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L’ATALANTE FUGITIVE NOUVEAUX EMBLÈMES CHYMIQ UES DES SECRETS DE LA NATURE MICHEL MAÏER

Maier M L Atalante Fugitive (Atalanta Fugiens)

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  • LATALANTE FUGITIVENOUVEAUX EMBLMES CHYMIQUES DES SECRETS DE LA NATURE

    M I C H E L M A E R

  • ATALANTE, LE MYTHEierge chasseresse. Dans la mythologie grecque, Atalante (en grec ancien / Atlnt) est une hrone prsente dans plusieurs traditions diffrentes.

    VDans la version arcadienne, elle est la fille dIasos, roi du Ploponnse, fils de Lycurgue, et de Clymne, fille de Minyas. Comme Iasos ne voulait pas de fille, elle fut abandonne la naissance, et recueillie par une ourse dans la fort du Plion. Des chasseurs enfin la trouvrent et llevrent ; elle devint une chasseresse redoutable, se distinguant notamment la chasse du sanglier de Calydon. Elle rejoindra, grce lintervention de Mlagre, les rangs des chasseurs partis tus le sanglier de Calydon malgr lhostilit de Ance et Cphe et dautres. Elle blessera l'animal dune flche avant quil ne soit tu par Mlagre. Pour la remercier, celui-ci lui offrira la dpouille (la hure). Mlagre devra tuer ses oncles qui tentaient de semparer du trophe et sera puni par sa mre, Althe, qui lui interdira dpouser Atalante. Elle fit, comme Artmis, vu de virginit. Ainsi prirent sous ses flches deux centaures, Hylos et Rhocos, qui tentrent dabuser delle. Il semble quelle pousa cependant Mlagre. Elle fut lunique femme faire partie des Argonautes aux cots de Jason. Elle fut candidate au dpart sur lArgo en compagnie des Argonautes partis la conqute de la Toison dOr. Jason refusera la prsence dune seule femme bord. Atalante battra Ple la lutte lors des jeux funbres de Plias organiss par les Argonautes revenus en Grce. Dans la version botienne, elle est la fille de Schoene, fils dAthamas, et de Clymn, la fille de Minyas. Son pre souhaitant la marier, elle ne voulut prendre pour poux que celui qui pourrait la battre la course ; ceux qui choueraient seraient mis mort. De nombreux prtendant moururent ainsi, jusqu ce que se prsente Hippomns Milanion en Arcadie qui aid dAphrodite, laissa tomber trois pommes dor donnes par la desse dans sa course (elles provenaient de son verger de Tamasos, Chypre). Curieuse, la jeune fille sarrta pour les ramasser, et fut ainsi devance larrive. Mais par la suite, les amants stant treints dans le temple de Dmter, ils furent changs en un couple de lions, attachs au char de la desse.Une autre tradition prtend quAtalante est la mre de Parhnopaeos fils d'une vierge , qu'elle abandonnera des paysans.

    talante occupe une place de choix parmi les figures de la mythologie grecque et latine qui ont t utilises dans les allgories du Grand uvre. Cette hrone, qui possde le

    caractre dArtmis, est lun des deux lions qui gardent le trne de Cyble, la grande desse dAsie Mineure. Le rapport est proche entre Cyble et le Pont-Euxin qui, pour les alchimistes, est le symbole de la mise au tombeau des corps. En dautres termes, Cyble est lemblme de lathanor des Philosophes et les lions qui lentourent sont ceux qui sont voqus dans les textes de lArt : Hippomens et Atalante. On connat la fable qui explique la transmutation des deux amants en lions : Hippomens, force de ruse, parvint devenir lpoux dAtalante. Cette dernire, farouchement oppose au mariage, battait tous ses prtendants la course et les faisait mettre mort. Au vainqueur possible, elle rservait sa main. Hippomens implora laide dAphrodite, courrouce de la chastet dAtalante. La desse donna lamoureux trois pommes dor, sans doute cueillies dans le jardin des Hesprides, et lui conseilla de les semer une une dons la carrire o devait se drouler la course. Intrigue par ces pommes, Atalante sarrta par trois fois pour les ramasser et ne put lemporter sur Hippomens, quelle pousa. Ayant insult Zeus (certains disent Cyble) en se livrant, dans un sanctuaire, leurs transports amoureux, les deux poux furent mtamorphoss en lions, que Cyble attela son char. En effet le lion, dans lAntiquit, passait pour ne sunir quau lopard : ainsi, jamais plus Atalante et Hippomens ne devaient se rejoindre.

    A

    Dans luvre hermtique, Atalante symbolise lun des constituants du feu secret : elle aime la chasse et les exercices violents ; elle fut la premire porter un coup mortel au sanglier de Calydon [cest sans doute Ars qui est cach derrire ce sanglier]. Atalante apparat sur lemblme XLI o Adonis est tu, vraisemblablement par le sanglier de Calydon.Voici un extrait des Fables gyptiennes et Grecques de Dom Pernety sur Atalante :La fable dAtalante est tellement lie avec celle du Jardin des Hesprides, quelle en dpend absolument, puisque, Vnus y prit les pommes quelle donna Hyppomne. Ovide avait sans doute appris de quelque ancien pote, que Vnus avait cueilli ces pommes dans le champ Damasen de lle de Chypre [Mtam. l. 10, fab. 2]. Linventeur de cette circonstance a fait allusion leffet de ces pommes, puisque le nom du champ o lon suppose quelles croissent, signifie vaincre, dompter, de , subigo, domo ; qualit quont les pommes dor du Jardin

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  • Philosophique ; ce qui est pris de la nature mme de la chose, comme nous le verrons ci-aprs. On a vari sur les parents de cette hrone, les uns la disant avec Apollodore fille de Jasus, les autres filles de Schaene, roi dArcadie. Quelques auteurs ont mme suppos une autre Atalante, fille de Mnalion, quils disent avoir t si lgre la course, quaucun homme, quelque vigoureux quil ft, ne pouvait latteindre. M. labb Banier semble la distinguer de celle qui assista la chasse du Sanglier de Calydon, mais les potes la font communment fille de Schaene, roi de Schyrre. Elle tait vierge, et dune beaut surprenante. Elle avait rsolue de conserver sa virginit [Ovide, lo. cit.], parce quayant consult loracle pour savoir si elle devait se marier, il lui rpondit quelle ne devait pas se lier avec un poux, mais quelle ne pourrait cependant lviter. Sa beaut lui attira beaucoup damants ; mais elle les loignait tous par les conditions dures quelle imposait ceux qui prtendaient lpouser. Elle leur proposait de disputer avec elle la course, condition quils courraient sans armes ; quelle les suivrait avec un javelot, et que ceux quelle pourrait atteindre avant dtre arrivs au but, elles les percerait de cette arme ; mais que le premier qui y arriverait avant elle, serait son poux. Plusieurs le tentrent, et y prirent. Hyppomne, arrire petit-fils du Dieu des eaux, frapp lui-mme de la valeur connue de la beaut dAtalante, ne fut point rebut par le malheur des autres poursuivants de cette valeureuse fille. Il invoqua Vnus, et en obtient trois pommes dor. Muni de ce secours, il se prsenta pour courir avec Atalante aux mmes conditions que les autres. Comme lamant, suivant la convention, passait devant, Hyppomne en courant laissa tomber adroitement ces trois pommes quelque distance lune de lautre, et Atalante stant amuse les ramasser, il eut toujours lavance, et arriva le premier au but. Ce stratagme layant ainsi rendu vainqueur, il pousa cette princesse. Comme elle aimait beaucoup la chasse, elle prenait souvent cet exercice. Un jour quelle y tait beaucoup fatigue, elle se sentit atteinte dune soif violente auprs dun Temple dEsculape. Elle frappa un rocher, dit la fable, et en fit jaillir une source deau frache, dont elle se dsaltra. Mais ayant dans la suite profan avec Hyppomne un Temple de Cyble, il fut chang en lion, et Atalante en lionne. Quelque envie que lon puisse avoir de regarder cette fiction comme une histoire vritable, toutes les circonstances ont un air si fabuleux, que M. lAbb Banier lui-mme sest content de rapporter ce quen disent divers auteurs, sans en faire aucune application. Ceux qui trouvent dans toutes les fables des rgles pour les moeurs, russirent-ils mieux en disant que celle-ci est le portrait de lavarice et de la volupt ? Que cette vitesse la coure indique linconstance qui ne peut tre fixe que par lappt de lor ? Et que leur mtamorphose en animaux, fait voir labrutissement de ceux qui se livrent sans modration la volupt ? Quelque peu vraisemblable que soient ces explications, combien dautres circonstances trouve-t-on dans cette fiction qui les dmentent, et qui ne sauraient sy ajuster ? Mais il nen est aucune qui devienne difficult mon systme.

    Atalante a Schaene pour pre, ou une plante qui crot dans les marais, de , juncus ; elle tait vierge et dune beaut surprenante, si lgre la course, quelle parut Hyppomne courir aussi vite que vole une flche ou un oiseau []. Leau mercurielle des Philosophes a toutes ces qualits ; cest une vierge aile, extrmement belle [Espagnet, Arcan. Hermes. Philosoph. opus, can. 58], ne de leau marcageuse de la mer, ou du lac Philosophique. Elle a des joues vermeilles, et se trouve issue de sang royal, telle quOvide, dans lendroit cit, nous reprsente Atalante [] Rien de plus volatil que cette eau mercurielle ; il nest donc pas surprenant quelle surpasse tous ses amants la course. Les Philosophes lui donnent mme souvent les noms de flche et doiseaux. Ctait avec de telles flches quApollon tua le serpent Python. Diane les employait la chasse, et Hercule dans les combats quil avait soutenir contre certains monstres ; la mme raison a fait supposer quAtalante tuait avec un javelot, et non avec une pique, ceux qui couraient devant elle, Hyppomne fut le seul qui la vainquit, non seulement parce quil tait descendu du dieu des Eaux, par consquent de mme race quAtalante, mais avec le secours des pommes dor du Jardin des Hesprides, qui ne sont autre chose que lor ou la matire des Philosophes fixe et fixative. Cet or est seul capable de fixer le mercure de sages en le coagulant, et le changeant en terre. Atalante court ; Hyppomne court cause delle, parce que cest une condition sans laquelle il ne pouvait lpouser. En effet, il est absolument requis dans loeuvre que le fixe soit premirement volatilis, avant de fixer le volatil ; et lunion des deux ne peut par consquent se faire avant cette succession doprations ; cest pourquoi lon a feint quHyppomne avait laiss tomber ses pommes de distance en distance. Atalante enfin devenue amoureuse de son vainqueur, lpouse, et ils vivent ensemble en bonne intelligence ; ils sont mme insparables, mais ils sadonnent encore la chasse ; cest--dire quaprs que la partie volatile est runie avec la fixe, le mariage est fait ; ce fameux mariage dont les Philosophes parlent dans leurs traits [DEspagnet, can. 58 ; Morien, Entretien du Roi Calid, 2e partie ; Flamel, Dsir dsir ; Lauteur anonyme du trait Consilium conjugii massae Solis et Lunae, Thesaurus Philosophiae, et tant dautres]. Mais comme la matire nest pas alors absolument fixe, on suppose Atalante et Hyppomne encore adonns la chasse. La soif dont Atalante est atteinte, est la mme que celle dont brlaient Hercule et les Argonautes auprs du Jardin des Hesprides ; et ce prtendu temple dEsculape nen diffre tout au plus que de nom. Hercule dans le mme cas fit sortir, comme Atalante, une source deau vive dun rocher, mais la manire des Philosophes, dont la pierre se change en eau. Car, comme le dit Synsius [Sur luvre des Philosophes], toute notre art consiste savoir tirer leau de la pierre ou de notre terre, et remettre cette eau sur sa terre. Ripley sexplique peu prs dans les mmes termes : Notre art produit leau de la terre, et lhuile du rocher le plus dur. Si vous ne changez notre pierre en eau, dit

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  • Herms [Sept Chap.], et notre eau en pierre, vous ne russirez pas. Voila la fontaine du Trvisan, et leau vive des Sages. Synsius que nous venons de citer, avait reconnu dans loeuvre une Atalante et un Hyppomne, lorsquil dit [Loc. Cit.] : Cependant, sils pensaient mentendre sans connatre la nature des lments et des choses cres, et sans avoir une notion parfaite de notre riche mtal, ils se tromperaient, et travailleraient inutilement. Mais, sils connaissent les natures qui fuient, et celles qui suivent, ils pourront, par la grce de Dieu, parvenir o tendent leurs dsirs. Michel Maier a fait un trait demblmes Hermtiques, quil a intitul en consquence Atalanta fugiens, etc. Ceux dentre les Anciens qui ont dit quHyppomne tait fils de Mars, ne sont point contraires dans le fond ceux qui le disent descendu de Neptune [Ovide, Mtam. l. X, fab. 11], puisque le Mars philosophique se forme de la terre provenue de leau des sages, quils appellent aussi leur mer. Cette matire fixe est proprement le Dieu des Eaux ; delle est compose lle de Dlos, que Neptune, dit-on, fixa pour favoriser la retraite et laccouchement de Latone, qui y mit au monde Apollon et Diane ; cest--dire la pierre au blanc et la pierre au rouge, qui sont la Lune et le Soleil des Philosophes, et qui ne diffrent point dAtalante change en lionne, et dHyppomne mtamorphos en lion. Ils sont lun et lautre dune nature igne, et dune force dvorer les mtaux imparfaits, reprsents par les animaux plus faibles queux, et les transformer en leur propre substance, comme fait la poudre de projection au blanc et au rouge, qui transmue ces bas mtaux en argent ou en or, suivant sa qualit. Le Temple de Cyble o se fit la profanation, est le vase Philosophique, dans lequel est la terre des sages, mre des dieux chymiques. QuoiquAppollodore ait suivi une tradition un peu diffrente de celle que nous venons de rapporter, le fond en est le mme, et sexplique aussi facilement. Suivant cet auteur, elle fut expose ds sa naissance dans un lieu dsert, trouve et leve par des chasseurs ; ce qui lui fit prendre beaucoup de got pour la chasse. Elle se trouva celle du monstrueux sanglier de Calydon, et ensuite aux combats et aux jeux institus en lhonneur de Plias, o elle lutta contre Ple, et remporta le prix. Elle trouva depuis ses parents, qui la pressant de se marier, elle consentit dpouser celui qui pourrait la vaincre la course, ainsi quon la dit. Le dsert o Atalante est expose, est le lieu mme o se trouve la matire des Philosophes, fille de la Lune, suivant Herms [Tab. Smarag.] : In depopulatis terris invenitur, Sol est ejus pater, et mater Luna, comme Atalante avait Mnalion pour mre []. Les chasseurs qui la trouveront, sont les Artistes auxquels Raymond Lulle [Theorica Testam. , c. 18] donne le nom de chasseurs dans cette circonstance mme. Cum venatus fueris eam (materiam) a terra noli ponere in ea aquam, aut pulverem, aut aliam quamcumque rem. LArtiste en

    prend soin, il la met dans le vase, et lui donne le got de la chasse, cest--dire, la dispose la volatilisation ; quand elle fut en ge de soutenir la fatigue, et quelle fut exerce, elle assista la chasse du Sanglier de Calydon, cest--dire, au combat qui se donne entre le volatil et le fixe, o le premier agit sur le second, et le surmonte comme Atalante blessa le premier dune flche le fier animal, et fut cause de sa prise ; cest pourquoi on lui adjugea la hure et la peau. A ce combat succde la dissolution et la noirceur, reprsentes par les combats institus en lhonneur de Plias, comme nous le verrons dans le quatrime Livre. Enfin aprs y avoir remport le prix contre Ple, elle retrouva ses parents ; cest--dire, quaprs que la couleur noire a disparu, la matire commence se fixer, et devenir Lune et Soleil des Philosophes, qui sont les pre et mre de leur matire. Le reste a t expliqu ci-devant. Ce que je viens de dire de la guerre de Calydon semblerait exiger que jentrasse dans un plus grand dtail ce sujet ; mais cette fable ntant pas de la nature de celles que je me suis propos dexpliquer dans ce second Livre, cause de leur rapport plus apparent avec lArt hermtique, je nen ferai pas une mention plus tendue.

    Dom Pernety, F. E. G. , livre II, chap. 3

    Nous ne savons ce que le lecteur, curieux, aura retenu de cette recension de Pernty. Lhypothse dun principe qui poursuit lautre est sduisante. En particulier, Pernety a raison, lorsquil voit en Atalante llment AIR et en Hippomens lEAU. Car il sagit des deux principes immdiats du Mercure [cf. Atlas de Chevreul, planche 2]. Lhypothse selon laquelle Hippomens sme les pommes dor est, l encore, dans le droit fil de la tradition hermtique : les pommes dor symbolisent le Soufre rouge ou principe tingeant de la Pierre. Ces pommes dor proviennent des chaux mtalliques, au dpart corrompues dans le Mercure, do lillusion de leur disparition symbolise par la phase de putrfaction, ou la grande clipse de Soleil et de Lune du pseudo-Lulle. Le mariage de lEAU et de lAIR est ce moment o commence la rincrudation des Corps [cest la mme allgorie que le sommet de la montagne, que le passage des roches Cyanes, au sortir du Pont-Euxin, que celui o Ulysse est enchan au mat de son navire pour ne pas succomber lappel des sirnes, etc.]. Mais la consommation du mariage dans le temple de Cyble est une corruption, un affront majeur qui justifie, aux yeux de la desse, la mtamorphose des poux en lion et lionne. Il faut ajouter que Pernty semble ignorer la voie sche et que tout ce quil dit, dune manire gnrale, il ne le conoit comme synthse mentale que par la voie humide, ce qui, on le sait maintenant, va lencontre de la chronologie, la voie sche ayant prcd la voie humide.

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  • MICHEL MAER Cest raisonner en enfant, de penser quil ny a rien dans le monde qui soit diffrent de ce que nous voyons parmi nous, que cest doublement enfant, de croire que ce que nous nentendons pas, ce que nous ne concevons pas, ce quil nest pas possible dimaginer, ne peut tre entendu, conu et imagin de personne ; quen consquence, de ce quune infinit dignorants, et de gens avides ont chou dans ltude de la philosophie hermtique, en conclure que ce quelle promet est purement chimrique et imaginaire, cest le comble de la prsomption et de lextravagance.

    Michael Maier

    ichael Maier naquit dans le Holstein vers 1568, Rensburg, en Allemagne. Parcourant toute lEurope il fut nomm docteur en mdecine et en philosophie en 1601. Il entra

    successivement au service de lempereur dAutriche, du landgrave Maurice de Hesse, du duc de Magdebourg. Puis en 1609, de retour en Allemagne auprs de Rodolphe II, il reut le titre de comte Palatin. Il continua durant toute sa vie sjourner un peu partout en Europe. Sur le plan sotrique, il est connu sous le titre de Grand Matre de la fraternit des Rose-Croix. Il contribua au dveloppement des ides rosicruciennes partout en Europe, notamment en Angleterre et en Allemagne. Michel Maier nous laisse quelque vingt-cinq traits dont lun des plus connus est sans conteste lAtalanta fugiens [Atalante fugitive] ; certains disent quil sagit de lpope hermtique de la fille dun roi de Scyros sous la forme dpigrammes successives. Ce trait a t publi pour la premire fois, en latin, en 1617 [Une traduction en anglais existe la British Library MS. Sloane 3645. Il en existe une autre traduction, toujours en anglais, Mellon MS. 48, Yale, USA.]

    M

    Il comporte 50 figures accompagnes dpigrammes et dexplications. Ces discours taient accompagns de 50 canons musicaux. Selon certains critiques, Atalante symboliserait Eve, Hippomens lme qui rsiste la tentation. Michel Maier meurt Magdeburg en 1622. Voici quelques dtails biographiques :Michael Maier tait le fils de Johann Maier, du Duch de Holstein, ou selon dautres sources, de Petrus Meier (1590), qui travaillait au service de Heinrich Rantzaus, gouverneur de Schleswig-Holstein. Une relation de sa mre, Severin Goebel, un mdecin clbre de Gdansk et Koenigsberg, lui permit de mener bien des tudes. Il a tudi Rensburg ou Kiel en premier lieu. On note ensuite les dates suivantes : 1587, universit de Rostock ;

    1589, Nuremberg ; 1589-1591, il habitait Padoue avec le fils de Goebel ; 1592, universit de Francfort ; 1596, universit de Bologne ; 1596, universit de Ble.En 1590, il commence exercer la chirurgie. Entre 1592-1596, il travaille Koenigsberg sous la surveillance de Severin Goebel. Il parat quavant 1600 il est dj courtisan de Rodolphe II et crivain dans la chancellerie Allemande. En 1601, on le retrouve comme tudiant lUniversit de Koenigsberg. Cest de mme en 1601 quil commence consulter dans lAuberge du Lion Blanc, Gdansk o il dispense ses propres traitements. Vers 1608, il revient Prague comme mdecin. En 1609, il entre enfin au service de lempereur. Vers 1611 et dans la priode 1612-1614, il voyage beaucoup, en premier lieu en Saxe, puis en Angleterre et Amsterdam. Daprs le Deutsche Neue Biographie en 1611-1614, il entre dans le court de Jamesje, o il reste presque cinq annes. Vers 1614, il est mdecin non rsidant et pharmacien Landgrave Maurice de Hesse, et il continue des recherches sur des sujets philosophiques. En 1618, il va Stockhausen o il soigne un noble riche, von Eriedesel. En 1618 -1622, il est mdecin du Duc Wilhelm Chrtien de Magdeburg.Une mention particulire doit tre faite, concernant Rodolphe II. Parmi les souverains qui ont accord lalchimie une protection locale particulire, Rodolphe II, qui monta en 1576 sur le trne dAllemagne, mrite assurment un traitement spcial. Quoique n vienne, Rodolphe avait t lev en Espagne la cour de Philippe II, et cest l quil avait puis le got des sciences rputes occultes. Devenu empereur, il tablit sa rsidence Prague. Dans les premires annes de rgne, il se consacra tout entier aux soins du gouvernement, naccordant que ses instants de loisir ses tudes favorites, lastrologie et lalchimie. Mais, la gestion des affaires tant devenue plus difficile, et ses embarras ayant augment par suite de la guerre quil eut soutenir contre les Turcs, il trouva plus simple dabandonner en entier la direction de lEtat. Confiant ses ministres le gouvernement de lempire, il senferma dans le chteau de Prague pour ne plus soccuper jusqu la fin de ses jours que de la pierre philosophale. Rodolphe avait eu pour matres, dans lastronomie Tycho-Brah et Kepler ; le docteur Dee lui avait ouvert le monde secret des esprits, et il avait reu les premires leons dalchimie de ses mdecins ordinaires, Thaddes de Hayec, et plus tard Michel Mayer [Maier] et Martin Ruland [ qui lon doit un Thesaurus, disponible sur le serveur Gallica de la bnf]. Dans lintrieur du

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  • chteau de Prague, tout le personnel tait spagyrique. Les valets de chambre du prince taient eux-mmes attachs ses travaux de laboratoire ; on a conserv parmi ces derniers les noms de Hans Marquard, surnomm Drbach, de Jean Frank et de Martin Rutzke. Un emploi plus noble encore tait rserv lun des valets de chambre du prince, lItalien Murdoche de Delle. Pote de la cour, il tait charg de clbrer en rimes allemandes les exploits de ses confrres, et de traduire en vers beaucoup dcrits alchimiques ; les artistes de la cour enluminaient ses manuscrits. Tous les alchimistes, quels que fussent leur nation et leur rang, taient srs dtre bien accueillis la cour de lempereur Rodolphe. Aprs avoir reconnu, par un examen pralable, quils possdaient la science requise, le mdecin Thaddoeus les introduisait auprs du prince, qui ne manquait jamais de les rcompenser dignement quand ils avaient su le rendre tmoin dune exprience intressante. Souvent mme lempereur appelait auprs de lui les artistes que leur renomme dsignait son attention. Si presque tous rpondaient cet appel, quelques-uns y restaient sourds, tel fut, par exemple, un artiste franc-comtois qui lempereur avait dpch un homme de confiance pour le conduire Prague. Le Franc-Comtois rsista toutes les promesses de lenvoy, se bornant cette rponse pleine de sens : Si je suis adepte, je nai pas besoin de lempereur ; si je ne le suis pas, lempereur na pas besoin de moi. Dans ce cas, Rodolphe II, ne se tenant pas pour battu, entrait en correspondance avec lartiste rcalcitrant. Les alchimistes ne se montrrent pas ingrats envers leur protecteur couronn. Ils lui dcernrent le nom dHerms de lAllemagne, et vantrent partout son mrite. Rodolphe fut rang, par leurs crivains, au nombre des heureux possesseurs de la pierre philosophale. Ce fait parut dailleurs hors de doute lorsque, aprs la mort de lempereur, en 1612, on trouva dans son laboratoire quatre-vingt-quatre quintaux dor et soixante quintaux dargent, couls par petites masses en forme de briques. A ct de ce trsor se trouvait dpose une certaine quantit dune poudre de couleur grise. Personne ne douta que ce produit secret ne constitut les restes de la pierre philosophale de lempereur Rodolphe. Mais lvnement prouva que cette croyance tait mal fonde. Le valet de chambre Rutzke, stant empress de voler ce trsor, le transmit par hritage sa famille. Or, quand on voulut la soumettre lexprience, la pierre philosophale de lempereur se trouva sans vertu [mais L. Figuier ne dit pas comment on sen servit ; avait-elle tait enveloppe dans du papier avant dtre jete sur la masse fondue du mtal ? Par ailleurs, la pierre philosophale a toujours t regarde comme ayant

    une couleur de safran].Parmi les artistes hermtiques que Rodolphe II honora le plus particulirement de sa faveur, on peut citer Kelley, qui fut lev par lui au rang de marquis de Bohme et combl de faveurs ; Sebald Schweitzer, qui, aprs avoir travaill longtemps et avec beaucoup dclat chez llecteur Auguste de Saxe et ensuite sous le prince Christian son successeur, sattacha, en 1591, la cour de Rodolphe, qui lanoblit et le nomma directeur des mines de Joachimstadt, o il mourut en 1601 ; enfin, le Polonais Sendivogius [cf. le Cosmopolite].Il semble cependant que la ralit soit beaucoup moins flatteuse pour Rodolphe II que ne le laisse croire mme un critique aussi acerbe que L. Figuier. En vrit, tout le rgne de Rodolphe II est marqu par une emprise dmoniaque. Lempereur avait la manie de la perscution. Il assistait la messe dans un oratoire secret entirement grillag et ne se promenait que dans des couloirs dont les fentres avaient t mures lexception dune petite ouverture. Souvent pris de folie, il npargnait pas ses serviteurs. Ainsi, dans la nuit du 26 septembre 1600, poignard la main, il se jeta sur son chambellan, Jiri Wolfgang Rumpf, quil souponnait de malveillance. Il fit jeter en prison un autre chambellan quil souponnait de vouloir le dtrner. On narrivait gure larracher ses astrologues et ses alchimistes, et il ngligeait les affaires de lEtat. Au fil des ans, il a chass les rares hommes comptents de la Cour pour confier les affaires de lEmpire des marmitons, des palefreniers, des hallebardiers, des hommes dont il pensait quils ne lui raviraient pas le pouvoir. Vers la fin de sa vie, fait rvlateur, il dfaillait la vue dun crucifix. On murmurait quil tait sous lemprise du Diable et des philtres de ses courtisans. Peut-tre a-t-il t soign un temps par le Brugeois Anselme-Boce De Boodt, docteur en droit et mdecin Prague. Humaniste, pris des beaux-arts et de musique, il sintressa beaucoup la minralogie. Dans son Gemmarum et lapidum Historia (1609), traduit en franais sous le titre Le parfaict joaillier ou Histoire des pierreries, il croit laction thrapeutique de certaines pierres prcieuses parce que la turquoise quil portait au doigt laurait sauv plusieurs fois dun accident [ce trait fort intressant est disponible sur le serveur Gallica de la bnf : [Le] parfait joallier ou Histoire des pierreries, compos par Anselme Boce de Boodt, Lyon : J. -A. Huguetan, 1644, 746 p.].Parmi ceux qui furent familiers de Rodolphe II, il faut encore citer Heinrich Khunrath. On connat peu de choses sur la vie de Khunrath : il naquit Leipzig et obtint un diplme de mdecine Ble en 1588, o il soutint une thse brillante sur le thme De Signatura Rerum. Selon Elias Ashmole, citant le journal du Dr John Dee, Khunrath tait dj une

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  • clbrit en 1589. Il tait la cour de lempereur Rodolphe II en 1598 et mourut Dresde en 1605.Voici dautres lignes sur Michael Maier, extraites de lAlchimie [Dervy, 1985] de Jacques Van Lennep :Michael Maier naquit Rendsburg (Holstem) en 1568. Aprs avoir entam des tudes de mdecine luniversit de Ble et les avoir termines Rostock en 1597, il exera la profession pendant quelques annes jusqu ce que Rodolphe II le nommt physicien de sa cour, en 1608. II y fut combl dhonneurs, nomm secrtaire particulier de lempereur, membre de son consistoire, lev au rang de comte.Lorsquil fut anobli, Maier demanda a Rodolphe II de pouvoir faire figurer dans ses armoiries un aigle et un crapaud. II sexpliqua : Trs gracieux Csar, Avicenne vritable philosophe hermtique dit, dans sa Porta elementorum un aigle qui vole travers lair et un crapaud qui se trane sur le sol constituent le magistre. Par aigle, il entend la partie volatile de largent vif commun et par le crapaud qui se trane a terre, la partie fixe de la terre. Tous deux runis permettent donc de raliser la mdecine hermtique et la teinture des sages. Jaurai grand plaisir a vous donner des claircissements sur ce point. [Atalanta fugiens, trad. E. Perrot, Paris, 1969, p. 46] Ce blason figure prs du portrait du comte au dbut de lAtalanta, alors quil avait quarante neuf ans.Aprs labdication de son protecteur en 1611, il quitta Prague pour Amsterdam et lAngleterre mais on sait peu de choses sur ce sjour. II y fut certainement influenc par les ides de Robert Fludd dont il faut noter que lUtriusque cosmi fut publi en 1617, la mme anne que lAtalanta par le mme diteur, Johann Theodor De Bry. Maier rencontra sans doute en Angleterre le physicien de Jacques Ier, William Paddy, prsident du Collge des Physiciens de Londres, ainsi que lalchimiste Francis Anthony, le fils dun orfvre qui affirmait avoir dcouvert lor potable. II lui ddia son Lusus serius. Des 1616, on le retrouva en Allemagne o il publia coup sur coup ses traits. Il quitta Prague devenue moins accueillante pour les alchimistes sous le successeur de Rodolphe, Matthias. Trois ans plus tard, il devint le physicien de Maurice de Hesse Cassel (1572-1632), un landgrave surnomm le scientifique , qui, comme Rodolphe II et dautres princes germaniques, attirait les alchimistes sa cour. Maier quitta Cassel pour exercer la mdecine Magdebourg o il mourut en 1622. [J. B. Craven, Count Michael Maier, doctor of Philosophy and of Medicine, Alchemist, Rosicrucian Mystic 1568-1622. Life and Writings, Kirkwall, 1910 Londres : Dawsons, 1968]Ce savant fut un crivain fcond : dix sept livres furent publies entre 1616 et 1624. Tous nont pas trait lalchimie, mais cest le cas pour la majorit. Il considrait que lalchimie tait la science par excellence. Elle pouvait, selon lui, oprer une synthse des autres connaissances. Aussi, sapplique-t-il dans ses diffrents traits la rapprocher de la mdecine, de la musique, de lhistoire, de

    lastrologie, de lagriculture, de la minralogie, etc. Cette srie fut sans doute inaugure par lArcana arcanissima publie sans mentions de lieu et de date [H. M. E. De Jong a fourni successivement le contenu de chacun des traits alchimiques de Maier : Maier, Atalanta fugiens Sources of an alchemical book of emblems, Leyde, 1969]. Peut tre, ce trait sortit-il de presse lors de son sjour en Angleterre, entre 1614 et 1616. Cette supposition est dautant plus convaincante quune variante en fut dite par une socit londonienne en 1625 et que louvrage est ddi a William Paddy [Sous le titre : De hieroglyphicis Aegyptiorum libri sex apud Societatem londinensem, Londres, 1625 Macphail, II 84]. Le titre Arcanes trs secrets ou hiroglyphes egypto-grecs non encore divulgus nous renseigne suffisamment sur les liens que les rudits tablissaient entre les sciences occultes et lcriture des gyptiens qui, pour eux, cachait les secrets des dieux et des hros de lantiquit. Ceux-ci tenaient, selon Maier en tout cas, lArt par excellence, lalchimie. Herms-Thot lavait rvle aux prtres qui en avaient transcrit les prceptes en hiroglyphes. En les dchiffrant, lon apprendrait notamment la signification relle, alchimique, de la mythologie antique quil tenta dexpliquer dans son trait. Cette conviction influena directement, par la suite, la conception de certains emblmes de lAtalanta. Elle reposait sur un fond de vente qui fut encore partag par Marcelin Berthelot qui, lorsquil dita les anciens traites grco-gyptiens, proposa de rechercher dans la valle du Nil, les origines de lalchimie. Quant la tendance de dcouvrir des rvlations alchimiques dans les faits et gestes des dieux de lOlympe, des hros grco-romains, elle se concrtisa dj la fin du Moyen ge et au dbut de la renaissance. Dom Pernety consacra par la suite a ltude alchimique de ces fables de patientes recherches quil publia en 1758. [Fables gyptiennes et Grecques, etc.]Lditeur Lucas Jennis commena a diter les ouvrages de Maier ds 1616 tout dabord Oppenheim. II y eut en cette anne, le De circula physico quadrato et le Lusus serius Le premier a pour objet la Quadrature du cercle ou lor et sa vertu mdicinale . II tablit une concordance entre le cur, centre du corps humain, lor centre du monde mtallique et le soleil foyer de lunivers. Lon conoit combien les sciences taient encore entaches de symbolisme. Le second trait est consacr au Jeu srieux par lequel Herms ou Mercure a t juge et dsigne roi de toutes choses, grce larbitrage de lhomme raisonnable . Maier y disserte sur lminence de ce dieu dont dpend le mercure, lment primordial du grand-uvre. Lanne suivante, 1617, vit la publication de cinq traits. Deux sortirent chez le mme Jennis : Silentium post clamores et Symbola aureae mensae duodecum nationum ; trois chez Johann Theodor De Bry : Examen, fucorum pseudo chymicorum, Jocus severus et le prestigieux Atalanta fugiens. Le Badinage svre (Jocus severus) se prsente comme un tribunal cuitable par lequel grce larbitrage du phnix, la chouette, aprs

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  • diverses discussions et plaintes des oiseaux qui la querellaient, a t dclare reine des oiseaux et consacre Pallas pour son exceptionnelle sagesse . [cf. pome du phnix attribu Lactance]Maier y dfend les principes de loccultisme incarn par la chouette, et notamment ceux de lalchimie. L Examen des frelons pseudo-chymiques dnonce les folies des faux alchimistes [cf. lcho quen donne Husson in Chimie et Alchimie] qui se ruinent a la recherche dun or que ddaignent les vrais fils dHerms. Ceux ci, grce leur culture et leurs convictions thiques, savent que lalchimie repose sur la posie, comme la physique sur la musique. Elle implique des connaissances tendues dans tous les domaines de la science et de la culture. Maier attaque avec une virulence particulire les falsificateurs qui abusent le public par des transmutations truques dont il fournit les preuves. Il nignore pas, par contre, les difficults auxquelles se heurtent ceux qui, avec sincrit, recherchent la pierre philosophale. Cette distinction entre les vrais et les faux adeptes et la critique svre de ceux-ci, est une des constantes de lhistoire de lalchimie. [] Le Silence aprs les cris (Silentium post clamores) se veut une apologie de la doctrine des Rose-Croix et la rfutation des arguments de leurs dtracteurs. On y dcouvre lenthousiasme de Maier pour cette secte dont le mysticisme concidait parfaitement avec sa vision de lalchimie qui accordait autant de poids son aspect idaliste et spculatif qu ses exigences empiriques. Il consacra encore en 1618, un crit sa secte Themis aurea, Themis dor ou lois de la fraternit R C . Les deux autres traits, publies en 1617, furent illustres. Le titre de lun mrite dtre traduit intgralement : Les symboles de la table dor des douze nations, cest--dire les ftes dHerms ou de Mercure clbres par douze hros choisis et gaux par la pratique de lart chimique, la sagesse et lautorit, pour confondre et dsarmer Pyrgopolynice, cet adversaire plein de Jactance depuis tellement dannes, qui outrageait la vierge Chimie, tant par ses arguments que par ses bruyantes invectives afin de rtablir dans son honneur et sa rputation les artistes qui en tirent leurs mrites .A nouveau, le but de Maier fut de dfendre lalchimie contre ses dtracteurs, en retraant son histoire depuis ses origines lgendaires. Il divisa son plaidoyer en douze parties consacres chacune un alchimiste minent appartenant lune des douze nations envisages. []Atalante, un essai doeuvre totaleLe second trait illustre publi par Maier en 1617, fut linestimable Atalanta fugiens, Atalante fugitive ou nouveaux emblmes chymiques des secrets de la nature [louvrage fut donc dit Oppenheim en 1617, puis en 1618 ; cf. Caillet, 6988 Brunet, III, 1313 Duveen 381 Ferguson, II, 62 Macphail, I, 76 Landwehr, J. . Outre le fac simil avec post face de Wuthrich L. H. , la traduction en franais de E. Perrot dans laquelle le lecteur aura accs aux emblmes ; et la thse de H. M. E. De Jong. On peut encore ajouter des

    articles spcialiss : Kanttekening bij Michal Maiers Atalanta fugiens, in Album Discipulorum de J. G. Van Gelder, Utrecht, 1963, pp. 79-91 ; du mme auteur : Michael Maier Atalanta fugiens in The Art Bulletin 1965, vol. XLVII, pp. 143-144 ; de T. L. Davis, Count Michael Maiers Use of the Symbolism of Alchemy, in Journal of Chemical Education, 1938, V, 9].Il est ddi aux membres du Consistoire imprial de Muhlhausen, spcialement Christophe Remart, un juriste, comte palatin comme ltait Maier. La prface insiste sur loriginalit du livre qui associe limage, le texte et la musique, un avertissement qui se dcouvrait dj dans le titre annonant cinquante fugues trois voix. Lalchimie, selon Maier, ne pouvait sadresser quaux esprits levs, ns pour explorer les plus hautes ralits, tant par lintelligence que par les sens. Cest pourquoi, afin de possder en quelque sorte dun seul coup dil et dembrasser la fois ces trois objets des sens les plus spirituels la vue, loue et lintelligence elle mme, et pour faire pntrer en une seule et mme fois dans les esprits ce qui doit tre compris, voici que nous avons uni loptique la musique, et les sens lintelligence, cest--dire les choses prcieuses voir et entendre, avec les emblmes chymiques qui sont propres cette science. Reois donc en une seule et mme fois, dans un seul livre, ces quatre sortes de choses compositions fictives, potiques et allgoriques, uvres emblmatiques, graves dans Vnus ou le cuivre, non sans Vnus ou la grce [cf. introduction]Nous avons dj soulign limportance de la musique pour lalchimiste. Cest ici quelle se concrtise vritablement, dans ces fugues , la seule composition musicale alchimique encore conserve. Le musicologue F. H. Sawyer de luniversit de St Andrews, sous la direction duquel elles furent excutes Londres en 1935, prcisa quil sagissait en fait dune fuga per canonem , une des formes primitives de la fugue telle quelle existait au XVIe sicle. La fugue de Maier est une sorte de canon trois voix, celles dAtalante, Hippomene et Pomone. Cette dernire assurant un cantus firmus [lquivalent de la basse continue] ce qui, de lavis de ce spcialiste, constitue une curiosit musicale intressante. Un autre musicologue partageant cette opinion, ajouta quil sagissait dun spcimen de catch , pice a trois voix base sur le procd du canon, dont les plus anciens exemples, Pammelia et Deuteromelia de Ravenscroft, datent de 1609 [F. H. Sawyer : The Music in Atalanta fugiens, in J. Read : Prelude to Chemistry, Londres, 1961].Sans doute convient-il de se demander ce qui incita Maier incorporer cette uvre musicale dans lAtalanta, en dehors du fait dj voqu quil existait depuis des sicles une parfaite connivence entre lalchimie et la musique ? Dans sa prface, Maier ne cacha pas son dsir de raliser une uvre totale sadressant autant la vue qu loue. Une telle dmarche peut tre rapproche dun genre qui apparut alors, lopra, dont le caractre dramatique, typique du baroque nest pas absent, dailleurs, de lAtalanta. Andr Chastel qui analysa cette priode ou la

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  • renaissance tait en crise, remarqua que la conjonction de lauditif et du visuel y parut constante. La musique et le bruit furent par, exemple, omniprsents dans la peinture de cette poque o lon chantait beaucoup. Maier conut donc un livre qui non seulement ne trahissait pas les habitudes des adeptes, mais concidait parfaitement avec lesprit de son temps. Au cours de ses prgrinations, il sjourna dans les principaux centres musicaux, ce qui linfluena certainement. Alors que la musique connaissait un vritable ge dor, il se trouva Prague, le foyer musical de lEurope centrale o, nous lavons vu, il rencontra sans doute Monteverdi qui sy trouva en 1596. II aurait pu y ctoyer galement Hans Lo Hassier (1564 1612) qui partageait avec lempereur la passion des automates musicaux. En Angleterre ou la musique lisabethaine pntrait lart thtral et dveloppait le chur polyphonique, il rencontra Fludd dont le trait Utriusque cosmi dveloppe des thories sur la cosmologie musicale. Par la suite, Maier se retrouva la cour de Maurice de Hesse, le protecteur dun des plus grands musiciens allemands, Heinrich Schtz. Ce fut l, sans doute, quil composa lAtalanta.Le choix de trois voix pour le canon nest pas arbitraire. II correspond videmment aux trois tonalits, grave, moyenne et aigu mais aussi aux trois principes de loeuvre alchimique. Cest Mercure, lui mme, le dieu trois fois grand des alchimistes, linventeur de la lyre, qui avait dtermine ces trois tons. Une partition musicale, dont le texte est en latin, correspond donc chaque emblme qui est accompagn dune devise explicative et dune pigramme dans cette mme langue. Celle-ci est traduite en allemand, sous la partition. Un discours de deux pages en latin, suit chaque fois cette disposition. Il commente chaque emblme avec force rfrences la mythologie, aux fables, la philosophie et aux sciences. Ce discours est une dissertation qui comporte en gnral deux parties. La premire situe la gravure dans un contexte culturel gnral, se rfrant selon sa nature lhistoire, la philosophie, la mythologie, la mdecine, la minralogie, lthique, etc.Lon pourrait supposer que Maier souhaitait par ces propos, toucher un autre public que les seuls alchimistes, les amateurs demblmes qui nauraient sans doute compris que peu de choses son exgse alchimique. Dans celle ci, Maier aime dvoiler ses sources. Cette mthode qui consiste a fournir limage et son commentaire se retrouvera dans les Douze clefs de Basile Valentin qui furent publies pour la premire fois avec illustrations, dans un recueil de Maier. II sagit dun phnomne important dans lhistoire de lalchimie et de son iconographie. Avec lAtalanta, la suprmatie fut accorde limage. Cette tendance aboutira un livre dimages alchimiques sans texte, le Mutus Liber. Le discours nous rvle non seulement lrudition de Maier mais surtout ltendue de son intelligence, car il tente, en tablissant un paralllisme entre la mythologie et lalchimie qui, premire vue, peut paratre naf, de dgager leur ralit commune. Certes, cette conscience est

    encore diffuse et il faudra attendre Carl Gustav Jung, notamment, pour quelle devienne vidente mais Maier est attentif certains points de convergence entre les fables antiques et limaginaire alchimique, comme ceux de linceste, de lhermaphrodisme, du meurtre du pre.Maier sexpliqua sur le choix du titre qui se rfre lhistoire raconte par Ovide de la vierge Atalante qui distanait la course tous ses prtendants jusqu ce que lun deux, Hippomene, eut lide de jeter devant elle trois pommes dor. Vnus lui avait offert ces fruits du jardin des Hesprides. Curieuse, Atalante les ramassa, perdant du temps, la course et sa virginit. Pernety interprta cette lgende. Curieusement, lhistorien qui consacra une thse lAtalanta, ne cite jamais ce bndictin qui, pourtant, ne manque pas de se rfrer a Maier. Pour celui-ci, cette lgende cachait une vrit alchimique, celle du mercure, ce mtal qui fuit et ne peut tre fix que par le soufre. II la fit reprsenter sur la page de titre dans la bordure ornementale, plaant lensemble de luvre sous le symbole fondamental du couple qui engendre la pierre philosophale. Aucun des cinquante emblmes qui suivent, ne revient sur lhistoire de la vierge vloce. Par contre, lunit de louvrage reste prserve par les fugues ou Atalante et ses comparses dveloppent le sujet de ces emblmes. []Lon eut tendance attribuer les gravures Johann Theodor De Bry puisque ce fut lui qui dita lAtalanta et quil tait un graveur consomm. Cependant, Hartlaub, Faber du Faur et Wuthrich prfrrent y voir luvre de Mathieu Merian lAn. Cest un fait que celui ci travailla pour De Bry cette poque. En 1617, lanne mme de la publication du livre, il pousa la fille de son diteur, Maria Magdalena. Cet argument ne suffirait pas si lon ne retrouvait, selon Wuthrich, dans lAtalanta, un paysage reproduit par Menan dans une de ses planches topographiques graves en 1642. II sagit des villages de Berg et Cannstatt relis par un pont sur le Neckar. Ayant compar les deux gravures, nous avouons quil faut beaucoup de bonne volont pour leur trouver une quelconque similitude. Lemblme XXXVI de lAtalanta montre une glise dans chaque village alors que la gravure reprsentant vraiment ces localits, montre deux glises dans Cannstatt et aucune dans Berg. II existe certainement une parent de style entre les gravures de lAtalanta et celles qui sont signes par Menan, mais on pourrait en dire autant pour celles de Johann Theodor De Bry dont la facture est assez voisine. Compte tenu de ces remarques et du nombre important de gravures qui durent tre realises pour lAtalanta, nous pensons quune collaboration entre les deux artistes ne peut tre exclue. Nous formulons cette hypothse en tenant compte du fait que les emblmes durent tre conus et gravs rapidement puisque la prsence de Maier nest signale en Allemagne quaprs son sjour en Angleterre, en 1616. Dans sa thse, De Jong affirme, sans prendre la prcaution de dire quil sagit dune hypothse, que les emblmes sont de Menan. Elle ne cite pas une seule fois le nom de Johann Theodor De Bry, pourtant lditeur de lobjet de ses recherches. Sur sa lance, cette thse attribue

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  • sans autre prudence Menan quelques gravures du trait Symbola Aureae, et dclare que le De lapide philosophorum de Lambsprinck fut illustr de gravures de la main de Menan . Dautres, comme Macphail, les attribuent De Bry. Lon ny trouve aucune signature de ces artistes. En fait, comme seules uvres alchimiques certaines, Menan signa le frontispice et une planche du Museum hermeticum (1625) Certes peut on partir de ces pices lui en attribuer quelques autres, mais il convient dtre prudent. Menan signa aussi le frontispice dun trait de Robert Fludd, un ami de Maier, De naturae simia qui fut dit en 1624 aux frais des hritiers de Johann Theodor De Bry. Nous le mentionnons car les uvres du rosicrucien anglais sont voisines de lalchimie, tel cet autre trait lUtriusque cosmi (publi la mme anne que lAtalanta) dont il nest pas rare de voir les illustrations attribues a Menan. Or, le titre mentionne quelles furent excutes par De Bry. Force est de conclure que les deux artistes, le gendre et le beau pre, collaboraient troitement et que le problme de lattribution, lun ou lautre, de nombreuses gravures, mriterait un examen approfondi.LAtalanta fut un ouvrage succs si on en juge par sa postrit. Un problme se pose immdiatement quant a ce que daucuns, comme Duveen, considrent comme la deuxime dition, en 1618. Lui mme et Jung possdaient les exemplaires de 1617. Macphail tait plutt davis que le M DC XVIII des exemplaires qui sont connus, ntait quune modification par cachet, de la date de leditio princeps. La question reste en suspens. Le trait reparut en 1687, Francfort, mais sous un autre titre Secretioris naturae secretorum scrutinum chymicum. [rappelons que cest sur cette dition que travailla Jung, pour ses

    ouvrages dhermneutique alchimique, cf. Aurora consurgens] Il fut alors amput de sa fugue et de lpigramme en allemand. Il y eut enfin, en 1708, dans la mme ville, une traduction en allemand. Entre temps, les emblmes figurrent parmi les illustrations du Viridarium chymicum publi Francfort, en 1688.Maier publia encore en 1618 deux traits avec illustrations. Lun, le Viatorium le fut chez De Bry. II sagit dun Guide du voyageur sur locan immense des erreurs chymiques destin le mener vers la pierre philosophale en tenant compte des concordances entre les mtaux et les plantes tout en relevant leurs effets sur le corps humain. Ses sept gravures lillustrent. Herbrant Jamsthaler se souvint certainement du titre de ce livre lorsquil publia, en 1625, chez lautre diteur de Maier, Lucas Jennis, un ouvrage (Viatorium spagyricum) que ce dernier illustra en empruntant des gravures la Philosophia reformata de Mylius, elles mmes inspires de programmes iconographiques antrieurs. Ce fut un des travers de cet diteur que de rutiliser ses planches dans des publications diffrentes.Un autre recueil de Maier, Tripus aureus, fut publi chez celui-ci. Ce Trepied dor contient trois traits, le Testament de Cremer, le Crois-moi de Norton et surtout les Douze clefs de Basile Valentin.En 1620, Maier publia encore, toujours chez Jennis, La semaine philosophique au cours de laquelle Salomon, roi trs sage des Isralites, la reine Saba dArabie, ainsi que le roi de Tyr Hyram, exposent et lucident lun lautre, sous forme de Colloque, les nigmes de lor . Les illustrations repondent aux journes de la semaine alchimique, priode symbolique des sept phases du grand uvre. Elles concident avec les sept jours de la cration de lunivers.

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  • ATALANTA FUGIENSHOC EST, EMBLEMATA NOVA DE SECRETIS NATUR CHYMICA

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  • PIGRAMME DE LAUTEURLaudacieux jeune homme emporta le trsorDu jardin dHespros quand des mains de CyprisII eut reu le triple fruit.La vierge fuit ; il suit et lance sur le solLa pomme qui lattire et ralentit sa course.Vite il bondit ; mais elle, vite, le devance,Plus prompte que lEurus. Il sme devant elleDe nouveaux prsents dor. La vierge un court instantSattarde, mais bientt elle fuit de plus belle,Jusqu ce que, lamant renouvelant les poids,Noble prix, Atalante son vainqueur se rende.Hippomne est la force du soufre ; la vierge,Mercure fugitif ; le mle vainc la femme.Lorsque, saisis damour, ils streignent tous deux,Au temple de Cyble, irritant la desse,Elle se venge en les vtant de peaux de lionsQui font rougir leurs corps et les rendent sauvages.Pour exprimer au mieux ce que fut cette courseMa muse toffre ici les trois voix de la fugue.Lune est simple et durable ; elle est fruit qui retarde ;Mais la seconde fuit, que poursuit la troisime.Des oreilles, des yeux accueille ces emblmes,Puis guide ta raison vers leurs signes secrets.Jai mis devant tes yeux lappt de ces images :Lesprit doit y trouver les choses prcieuses.Les biens de lunivers, les remdes qui sauventTe seront tous donns par ce double lion.

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  • AU TRS MINENT, TRS ILLUSTRE ET TRS EXCELLENTORDRE SNATORIAL DE

    MULHAUSENEN THURINGE IMPRIALE

    Hommes trs remarquables par la vertu, la science et la vraie noblesse de lme,Et son syndic trs vigilant,

    CHRISTOPHEREINART, Docteur en droit, etc

    A tous et chacun de ses seigneurs qui sont ds respect et honneur,

    MICHEL MAIER, Mdecin imprial. Comte conseiller, chevalier du Palais de Csar, consacre, ddie et offre trs respectueusement, quelle quen soit la valeur, ce tmoignage de sa bienveillance et de sa gratitude.

    OMMES trs minents et trs sages, on rapporte de ce fameux Trpied offert par Vulcain Plops lorsquil prit pour femme Hippodamie, fille du roi dElide Oenomaos, quen

    raison de la perfection de son art, Plops loffrit ensuite, Delphes, Apollon Pythien, afin quune vierge rendt, grce lui, des oracles sous linspiration du Dieu. Ainsi, le prsent Trpied labor par Vulcain ayant t mis ma disposition, jai dcid, m par lexemple de Plops, de le consacrer et de loffrir une place et un ordre qui en soient trs dignes et avant tous les autres, certes, vos Eminences et vos Excellences, non, la vrit, pour quil rende des oracles (encore que ceux-ci ny fassent pas dfaut, mais ce sont des oracles chymiques), mais afin de tmoigner publiquement dune manire quelconque lempressement de mon cur et les bonnes dispositions de ma volont envers Vous qui il y a quelques annes avez bien voulu, mon passage parmi vous, une poque o, je faisais partie des mdecins conseillers de Sa Majest Impriale Rodolphe II de divine mmoire, dclarer son ministre quels taient vos sentiments lgard de votre seigneur, sentiments les plus nobles et les plus dignes de votre condition. Depuis ce temps jai vant vos vertus auprs des trangers autant

    Hquil a t en mon pouvoir, mais je me suis en outre rellement efforc douvrir davantage ma pense et de la prodiguer dune faon plus abondante vos Excellences. Ayant senti que je ne pouvais le faire autrement que par un modeste prsent littraire, et ayant consacr quelque soin cette Atalante Fugitive, jai voulu la ddier entirement, quelle quen soit la valeur, vos Eminences et vos Excellences, imitant en cela les crivains de notre poque et de lantiquit qui nont jamais voulu se produire en public ou aller sur les lvres des hommes sans un appui, un guide ou un compagnon. Si en effet ils taient venus tomber, qui les aurait secourus ? Je vous prie de mautoriser vous appeler les patrons de ce petit ouvrage, non quautant que je sache, vous ayez appliqu la main ou lesprit a cette tude, difficile en vrit (car de trs importantes affaires ne vous en ont pas laiss le loisir), mais parce que vous me paraissiez tout fait capables de protger quelque partie de la science et quaucune matire ne ma paru plus digne et plus honorable (sauf abus), eu gard lpoque. Quoiquil en soit, vous manifesterez (je le sais) votre estime pour mes efforts, en considrant non la pauvret du volume, mais la candeur de mon me, et vous me tiendrez et compterez lavenir au nombre des plus respectueux serviteurs de vos Excellences. Adieu.

    Donn Francfort-sur-le-Main en lan 1617, au mois daot.

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  • PRFACE AU LECTEUR

    HOMME, candide lecteur, est, de lavis de tous, un abrg de lunivers par la manire dont il est compos, et il est destin vivre trois genres de vies, savoir, la vie

    vgtative dans le sein maternel o il crot et augmente la manire dune plante ; la vie sensible, quil mne dans ce monde o il est conduit surtout par ses sens, comme les autres animaux dont il diffre en ce quil commence se servir de son intelligence, bien que dune faon imparfaite ; et enfin la vie intelligible, dans lautre monde, auprs de Dieu et des intelligences qui lassistent ou bons Anges. Dans la vie prsente, plus quelquun approche de la nature divine, plus il trouve de joie et de plaisir dans les choses qui doivent tre explores laide de lintelligence, ralits subtiles, merveilleuses et rares. Au contraire, plus quelquun penche vers la catgorie des btes sans raison, et moins il est attir par ces ralits, et plus il est assujetti une manire de sentir corporelle. Nous pouvons voir des exemples de ces deux sortes dexistences : quelques-uns, les plus savants, forms par les arts et les sciences, sadonnent au premier genre de vie ; la plupart se livrent au second, cest--dire aux plaisirs du corps, la dbauche, la gourmandise, la magnificence extrieure et aux choses analogues.

    L

    Pour dvelopper lintelligence, Dieu a cach dans la nature une infinit de secrets (arcan) que lon extrait, comme le feu du silex, et que lon met en pratique, grce toutes sortes de sciences et darts. Parmi eux, les secrets chymiques ne sont pas les derniers mais bien les premiers et les plus prcieux de tous, aprs la recherche des choses divines. Ils doivent tre poursuivis, non par les charlatans de foires et les faux chimistes qui font illusion (ils sont comme des nes devant une lyre, aussi loigns que possible de toute science et de tout dessein excellent) mais par des esprits levs, qui ont reu une ducation librale et sont ns pour explorer les ralits les plus hautes ; ce sont l en effet des choses trs subtiles, augustes, sacres, rares et obscures, qui, pour cette raison, doivent tre saisies par lintelligence avant de ltre par les sens, grce une contemplation profonde qui sopre par la lecture des auteurs et leur comparaison entre eux et avec les uvres de la nature, plutt quau moyen dune opration sensible ou une exprience manuelle, qui est aveugle si la Thorie ne la prcde.A la suite des sciences intellectuelles et tout prs delles sont places celles qui traitent dun objet

    visible ou audible ; ainsi loptique ou perspective, et la peinture que certains potes appellent muette, de mme que la posie est pour eux une peinture parlante ; nommons encore la musique vocale ou instrumentale. Les anciens philosophes sexercrent dans ce dernier art au point que celui qui avait refus la lyre dans les festins tait dclar ignorant et contraint de chanter en tenant une branche de myrte, comme on le lit propos de Thmistocle.Socrate tait vers dans la musique, et Platon lui-mme, qui dclare compos de faon inharmonieuse celui qui ne gote pas lharmonie musicale. Pythagore sillustra galement dans cet art, lui qui, dit-on, utilisait le moyen dun concert de musique le matin et le soir pour bien disposer les esprits de ses disciples. La musique possde en effet ce pouvoir particulier dexciter ou dadoucir les sentiments, selon les diffrents modes musicaux. Ainsi le mode phrygien, tait appel par les Grecs belliqueux parce quon lutilisait la guerre et en allant au combat, et quil tait dot dune vertu singulire pour exciter le courage des soldats. A sa place on se sert maintenant du mode ionien qui tait autrefois tenu pour propre veiller lamour (comme lest aujourdhui le mode phrygien, ce qui nous fait supposer quils ont t intervertis). On dit que Timothe de Milet se servit du mode phrygien pour rendre Alexandre le Grand plus prompt et plus hardi aux choses de la guerre, ce que Cicron mentionne au second livre des Lois. Le Lesbien Terpandre usait du mode ionien. Mand par les Lacdmoniens que des troubles et des sditions opposaient entre eux, il apaisa leurs esprits par la douceur de son chant au point quils revinrent des sentiments damiti et cessrent toute sdition. Depuis ce temps les chanteurs lesbiens mritrent toujours le premier prix au jugement des Spartiates. Fabius dit de la musique : La musique est un divertissement agrable et trs honorable, trs digne desprits libraux .Cest pourquoi, afin de possder en quelque sorte dun seul coup dil et dembrasser la fois ces trois objets des sens les plus spirituels : la vue, loue et lintelligence elle-mme, et pour faire pntrer en une seule et mme fois dans les esprits ce qui doit tre compris, voici que nous avons uni lOptique la Musique, et les sens lintelligence, cest--dire les choses prcieuses voir et entendre, avec les emblmes chymiques qui sont propres cette science. Lorsque les autres arts prsentent des emblmes concernant les murs ou toutes choses autres que les secrets de la nature,

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  • cette mthode parat trangre leur but et leur fin, puisquils veulent et doivent tre compris de tous. Il nen va pas de mme de la Chymie qui doit tre vue, telle une chaste vierge, au travers dun treillage, et, comme Diane, non sans un vtement de couleurs varies, pour des raisons qui ont t exposes ailleurs. Reois donc en une seule et mme fois, dans un seul livre, ces quatre sortes de choses : compositions fictives, potiques et allgoriques ; uvres emblmatiques, graves dans Vnus ou le cuivre, non sans Vnus ou la grce ; ralits chymiques trs secrtes explorer par lintelligence ; enfin compositions musicales des plus rares, et applique ton usage ces choses qui te sont ddies. Si cet usage est plus intellectuel que sensuel, il te sera un jour dautant plus profitable et plus agrable. Mais si lutilisation en est dabord revendique par les sens, il nest pas douteux que le passage se fasse du sens lintelligence, comme par une porte. On dit en effet quil ny a rien dans lintelligence qui ne soit entr par un sens quelconque, lintelligence de lhomme qui vient de natre tant tenue pour une sorte de table rase sur laquelle il ny aurait encore rien dcrit, mais o lon pourrait crire toutes choses au moyen des sens, comme avec un stylet. Et lon dit communment : On ne dsire pas ce quon ignore , parce quil faut que les sens, agissant en qualit dinvestigateurs et de messagers, apportent et fassent connatre en premier lieu tout ce qui peut tre su lintelligence, comme au premier magistrat et larbitre, la manire de gardiens qui veillent la porte (leurs organes) de quelque cit.Jajouterai quelques mots pour expliquer le titre de ces emblmes, afin quil ne te semble pas trange et peu adapt. Atalante a t clbre par les potes pour la fuite qui lui permettait de prcder tous ses prtendants la course. Ainsi, la place de la vierge, rcompense promise de la victoire, les vaincus trouvaient la mort, jusquau jour ou Hippomne, jeune homme des plus audacieux et prvoyant, la vainquit et lobtint en jetant dans sa course trois pommes dor lune aprs lautre. Pendant quelle les ramassait, elle fut dpasse par lui, alors quelle allait atteindre le but. De mme

    que cette Atalante fuit, une voix musicale fuit toujours devant lautre, et cette autre la poursuit, comme Hippomne. Cependant elles sont stabilises et consolides dans la troisime qui est simple et dune seule valeur, comme par une pomme dor. Cette mme vierge est purement chymique ; elle est le mercure philosophique fix et retenu dans sa fuite par le soufre dor. Si quelquun sait larrter, il possdera lpouse quil recherche, sinon, il trouvera la perte de ses biens et la mort. Hippomne et Atalante sunissant damour dans le temple de la Mre des Dieux, qui est le vase, deviennent des lions, cest--dire quils acquirent la couleur rouge. Cette vierge remporta encore la victoire devant des hommes lorsquelle tua un certain sanglier dune grandeur prodigieuse et quelle reut pour cela une rcompense des mains de Mlagre. Auprs du temple dEsculape Stthe, elle frappa un rocher et en fit jaillir de leau dont elle but, dans sa soif. Comme toutes ces choses sont en ralit allgoriques et emblmatiques et nullement historiques, jai voulu consacrer ce trait emblmatique en commmoration intellectuelle de cette hrone, tant donn, en particulier, que les pommes jetes vers elle provenaient des jardins dHesprie et avaient t remises Hippomne par Vnus, desse de la suavit.Dans ces petits morceaux ou fugues vous verrez que lon a veill ce que chaque distique adapt ces trois voix puisse tre chant dune faon aise. Tant de varits de fugues y ayant t accommodes une simple voix, tout homme dou de jugement et comprenant cette reprsentation emblmatique lapprouvera, de la mme manire que son adaptation chaque voix, et la tiendra en une certaine estime. Si en effet des marchands apprcient et achtent pour une grande somme dargent quelque peinture dartiste o seuls les yeux sont tromps, parce quils la jugent proche de la nature, comment des hommes de lettres naccorderaient-ils pas du prix et une grande valeur ces figures mises au service de lintelligence et de plusieurs sens, de telle sorte quun grand profit peut en tre espr, en plus de lagrment ? Adieu.

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  • EMBLEMA I.Portavit eum ventus in ventre suo.(Le vent la port dans son ventre.)

    EPIGRAMMA I

    Embryo ventos Boreae qui clauditur alvo

    Vivus in hanc lucem si semel ortus erit ;

    Unus is Heroum cunctos superare labores

    Arte, manu, forti corpore, mente, potest.

    Ne tibi sit Coeso, nec abortus inutilis ille,

    Non Agrippa, bono sydere sed genitus.

    Lembryon enferm dans le sein de Bore

    Sil apparat un jour, vivant, la lumire

    Peut, lui seul, surpasser les labeurs des hros

    Par son bras, son esprit, son corps ferme, son art.

    Quil ne soit pas pour toi avorton inutile,

    Agrippa ou Cson, mais n sous un bon astre.

    MICHAEL MAIER 16 ATALANTA FUGIENS

  • DISCOURS I.erms, investigateur trs diligent de tout secret naturel, donne dans sa Table dEmeraude une description crite, bien que succincte, de luvre naturelle, o il dit entre autres

    choses : Le vent la port dans son ventre , comme sil disait Celui dont le pre est le Soleil, et la Lune la mre, avant dtre produit la lumire, sera port par des fumes de vent, comme loiseau par lair pendant quil vole . La coagulation des fumes ou vents (qui ne sont rien dautre que lair mis en mouvement) produit leau qui, mlange avec la terre, donne naissance tous les minraux et les mtaux. Bien plus, il est tabli que ces derniers corps se composent eux-mmes de fumes et se coagulent immdiatement. Donc quil soit plac dans leau ou dans la fume, cela revient au mme puisque lune et lautre sont la matire du vent. Il faut en dire autant, quoique dune faon plus lointaine, des minraux et des mtaux. Mais, demandera-t-on, quel est celui qui doit tre port par le vent ? Je rponds : chimiquement cest le soufre qui est port dans largent-vif comme lattestent Lulle au chapitre 32 du Codicille, et tous les autres ; au point de vue physique cest le ftus qui doit bientt natre la lumire ; je dis aussi quau point de vue arithmtique, cest la racine du cube ; dans le domaine de la musique cest la double octave ; au point de vue gomtrique, cest le point, principe de la ligne qui scoule ; lgard de lastronomie cest le centre des plantes Saturne, Jupiter et Mars. Bien que ces sujets soient divers, cependant, si on les compare entre eux avec soin, ils rvleront aisment le ftus du vent, ce qui doit tre laiss la plus ou moins grande industrie de chacun.

    H

    Mais je dsigne ainsi la chose dune faon plus claire : tout Mercure est compos de fumes, cest--dire deau qui soulve la terre avec elle dans la faible densit de lair, et de terre qui force lair redevenir une terre faite deau ou une eau faite de terre.En effet, les lments sont partout, en lui, mlangs et comprims, rduits lun par lautre en une certaine nature visqueuse ; par contre, ils ne se sparent pas aisment, mais tantt ils suivent vers le haut les substances volatiles, tantt ils demeurent en bas avec les fixes, ce qui apparat dabord dans le Mercure vulgaire et aussi dans le Mercure philosophique et les mtaux fixes. Chez ceux-ci les lments fixes dominent sur les volatils, dans celui-l les volatils lemportent sur les fixes.Et ce nest certes pas sans cause que Mercure est appel et regard comme le messager, linterprte des autres dieux, et, en quelque sorte, leur serviteur

    courant dans lespace intermdiaire, avec des ailes adaptes la tte et aux pieds. Il est en effet plein de vent et vole travers les airs comme le vent lui-mme, ainsi quen gnral la preuve en est faite, au grand dtriment de beaucoup. Il porte le Caduce, ceint obliquement de deux serpents, qui a le pouvoir dintroduire les mes dans les corps, de les en faire sortir, et dexercer de mme de nombreux effets contraires ; ainsi il reprsente parfaitement le symbole du Mercure des Philosophes.Le Mercure est donc le vent qui reoit le Soufre ou Dionysos, ou, si lon prfre, Esculape, ltat dembryon imparfait, tir du sein maternel, je dirai mme des cendres du corps maternel consum, et port l o il peut mrir. Et lembryon est le Soufre qui a t infus par le Soleil cleste dans le ventre de Bore pour que celui-ci le conduise maturit et lenfante. Car Bore, au terme de la gestation, mit au monde deux jumeaux, lun la chevelure blanche, nomm Calas, lautre aux cheveux rouges appel Zts. Ces fils de Bore (comme lcrit le pote Orphe) furent, avec Jason, au nombre des Argonautes partis pour ramener la Toison dOr de Colchide. Le devin Phine, dont les mets taient souills par les Harpyem, ne put tre dlivr que par ces enfants de Bore. En reconnaissance du bienfait ainsi obtenu, il annona aux Argonautes le cours entier de leur voyage. Or les Harpyes ne sont rien dautre que le soufre corrupteur qui est dtruit par les fils de Bore quand ils sont parvenus lge convenable. Il devient parfait, alors quil tait imparfait, incommod par les substances volatiles nuisibles. Il nest plus alors sujet ce mal et indique ce moment au mdecin Jason le chemin suivre pour acqurir la Toison dOr. Notre Basile sest, lui aussi, parmi dautres, souvenu de ces vents. Il crit dans la sixime cl : Il doit venir un vent double nomm Vulturne et ensuite un vent simple appel Notus qui souffleront imptueusement de lOrient et du Midi. Quand leur mouvement aura cess, de manire que lair soit devenu eau, tu pourras tre hardiment assur que le spirituel deviendra corporel. Et Riple, en la huitime porte dit : Notre enfant doit natre dans lair, cest--dire, dans le ventre du vent. Dans le mme sens lEchelle des philosophes dit : Et il faut savoir que le fils des Sages nat dans Voir. Et au huitime degr : Les esprits ariens slevant ensemble dans lair saiment mutuellement, ainsi quHerms dclare : Le vent la port dans son ventre. Car la gnration de notre enfant a lieu dans lair ; sil nat dans lair, il nat selon la sagesse : car il slve de la terre en lair et de nouveau il descend en terre, acqurant la puissance den haut et celle den bas.

    MICHAEL MAIER 17 ATALANTA FUGIENS

  • EMBLEMA II.Nutrix ejus terra est.

    (La terre est sa nourrice.)

    EPIGRAMMA II.

    Romulus hirt a lupae pressisse, sed ubera caprae

    Jupiter, & factis, fartur adesse fides :

    Quid mirum, tener sapientium viscera prolis

    Si ferimus terram lacte nutrise suo ?

    Parvula si tantas Heroas bestia pavit,

    Quantus, cui nutrix terreus orbis, erit ?

    On dit que Romulus tta une pre louve,

    Jupiter, une chvre, et que cest assur.

    Faut-il donc stonner si, selon nous, la Terre

    A nourri de son lait le tendre fils des Sages ?

    Quand dun faible animal le lait fit ces hros,

    Comme il sera donc grand, celui dont la nourrice

    Est le globe terrestre !

    MICHAEL MAIER 18 ATALANTA FUGIENS

  • DISCOURS II.es pripatticiens et les philosophes au jugement droit affirment que la nourriture est change en la substance du sujet nourri et quelle lui est assimile aprs et non avant

    son altration. Cet axiome est regard comme trs vridique. Comment en effet la nourriture qui est dj, auparavant, semblable et identique au sujet nourri, aurait-elle besoin dun changement de sa substance ? Si un tel changement se produisait, la nourriture ne demeurerait pas semblable et identique. Et comment les aliments qui ne peuvent tre assimils par le sujet nourri, par exemple le bois, les pierres et autres choses semblables, seraient-ils pris comme nourriture ? Par consquent la premire de ces oprations est sans objet et la seconde contraire la nature.

    L

    Mais quun homme qui vient de natre soit nourri du lait des animaux, cela ne rpugne pas la nature : lassimilation de ce lait peut soprer, celle du lait maternel bien plus aisment, toutefois, que celle dun lait tranger. Cest pourquoi les mdecins concluent que lenfant sera en bonne sant, semblable sa mre par la substance et par les murs et quil recevra la vigueur, sil est toujours rchauff et lev grce au lait de sa propre mre. Leur conclusion est inverse sil sagit dun lait tranger. Telle est lharmonie de toute nature : le semblable trouve sa joie en son semblable et imite ses pas en toutes choses, autant quil le peut, selon une sorte de consentement, de conspiration tacites. Il en va habituellement, dans luvre naturelle des Philosophes, dont la forme est justement rgle par la nature, comme pour lenfant lintrieur du sein maternel. Et, bien que son pre, sa mre et sa nourrice elle-mme lui soient assigns par voie de similitude, cette uvre, cependant, nest pas plus artificielle que la gnration de nimporte quel animal. Deux semences sont unies, suivant un certain procd plein dattrait, par les animaux et par les deux sexes humains. Leur union produit, par une altration successive, lEmbryon qui crot et se dveloppe, acquiert vie et mouvement, puis est nourri de lait. Pendant la priode de la conception et de la grossesse, il est ncessaire que la mre agisse avec mesure en ce qui concerne la chaleur, lalimentation, le repos, le mouvement et le reste. Sinon, il sensuit lavortement et la destruction du ftus ; ce prcepte, dans les six choses non naturelles est galement artificiel, car il est prescrit par les mdecins suivant leur art. De mme, si les semences nont t unies dans luvre philosophique, il faut quelles le soient. Et si on les

    trouvait, en quelque endroit, unies de la mme manire que, dans luf, les semences du coq et de la poule sont regardes comme une seule substance ensemble dans un seul contenant, luvre des philosophes serait alors encore plus naturelle que la gnration des animaux. Et disons, comme les philosophes lattestent, que lun vient de lOrient et lautre de lOccident et quils deviennent une seule chose ; que leur fournit-on de plus que le mlange dans leur vase, la chaleur, la juste proportion, et la nourriture ? Le vase, il est vrai, est artificiel, mais il nexiste pas de diffrence selon que le nid est luvre de la poule ou quil est difi par la fermire en un certain endroit mal dtermin (comme cest lusage) : la gnration des ufs se produira de la mme manire, ainsi que lclosion des poussins.La chaleur est une chose naturelle, quelle provienne soit du feu modr des fourneaux ou du fumier de la putrfaction, soit du soleil et de lair, des entrailles de la mre ou dailleurs. Ainsi, lEgypte applique avec art, au moyen de ses fourneaux, la chaleur naturelle pour faire clore les ufs. On recueille des semences de bombyx et mme des ufs de poule que lon a fait clore grce la tideur des seins dune vierge. Ainsi lart et la nature se prtent mutuellement la main de manire que chacun soit le substitut de lautre. Nanmoins la Nature demeure la Matresse et lart le serviteur.Mais pourquoi la Terre est-elle dclare nourrice du Fils des Philosophes ? Un doute sur ce point pourrait natre du fait que la terre est, parmi les lments, aride et sans aucun suc, elle qui possde la scheresse comme qualit propre. Il faut rpondre quon lentend ici, non de llment mais de la terre lmente dont nous nous sommes abondamment souvenu et avons expliqu la nature au premier jour de la Semaine philosophique. Elle est la nourrice du Ciel, nourrice qui ne dissout, ne lave ni nhumecte le ftus, mais le coagule, le fixe, le colore, le change en suc et en sang pur. Car la nutrition comprend laugmentation en longueur, largeur et profondeur, cest--dire celle qui stend suivant toutes les dimensions du corps. Comme elle existe ici, fournie au ftus philosophique par la seule terre, celle-ci devra, bon droit, tre appele du nom de nourrice. Mais cet admirable suc de la terre produit un effet contraire celui des autres espces de lait qui sont changs et ne changent pas. Car, grce sa vertu trs puissante, il modifie grandement la nature du sujet nourri, de mme que, selon lopinion admise, le lait de la louve a dispos le corps de Romulus en vue dune nature hardie et prompte la guerre.

    MICHAEL MAIER 19 ATALANTA FUGIENS

  • EMBLEMA III.Vade ad mulierem lavantem pannos, tu fac similiter.

    (Va trouver la femme qui lave du linge ; toi, fais comme elle.)

    EPIGRAMMA III.

    Abdita quisquis amas serutari dogmata, ne sis

    Deses, in exemplum, quod juvet, omni trahas :

    Anne vides, mulier, maculis abstergere pannos

    Ut soleat calidis, quas superaddit, aquis ?

    Hanc imitare, tu nec sic frustraberis arte,

    Namque nigri faecem corporis lavat.

    Toi qui aimes scruter les vrits caches

    Sache de cet exemple extraire tout lutile :

    Vois cette femme, comme elle purge son linge

    Des taches, en jetant dessus de chaudes eaux.

    Imite-la : ton art ne te trahira point.

    Londe lave en effet lordure du corps noir.

    MICHAEL MAIER 20 ATALANTA FUGIENS

  • DISCOURS III.orsque les toffes de lin reoivent des souillures qui les tachent et les noircissent, comme il sagit dordures faites de terre, on les enlve laide de llment le plus

    proche, savoir, leau, et on expose les toffes lair afin que, grce la chaleur du soleil agissant en tant que feu, quatrime lment, lhumidit en soit extraite en mme temps que les souillures. Si cette opration est rpte frquemment, les toffes qui taient auparavant sordides et ftides deviennent pures et purges de taches. Ceci est lart des femmes, quelles ont appris de la nature elle-mme. Nous voyons en effet les os des animaux exposs lair : ils sont dabord noirs et sales, mais si la pluie les humecte souvent et sils sont sches de nombreuses reprises par la chaleur du soleil survenant son tour, ils sont ramens une extrme blancheur, comme le note Isaac. Il en est de mme du sujet philosophique. Toutes les crudits et les souillures qui ont pu se rencontrer en lui sont purifies et dtruites, lorsquon larrose de ses propres eaux. Ainsi le corps est ramen une grande clart et une grande perfection. Car toutes les oprations chymiques, comme calcination, sublimation, solution, distillation, descension, coagulation, fixation et toutes les autres, se rduisent une ablution.

    L

    En effet, qui lave laide de leau une chose impure lui procure le mme effet que celui obtenu par tant de modes doprer. Car cest par le feu, comme le dit le Jardinier des Philosophes, que les linges du roi Duenech, tachs par la sueur, doivent tre lavs, et ils doivent tre brls par les eaux. On voit par l que leau et le feu se sont communiqu mutuellement leurs qualits, que lespce du feu philosophique nest pas la mme que celle du feu commun, et quil faut penser la mme chose de leau. Nous avons observ, au sujet de la chaux vive et du feu grgeois, quils sembrasent dans leau et ne steignent nullement, contre la nature des autres corps inflammables. Ainsi lon affirme que le camphre, enflamm pralablement, brle dans leau. Et la pierre gagate (comme latteste Anselme de Bood) steint plus facilement, lorsquelle est enflamme, avec de lhuile quavec de leau. Car leau ne peut se mlanger avec ce qui est gras, elle cde au corps ign, moins quelle ne le recouvre et ne le submerge entirement. Mais ceci ne peut se faire

    aisment puisque cest une pierre et que, comme toute huile, elle gagne la partie suprieure de leau. Ainsi le naphte, le ptrole et les substances qui leur ressemblent ne craignent gure les eaux. Certains crivent, au sujet des charbons souterrains de Lige, que, lorsquils sont en feu sous la terre, on ne les teint pas avec de leau mais en entassant par-dessus des poussires de terre, comme le cur. Tacite raconte dune semblable espce de feu quelle ne put tre touffe avec de leau, mais seulement avec des btons et des vtements ts du corps. Il existe donc une grande diversit de feux, en ce qui concerne la manire de lallumer et de lteindre. La diversit nest pas moindre dans le domaine des liquides, car le lait, le vinaigre, leau-forte, leau rgale et leau commune diffrent grandement entre elles, dans leur comportement lgard du feu. Il y a plus : la matire elle-mme supporte le feu, comme ces fameuses toffes de fin lin tenues dans lantiquit pour prcieuses et utilises par les riches, quon lavait avec le feu et non avec leau ; en dautres termes, on les ramenait leur puret antrieure, ayant brl les souillures. Il ne faut pas ajouter foi aux | contes fantaisistes sur les poils du reptile nomm Salamandre, contes suivant lesquels on en ferait des lampes. Certains donnent pour vrai quune trame de tissu avait t ralise laide de talc, dalun de plume et dautres matires de ce genre, et quon la nettoyait avec le feu. Mais celle qui possdait cette recette (une femme dAnvers) laurait fait disparatre avec elle, par envie, et la juste proportion nen aurait jamais t retrouve. Nous ne parlons pas ici des matires combustibles. Le sujet philosophique devra tre considr selon toutes ces diffrences, si lon vient le prparer. Car le feu, leau et la matire elle-mme ne seraient pas alors les lments communs. Pour les philosophes, en effet, le feu est eau et leau est feu. Et les toffes laver ont la nature du fin lin ou du talc prpar, dont la juste proportion et le procd de prparation ne sont pas non plus vidents pour tous. Pour les laver, ils font une lessive non avec des cendres de chnes ou leur sel, mais avec le sel mtallique, qui est plus durable que tous les autres, non avec leau commune, mais avec celle qui, sous le signe du Verseau, a t congele en glace et en neiges, et qui est faite assurment de parties plus tnues que les eaux stagnantes ou fangeuses des mares, de manire pouvoir pntrer davantage lintrieur du corps philosophique, noir et immonde, pour le laver et le purger.

    MICHAEL MAIER 21 ATALANTA FUGIENS

  • EMBLEMA IV.Conjunge fratrem cum sorore & propina illis poculum amoris :(Unis le frre sa sur et fais-leur boire le breuvage damour.)

    EPIGRAMMA IV.

    Non hominum foret in mundo nunc tanta propago,

    Si fratri conjunx non data prima soror.

    Ergo lubens conjunge duos ab utroque parente

    Progenitos, ut sint faemina masque toro.

    Praebibe nectareo Philothesia pcla liquore

    Utrisque, & faetus spem generabit amor.

    La race des humains nemplirait pas le monde

    Si la premire sur net pous son frre.

    Va, unis donc ces premiers-ns des deux parents

    Afin que sur la couche on ait mle et femelle.

    De la philothsie offre-leur le nectar.

    Lamour en eux engendrera lespoir du fruit.

    MICHAEL MAIER 22 ATALANTA FUGIENS

  • DISCOURS IV.a loi divine et civile dfend ceux que la nature unit un degr de consanguinit assez rapproch de contracter mariage ; tels, ceux qui sont directement ascendants et

    descendants dans larbre gnalogique et ceux qui se rencontrent en ligne collatrale. Les raisons de cette rgle sont trs certaines. Mais quand les philosophes parlent dunir par le mariage la mre son fils, le pre sa fille, ou le frre sa sur, ils ne disent ni ne font rien de contraire la loi nonce. Car les sujets entranent la distinction des attributs et les causes celles des effets. En effet les personnages des Philosophes sont en dehors de ces dbats, lgal des filles et des filles dAdam qui spousaient mutuellement sans donner lieu limputation dun crime quelconque. La raison principale parat en tre de faire que le genre humain se lie et sassocie plus solidement par lalliance et lamiti, et dviter quil ne se divise en factions familiales, ennemies et hrditaires. Puisque cette cause natteignit pas, lorigine, les frres et les surs adamiques, rien ne sopposa ce quils fussent unis par le mariage. Car ils constiturent alors, eux seuls, le genre humain, et personne dautre ne vcut, en dehors deux et de leurs parents. Aussi, de mme quils furent lis par le sang, ils durent ncessairement sallier par le mariage. Mais lorsque la multitude des hommes vint crotre et fut distribue en dinnombrables familles, cette cause se rvla vridique et juste, entranant que les frres ne dussent pas pouser leurs surs.

    L

    Il existe, chez les philosophes, une autre raison pour que les surs se marient leurs frres : cest la similitude de substance, afin quelle soit unie son semblable. Ce genre contient seulement deux tres semblables lun lautre quant lespce et diffrents quant au sexe, dont lun est salu du nom de frre et lautre de celui de sur. Cest pourquoi ils doivent tre lgitimement unis en un seul mariage suivant la mme libert, la mme condition, et aussi la mme ncessit invitable qui simposa aux premiers hommes consanguins. Le frre est ardent et sec et, pour cette raison, fortement cholrique. La sur est froide et humide, possdant en elle beaucoup de matire phlegmatique. Ces natures, si diffrentes par le degr de chaleur, saccordent dordinaire dune faon parfaite en amour, en fcondit et pour la propagation des enfants. Car on ne fait pas jaillir facilement un feu susceptible dtre propag, de

    lacier et de lacier, corps trs dur, ni du silex et du silex, corps fragile, mais dun corps dur et dun corps fragile, cest--dire lacier et le silex. De la mme manire, un enfant vigoureux sobtient, non dun mle ardent et dune femelle enflamme, ni de deux conjoints froids (car la frigidit du mle est infcondit) mais dun mle chaud et dune femelle plutt froide. Car la femme la plus chaude, dans les limites du temprament humain, se rvle plus froide que lhomme le plus froid de son sexe (mais toutefois en bonn