de s’interroger sur beaucoup de points8,9].

C’est, par exemple, le cas des troubles envahissants du déve-oppement non spécifiés (TED-NS), catégorie à l’intérieur deaquelle les cadres cliniques se caractérisent par la présence deymptômes typiques des TED, mais en quantité insuffisante, ceui ne permet pas de formuler un diagnostic d’autisme typiqueu d’autre catégorie de TED. Des recherches récentes ont per-is de recueillir un certain nombre de données particulièrement

ntéressantes du point de vue à la fois épidémiologique, cli-ique et thérapeutique [10,11]. Les TED-NS forment, en effet,e groupe le plus représenté à l’intérieur des TED ; leur cadrest caractérisé par une grande variabilité clinique, ainsi que pares symptômes instables et en transformation, de même quear un niveau cognitif moins atteint que dans l’autisme. Il estmportant de souligner que l’instabilité et la trasformabilité desED-NS constituent aussi bien un facteur de protection qu’un

acteur de risque, et que, pour cela, il est nécessaire d’effectueres contrôles précis et réguliers dans le temps. En effet, bienu’ils soient considérés comme étant « moins graves » que lesED, ils sont fréquemment sujets à des transformations, soit vers

’autisme, soit vers un retard ou vers une évolution cognitive, ounfin vers des formes psychopathologiques diverses.

Parmi tous les déficits observés, ceux qui touchent à’usage des métaphores, en compréhension comme en produc-ion, offrent un point d’observation intéressant des carencesssentielles que les TED-NS présentent dans leurs capacitésnteractives et communicatives, telles qu’elles apparaissent danse discours spontané.

Le statut des compétences métaphoriques et leurs modifica-ions dans le temps, tant sur le versant de la production comme

ans celui de la compréhension, pourraient donc constituer unndicateur de l’évolution même de ces troubles.

Dans notre travail, nous illustrerons le cas d’un enfant,aolo, diagnostiqué comme TED-NS, évalué dans notre centre,

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ce et de l’adolescence 59 (2011) 41–47

l’âge de neuf ans. À la consultation, ses parents ont apportéuelques cassettes vidéos dans lesquelles on peut voir l’enfantn situations de jeu et de vie quotidienne. Sur la base d’unerève séquence vidéo remontant au moment où Paolo avaitrois ans et 11 mois, ainsi qu’à partir d’observations tirées de’évaluation actuelle, nous tracerons et discuterons les aspectse ses compétences métaphoriques. La description sera précédée’une présentation du cadre théorique concernant le développe-ent typique et atypique des compétences métaphoriques chez

’enfant.

. Le développement typique des capacités deroduction et de compréhension de la métaphore

Les premières études concernant le développement typiquees compétences métaphoriques chez l’enfant signalèrent unurieux décalage entre la production et la compréhension : lesnfants semblaient capables de produire des métaphores bienvant d’être en état de les comprendre [12]. Actuellement, laersion forte de cette hypothèse a été écartée et remplacée par’idée que les enfants, dès l’âge préscolaire, produisent et sontgalement capables de comprendre au moins certains types deétaphores.Leurs premières créations consistent en une sorte de

edénomination1 des objets, par laquelle ils sembleraient chan-er le nom des choses [13,14] en les « rebaptisant » au moyen’autres signifiants [15]. Par exemple, un enfant enfile son piedans une corbeille à papier et dit ensuite : « botte » ; un autre,n observant de la farine versée dans une casserole, l’appelleneige ». Or, on peut attribuer à ces expressions un statut méta-horique seulement à condition d’être sûrs que l’enfant possèdeien certaines connaissances linguistiques de base [4,13], tellea connaissance de l’étiquette littérale de l’objet « rebaptisé », ouu moins, le fait que les deux objets impliqués dans la redéno-ination ne sont pas identiques, mais simplement semblables.ans le cas contraire, il s’agirait d’une erreur de catégorisationu d’une surextension sémantique.

Les études d’échantillons de langage spontané [16,17] deême que certaines enquêtes longitudinales [13] et certaines

echerches expérimentales concernant ce type de redénomina-ion [5] ont fourni la preuve du fait que l’enfant sait manier la

étaphore dès l’âge préscolaire.Les auteurs [5,17] ont distingué deux types principaux de

edénomination : les « métaphores basées sur l’action ou méta-hores du jeu symbolique », dans lesquelles l’enfant applique unchéma d’action à un objet (sur le plan de la fiction) et ensuitee « rebaptise » (c’est le cas du couple « corbeille–botte ») et lesmétaphores basées sur la perception » ou « métaphores senso-

ielles », où, au contraire, c’est la ressemblance entre les chosesui motive la substitution linguistique (c’est le cas du couple

es objectifs purement ornementaux du discours, car l’enfant

1 Nous traduisons là le terme renaming utilisé par certaines auteurs anglo-hones tels Winner (1979) et Elbers (1988).

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es génère intuitivement, sans les appuyer sur une base méta-inguistique ; de plus, elles véhiculent des contenus affectifs etognitifs que l’enfant ne saurait exprimer dans un langage littéral14] à cet âge-là, ce qui pourrait expliquer sa recherche d’autresossibilités linguistiques, par le biais d’une redénomination.

Du point de vue évolutif, les métaphores basées sur l’actionpparaissent entre deux et trois ans pour ensuite décliner,emplacées par des métaphores basées sur la perception, quieviennent prépondérantes vers l’âge de quatre à cinq ans [5].ar la suite, on peut observer des usages plus conscients etoins intuitifs. En particulier, vers l’âge de cinq à six ans,

orsque des formes plus élaborées apparaissent, un change-ent se produit grâce à l’introduction du mot « comme » entre

es termes métaphoriques [3,17]. Reprenant l’exemple précé-ent, l’enfant dira alors : « la farine est “comme” la neige », ceui indiquerait une conscience métacommunicative plus évo-uée, le connecteur étant là pour aider l’interlocuteur à effectuerorrectement une interprétation non littérale de la métaphore13].

Les recherches de ces dernières années ont montré que,orsque d’autres, adultes ou enfants, produisent des métaphoresasées sur l’action ou sur la perception, l’enfant est capable de lesomprendre dès l’âge de cinq ans [18–20], Cela a redimensionné’idée précédente du « décalage production–compréhension »,asée sur le contraste entre la production spontanée de l’enfant etes insuccès dans les épreuves de compréhension de métaphores.es premières recherches reportant ces résultats utilisaientn effet des typologies de métaphores plus complexes, telleses métaphores physicopsychologiques, basées sur le rappro-hement entre la personne humaine et des objets inanimésexemple : « le gardien de la prison est une pierre ») [13] oues adjectifs à double fonctions (exemple : les adjectifs « dur »,chaud », « amer », utilisés dans un sens psychologique) [21].a manipulation de différents facteurs expérimentaux, tels lesodalités de mesure (choix multiples verbaux ou iconiques,

eux de rôles avec des jouets, au lieu d’explications verbales),’insertion de métaphores dans un contexte donné (par exemple,ans de courtes histoires) et l’emploi de typologies différentes’expressions métaphoriques, ont permis, d’un côté, de déplacerers le bas l’âge-seuil des premières formes de compréhen-ion et, de l’autre, de mettre en évidence des lignes évolutivesifférenciées en fonction des différents types de métaphore22].

. Autisme et métaphore

Les premières études concernant l’autisme considéraient’usage métaphorique de la part de l’enfant comme lesymptôme » d’une pathologie énigmatique, sans faire aucune

éférence au développement typique de ce genre de capacité.r, le fait de déceler des formes linguistiques non convention-elles chez les TED est un aspect particulièrement importantu diagnostic. ADI-R et ADOS-2, traditionnellement considé-

2 Autism diagnostic observation schedule (ADOS) (Lord C, Rutter M, DiLa-ore PC, Risi S. Édition italienne Giunti OS; 2005) ; autism diagnostic

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és comme les références par excellence pour le diagnostic de’autisme, contiennent également de nombreux items et sectionsoncernant le « langage idiosyncrasique ». Par ce terme, on seéfère à des formes linguistiques qui, du point de vue communi-atif, sont limitées à des domaines particuliers, y compris leséologismes et certaines expressions qui peuvent évoquer laétaphore3.En 1946, Kanner avait constaté certains usages linguistiques

on conventionnels chez les enfants autistes et en avait proposéne classification [1]. Par exemple, Donald, à l’âge de sept ans,ebaptisait le panier à pain par l’expression « boulangerie de laaison », ce qui peut évoquer une métaphore. Pour Kanner il

’agissait là d’un cas de « substitution par analogie », à distin-uer de la « substitution par restriction », où l’on se réfère auout par la partie, selon un procédé typiquement métonymique.ar exemple, Anthony, à l’âge de cinq ans, appelait sa grand-ère « 55 », nombre qui correspondait à celui de ses années,

roduisant ainsi une redénomination à base métonymique. Deême, Asperger [23] avait remarqué, sans toutefois parler deétaphore, que les enfants ayant une psychopathie autistique uti-

isaient des expressions particulièrement insolites, compte tenue leur âge scolaire, expressions qui correspondaient plutôt auangage « créatif » spontané des enfants préscolaires.

Des études successives ont montré que ce langage idiosyn-rasique était plus utilisé par les enfants autistes que par ceuxyant des troubles spécifiques du langage [24,25]. Cependant,hez l’enfant autiste, les étiquettes verbales qu’il produit etui ont l’apparence de métaphores, pourraient dériver de saifficulté à élaborer les indices perceptifs liés au contact ocu-aire avec l’adulte, lorsque celui-ci lui apprend le nom deshoses.

Les usages non conventionnels seraient donc des « erreursvolutives » qui persisteraient plus longtemps ou bien le pro-uit d’une dissociation entre compétences cognitives, socialest linguistiques. Différentes analyses soulignent que ces usagesont rigides et inflexibles. Par rapport à la production méta-horique précoce des enfants à développement typique, on peutemarquer des différences notables. Par exemple, la redénomi-ation non conventionnelle d’un objet peut rester, pour l’enfantutiste, le seul moyen pour le définir, ce qui n’est jamais leas pour les redénominations des enfants à développementypique, qui, la plupart du temps, connaissent bien l’étiquetteittérale de l’objet en question. Une autre différence, commee fait remarquer Kanner, est la valeur communicative de cesxpressions métaphoriques, qui peut paraître parfois discutable.es enfants autistes ne semblent pas tenir compte du risque’incompréhension que de telles formes comportent dans laommunication et n’arrivent pas à lire chez leur interlocuteur leeed-back, verbal et non verbal, qui indique précisément un pro-

étaphorique. Or cela ne s’avère pas dans le développementypique, où l’enfant, quand il crée de nouveaux mots (également

nterview-revised (ADI-R) (Rutter M, Le Couteur A, Lord C. Édition italienneiunti OS; 2005).3 Exemple : « pluie chaude » qui évoque la vapeur.

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4 S. Melogno et al. / Neuropsychiatrie de l

es néologismes), souligne par des indicateurs non verbaux, parxemple par le sourire, qu’il s’agit là d’une invention ou bien seéfère à l’objet par son étiquette littérale immédiatement après,u bien encore, comme on l’a vu, il introduit des connecteursle mot « comme ») pour expliciter son processus analogique.

En ce qui concerne l’autisme, c’est sur le versant de laompréhension que l’on trouve les principaux résultats expé-imentaux. Ce que les premières études cliniques avaient mis enumière et qui pouvaient sembler paradoxal par rapport au carac-ère apparemment métaphorique des productions – à savoir uneendance à la « littéralité » – a été confirmé successivement para recherche expérimentale.

Certaines recherches ont reconduit cette « littéralité » dansa compréhension à une carence au niveau de la mentalisation.elon Happé [6,7], les autistes n’arrivent pas à entrer dans laerspective psychologique de leur interlocuteur et, de ce fait, ilse comprennent pas le langage métaphorique qu’il utilise. Desecherches successives ont confirmé le rôle joué par la théoriee l’esprit [26], alors que d’autres ont proposé que la compré-ension métaphorique puisse être liée à des facteurs étrangersla théorie de l’esprit. Norbury [27], après avoir examiné des

nfants d’âge compris entre huit et quinze ans, a trouvé que lahéorie de l’esprit est une condition nécessaire mais non suf-sante pour comprendre la métaphore, capacité qui demandegalement des compétences de type sémantique bien dévelop-ées.

. Notre cas clinique : Paolo

Paolo est un enfant de neuf ans, diagnostiqué comme TED-S à l’ âge de quatre ans, environ. À l’âge de neuf ans, sa familleemande une réévaluation du diagnostic et un approfondisse-ent clinique fonctionnel dans le domaine des apprentissages

colaires. Dans l’ADI-R, il atteint le critère-seuil pour être classéans le spectre autistique, et, dans l’ADOS, également, il atteinte critère-seuil pour rentrer dans cette même catégorie, dans lesomaines « langage et communication » et « interaction socialeéciproque », ce qui correspond à un cadre TED-NS.

Son niveau intellectuel (évalué au moyen du WISC-R) estans la norme : QIT égal à 88, QIV égal à 100, QIP égal à 78.on profil, comme on peut le remarquer, est caractérisé par unécalage significatif entre l’échelle verbale et non verbale.

Le testing neuropsychologique fait apparaître des prestationsnégales dans les compétences de mentalisation, avec des dif-cultés évidentes d’intégration des composantes perceptives,ffectives et pragmatiques. Paolo établit un contact du regardt prend certaines initiatives dans la relation à autrui mais d’uneacon qui n’est pas toujours adaptée au contexte. Dans sa conver-ation, on remarque des à-côtés et, dans les moments de difficultéis-à-vis de son interlocuteur, son hyperverbalisme s’accroîtt son contrôle du sens du réel tend à baisser. Son langage,l’apparence aisé, présente fréquemment des formes idiosyn-

rasiques et semble refléter une imagination particulièrement

ctive.

Nous proposerons, en premier lieu, quelques observationsirées d’une cassette vidéo tournée en famille, dans laquelleaolo, à l’âge de trois ans et 11 mois, montre certains aspects

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ce et de l’adolescence 59 (2011) 41–47

’un langage inusuel et, ensuite, d’autres éléments recueillis auours de l’évaluation effectuée à neuf ans.

.1. Paolo à trois ans et 11 mois

L’analyse de la cassette vidéo fait apparaître quelques expres-ions qui font penser à un mouvement de génération deétaphores.Paolo est en train de jouer avec une petite poupée, une bassine

t un biberon. En exécutant, avec difficulté, les courtes actionsui lui sont suggérées en séquence par l’adulte (donner à man-er à la poupée et puis lui donner son bain), il se lance dans desedénominations inhabituelles et originales. Sans rapport appa-ent à l’action qu’il est en train d’exercer sur l’objet, il se réfèreu biberon en le rebaptisant d’abord du nom de « coupole », puise « bouchon de la paix » et puis de « pacifique ». À la fin, le bibe-on à la main et en l’écartant de soi, il dit : « C’est le coucher duoleil qui s’éloigne ».

En écoutant ces redénominations, qui semblent particulière-ent incongrues, l’adulte essaie plusieurs fois de ramener Paolo

ur le plan de la fiction de manière explicite (« on fait semblante laver les cheveux à la poupée »).

Malgré ces tentatives de la part de l’adulte, les productionse Paolo semblent encore plus confuses et incertaines. Aprèsue Paolo a rebaptisé le biberon du mot de « coupole », l’adultenvite l’enfant à retourner au jeu (et à utiliser le biberon commei c’était du shampoing), Paolo dit alors qu’il « lave les che-eux à la coupole ». Immédiatement après l’avoir rebaptisé duot de « pacifique », et en essayant en vain de dévisser le bou-

hon, il s’adresse à l’adulte en lui demandant : « Débouche leacifique ».

Paolo utilise certains mots de facon tellement inusuelle qu’ilseuvent paraître des métaphores. Mais le sont-elles vraiment ?

En appliquant les critères identifiés dans la recherche évolu-ive, nous pouvons proposer quelques hypothèses. Comme on l’au, les premières substitutions linguistiques de type non littéralpparaissent entre deux et trois ans et sont des métaphores du jeuymbolique, dans lesquelles l’enfant applique premièrement unchéma d’action à l’objet et ensuite le rebaptise. Dans les vidéose Paolo, nous en avons quelques traces. Par exemple, dans uneutre séquence de jeu, l’enfant prend une image, la met sur saête et ensuite dit à l’adulte : « Je mets seulement le chapeau sura tête ».

Les redénominations qui se réfèrent au bouchon du biberonembleraient différentes. C’est surtout le cas de « coupole », uti-isée au lieu de « bouchon », qui semble évoquer un type de

étaphore basée sur la perception. Dans ce cas, c’est l’intuitione similarité, subjective et unique, basée sur quelques attributsensoriels, le ressort qui produit la métaphore.

Il y a au moins deux raisons qui rendraient très plausible’hypothèse d’une substitution de type non littéral, ce que Kannerppelle « substitution par analogie ». La première est que Paoloossède bien le terme « littéral » (« bouchon ») duquel il dési-

nera l’objet rebaptisé au cours de son jeu et tout de suite après laedénomination. La seconde raison est précisément la présence’une ressemblance entre les deux objets. En outre, ses parentsapportent que l’enfant connaît et reconnaît, durant un parcours
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amilier effectué à maintes reprises, une église de Rome dont laoupole a une forme semblable à celle du « bouchon-coupole »u biberon. Donc, l’idée que Paolo puisse avoir rebaptisé l’objetur la base d’une intuition de similarité métaphorique est forte-ent vraisemblante.En ce qui concerne les autres substitutions, plus cryptiques,

elles « bouchon de la paix » et « pacifique », on peut penserlausiblement qu’elles dérivent de la manipulation du nom de’église que Paolo connaît bien : « Sainte-Marie de la Paix », ceui, du point de vue de l’adulte, pourrait constituer une sorte deraccourci métonymique ».

Selon ses parents, Paolo est littéralement attiré par les signi-ants. Il « joue » souvent sur les mots en les modifiant. Parxemple, il transforme le mot « coquin » qu’on lui attribue quel-uefois en plaisantant, en « poulain » et puis en « coquille ».a redénomination finale du biberon est également évocatrice :c’est le coucher du soleil qui s’éloigne », mais cette fois-ciccompagnée d’une action.

D’autres expressions, telle « je lave les cheveux à la coupole »,ourraient, au contraire, s’expliquer par le conflit entre le plane la fiction intentionnelle que l’adulte sollicite chez Paolo et lelan de l’imagination de l’enfant. L’énoncé que nous venons deentionner exprimerait ce conflit entre les deux plans, où la par-

ie « je lave les cheveux » répond au jeu de fiction demandé par’adulte, alors que la seconde partie : « à la coupole », exprime,u contraire, l’imagination de l’enfant. Ce qui ressort de toute laéquence c’est en tout cas la difficulté à partager des significa-ions avec autrui, élément qui est peut-être celui qui rattache lelus significativement la production de Paolo à celle des enfantsécrits par Kanner en 1946.

.2. Paolo à neuf ans

Les observations effectuées quand Paolo a neuf ans révèlent’utilisation de formes idiosyncrasiques. Ce qui frappe particu-ièrement c’est la difficulté que l’enfant semble rencontrer dansa compréhension des expressions métaphoriques en général.

Les formes idiosyncrasiques émergent en particulier quandaolo bavarde, mais également lorsqu’il dessine ou fait sesevoirs. Par exemple, au début d’un entretien, il dit : « Dans’après-midi dorée (expression stéréotypée et non rattachéeu contexte) je vais chez le docteur Forzante (nom inventé)our dire des choses étranges ». Il commente l’image d’uneetite fille en décrivant ainsi sa jupe : « jupe faite comme unas de paille. . . parce que c’est un vieux parasol cassé . . .

a pintade . . . une baraque ». De même, dans les épreuvestructurées (sous-tests verbaux du WISC-R), Paolo produit desssociations, des phrases stéréotypées et des réponses confuses.

l’item « litre–mètre » (sous-test ressemblances), il répond :Tout change beaucoup comme avant » ; à l’item « Que fais-tu

i tu vois sortir de la fumée épaisse. . . » (sous-test compréhen-ion) : « Je pleure jusqu’à ce que je devienne blanc ». Sollicité àarler d’un rêve, il le définit : « Un jappement du côté de l’auto ».

Quand un interlocuteur s’adresse à lui en utilisant unexpression métaphorique, il ne la comprend pas toujours. Sesxplications paraissent confuses, comme dans l’exemple : ‘Mahemise est un papillon’ (se référant aux couleurs vives de la che-

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ce et de l’adolescence 59 (2011) 41–47 45

ise) qu’il explique de la facon suivante : « Ca veut dire que caert. . . ca sert après le matin vers un téléphérique ». Dans certainstems d’une épreuve de compréhension de métaphores [28], leséponses de Paolo ne sont pas totalement déficitaires. Toutefois,es items non réussis font apparaître des parcours interprétatifstypiques.

Ce qui frappe c’est le décalage entre certains moments oùa communication de l’enfant semble perdre de l’adhérence parapport à son interlocuteur et d’autres moments où, au contraire,aolo manifeste ses intuitions dans un langage extrêmementrécis et métaphorique à la fois, comme lorsqu’il affirme :Quelquefois je reste enfermé dans le filet de la communica-

ion ».Le répertoire des formes idiosyncrasiques reste vaste. Dans

’interaction avec Paolo, l’adulte vit l’impossibilité de compren-re comment se forment certaines chaînes associatives dans soniscours ou bien quelle est l’origine de certaines expressions sté-éotypées. Dans certains cas, les associations semblent se baserur une ressemblance métaphorique, comme dans l’exemple de’objet-jupe, décrit à travers d’autres objets semblables. Proba-lement, c’est la perception de la forme qui unit « tas de paille »t« vieux parasol ». En effet, d’un terme à l’autre, les raisons dea ressemblance entre les objets se font de plus en plus vagues,usqu’aux passages successifs, de « parasol » à « pintade » et puis« baraque », qui sont encore moins clairs.

Dans un item de l’épreuve de compréhension de métaphoresitée ci-dessus, à la différence de nombreux enfants autistes,ui en arrivent à nier la légitimité même de la métaphore (Parxemple, pour l’item : « La lune est une ampoule », l’enfantutiste dit : « Non, ce n’est pas vrai »), Paolo ne refuse pas lesapprochements métaphoriques en tant que tels. Il semble plutôtévelopper son raisonnement à partir d’une des composants de laétaphore en question (« ampoule ») en y appliquant un modus

perandi absolument personnel (« L’ampoule s’allume. . . c’estn dispositif électrique. . . feu. . . la lave. . . est en éruption. . . ilse s’en sont pas apercus quand le Vésuve a détruit la ville deompéi »). L’effet général est « l’hyperverbalisme », une pro-uction qui suit des méandres absolument idiosyncrasiques,ant dans les contenus comme dans les passages argumenta-ifs.

Paolo ajoute de nouveaux éléments à ses explications, au furt à mesure, en perdant ainsi le thème initial. Les associationserbales se développent dans un relâchement général du sens etne perte de cohérence des réponses. Sa difficulté à expliciteras à pas les différents sens possibles de son discours par unaisonnement logique est manifeste.

. Discussion

Le cas que nous venons de présenter souligne l’importancee distinguer les différentes formes d’usages non conventionnelses mots chez les enfants TED.

À l’âge de trois ans et 11 mois, on remarque chez Paolo une

roduction linguistique non conventionnelle qui, sous certainsspects, pourrait être assimilée à la production spontanée desnfants à développement typique, mais sous d’autres, est réelle-ent atypique. Certaines expressions apparaissent « bizarres »,
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ifficilement communicables et posent à l’adulte le problème deavoir comment intervenir pour les endiguer.

En ce qui concerne la phase qui coïncide, dans le dévelop-ement typique, avec l’apparition des premières métaphores enroduction, nous observons, au cours de notre expérience cli-ique, que les enfants rencontrent des difficultés d’une grandeariabilité. À un extrême, on trouve des enfants avec une sorte’hypotrophie symbolique, comme dans l’autisme, qui n’ont pase jeu de fiction et ne semblent pas capables de produire deraies métaphores. À l’autre extrême, on trouve, au contraire,es enfants, tel Paolo, avec des capacités hypersymboliques et,n même temps, hyperconcrètes : ils sont, en effet, capables deroduire des expressions non littérales, qu’ils utilisent, toute-ois, de manière atypique dans la communication, ce qui enéduit fortement la compréhensibilité. Ces enfants confondenteur interlocuteur et risquent de se confondre eux-mêmes dansa communication avec autrui.

À neuf ans, les formes idiosyncrasiques sont encore présenteshez Paolo et s’insèrent également à l’intérieur des échanges,ont l’enfant semblerait avoir une certaine conscience sur le planétacommunicatif. À cet âge-là, c’est le versant de la compré-

ension de la métaphore qui fait problème, du moins lorsque leiveau cognitif est dans la norme. Il y a une différence entre lesnfants TED-NS, tel Paolo, et les enfants autistes. Chez ces der-iers, la réaction la plus fréquente consiste en un refus total de laétaphore par des explications du type : « ce n’est pas vrai », « ca

’existe pas », « c’est faux », ce qui montre l’incapacité d’alleru-delà du sens littéral. Par exemple : « Ce n’est pas vrai que lahemise est un papillon », ou bien, « le gardien de la prison n’estas un rocher, c’est faux, ca n’existe pas un gardien en rocher ».hez Paolo, cela ne s’observe pas, alors que l’on constate deombreuses tentatives de répondre et justifier les rapproche-ents métaphoriques, tentatives qui, cependant, débouchent sur

es explications confuses et troublantes, que nous avons définiesdérives métalinguistiques ».

Le cas de Paolo est emblématique de ce que nous sommes enrain de relever sur un échantillon plus large : nous distingueronslors deux différents types de « dérive ».

Dans un premier type, l’enfant développe son explication àartir des termes de la métaphore par des associations de typearadigmatique, basées sur le « signifié » (exemple, pour l’itemLa lune est une ampoule » : « La lune est dans le ciel et ila des planètes. . . Saturne est gazeux . . . des cercles . . . et

’ai vu le chapeau de Saturne »). Dans le second type, à partir’un des termes de la métaphore, l’explication se développeu moyen d’associations de type paradigmatique basées sur lesignifiant ». Exemple : face à la métaphore « Cet enfant estn coffre-fort », un enfant dit : « Mais ca n’a rien à voir avecrancfort, franc et fort, un franc fort dans le coffre. . . ».

Ce type de dérive mène manifestement à une perte de contrôlee la compréhension à la fois chez l’enfant et chez son interlo-uteur. Lorsque ces dérives apparaissent chez Paolo aux âges derois ans et 11 mois et de neuf ans, elles posent de sérieuses ques-

ions sur le parcours évolutif de l’enfant. Quelle était l’évolutionue l’on pouvait prévoir lorsqu’il avait trois ans ? Quels facteursnt contribué à son évolution ? Quels autres facteurs auraientu interagir avec le dynamisme naturel de cette pathologie et

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ce et de l’adolescence 59 (2011) 41–47

’orienter éventuellement vers une meilleure intégration des sesompétences linguistiques et communicatives ?

Dans l’introduction au présent travail, nous avons fait réfé-ence à la catégorie diagnostique des TED-NS, en soulignantue celle-ci regroupe des enfants avec des troubles instables,usceptibles d’avoir différents types d’évolution. Une questionontroversée est de savoir si au moins une partie de ces enfants, àui on a fait ce diagnostic, correspond éventuellement à d’autresypologies. Celles-ci ont été étiquetées, suivant les positions,’un côté, de « dysharmonie évolutive » et, de l’autre, de multi-lex developmental disorder [29,30].

Sans entrer dans ce débat, nous nous limiterons à signaleru’il existe, chez tous ces enfants, un élément commun, quionsiste en une utilisation des processus imaginatifs manifeste-ent plus riche que chez les autistes. Dans notre classification

linique, il nous semble possible d’identifier les enfants aux deuxxtrémités d’un même continuum : à un extrême, les enfantsutistes, avec un déficit des capacités imaginatives ; à l’autre,es TED-NS, chez qui on observe une difficulté à passer du réella fantaisie et réciproquement, de manière intentionnelle et par-

agée avec autrui, difficulté qui aboutit sur une communicationonfuse.

C’est par rapport à ce « continuum » que des appro-ondissements théoriques et cliniques sur les compétencesétaphoriques, en production comme en compréhension, pour-

aient fournir des éléments supplémentaires en vue d’éclaircir lesifférences entre ces deux groupes d’enfants et d’en comprendrees parcours évolutifs.

. Conclusion

Les difficultés linguistiques et communicatives rencontréeshez les TED font l’objet d’approfondissements continus dansa recherche expérimentale actuelle, et ce, pour deux raisonsrincipales. D’un côté, parce que ces difficultés sont au cœure l’autisme, et, de l’autre, parce qu’elles sont fondamentalesour éclaircir certaines différences que l’on observe à l’intérieur’une population clinique aussi hétérogène.

L’étiquette « langage idiosyncratique », bien qu’utile du pointe vue du diagnostic ADI-R et ADOS, à titre de premier triage,isque d’être trop générale, en tant qu’elle masque des diffé-ences qui peuvent être marquantes à l’intérieur du continuumypo- et hypersymbolique que nous avons évoqué.

Nos connaissances sur le développement typique desompétences métaphoriques ont redimensionné l’importanceue la recherche avait initialement accordé au statut desymptôme » de certains usages non conventionnels, notam-ent, des usages métaphoriques (ou présumés tels), chez les

utistes. Il reste cependant encore à comprendre de facon plusomplète les aspects de retard et/ou d’atypie des ces productions,insi que le rôle que ces productions jouent dans le développe-ent des enfants.Face à l’hyperverbalisme des ces sujets, la tendance spon-

anée de l’adulte est de ramener ce type de langage sur unerrain de significations qui lui soit compréhensible. Peut-être,i ce même adulte était sensibilisé aux procédés métaphoriquest/ou métonymiques que l’enfant met en jeu dans son langage

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diosyncratique, pourrait-il le suivre dans le cheminement de saensée.

La compréhension de la métaphore mériterait également unpprofondissement dans l’évaluation des TED. Le rapport quees enfants ont à la métaphore représente, à notre avis, une voie’accès privilégiée aux déficits communicatifs spécifiques desED de haut niveau cognitif. Pour ne mentionner qu’un aspect,ans les limites du présent article, si l’on demandait à un enfantED de nous dire « dans quel sens » il peut entendre telle ou telleétaphore, nous aurions, là aussi, une voie d’accès privilégiée

ux spécificités de son parcours mental et linguistique.En résumant, le rapport que les enfants TED ont à la

étaphore, dans son entièreté, en production comme en compré-ension, nous mène au cœur de leurs déficits communicatifs.

onflit d’intérêt

Les auteurs n’ont aucun conflit d’intérêt.

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