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Objectifs Corriger chirurgicalement une ptose fronto- sourcillière lorsque la manœuvre d’élévation manuelle du front améliore l’esthétique et le champ visuel du patient, et corrige l’abaisse- ment conjoint du front et du sourcil, ainsi que les rides frontales. Les indications pour les rides frontales sont en recul en raison de l’emploi de la toxine botu- lique. En revanche, la ptose fronto-sourcillière est une très bonne indication de lifting frontal et améliore bien plus l’esthétique du regard et des paupières qu une blépharoplastie supé- rieure isolée. Installation Shampoing antiseptique réalila veille et le matin de l’intervention, attacher les cheveux par groupes an avant et en arrière de l’inci- sion. Raser une bande de 20 mm de cuir che- velu correspondant à la zone d’incision. Le dessin est coronal pour les fronts de moins de 6 cm de long, et précapillaire pour les fronts longs (plus de 7 cm). Les parties inférieures des incisions sont à l’aplomb des bords supé- rieurs des pavillons auriculaires (fig. 1). Les trois lignes de tractions, correspondant res- pectivement à la tête, au corps et à la queue du sourcil, doivent être ensuite dessinées avec : – une ligne verticale médiane ; Lifting frontal Fig. 1. – Incision coronale intracapillaire en traits pleins, incision précapillaire en pointillés. Représentation des lignes de traction verticales et obliques. a b

Techniques en chirurgie maxillo-faciale et plastique de la face || Lifting frontal

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Page 1: Techniques en chirurgie maxillo-faciale et plastique de la face || Lifting frontal

Objectifs

Corriger chirurgicalement une ptose fronto-sourcillière lorsque la manœuvre d’élévationmanuelle du front améliore l’esthétique et lechamp visuel du patient, et corrige l’abaisse-ment conjoint du front et du sourcil, ainsi queles rides frontales.Les indications pour les rides frontales sont enrecul en raison de l’emploi de la toxine botu-lique. En revanche, la ptose fronto-sourcillièreest une très bonne indication de lifting frontalet améliore bien plus l’esthétique du regard etdes paupières qu’une blépharoplastie supé-rieure isolée.

Installation

• Shampoing antiseptique réalisé la veille et lematin de l’intervention, attacher les cheveuxpar groupes an avant et en arrière de l’inci-sion. Raser une bande de 20 mm de cuir che-velu correspondant à la zone d’incision.

• Le dessin est coronal pour les fronts de moinsde 6 cm de long, et précapillaire pour les frontslongs (plus de 7 cm). Les parties inférieuresdes incisions sont à l’aplomb des bords supé-rieurs des pavillons auriculaires (fig. 1).

Les trois lignes de tractions, correspondant res-pectivement à la tête, au corps et à la queue dusourcil, doivent être ensuite dessinées avec :– une ligne verticale médiane ;

Lifting frontal

Fig. 1. – Incision coronale intracapillaire en traits pleins,incision précapillaire en pointillés. Représentation deslignes de traction verticales et obliques.

a

b

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302 Techniques en chirurgie maxillo-faciale et plastique de la face

– deux lignes verticales latérales et tangentes aubord latéral des limbes ;

– deux lignes obliques, partant de l’aile du nezet tangentes au canthus latéral et à l’extrémitéde la queue du sourcil.

Technique opératoire

Lifting frontal sous-galéal préservant les musclesfrontauxInfiltration adrénalinée le long de l’incision etdu décollement, en insistant au niveau de la gla-belle et des rebords supra- et latéro-orbitaires.Incision bitragale, comprenant les plans cutané,sous-cutané et galéal. Seul le périoste est res-pecté. Réalisation des hémostases et utilisationd’agrafes spécifiques sur la tranche de sectionde manière à réduire le saignement.Décollement sous-galéal et sus-périosté, en dou-ceur pour éviter les déchirures du périoste et leslésions des branches profondes du nerf supra-orbitaire :– au niveau médian : le décollement va jusqu’à

la racine du nez ;– au niveau latéral : le décollement expose les

rebords orbitaires latéraux en longeant l’apo-névrose temporale. Le décollement de l’ar-cade zygomatique n’est pas nécessaire. Unrepère latéral pour éviter de léser la branchefrontale du nerf facial est celui de la veinecommunicante temporale moyenne ou« veine sentinelle ».

Libération des rebords orbitaires après avoirrepéré l’émergence des nerfs supra-orbitaires etaffaibli les insertions osseuses de la galéa. Il peutarriver d’ouvrir la périorbite à ce niveau et derentrer dans les cavités orbitaires. Ce n’est pasgrave en l’absence d’hématome important maispeut entraîner des céphalées postopératoires.En plus des nerfs supra-orbitaires, il faut égale-ment repérer les nerfs supratrochléaires dontl’émergence se fait entre les fibres musculairesdes muscles corrugators (muscles sourciliers,responsables des rides verticales intersourci-lières ou médio-glabellaires) qui sont section-nés, voire réséqués pour mieux ascensionner lelambeau frontal (fig. 2).

Les muscles procerus (responsables de ridestransversales de la racine du nez) peuvent éga-lement être sectionnés.Repositionnement du lambeau frontal et résec-tion de l’excédent tissulaireL’importance de la résection est déterminée parrapport à l’élévation désirée du sourcil. Auniveau du scalp, une excision de 2 cm produit1 cm d’élévation du sourcil.La traction se fait selon les lignes tracées aupréalable, verticales médiane, latérales etobliques :– un premier point est placé sur la ligne

médiane pour repositionner la tête des sour-cils à 1 cm au-dessus des rebords supra-orbi-taires ;

– deux points latéraux sont ensuite placés pourrégler l’élévation de la partie la plus haute dessourcils à l’aplomb du limbe latéral ;

– deux derniers points sont placés pour régler lahauteur de la queue des sourcils.

La résection entre ces points doit se faire sanstension supplémentaire, emportant en mono-bloc peau et galéa. L’asymétrie des sourcils estsouvent difficile à corriger et peut nécessiterune fixation directe au périoste (fig. 3).

Fig. 2. – Côté droit : exposition opératoire en fin de décol-lement. Côté gauche : résection des muscles procerus, cor-rugator et libération de la galéa.NSO : nerf supra-orbitaire ; NST : nerf supratrochléaire ;F : muscle frontal ; C : muscle corrugator ; P : muscle pro-cerus ; G : galéa.

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Lifting frontal 303

Suture et fermeture• La suture se fait en deux plans, profond por-

tant sur la galéa et superficiel sur la peau.• Les points profonds se font au fil 3/0 et sont

très importants, car ils recréent la continuitéde la galéa et les rapports anatomiques nor-maux, et facilitent la suture cutanée sans ten-sion pour éviter toute zone de nécrose cutanéeou d’alopécie.

• Drainage par drains aspiratifs ou lame, mis enplace pendant 24 heures.

• La suture cutanée se fait par points séparés (fil4 ou 5/0) au niveau temporal, par agrafes oupar surjet au niveau du vertex. Les points depositionnement initialement mis en place,sont supprimés pour éviter une nécrose cuta-née (fig. 4).

PansementIl faut bien rincer le cuir chevelu des débris san-guins et des cheveux. Un pansement gras estensuite réalisé le long de la cicatrice. Une bandeserrée avec douceur maintient le pansement.

Variantes

Lifting frontal chez l’hommeLes sujets avec grand front ou golfes accentuésbénéficieront d’une incision précapillaire. Leschauves peuvent être opérés par une incisioncoronale, au niveau du vertex, là où la peau estla plus fine, et à condition de bien soigner lasuture en deux plans.

Lifting frontal endoscopiqueAprès infiltration frontale sous-périostée ausérum adrénaliné, il peut être mené facilementpar trois incisions (une médiane sagittale, etune de chaque côté en situation temporale)d’environ 2 cm de long, et situées juste enarrière de la lisière d’implantation du cuir che-velu. Le début de l’intervention se fait sansl’aide de l’endoscope avec un décollementd’emblée sous-périosté, réalisé à partir des troisincisions et poursuivi jusqu’à proximité durebord supra-orbitaire. La suite de l’interven-tion se fait sous contrôle de la vue à l’aide del’endoscope glissé par l’incision sagittale, et per-mettant de contrôler le décollement sous-périosté réalisé par les rugines introduites parles incisions latérales. Le décollement est alorspoursuivi jusqu’au rebord supra-orbitaire, auniveau duquel le périoste est sectionné en res-pectant l’émergence des rameaux du V1. Il fautaussi rompre les muscles corrugators (repérésen transcutané par des aiguilles introduites enintersourcillier). Le lambeau frontal décollé ensous-périosté est ensuite suspendu selon diffé-rents moyens. Une des possibilités est la mise enplace d’une vis de 15 ou 17 mm en monocorti-

Fig. 3. – Résection de l’excès cutané.

Fig. 4. – Fermeture en deux plans avec suture profonde dela galéa et suture cutanée.

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cal sur la calvaria au niveau de la partie posté-rieure de chaque incision latérale. Le front estensuite glissé vers l’arrière, amenant la vis auniveau de la partie antérieure de l’incision laté-rale. Pour maintenir cette suspension, desagrafes sont positionnées en arrière de la vis etferment chaque incision. Agrafes et vis sontenlevées en consultation à j15.

Association avec une blépharoplastie supérieureLorsqu’il persiste un excès palpébral associé àune ptose fronto-sourcillière, il est préférable decommencer par un lifting frontal, puis d’atten-dre la stabilisation du sourcil qui a toujours ten-dance à redescendre pour faire une résectionplus précise de l’excédent cutané. Avec l’expérience, on s’aperçoit que beaucoupde blépharoplasties supérieures avec des résul-tats modestes auraient été de très bonnes indi-cations de liftings frontaux ou temporaux.

Association avec un lifting cervico-facialLorsqu’il existe une ptose cervico-faciale, laremise en tension de la région fronto-tempo-rale, même si la dégradation frontale n’est pasmajeure, accroît l’action du lifting cervico-facial. L’incision coronale est séparée de l’inci-sion du lifting cervico-facial par une bande decuir chevelu afin de ménager la patte de che-veux et le rameau frontal du nerf facial.

Remodelage des rebords supra-orbitaires ou du frontEn cas de rebords supra-orbitaires proéminentsou d’yeux creux, on peut réaliser un meulage durebord supra-orbitaire. Le périoste frontal estincisé à un centimètre au-dessus des orbites, lerebord supra-orbitaire est ruginé latéralementau pédicule supra-orbitaire en prenant soin dene pas perforer le périoste intra-orbitaire. Lorsqu’il existe des bosses frontales avec dépres-sion sus-jacente, après décollement en sous-périosté, on peut soit meuler si les sinusfrontaux sont petits et les corticales épaisses,soit combler la dépression par des biomatériauxou par une résine autopolymérisante, si lessinus sont grands et/ou la corticale mince.

« Mask lift » Le « mask lift » est un lifting sous-périosté quidécolle les tissus de la face, au contact de l’os,afin de modifier leur rapport avec le squelettefronto-orbito-zygomatique.L’incision est coronale. Le scalp frontal est ini-tialement décollé en sus-périosté et le scalptemporal en sus-aponévrotique. Le périostefrontal est incisé horizontalement 1,5 cm au-dessus des rebords supra-orbitaires. Latérale-ment, le feuillet superficiel de l’aponévrosetemporale est incisé horizontalement 1,5 cmau-dessus de l’arcade zygomatique sur laquelleil s’insère et rejoint en dedans l’incision périos-tée frontale. Latéralement, la dissection estpoursuivie en profondeur jusqu’au périostezygomatique qui est soulevé de l’arrière versl’avant, de manière à préserver la branche fron-tale du nerf facial. Les rebords supra-orbitaires,latéro-orbitaires, et les zygomas sont ensuitedécollés en sous-périosté. Puis le périoste intra-orbitaire est décollé sur près de 2 cm de profon-deur, des parois supérieure, latérale etinférieure, mobilisant ainsi le septum orbitaireet l’insertion profonde du tendon palpébrallatéral qui est repéré superficiellement. En regard du canthus latéral, une encoche osseuseest réalisée pour faciliter la canthopexie externe, àl’aide d’un fil non résorbable (nylon tressé déci-male 3/0) chargeant le ligament canthal et se fixantà l’aponévrose temporale. Il est très important devérifier la parfaite symétrie des canthopexies.

Suites opératoires

• Antalgiques de niveau 1.• Prévoir des anti-nauséeux car les premières

heures peuvent être marquées par des vomis-sements surtout si une ouverture de la périor-bite a été réalisée.

• Vessie de glace en postopératoire immédiat.• Un premier shampoing antiseptique est réalisé

le lendemain de l’intervention puis les soinssont réalisés tous les jours.

• Sortie à j1 sauf complications après ablationdu drainage éventuel.

• Ablation des points et agrafes entre j10 et j15.

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Lifting frontal 305

Complications spécifiques

• Hématomes postopératoires : peu fréquents,ils peuvent nécessiter s’ils sont volumineux deréintervenir. Une hémostase efficace et undrainage adapté permettent de les limiter.

• Troubles de la sensibilité du front : une anes-thésie cutanée, des paresthésies avec un pru-rit, parfois très gênant, sont rares etgénéralement réversibles. Pour prévenir cestroubles, il faut reporter le plus loin possibleen arrière l’incision intracapillaire, mais celaimpose une plus grande résection de peau.

En cas d’incision précapillaire, le patientdevra être prévenu de ces complications neu-rologiques inévitables.

• Troubles cicatriciels (secondaires à une suturesous tension ou à une absence de suture de lagaléa) et alopécies localisées (secondaires àune coagulation des bulbes pileux).

• Agrandissement du front : il est lié à l’éléva-tion de la ligne d’implantation des cheveux,et est à éviter dans les grands fronts.

• Paralysie de la branche frontale du nerffacial : exceptionnelle, par traction le plussouvent ou par section accidentelle.