13
Société Française de Rhumatologie Les Publications sélectionnées Revue du Rhumatisme 71 (2004) 309-319 Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant et de l’adolescent R.Y. Carlier a,* , A. Feydy b , J. Desperramons a , L. Méhu a , N.Vernhet a ,A. Fuchs a , D. Mompoint a , C. Garreau de Loubresse c , C. Marty-Poumarat d , C.Vallée a a Service d’imagerie médicale, hôpital Raymond-Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France b Service de radiologie, hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92100 Clichy, France c Service de chirurgie orthopédique, hôpital Raymond-Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France d Service de rééducation neurologique, hôpital Raymond-Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France Reçu et accepté le 27 novembre 2003 Mots clés : Tomodensitométrie ; IRM ; Myélo-IRM ; Radiographies digitales ; Sacco-radiculographie ; Cyphose ; Scoliose ; Corticostéroïdes ; Infiltrations Keywords: CT; MRI, Myelo-MR; Digital radiographs; Saccoradiculography; Kyphosis; Scoliosis; Corticosteroids; Infiltrations 1. Introduction Les scolioses de l’adulte ont des profils évolutifs divers. Comme dans la scoliose de l’enfant et de l’adolescent, l’imagerie radiologique permet de déterminer le profil évolutif de ces scolioses adultes en étudiant les angles de déformations du rachis. Nombre de patients scoliotiques, adultes, cliniquement stables, ne bénéficient que de façon exceptionnelle d’un bilan radiologique. L’imagerie revêt un grand intérêt lorsque, cliniquement évolutive, la scoliose est grevée de complications [1,2]. Cette imagerie pour être pertinente ne peut s’envisager sans une information précise du radiologiste sur la clinique actuelle et les éventuels antécédents de chirurgie rachidienne du patient. Il faut garder à l’esprit le caractère irradiant des techniques de radiologie conventionnelle et du scanner et n’effectuer les explorations radiologiques, en dehors des périodes gestationnelles, qu’à bon escient et avec un « délai raisonnable » entre deux bilans. 2. Principales techniques d’imagerie radiologique appliquées à l’étude des scolioses et de leurs complications : principes de réalisation, indications 2.1. Les clichés du rachis en entier Ils représentent les clichés de base et servent de référence pour l’étude de l’évolution des déformations dans les plans sagittal et frontal. En effet, l’étude précise de l’équilibre du rachis est primordiale pour la planification du geste chirurgical. Ils étaient réalisés jusqu’à une période récente sur des films classiques de 40 × 120 ou 30 × 90 cm avec une distance foyer film de 4 m. L’apparition des techniques de numérisation permet maintenant de rendre l’étude radiologique complète du rachis sur des films de taille plus réduite (36 × 43 cm). Il a été démontré que ces radiographies numérisée sans perte d’information diagnostique étaient moins irradiantes, ce qui est fondamental chez l’enfant et l’adolescent mais aussi important chez le sujet adulte même âgé [3,4]. La numérisation directe permet de réaliser directement à la console les mesures angulaires et de distances. La reproductibilité des mesures en serait grandement améliorée [5,6]. On dispose pour les grands clichés de deux techniques différentes d’acquisition des images. L’une en numérisation directe avec déplacement continu du tube radiologique par rapport à la table d’examen comme pour les angiographies [7]. La seconde consiste à utiliser trois plaques phosphores de radiologie numérique classique et à assembler les trois clichés. Ces deux techniques donnent des résultats équivalents pourvu que le collage des images acquises selon le deuxième procédé soit effectué avec beaucoup de soin. Tous les grands clichés doivent couvrir le rachis depuis la charnière craniorachidienne jusqu’aux têtes fémorales incluses pour pouvoir effectuer la mesure de l’incidence [8]. Ces clichés peuvent être aussi réalisés en contrainte (clichés en inclinaisons latérales, « bending ») pour étudier par exemple la réductibilité d’une scoliose [9,10]. Le système de radiographie numérisée basse dose EOS (principe de la chambre à fil de Charpak) offre l’avantage, avec une irradiation

Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

  • Upload
    vunga

  • View
    216

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

Société Française de Rhumatologie

Les Publications sélectionnées

Revue du Rhumatisme 71 (2004) 309-319

Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant et de l’adolescent

R.Y. Carlier a,*, A. Feydy b, J. Desperramons a, L. Méhu a, N.Vernhet a,A. Fuchs a, D. Mompoint a, C. Garreau de Loubresse c, C. Marty-Poumarat d, C.Vallée a

a Service d’imagerie médicale, hôpital Raymond-Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France b Service de radiologie, hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92100 Clichy, France c Service de chirurgie orthopédique, hôpital Raymond-Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France d Service de rééducation neurologique, hôpital Raymond-Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France

Reçu et accepté le 27 novembre 2003

Mots clés : Tomodensitométrie ; IRM ; Myélo-IRM ; Radiographies digitales ; Sacco-radiculographie ; Cyphose ; Scoliose ; Corticostéroïdes ; Infiltrations Keywords: CT; MRI, Myelo-MR; Digital radiographs; Saccoradiculography; Kyphosis; Scoliosis; Corticosteroids; Infiltrations

1. Introduction

Les scolioses de l’adulte ont des profils évolutifs divers. Comme dans la scoliose de l’enfant et de l’adolescent, l’imagerie radiologique permet de déterminer le profil évolutif de ces scolioses adultes en étudiant les angles de déformations du rachis. Nombre de patients scoliotiques, adultes, cliniquement stables, ne bénéficient que de façon exceptionnelle d’un bilan radiologique. L’imagerie revêt un grand intérêt lorsque, cliniquement évolutive, la scoliose est grevée de complications [1,2].

Cette imagerie pour être pertinente ne peut s’envisager sans une information précise du radiologiste sur la clinique actuelle et les éventuels antécédents de chirurgie rachidienne du patient. Il faut garder à l’esprit le caractère irradiant des techniques de radiologie conventionnelle et du scanner et n’effectuer les explorations radiologiques, en dehors des périodes gestationnelles, qu’à bon escient et avec un « délai raisonnable » entre deux bilans.

2. Principales techniques d’imagerie radiologique appliquées à l’étude des scolioses et de leurs complications : principes de réalisation, indications

2.1. Les clichés du rachis en entier

Ils représentent les clichés de base et servent de référence pour l’étude de l’évolution des déformations dans les plans sagittal et frontal. En effet, l’étude précise de l’équilibre du rachis est primordiale pour la planification du geste chirurgical.

Ils étaient réalisés jusqu’à une période récente sur des films classiques de 40 × 120 ou 30 × 90 cm avec une distance foyer film de 4 m. L’apparition des techniques de numérisation permet maintenant de rendre l’étude radiologique complète du rachis sur des films de taille plus réduite (36 × 43 cm). Il a été démontré que ces radiographies numérisée sans perte d’information diagnostique étaient moins irradiantes, ce qui est fondamental chez l’enfant et l’adolescent mais aussi important chez le sujet adulte même âgé [3,4]. La numérisation directe permet de réaliser directement à la console les mesures angulaires et de distances. La reproductibilité des mesures en serait grandement améliorée [5,6].

On dispose pour les grands clichés de deux techniques différentes d’acquisition des images. L’une en numérisation directe avec déplacement continu du tube radiologique par rapport à la table d’examen comme pour les angiographies [7]. La seconde consiste à utiliser trois plaques phosphores de radiologie numérique classique et à assembler les trois clichés. Ces deux techniques donnent des résultats équivalents pourvu que le collage des images acquises selon le deuxième procédé soit effectué avec beaucoup de soin.

Tous les grands clichés doivent couvrir le rachis depuis la charnière craniorachidienne jusqu’aux têtes fémorales incluses pour pouvoir effectuer la mesure de l’incidence [8].

Ces clichés peuvent être aussi réalisés en contrainte (clichés en inclinaisons latérales, « bending ») pour étudier par exemple la réductibilité d’une scoliose [9,10].

Le système de radiographie numérisée basse dose EOS (principe de la chambre à fil de Charpak) offre l’avantage, avec une irradiation réduite, de réaliser en une seule acquisition en charge, une étude de face et de profil ainsi qu’une représentation tridimensionnelle [11]. Des prototypes sont actuellement à l’essai, avec une étude clinique en cours à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul.

Page 2: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

Ces grands clichés d’un apport considérable dans l’étude globale du rachis n’offrent pas une étude aussi précise que les clichés segmentaires de l’anatomie des pièces rachidiennes en particulier au niveau des déformations [10,12,13].

2.2. Les clichés segmentaires

Ils ne sont pas à réaliser de façon systématique. Leur réalisation est conditionnée par le besoin d’une étude focale précise dictée par la clinique ou pour une étude morphologique précise des pièces osseuses à la recherche d’une malformation ou à titre préopératoire [1,12].

On devra s’efforcer de rétablir une situation habituelle des pièces étudiées par rapport aux plans d’étude frontal et sagittal du segment étudié. Cela ne peut s’envisager sans scopie télévisée et nécessite une bonne maîtrise de la part des techniciens d’électroradiologie et une médicalisation des actes de radiologie avec contrôle des clichés réalisés [4].

C’est souvent seulement après avoir corrigé bascules et rotations que les clichés centrés sur la zone cliniquement intéressée seront d’un apport diagnostique notable en retrouvant des références radioanatomiques classiques.

Les techniques tomographiques longtemps utilisées, très irradiantes, difficiles à réaliser, inconnues des jeunes techniciens et radiologistes sont à proscrire.

2.3. La tomodensitométrie (TDM)

La technique tomodensitométrique a été bouleversée par l’apparition des scanners multicoupes qui permettent de réduire considérablement le temps de balayage du champ d’exploration mais aussi l’irradiation pour une même zone étudiée grâce à une meilleure collimation. Cela permet des possibilités d’explorations plus étendues parfois nécessaires dans les complications des scolioses (Figs. 1A–H).

Avant les acquisitions spiralées volumiques, le scanner était d’un apport restreint en particulier dans les grandes déformations scoliotiques car les coupes étaient très éloignées des coupes de référence anatomique. Cela donnait lieu à nombre d’interprétations erronées quant aux dimensions du canal rachidien, des foramens, des pédicules, à l’importance des saillies discales et de l’hypertrophie des massifs articulaires.

La TDM volumique avec des reconstructions multiplanes permet de corriger les déformations dans les trois plans de l’espace et de retrouver une anatomie proche des références habituelles (Figs. 1A–H). On réalise en routine des reconstructions axiales en double obliquité selon l’axe des disques (Figs. 2A–B) dans les plans frontal et sagittal mais aussi des reconstructions sagittales et frontales curvilignes selon le grand axe du centre du canal rachidien. (Figs. 2C–D).

La compréhension des mécanismes à l’origine des phénomènes algiques et déficitaires liés à la déformation scoliotique, à son évolution et à ses complications ainsi que les bilans préopératoires sont transformés par ces études multiplanes [10,14]. Le nombre de pseudosténoses du canal rachidien diagnostiquées en TDM a considérablement diminué depuis l’utilisation des scanners volumiques de dernière génération. À l’inverse, ces scanners permettent de diagnostiquer les causes focales plus facilement curables, discales, articulaires postérieures ou ostéophytiques.

La TDM permet aussi une étude des espaces et structures périrachidiens, en particulier des muscles, et, à l’étage lombaire, des troncs nerveux possiblement comprimés en extrarachidien par un ostéophyte exubérant par exemple. Àl’étage thoracique, les déformations costales liées à la scoliose peuvent être parfaitement analysées dans le même temps que l’exploration rachidienne [15,16]. On peut aussi étudier le retentissement trachéobronchique des importantes déformations rachidiennes.

L’évolution technique permet par ailleurs une très nette réduction des artéfacts de durcissement du rayon sur le matériel de fixation rachidien. Comme en IRM, ce sont les matériels de fixation en titane qui donneront le moins d’artéfacts. Les « débricolages », complications éventuelles de ces matériels, sont ainsi parfaitement analysés, ce qui guide mieux le chirurgien du rachis [14,17].

On peut ainsi visualiser les fractures de vis ou de tiges, les vis en position conflictuelle en particulier avec les racines au sein des foramen, le déplacement des crochets d’ancrage des tiges. La détection d’un espace clair ou d’une chambre de résorption autour d’une ou plusieurs vis oriente soit vers une infection soit vers une mobilité au sein de la fixation.

Outre le matériel de fixation la TDM offre une très bonne analyse des greffons osseux utilisés en chirurgie de la scoliose, en particulier en étude multiplanaire. Les zones de mobilité résiduelle sur un « rachis fixé » sont plus facilement mises en évidence en étude multiplanaire qu’en radiologie conventionnelle, par l’individualisation d’interlignes articulaires non fusionnés ou, ce qui est plus rare mais plus évident, par l’individualisation de gaz au sein du disque et/ou des articulaires postérieures aux étages mobiles (Figs. 2C–D).

Les reconstructions tridimensionnelles sont rapides et faciles à réaliser sur les machines les plus récentes et peuvent être, dans certains cas, une aide à la compréhension des déformations associées à la scoliose [18].

La TDM volumique correctement réalisée conduit à une meilleure prise en charge globale des scolioses. Cette technique ne peut malheureusement pas remplacer actuellement les grands clichés du rachis, une étude du rachis en entier étant encore actuellement trop irradiante.

Page 3: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

Fig. 1A, 1B, 1C, 1D. Femme de 54 ans, cyphoscoliose majeure évolutive ayant déjà bénéficié d’une laminectomie postérieure thoracique moyenne (flèche) ainsi que d’une greffe osseuse antérolatérale (têtes de flèches). Bilan préthérapeutique devant une aggravation neurologique. Coupes reconstruites sagittales curvilignes à partir d’une acquisition hélicoïdale (scanner 16 barrettes) permettant d’analyser le canal rachidien en entier sur une même coupe.

Fig. 1E, 1F, 1G, 1H. Même patiente que les Figs. 1A–C. Coupes reconstruites frontales curvilignes permettant une étude du canal rachidien dans un seul plan.

Page 4: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la
Page 5: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

Fig. 2A. Femme de 59 ans avec scoliose de l’adolescence décompensée depuis la ménopause. La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. Coupes tomodensitométriques axiales reconstruites en double obliquité (repérées sur les topogrammes dans les plans frontal et sagittal, scanner 16 barrettes) dans l’axe du disque à l’étage L4-L5 où l’on objective une dislocation transversale. Le canal rachidien est notablement rétréci transversalement. Il existe une contrainte sur le sac dural engendrée par les massifs articulaires postérieurs et la discarthrose. On objective de plus une sténose foraminale gauche en rapport avec l’ostéophytose sur la discarthrose et l’arthrose inter-apophysaire postérieure.

Page 6: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

Fig. 2B. Même patiente que la Fig. 2A. Coupes tomodensitométriques sur L4-L5 identiques à celles de la Fig. 2A en fenêtres osseuses. On évalue bien sur ces coupes l’importance et la répartition des phénomènes arthrosiques.

Fig. 2C. Même patiente que la Fig. 2A. Coupes tomodensitométriques reconstruites sagittales curvilignes en fenêtres osseuses (déterminées sur le topogramme dans le plan frontal) permettant d’aligner le canal rachidien dans un seul plan. On met bien en évidence le phénomène du vide discal en D12-L1 et L4-L5 au-dessus et en dessous d’un segment L1-L3 quasiment fusionné.

Page 7: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

Fig. 2D. Même patiente que la Fig. 2A. Coupes tomodensitométriques en reconstruction frontale curviligne (fenêtre osseuse) permettant d’aligner le canal rachidien dans un seul plan (détermination sur le topogramme dans le plan frontal). L’hypermobilité aux étages D12-L1 et L4-L5, bien visible sous la forme d’un vide discal prononcé sur les coupes sagittales, est bien analysable sur les reconstructions frontales postérieures avec des phénomènes dégénératifs très marqués sur les articulaires postérieures aux deux étages.

2.4. L’imagerie par résonance magnétique (IRM)

Même si son rôle n’est pas aussi fondamental qu’en pédiatrie [19,20], cette technique permet d’effectuer le bilan étiologique de scolioses adultes jamais explorées comme par exemple chez des patients migrants ou non médicalisés pendant de longues années.

On doit alors effectuer une exploration du rachis et de la moelle en entier à la recherche d’une lésion malformative ou tumorale. Il faudra essayer de corriger au maximum les déformations et toujours effectuer une étude suivant deux plans orthogonaux. Le plan frontal remplace souvent avantageusement le plan sagittal pour l’étude longitudinale du cordon médullaire. En effet, dans les déformations scoliotiques marquées, les segments de moelle épinière étudiés sont plus longs dans le plan frontal que dans le plan sagittal.

Il n’est ainsi pas exceptionnel dans ce cadre de mettre en évidence des lésions malformatives telles qu’une malformation d’Arnold-Chiari [20] associée ou non à une moelle attachée basse ou à une syringomyélie, une diastématomyélie ou à une anomalie rachidienne ou médullaire intéressant un ou plusieurs métamères [21]. Les lésions tumorales en particulier médullaires sont elles beaucoup plus rares.

L’avantage de l’IRM comparée au scanner est la possibilité d’une large couverture en hauteur du rachis sans irradiation. Cette technique permet en outre une étude plus précise des éléments intracanalaires en particulier de la moelle (évaluation du calibre, du signal, cavités syringomyéliques) (Figs. 1I–P). Elle permet aussi une étude plus précise des discopathies dégénératives que le scanner. Dans le bilan préfixation rachidienne, l’étude de la qualité des disques permet de renseigner le chirurgien sur le niveau inférieur optimal de la fixation [10]. Les zones inflammatoires liées à des contraintes mécaniques excessives sont aussi visualisables sous forme de zones de haut signal en imagerie pondérée T2 ce qui peut être riche de renseignements dans les algies chroniques sur scoliose (MODIC1). Les épanchements au sein des articulation zygapophysaires sont aussi parfaitement individualisables en pondération T2. Malheureusement le parc limité de machines freine les explorations dans de telles indications.

Le matériel métallique de fixation n’est pas une contreindication à l’IRM. Mais les explorations IRM sont très artéfactées par le matériel ferromagnétique et seule l’utilisation de matériel en titane rend l’étude interprétable dans les zones de fixation.

Les études volumiques avec reconstructions multiplanaires ne sont pas encore actuellement aussi performantes (résolution) en IRM qu’au scanner mais cela devrait rapidement évoluer [10,22].

Page 8: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

Les séquences myélographiques permettent de réaliser une myélo IRM (aucune injection) sur les machines modernes en deux ou trois minutes d’acquisition. Même si elles ne peuvent totalement remplacer la saccoradiculographie effectuée en charge, les myélo IRM peuvent être effectuées jambes en extension contrairement aux autres explorations du rachis effectuées, pour une réduction de la lordose lombaire, jambes fléchies.

On peut ainsi avoir une idée relativement satisfaisante de la contrainte sur le sac dural et les gaines radiculaires, avec une technique non irradiante et non invasive (Fig. 2H).

Fig. 1I, 1J, 1K, 1L. Même patiente que les Figs. 1A–C. Coupes IRM sagittales en double obliquité cervicothoraciques (I à K) et thoracolombaires (L) en turbo spin écho T2. La détermination soigneuse de l’obliquité des plans de coupes permet d’aligner la moelle de façon satisfaisante. On analyse précisément les contraintes exercées par la déformation rachidienne sur le cordon médullaire, qui prend la corde sur la face postérieure des corps vertébraux au sommet de la cyphose.

Page 9: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

Fig. 1M, 1N, 1O, 1P. Même patiente que les Figs. 1A–C. Coupes IRM axiales thoraciques en turbo spin écho T2 centrées sur la zone de contrainte médullaire dans la convexité de la cyphose. La moelle (flèche) est plaquée contre la face postérieure des corps vertébraux et ne présente pas d’anomalie de signal interne.

Page 10: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

Fig. 2H. Même patiente que la Fig. 2A. Projections myélo-IRM 2D. Même si cette technique ne rend pas compte de la contrainte en charge sur le sac dural, elle permet d’avoir une bien meilleure appréciation globale de la morphologie du sac dural, ce que les coupes frontales et sagittales ne permettent pas. On obtient ainsi, sur ces projections, une analyse sur l’ensemble du segment lombaire des contraintes visualisées sur les coupes axiales en double obliquité réalisées à chaque étage.

2.5. La saccoradiculographie

Grâce à l’étude TDM multiplanaire et à l’IRM avec étude myélographique, le recours à la saccoradiculographie est beaucoup plus rare qu’auparavant.

Elle est indiquée dans le bilan préopératoire des sténoses canalaires symptomatiques.

Ces examens s’effectuent en ambulatoire par des radiologues familiarisés à ce type de pathologie. La ponction lombaire s’effectue à l’aiguille fine de 22 Gauges au maximum.

Là encore une bonne analyse des documents d’imagerie antérieurs permettra de choisir le bon étage où effectuer la ponction pour ne pas ponctionner à l’étage le plus sténosé et avoir une étude non limitée des zones conflictuelles.

Dans les très grandes déformations, la ponction s’effectue sous scopie télévisée sur un patient en décubitus ventral. Le positionnement du patient est alors essentiel de façon à obtenir une bonne projection radiologique de l’espace interapophysolamaire à hauteur de l’étage où l’on effectue la ponction.

Les clichés doivent être réalisés en orthostatisme avec des épreuves dynamiques de sensibilisation. Pour une meilleure compréhension des contraintes, les clichés sont effectués sous scopie télévisée avec le même soin que pour les clichés standard de correction des déformations pour rétablir une anatomie radiologique nécessaire à une interprétation cohérente de l’examen.

3. Les infiltrations sous contrôle radioscopique ou tomodensitométrique dans le traitement des algies liées à une cause focale

Le scanner volumique et l’IRM permettent une meilleure compréhension et un meilleur diagnostic des lésions à l’origine des phénomènes douloureux très fréquemment associés aux scolioses. Ces examens complémentaires ne peuvent bien entendu pas se substituer à une évaluation clinique rigoureuse.

L’approche multidisciplinaire avec confrontation clinicoradiologique permet de déterminer précisément la lésion responsable de la symptomatologie douloureuse dans un nombre important de cas. De cette approche découlent les indications des infiltrations sous contrôle de l’imagerie. Une étude précise des radiographies et de l’imagerie en coupe est nécessaire dans la détermination de la meilleure stratégie infiltrative [23,24]. En effet les déformations liées aux scolioses modifient souvent grandement les rapports anatomiques normaux. On s’efforcera de corriger au maximum ces déformations avant d’effectuer les infiltrations.

C’est le positionnement sur la table d’examen qui permet d’effectuer ces corrections. Une fois cette correction des déformations obtenue, le geste ne prendra pas plus de temps que chez un patient non scoliotique. Les infiltrations s’effectuent plus facilement dans cette population sous contrôle scopique que sous contrôle tomodensitométrique [23,24]. Cependant à l’étage thoracique, les projections costales sont très gênantes et les infiltrations sont au mieux effectuées sous contrôle scanner.

Les indications sont le plus souvent représentées par des sténoses foraminales dégénératives et des arthroses interapophysaires postérieures.

Des tests anesthésiques peuvent aussi être réalisés sous contrôle scopique ou TDM pour confirmer des hypothèses cliniques ou clinicoradiologiques importantes pour la stratégie de prise en charge des scolioses de l’adulte déjà traitées chirurgicalement ou vierges de

Page 11: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

tout traitement chirurgical.

Fig. 2E. Même patiente que la Fig. 2A. Coupes IRM axiales en turbo spin écho T2 à l’étage L4-L5. Le rétrécissement du canal rachidien et la contrainte sur le sac dural (en hypersignal) sont bien analysés. Le sac dural est plaqué latéralement contre l’articulaire postérieure L4-L5 droite. Sa surface est réduite de plus de 50 %. La surface du sac dural ne redevient normale qu’à la partie basse du corps de L5.

Page 12: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

Fig. 2F. Même patiente que la Fig. 2A. Coupes IRM frontales en turbo spin écho T2. Alors que la déformation rachidienne dans le plan frontal est bien analysée sur ces coupes, le retentissement intracanalaire de la déformation est difficilement appréciable alors qu’il l’est bien sur les coupes axiales (Fig. 2E).

Page 13: Prise en charge de la scoliose idiopathique de l’enfant … · La symptomatologie de canal lombaire rétréci impose la réalisation d’un bilan d’imagerie. ... Alors que la

Fig. 2G. Même patiente que la Fig. 2A. Coupes IRM sagittales en turbo spin écho T2. Le retentissement intracanalaire de la déformation est difficilement appréciable alors qu’il l’est bien sur les coupes axiales (Fig. 2E)..

4. Conclusion

Les scolioses de l’adulte se distinguent des scolioses de l’enfant et de l’adolescent par les complications dégénératives liées à la déformation scoliotique elle-même mais aussi au vieillissement.

Les grands clichés du rachis permettent une excellente appréciation de l’évolution des déformations.

Cependant la prise en charge des complications dégénératives dans cette pathologie requiert des études focales. Quelle que soit la modalité d’imagerie utilisée une correction des déformations focales est nécessaire. L’analyse est en effet beaucoup plus simple en retrouvant des repères anatomiques classiques.

Une bonne collaboration radioclinique est nécessaire depuis le choix de l’exploration la plus efficiente et la moins irradiante pour répondre à un problème clinique donné jusqu’à la prise en charge thérapeutique.

Références

[1] Guigi P, Dessarts I. Imagerie des troubles de la statique rachidienne chez le sujet âgé. Rev Rhum 1996;63:185–95. [2] Benoist M. Natural history of the aging spine. Eur Spine J 2003; 5(Suppl 2):S86–9. [3] Kushner DC, Cleveland RH, Herman TE, Zaleske DJ, Ehrlich MG, Correia JA. Radiation dose reduction in the evaluation of scoliosis: an application of digital radiography. Radiology 1986;161:175–81. [4] Murphey MD, Quale JL, Martin NL, Bramble JM, Cook LT, Dwyer SJ. Computed radiography in musculoskeletal imaging: state of the art. AJR 1997;158:19–27. [5] Cheung J, Wewer DJ, Veldhuizen AG, Klein JP, Verdonck B, Nijlunsing R, et al. The reliability of quantitative analysis on digital images of the scoliotic spine. Eur Spine J 2002;11:535–42. [6] Shea KG, Stevens PM, NelsonM, Smith JT,Masters KS,Yandow S.A comparison of manual vs computer-assisted radiographic measurement. Intraobserver measurement variability for Cobb angles. Spine 1998;23:551–5. [7] RollandY, Duvauferrier R, Morcet N, Bouvier F, Rambeau M. Reconstructions 2D du rachis en entier à partir d’acquisitions numériques séquentielles. Rachis 1997;9:119–26. [8] Legay J, Duval-Beaupère G, Hecquet J, Marty C. The incidence fundamental pelvic parameter for the three-dimensional regulation of the spinal sagittal curves. Eur Spine 1992;7:99–103. [9] Coillard C, Leroux MA, Zabjek KF, Rivard CH. Reductibility of idiopathic scoliosis during orthopedic treatment. Ann Chir 1999;53: 781–91. [10] Cassar-Pullicino VN, Eisenstein SM. Imaging in scoliosis: what, why and how? Clin Radiol 2002;57:543–62. [11] Kalifa G, Charpak Y, Maccia C, Fery-Lemonnier E, Bloch J, Boussard JM, et al. Evaluation of a new low-dose digital x-ray device: first dosimetric and clinical results in children. Pediatr Radiol 1998;28: 557–61. [12] Oestreich AE, Young LW, Young Poussaint T. Scoliosis circa 2000: radiologic imaging perspective. Diagnosis and pretreatment evaluation. Skeletal Radiol 1998;27:591–605. [13] Stagnara P. Les déformations du rachis. Paris: Masson; 1985. [14] Liljenqvist UR, Link TM, Halm HF. Morphometric analysis of thoracic and lumbar vertebrae in idiopathic scoliosis. Spine 2000;25: 1247–53. [15] Campbell Jr RM, Smith MD, Mayes TC, Mangos JA, Willey-Courand DB, Kose N, et al. The characteristics of thoracic insufficiency syndrome associated with fused ribs and congenital scoliosis. J Bone Joint Surg (Am) 2003;85:399–408. [16] Erkula G, Sponseller PD, Kiter AE. Rib deformity in scoliosis. Eur Spine J 2003;12:281–7. [17] Halm J, Niemeyer T, Link T, Liljenqvist U. Segmental pedicle screw instrumentation in idiopathic thoracolumbar and lumbar scoliosis. Eur Spine J 2000;9:191–7. [18] Bush CH, Kalen V. Three-dimensional computed tomography in the assessment of congenital scoliosis. Skeletal Radiol 1991;28:632–7. [19] Diard F, Chateil JF, Hauger O, Moinard M, Ducou-Lepointe H. Imaging of childhood and adolescent scoliosis. J Radiol 2002;83: 1117–39. [20] Nohria V, Oakes WJ. Chiari I malformation: a review of 43 patients. Pediatr Neurosurg 1990;16:22–7. [21] Doyon D, Benoubida F, Iffenecker C, Petit-Lacour MC, Hadj Rabia M, Tadie M. Imaging of syringomyelia. Neurochirurgie 1999; 45:105–14. [22] Liljenqvist UR, Allkemper T, Hackenberg L, Link TM, Steinbeck J, Halm HF. Analysis of vertebral morphology in idiopathic scoliosis with use of magnetic resonance imaging and multiplanar reconstruction. J Bone Joint Surg Am 2002;84:359–68. [23] Carlier RY, Feydy A, Artru S, Laure R, Lerivérend V, Vallée V. Les infiltrations foraminales de corticoïdes dans les radiculalgies. Rhumatologie 2000;81:971–4. [24] Carlier RY, Feydy A, Bayou E, Morand-Blot V, Frot-Martin B, Safa D, et al. Infiltrations foraminales dans les radiculalgies d’origine rachidienne. Synoviale 2001;105:15–20.

© SFR - R.Y. Carlier et al. / Revue du Rhumatisme 71 (2004) 309–319