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Je ne suis PAS irascible !!! EDITO Éric Vidal O n doit à la vérité que les événements qui suivent ne se sont pas déroulés par une nuit sans lune. C’est dommage, cela aurait posé l’ambiance. Lorsque Vincent, notre fantasque directeur de la publication nous a convoqué, mon irascible complice Armelle et votre facétieux serviteur, son bureau débordait d’une intense activité. Une radio cra- chait un standard des années 80, deux solides gaillards accoudés au zinc discutaient des vertus comparées de deux incon- nus – nous apprendrons plus tard qu’il s’agissait d’une certaine Ségolène R et d’un certain Nicolas S – tandis que derrière le bar, un individu à qui nous devons tout ou presque préparait trois somptueuses bières brunes. Notre parfois très inquisiteur directeur demande alors à ma rigoureuse co-équipière et au sympathique auteur de ces lignes de lui décrire le projet sur lequel il nous a proposé, sans qu’il soit en fait possible de refuser, de cogiter. Trois brunes affriolantes sont déposées sur la table. Je n’ai pas encore bu ma première gorgée, celle qui donne de la contenance, que l’impulsivité verbale d’Armelle prend le dessus : « cela s’appellera Trame 9. On parlera de BD et de graphisme sans distinction de genre, de nationalité, de format ou de quoi que ce soit qui serve de cloison ». D’un signe de tête, l’imposant Vincent signifie qu’il attend que votre étourdi narrateur prenne la parole. Sitôt trois nouvelles pintes commandées, il poursuit : « on voit cela comme un magazine culturel. Quelque chose qui traite de la société par le prisme de la BD autant que de la BD elle-même ». Les quatre séduisantes pintes de brune déposées sur la table auraient dû mettre la puce à l’oreille aux vigilants gardiens de l’information de qualité qui aujourd’hui composent la rédaction. La silhouette non-euclidienne de Vladimir Zborodine sort de l’ombre (il fait cela tout le temps, c’est horripilant) et nous toise avec ce regard froid qui, quelques années auparavant, aurait conquis Sergio Leone et condamné Clint Eastwood à des années de vaches maigres. Nos yeux se plongent dans la contemplation de cet admirable breuvage brun à base de houblon fermenté. « J’en suis », dit-il d’une indicible voix venue du tréfonds des âges balbutiants du neuvième art. Nous nous tournons vers lui pour exprimer notre gratitude éternelle. Trop tard, il est déjà reparti (ça aussi, c’est très agaçant). Nous ne le revîmes que la veille du bouclage lorsqu’il vint nous remettre ses articles impeccablement rédigés dans un style percutant. C’est-à-dire au moment où j’écris ces lignes alors que la caféine parvient à peine à remplir le fossé creusé par le manque de sommeil. Ce premier numéro n’aurait pas été possible sans : Julie Bordenave, dont les conseils avisés lui vaudront une statue érigée de nos mains à partir d’or et de platine, et Simon Brochard pour une man- gattitude que les anges et les démons réunis en chœur chanteront pour l’éternité. La plume rapide de Lionel B, Nicolas Golovanow et Julien-F Verscheure deviendra une légende lorsque l’histoire aura oublié nos noms. Un dernier café et au lit. Tous droits réservés pour tous pays. L’utilisation ou la reproduction, même partielle, de toute information ou photographie publiée dans le magazine est interdite. Le magazine décline toute responsabilité pour tous manuscrits, planches et photos qui lui sont envoyés. L’envoie de documents au magazine implique l’accord de l’auteur pour leur libre publication. La rédaction n’est pas responsable des documents envoyés qui n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

Trame 9 n°1, le webmagazine culturel sur la BDexcerpts.numilog.com/books/9782917713150.pdf · Je ne suis PAS irascible !!! Numéro 1 – Mensuel – Octobre 2007 ISSN : 1961-8522

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Je ne suis PAS irascible !!!

Numéro 1 – Mensuel – Octobre 2007 ISSN : 1961-8522Trame 9 est une publication Foolstrip, 80 rue des Haies – 75020 ParisTél : 01.55.25.75.62Email : [email protected] - [email protected] : 978-2-917713-15-0

Directeur de la publication : Vincent « Bosley » DemonsCo-rédacteurs en chef : Armelle « Miss Peste » Barré, Eric « Coffee & cigarettes » VidalRédaction : Julie « Je suis une fille du Sud » Bordenave, Lionel « un article, une phrase » Borde-nave, Simon« Karaté Kid » Brochard, Nicolas « Punisher » Golovanow, Julien-F « Kayoux » Verscheure, Vladi-« Karaté Kid » Brochard, Nicolas « Punisher » Golovanow, Julien-F « Kayoux » Verscheure, Vladi-« Karaté Kid » Brochard, Nicolas « Punisher » Golovanow, Julien-F « Kayoux » Verscheure, Vladimir « Qui ça ? » ZborodineTraducteurs : Mily « Shut the fuck up ! » Bersot, Florian« Gothic blondinet » DrieuxSecrétariat de rédaction : free and unpaid, help wanted !Iconographie : Armelle Barré ([email protected])Conception graphique : Émilie « Last but not least » RaguinCouverture : LedoubleIllustrations : Adjim Danngar, Didier Mada BD, Grégory LecourtCommunication, Partenariats, Publicité & Abonnements :Anthony « Ventrapatt » Maréchal ([email protected])

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On doit à la vérité que les événements qui suivent ne se sont pas déroulés par une nuit sans lune. C’est dommage, cela aurait posé l’ambiance. Lorsque Vincent, notre fantasque directeur de la publication nous a convoqué, mon irascible complice Armelle et votre facétieux serviteur, son bureau débordait d’une intense activité. Une radio cra-

chait un standard des années 80, deux solides gaillards accoudés au zinc discutaient des vertus comparées de deux incon-nus – nous apprendrons plus tard qu’il s’agissait d’une certaine Ségolène R et d’un certain Nicolas S – tandis que derrière le bar, un individu à qui nous devons tout ou presque préparait trois somptueuses bières brunes. Notre parfois très inquisiteur directeur demande alors à ma rigoureuse co-équipière et au sympathique auteur de ces lignes de lui décrire le projet sur lequel il nous a proposé, sans qu’il soit en fait possible de refuser, de cogiter.Trois brunes affriolantes sont déposées sur la table.Je n’ai pas encore bu ma première gorgée, celle qui donne de la contenance, que l’impulsivité verbale d’Armelle prend le dessus : « cela s’appellera Trame 9. On parlera de BD et de graphisme sans distinction de genre, de nationalité, de format ou de quoi que ce soit qui serve de cloison ». D’un signe de tête, l’imposant Vincent signifie qu’il attend que votre étourdi narrateur prenne la parole. Sitôt trois nouvelles pintes commandées, il poursuit : « on voit cela comme un magazine culturel. Quelque chose qui traite de la société par le prisme de la BD autant que de la BD elle-même ».Les quatre séduisantes pintes de brune déposées sur la table auraient dû mettre la puce à l’oreille aux vigilants gardiens de l’information de qualité qui aujourd’hui composent la rédaction. La silhouette non-euclidienne de Vladimir Zborodine sort de l’ombre (il fait cela tout le temps, c’est horripilant) et nous toise avec ce regard froid qui, quelques années auparavant, auraitconquis Sergio Leone et condamné Clint Eastwood à des années de vaches maigres. Nos yeux se plongent dans la contemplation de cet admirable breuvage brun à base de houblon fermenté. « J’en suis », dit-il d’une indicible voix venue du tréfonds des âges balbutiants du neuvième art. Nous nous tournons vers lui pour exprimer notre gratitude éternelle. Trop tard, il est déjà reparti (ça aussi, c’est très agaçant). Nous ne le revîmes que la veille du bouclage lorsqu’il vint nous remettre ses articles impeccablement rédigés dans un style percutant. C’est-à-dire au moment où j’écris ces lignes alors que la caféine parvient à peine à remplir le fossé creusé par le manque de sommeil.Ce premier numéro n’aurait pas été possible sans : Julie Bordenave, dont les conseils avisés lui vaudront une statue érigée de nos mains à partir d’or et de platine, et Simon Brochard pour une man-gattitude que les anges et les démons réunis en chœur chanteront pour l’éternité. La plume rapide de Lionel B, Nicolas Golovanow et Julien-F Verscheure deviendra une légende lorsque l’histoire aura oublié nos noms.

Un dernier café et au lit.

Tous droits réservés pour tous pays. L’utilisation ou la reproduction, même partielle, de toute information ou photographie publiée dans le magazine est interdite. Le magazine décline toute responsabilité pour tous manuscrits, planches et photos qui lui sont envoyés. L’envoie de documents au magazine implique l’accord de l’auteur pour leur libre publication. La rédaction n’est pas responsable des documents envoyés qui n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

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GIO : « La BD doit s’adapter »Gio a créé son blog en 2003. Quatre ans après, à seulement 20 ans, c’est un vétéran

qui a vu les blogs sortir de la marge pour devenir un phénomène de société. Sur son blog, expérimentations graphiques et théories sur l’art se mêlent pour nourrir une réflexion sans concession. Son analyse, volontiers critique, porte sur le potentiel non exploité de renouvellement de la bande dessinée.

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NEWS KIDS ON THE BLOG

Pourquoi as-tu créé ton blog ?C’est vraiment quelque chose de personnel où je ne cherche absolument pas à drainer une

audience maximale. Je cherche à me faire plaisir, à m’amuser. Je ne me force pas quand je n’ai rien d’intéressant à raconter ou que je n’ai pas envie de le mettre à jour. Certains blogueurs cherchent cer-tainement une reconnaissance et ont peut-être un but professionnel à terme. Ce n’est pas mon cas. Je cherche en effet à travailler dans la BD mais le blog, c’est autre chose.

Nombre de blogs sont, de l’aveu de leur créateur, à vocation professionnelle mais pas le tien. Tu ne refuserais pas une opportunité obtenue par ce biais tout de même ?

Non, cela dépend. S’il s’agit de se faire connaître sans faire de concession, d’accord. La course à l’affluence, qui existe dans certains cas et qui pousse à employer des techniques qui consistent à faire une certaine forme de publicité dans le seul but de générer du trafic, réduit la place disponible pour des blogs, moins lus mais peut-être plus intéressants. C’est un peu comme TF1 qui cherche l’audience à tout prix. Si on se place dans cette démarche, d’une part il faut l’assumer et d’autre part cela oblige à faire du racolage pour plaire au grand public. Ce n’est pas forcément cela qui m’intéresse le plus.

Tu parles de techniques qui s’apparentent à de la publicité. De quoi s’agit-il ? Il y a des thèmes qui sont racoleurs. Il y a aussi des techniques : par exemple, se contraindre mettre son blog à jour régulièrement même si l’on n’a rien à dire. Il y a également des formes qui attirent le grand public, qui peuvent consister, par exemple, à toujours faire la même chose, à proposer des séries, à laisser toujours un peu de suspens à la fin d’une note pour que les lecteurs attendent la suivante etc. Ce sont des manières de plaire, de fidéliser. Ce sont des techniques de vente, c’est du commerce.

Ce qui est intéressant dans ton blog, c’est justement la diversité de son contenu…J’ai aussi mes périodes où toutes mes BD sont réalisées dans le même style. Ensuite, du jour

au lendemain, je vais changer d’approche ou ne pas faire de BD et ne mettre que des illustrations, je vais arrêter la couleur et faire du noir et blanc. Comme je n’ai jamais considéré que c’était « un blog BD » (mais juste « mon blog »), parfois je ne vais mettre que du texte - des avis, mes opinions politiques ou même des théories sur l’art - ou alors des photos et plus récemment des vidéos. Certains lecteurs vont dire : « cela ne nous intéresse pas, nous ce qu’on préfère, c’est tes BD marrantes ». Je leur réponds : « tant mieux pour vous mais je ne cherche pas à plaire au public, je cherche juste à me faire plaisir ».

Tout à l’heure, tu t’es montré assez critique sur le concept de série. On peut concevoir une série comme une succession d’histoires complètes voire intégrer cette contrainte dans la narration.

Oui et certains aiment cela. En fait, tout dépend des objectifs de chacun, et de la façon dont chacun voit son blog. Nombre de blogueurs voient le leur comme une sorte d’album virtuel qui devient le support d’une œuvre, dans le but de l’éditer sur papier. Comme si c’était une consécration. Du coup, on voit des planches qui sont pensées comme sur papier et qui n’ont aucun intérêt spécial à être sur Internet. Enfin, je dis ça mais souvent c’est aussi mon cas. Á mon avis, le papier, ce n’est pas mieux, c’est juste différent. Pourtant, Internet offre des possibilités énormes : on peut repenser totalement la narration, la mise en page… Les mentalités vont évoluer avec les générations mais pour l’instant le web n’est pas encore perçu comme un support à part entière. C’est encore timide pour le moment.

l’autoportrait : © Gio, 2006