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Article original Les indications de la réanimation des lèvres dans la paralysie faciale Indication of labial reanimation in facial palsy D. Labbé *, H. Bénateau Service de chirurgie maxillo-faciale et plastique, CHU Caen, 14033 Caen cedex, France Résumé Même si l’attitude thérapeutique dépend de nombreux facteurs tels l’association de la paralysie faciale à d’autres anomalies, le caractère incomplet ou complet, l’âge auquel sont vus les patients, ainsi que les habitudes de l’équipe chirurgicale, les auteurs tentent de schématiser un arbre décisionnel. Après le rappel du bilan préopératoire, les indications des différentes techniques chirurgicales sont énoncées selon que le nerf facial est réparable ou non et selon que les muscles peauciers sont utilisables ou non. Les formes labiale supérieure unilatérale, labiale inférieure unilatérale, les formes bilatérales, puis les parésies sont successivement envisagées. © 2002 E ´ ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The therapeutic approach of labial reanimation depends on several points, like the association with others abnormalities, the palsy which can be complete or partial, the age of the patient and the practice of the surgical team. Nevertheless, the authors try to propose a surgical approach of labial reanimation in facial palsy, depending on the facial nerve which can be reparable or not, and on the facial muscles which can be used or not. At least, the indications in partial labial palsy are recalled. © 2002 E ´ ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés: Paralysie faciale; Myoplastie du temporal; Transfert musculaire; Moebius Keywords: Facial palsy; Temporalis myoplasty; Muscle transplantation; Möbius « Restaurer la plénitude d’une expression symétrique et spontanée est quasi impossible, même par la réparation du facial homologue. Ce postulat pessimiste est incontournable dans l’état actuel » [1]. La multiplicité des formes cliniques des paralysies facia- les ne permet pas d’établir un protocole chirurgical unique pour leur prise en charge. Leur association à d’autres anomalies, leur caractère incomplet ou complet, l’âge auquel sont vus les patients, peuvent modifier radicalement la prise en charge, tant sur le plan technique que chronolo- gique. Enfin, peut-être plus que dans les autres chirurgies, les indications peuvent être orientées par les habitudes de l’équipe, pour les décisions entre lambeau pédiculé et lambeau libre. Cependant, nous essayerons de schématiser un arbre décisionnel en fonction du bilan clinique. 1. Bilan Seul un bilan précis, méthodique, à la fois clinique et électromyographique, permettra de poser les justes indica- tions. 1.1. Bilan clinique L’anamnèse précisera la date d’installation et l’étiologie de la paralysie faciale, ainsi que le type anatomique de l’atteinte du nerf : on séparera d’emblée les sections ner- veuses complètes et les pertes de substances nerveuses sans * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Labbé). Annales de Chirurgie Plastique Esthétique 47 (2002) 592–600 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 0 2 9 4 - 1 2 6 0 ( 0 2 ) 0 0 1 5 0 - 4

Les indications de la réanimation des lèvres dans la paralysie faciale

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Page 1: Les indications de la réanimation des lèvres dans la paralysie faciale

Article original

Les indications de la réanimation des lèvres dans la paralysie faciale

Indication of labial reanimation in facial palsyD. Labbé *, H. Bénateau

Service de chirurgie maxillo-faciale et plastique, CHU Caen, 14033 Caen cedex, France

Résumé

Même si l’attitude thérapeutique dépend de nombreux facteurs tels l’association de la paralysie faciale à d’autres anomalies, le caractèreincomplet ou complet, l’âge auquel sont vus les patients, ainsi que les habitudes de l’équipe chirurgicale, les auteurs tentent de schématiserun arbre décisionnel. Après le rappel du bilan préopératoire, les indications des différentes techniques chirurgicales sont énoncées selon quele nerf facial est réparable ou non et selon que les muscles peauciers sont utilisables ou non. Les formes labiale supérieure unilatérale, labialeinférieure unilatérale, les formes bilatérales, puis les parésies sont successivement envisagées. © 2002 E´ditions scientifiques et médicalesElsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

The therapeutic approach of labial reanimation depends on several points, like the association with others abnormalities, the palsy whichcan be complete or partial, the age of the patient and the practice of the surgical team. Nevertheless, the authors try to propose a surgicalapproach of labial reanimation in facial palsy, depending on the facial nerve which can be reparable or not, and on the facial muscles whichcan be used or not. At least, the indications in partial labial palsy are recalled. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Allrights reserved.

Mots clés: Paralysie faciale; Myoplastie du temporal; Transfert musculaire; Moebius

Keywords: Facial palsy; Temporalis myoplasty; Muscle transplantation; Möbius

« Restaurer la plénitude d’une expression symétrique etspontanée est quasi impossible, même par la réparation dufacial homologue. Ce postulat pessimiste est incontournabledans l’état actuel »[1].

La multiplicité des formes cliniques des paralysies facia-les ne permet pas d’établir un protocole chirurgical uniquepour leur prise en charge. Leur association à d’autresanomalies, leur caractère incomplet ou complet, l’âgeauquel sont vus les patients, peuvent modifier radicalementla prise en charge, tant sur le plan technique que chronolo-gique.

Enfin, peut-être plus que dans les autres chirurgies, lesindications peuvent être orientées par les habitudes de

l’équipe, pour les décisions entre lambeau pédiculé etlambeau libre. Cependant, nous essayerons de schématiserun arbre décisionnel en fonction du bilan clinique.

1. Bilan

Seul un bilan précis, méthodique, à la fois clinique etélectromyographique, permettra de poser les justes indica-tions.

1.1. Bilan clinique

L’anamnèse précisera la date d’installation et l’étiologiede la paralysie faciale, ainsi que le type anatomique del’atteinte du nerf : on séparera d’emblée les sections ner-veuses complètes et les pertes de substances nerveuses sans

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (D. Labbé).

Annales de Chirurgie Plastique Esthétique 47 (2002) 592–600

© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.PII: S 0 2 9 4 - 1 2 6 0 ( 0 2 ) 0 0 1 5 0 - 4

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espoir de récupération spontanée, des lésions nerveuses sanssolution de continuité.

Un examen précis, méthodique de la face sera ensuiteeffectué, recherchant le caractère partiel ou total et completou incomplet de la paralysie faciale. Le testing musculairecotera les muscles de 0 à 3 : 0 : absence de contraction ; 1contraction minime ; 2 contraction ample mais sans force ;3 : mouvement normal.

Concernant les lèvres, les muscles étudiés sont lessuivants :

• élévation de l’aile du nez pour le releveur de l’angle dela bouche et le releveur de la lèvre supérieure ;

• sourire pour les zygomatiques ;• fermeture des lèvres pour l’orbiculaire de la bouche ;• abaissement de la lèvre inférieure pour l’abaisseur de la

lèvre inférieure et de l’angle de la bouche ;• élévation de la lèvre inférieure pour les muscles.La paralysie faciale entraîne aussi une distension et une

ptose des parties molles privées de tonus musculaire qu’ ilfaut noter, ainsi que l’hyperactivité du côté sain qui estconstante, mais plus ou moins marquée. Tous ces troublesassociés peuvent en effet nécessiter des gestes complémen-taires spécifiques.

Outre ces anomalies morphologiques, des troubles fonc-tionnels sont à rechercher lors des paralysies labiales : gênerespiratoire par déviation et collapsus inspiratoire de l’ailedu nez ; gêne à l’alimentation avec accumulation alimen-taire dans le sillon gingivojugal ; gêne à l’élocution parhypotonie jugale et ptose labiale.

Enfin, l’examen clinique s’efforce de vérifier l’ intégritédes autres paires crâniennes, l’état des différents musclesmasticateurs.

1.2. Bilan électromyographique

Si l’état des muscles est apprécié par la stimulationgalvanique, par le testing musculaire et plus rarement par labiopsie musculaire, l’état du nerf est apprécié par l’électro-myogramme [1].

Dès la 2e–3e semaine suivant l’ installation de la paralysiefaciale, l’électromyogramme aura une valeur diagnostiqueet pronostique, objectivant une récupération totale partielleou bien une absence de récupération avec installation dessignes de dénervation.

Dans le bilan d’une paralysie faciale ancienne (entre le12e et le 18e mois) l’électromyogramme est utile pourconfirmer l’absence de réinnervation et autorise alors l’em-ploi de procédés palliatifs qui pour certains d’entre eux nesont pas dépourvus d’effets secondaires au niveau des sitesde prélèvement nerveux ou musculaire.

Dans les processus de réinnervation, l’électromyo-gramme donne des renseignements quantitatifs et qualitatifssur cette réinnervation (amplitude normale ou faible avec

alors évolution vers une atrophie neurogène chronique,existence de syncinésies).

2. Les indications

2.1. Nerf facial réparable

Dans les paralysies faciales iatrogènes d’apparition im-médiate, il faut opérer le plus tôt possible pour faciliter lerepérage des moignons du nerf.

Tous les cas ne sont cependant pas adressés dans ce délaiidéal. Kreutzenberg [2] stipule qu’une greffe peut encoreêtre tentée jusqu’à dix mois après la paralysie. Au-delà, letraitement palliatif est indiqué.

La section d’un nerf entraîne une dégénérescence axo-nale à la fois distale et proximale. La suture nerveuse et lagreffe nerveuse ont pour but de permettre et de diriger aumieux la repousse axonale, qui progresse théoriquement aurythme de 1 mm par jour. Cette repousse, régulée par desfacteurs de croissance, se heurte à la fibrose à l’endroit dela réparation. Il s’ensuit un problème quantitatif, puisqueseuls 20 à50 % des axones atteignent les fibres musculaires,ainsi qu’un double problème qualitatif : le diamètre et lamyélinisation des axones diminuent, d’où une diminutionde vitesse de conduction ; des repousses nerveuses selon destrajets aberrants surviennent, à l’origine des syncinésies.

Après interruption, la restauration de la continuité ner-veuse se fera donc par simple rapprochement et suture, oupar interposition d’un greffon nerveux (Fig. 1). À partir de1 cm de perte de substance nerveuse, le déroutement nesuffit pas et il faut avoir recours à la greffe nerveuse pouréviter toute tension sur la suture, source d’ interpositionfibreuse.

2.2. Nerf facial non réparable

« L’ancienneté de la paralysie conditionne l’état despeauciers, menacés d’atrophie à moyen ou long terme,Conley estimant cependant possible une reprise d’activitéaprès des délais parodoxaux de plus de 10 ans » [1].

2.2.1. Muscles peauciers utilisables

2.2.1.1. Pour réanimer la lèvre supérieureSoit anastomose hypoglosso-faciale. Elle est contre-

indiquée si les nerfs pneumogastriques sont lésés, ainsi quedans la maladie de Von Recklinghausen. Gousheh [3] en1998 rapporte son expérience d’anastomose hypoglosso-faciale et conseille l’abandon de cette technique du fait desnombreux inconvénients et du mauvais résultat sur le plandynamique. Ainsi, même en cas de muscles peauciersutilisables, il faut recourir à d’autres méthodes de réanima-tion labiale. Nous sommes aussi de cet avis.

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Soit anastomose transfaciale. Abandonnée selon la techni-que de Scaramella [4] en 1970, elle a été modifiée et remiseen valeur par Viterbo [5].

L’anastomose du greffon nerveux est termino-latérale surle tronc du facial du côté sain et termino-terminale sur lefacial à réparer. Les résultats préliminaires semblent satis-faisants. Cette technique présente l’avantage de ne sacrifieraucun nerf moteur et de ne se couper aucun pont pourl’éventuelle utilisation ultérieure d’autres méthodes.

2.2.1.2. Pour réanimer la lèvre inférieure• soit un greffon nerveux est utilisé en transfacial, bran-

chédu côtésain sur des fibres déroutées issues du facialsain ou bien en terminolatéral selon le procédé deViterbo, puis suturé sur les muscles abaisseurs pourneurotisation [6,7]. Soit plus simplement, la réanima-tion se fait par neurotisation muscle-nerf-muscle selonla technique proposée par Kermer [8]. Ce dernierprocédé a le mérite de la simplicité, surtout si l’on

prélève un nerf pour la réanimation de la lèvre supé-rieure ;

• soit transfert du muscle platysma ;• soit transfert de la branche cervicofaciale du nerf facial

sur le nerf grand hypoglosse (baby-sitting).

2.2.2. Muscles peauciers inutilisables

Il faut alors utiliser des muscles masticateurs innervés parle V et utilisés en lambeaux pédiculés ou bien des musclesprélevés à distance puis réinnervés et revascularisés. Il n’estpas possible d’ imposer l’une ou l’autre de ces deux métho-des, les indications étant proches ou identiques. Nousfournissons ici quelques éléments de réflexion pouvant aiderau choix.

Remarquons tout de suite que la motricité péri-buccalefaisant intervenir dix muscles peauciers de chaque côté, laréanimation labiale réanimant la sangle péri-buccale sur un,deux, voire trois vecteurs d’animation ne pourra être tota-

Fig. 1. Greffe nerveuse de plexus cervical superficiel sur la branche temporofaciale du nerf facial réalisé lors d’une parotidectomie avec sacrifice nerveuxpour raison carcinologique (en noir, le greffon nerveux) (en pointillé, la branche temporofaciale du nerf facial).

A B

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Fig. 2. Patient de 17 ans présentant une paralysie faciale congénitale droite. Traitement par myoplastie d’allongement du muscle temporal du côté droit etmyectomies sur les lèvres supérieure et inférieure du côté sain. A : aspect préopératoire au repos ; B : aspect préopératoire au sourire ; C : aspectpostopératoire à 2 ans au repos ; D : aspect postopératoire à 2 ans au sourire. Déclenchement spontané du sourire (plasticité cérébrale).

A C

B D

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Fig. 3. Patiente de 26 ans, présentant une paralysie faciale droite. Antécé-dent de suspension commissurale par une autre équipe. Opérée d’unemyoplastie d’allongement du muscle temporal associée à des myectomieslèvres supérieure et inférieure du côté sain. A : aspect préopératoire aurepos ; B : aspect préopératoire au sourire ; C : aspect postopératoire à 3ans au repos. Bonne symétrisation ; D : aspect postopératoire à 3 ans ausourire. Bon résultat dynamique. Problème d’ insertion du tendon dutemporal sur la lèvre responsable d’une mauvaise définition de la partiehaute du sillon naso-génien et petit ectropion paracommissural lié à uneinsertion trop serrée (facilement corrigeable secondairement).

A

B

C

D

Fig. 4. Patiente de 10 ans présentant une paralysie faciale congénitaledroite, traitée par myoplastie d’allongement du muscle temporal et greffenerveuse transfaciale VII-V (greffe de nerf sural entre une branchezygomatique du nerf facial du côté sain et le nerf temporal profond moyendu côté réanimé). A : aspect préopératoire au repos ; B : aspect préopéra-toire au sourire ; C : aspect postopératoire à 3 ans au repos ; D : aspectpostopératoire à 3 ans au sourire.

A

B

C

D

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lement satisfaisante. Cela participe à «l’ impasse muscu-laire » décrite par Stricker.

2.2.2.1. Pour réanimer la lèvre supérieureLes myoplasties• La myoplastie du masséter ne peut se justifier à notre

sens que si le muscle temporal est inutilisable. Elle peutsinon être proposée en complément d’une myoplastiedu temporal pour obtenir un vecteur de traction plushorizontal [9].

• La myoplastie partielle du muscle temporal selonGillies ne permet qu’un sourire volontaire, dépendantdes mouvements mandibulaires. En effet, le muscle,n’étant prélevé que partiellement, ne change pas defonction et reste masticateur.

• La myoplastie d’allongement du muscle temporal[10,11] consistant en un transfert de la totalité dumuscle, permet au temporal de changer de fonctiongrâce à la plasticité cérébrale, sous couvert d’unerééducation orthophonique (actellement codifiée [12])bien suivie (Fig. 2). Le patient passe lors de sarééducation successivement par trois stades de sourire :„ mandibulaire, associé àdes mouvements mandibulai-

res volontaires ;„ temporal, toujours volontaire, mais sans mouvements

mandibulaires ;„ spontané.

La qualité du résultat et de la symétrisation se ferapar la précision des vecteurs de traction déterminéspar les points de fixation du muscle temporal dans lalèvre supérieure. Ceci ne sera possible que par l’étudepréopératoire du côté sain (type de sourire décrit parRubin [9] : Mona Lisa, canin ou pleines dents) et parla reproduction en miroir des zones d’ insertionspréferrentielles. Pour bien dessiner le sillon nasogé-nien, il est souhaitable d’utiliser des points passésentre le derme et le tendon temporal lors de lafermeture de l’ incision naso-génienne, comme dansla création du pli palpébral supérieur dans la paupièreasiatique (Fig. 3).

• Pour « facialiser » encore plus le muscle temporal etaméliorer la spontanéité du sourire, un greffon nerveuxtransfacial (VII-V) peut être associé à la myoplastied’allongement du muscle temporal. Elle est justifiéechez le sujet jeune et chez le sujet chez qui larééducation sera difficile ou impossible (Fig. 4).

Transplants musculaires réinervés revascularisés [13-15]. Les muscles peauciers sont des muscles évolués, qua-lifiés « d’ intelligents » par Terziz, avec une moyenne de 25fibres musculaires innervées par axone. En revanche, lesmuscles prélevés àdistance et utilisés pour réanimer la lèvreont des rapports plus défavorables : pour les musclesproximaux tel le gracilis ou le petit pectoral, 2000 fibres

Fig. 5. Patient de 9 ans, présentant une paralysie faciale gauche. Traité partransfert musculaire libre partiel de latissimus dorsi (cas du Pr M. Stricker).A : aspect préopératoire au repos ; B : aspect préopératoire au sourire ; C :aspect postopératoire à 2 ans au repos. Réduction dimensionnelle deslèvres supérieure et inférieure du côté gauche ; D : aspect postopératoire à2 ans au sourire.

A

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Fig. 6. Patiente de ans, présentant une paralysie faciale limitée à la lèvre inférieure. Traitée par transfert pédiculé de ventre antérieur de digastrique (cas duPr M. Stricker). A : aspect préopératoire au repos ; B : aspect préopératoire avec contraction de l’orbiculaire labial ; C : aspect préopératoire en ouverturebuccale ; D : aspect postopératoire au repos ; E : aspect postopératoire avec contraction de l’orbiculaire labial ; F : aspect postopératoire en ouverturebuccale.

A

D

B

E

C

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musculaires sont innervées par axone, d’où leur qualifica-tion de « muscle stupide » ; les muscles distaux tel le courtextenseur des orteils, présentent un rapport de 200 fibresmusculaires innervées par axone.

Pour Swartz [16], les techniques de greffons nerveuxtransfaciaux associés àces transplants musculaires réinervésrevascularisés (technique en deux temps opératoires) doi-vent être réservées aux enfants et adultes jeunes de moins de30 ans. Au-delà, si le transfert libre est choisi, il devra sefaire selon un protocole en un temps (Fig. 5).

Certaines indications de transplants musculaires réinner-vés revascularisés sont formelles :

• la dysplasie oto-mandibulaire sans muscle temporal debonne qualité utilisable pour une myoplastie ;

• la poliomyélite avec paralysie associée du nerf facial etdu trijumeau.

D’autres indications se discutent selon le cas : il s’agitprincipalement du syndrome de Moebius. Si le muscletemporal n’est pas utilisable, il faut recourrir à cettetechnique. Swartz [16] propose alors d’opérer à l’âge de 5ans, car les structures anatomiques ont alors acquis unetaille suffisante pour les repérer et les « travailler » chirur-gicalement de façon satisfaisante. Pour optimiser la plasti-cité cérébrale, Zuker [17] effectue même son premier tempschirurgical à 4 ans et demi et le deuxième à 5 ans.

2.2.2.2. Pour réanimer la lèvre inférieure• Soit transfert du ventre antérieur du digastrique avec ou

sans greffon nerveux (Fig. 6).

• Soit neurotisation muscle-nerf-muscle [8]. Cette solu-tion extrêmement simple et séduisante doit être éprou-vée sur une plus grande série pour lui donner sa justeplace dans cet arbre décisionnel.

• En cas de réanimation labiale inférieure associée à laréanimation labiale supérieure, une greffe aponévroti-que ou tendineuse est suturée entre le muscle transférépour la lèvre supérieure et la lèvre inférieure.

2.2.2.3. Dans les formes bilatérales (Moebius). Les techni-ques de greffes transfaciales ou de neurotisation sont ex-clues dans les formes bilatérales ( Moebius). La suspensionlabiale entraîne un résultat statique. Mais pour obtenir uneréanimation commissuro-jugale, il faut avoir recours à unedouble myoplastie d’allongement du temporal, ou à undouble transfert musculaire réinnervé revascularisé.

Lors d’une réanimation labiale bilatérale par doublemyoplastie d’allongement du temporal, la contraction parles abaisseurs de la lèvre inférieure et de l’angle de labouche peut gêner la rééducation post-opératoire et l’éléva-tion de la lèvre supérieure. Dans ces cas, les myoplastiessont associées à une greffe de fascia lata passée dans lalèvre inférieure et suturée aux tendons transferrés, ou àl’ injection de toxine botulique.

Le syndrome de Moebius peut être l’ indication idéale destransferts musculaires libres, s’ il existe un déficit bilatéraldu nerf facial et si les muscles locorégionnaux sont altérésdans le cadre du Moebius du fait d’une paralysie associée dutrijumeau [17]. Les nerfs des muscles transferrés peuvent

Fig. 7. Protocole de traitement de la parésie faciale quand la contraction musculaire côté parétique est supérieure à 50 % de celle du côté sain. A : distensionmusculaire du côté parétique et hyperactivité du côté sain (aspect pré-op.) ; B : résections ou plicatures musculaires du côté parétique et myectomies du côtésain.

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alors être anastomosés en termino-latéral sur le nerf grandhypoglosse de chaque côté.

2.3. Les techniques complémentaires

2.3.1. Myectomies du côté sain hyperactif [18]Elles sont efficaces sur les deux lèvres. Certains, dont

nous sommes, pensent qu’une réanimation labiale inférieu-re spécifique n’est pas toujours nécessaire, les myectomiesréalisées du côté sain sur les abaisseurs de la lèvre inférieureet de l’angle de la bouche permettent de symétriser la lèvreinférieure [17].

2.3.2. La toxine botuliqueElle peut être utilisée soit seule, soit en complément des

myectomies du côté sain. Elle est aussi utilisée dans letraitement des syncinésies.

2.4. Parésies faciales

Comme Rubin [19], nous pensons qu’une réanimationlabiale chirurgicale est indiquée dans les parésies faciales etproposons le plan de traitement suivant :

• si la contraction musculaire côté parétique est supé-rieure à 50 % de celle du côté sain, un affaiblissementdu côté sain par myectomies associé ou non à uneplicature ou résection musculaire côté parétique sontindiqués (Fig. 7) ;

• si la contraction musculaire côté parétique est infé-rieure à 50 % de la normale, le traitement est le mêmeque celui d’une réanimation de paralysie labiale com-plète.

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