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© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 9AMC pratique � n°218 � mai 2013

MISE AU POINT

On croyait qu’en matière de préven-tion du risque cardiovasculaire par les statines, la messe était dite. Les

preuves apportées par « l’evidence based medicine » semblaient irréfutables. Hélas, depuis l’affaire du Médiator® ayant révélé les dysfonctionnements de notre système de santé, les patients sont inquiets et ne font plus crédit aux avis d’experts. La population prête une oreille attentive aux propos des dénonciateurs de scandales et des annonciateurs de catastrophes. C’est ainsi que s’est ouvert en place publique le procès du cholestérol et des statines :

« même l’homéopathie, la phytothé-rapie et l’acupuncture font mieux que les statines avec moins de complications et pour moins cher ! ». Polémique médiatique plus que controverse scientifique. Il importe cependant de ne pas se contenter de passer son chemin en haussant les épaules, mais de répondre aux inter-

rogations des médecins non spécialistes et aux inquiétudes des patients.

Retour sur le passé

Tout a commencé par la démonstration d’un bénéfice du traitement par statines en prévention secondaire, identique pour les diabétiques et les non diabétiques. L’étude 4 s [1] (1997) comportait 200 diabétiques et 4 242 non diabétiques. Le nombre de patients à traiter sur 5 ans pour éviter un événement cardiovasculaire majeur était seulement de 5. L’étude CARE [2] (1998) com-portait 586 patients diabétiques et 3 573 non diabétiques. Le nombre de patients à

traiter pendant 5 ans pour éviter un infarc-tus du myocarde était de 12. Puis en 2002, a été publié le méga essai HPS [3] comportant 5 963 diabétiques sur 20 536 patients (3 982 patients diabétiques étaient en prévention primaire et 1 981 en prévention secon-daire). Le traitement par 40 mg par jour de simvastatine pendant une durée de 5 ans, permit de réduire d’environ 25 % le risque d’infarctus mortels ou non mortels et d’ac-cidents vasculaires cérébraux (AVC) mor-tels et non mortels. Pour éviter un premier évènement cardiovasculaire majeur durant les 5 ans, il fallait traiter 21 patients diabé-tiques en prévention primaire et 22 en pré-vention secondaire. Résultat d’autant plus significatif qu’environ 17 % des patients du groupe interventionnel n’avaient pas pris le traitement par simvastatine alors que 17 % du groupe contrôle avaient au contraire pris un traitement par statines en violation du protocole. On attendait l’étude portant sur une population exclusivement diabé-tique de type 2 en prévention primaire. Ce fut l’étude CARDS [4] (2004) réalisée chez 2 838 patients comparant 10 mg d’ator-vastatine à un placebo. Pour être inclus, les patients devaient avoir un LDL cholestérol inférieur à 1,60 g/l car on considérait qu’il n’était plus éthique de ne pas prescrire un traitement par statine à un patient diabé-tique ayant un LDL cholestérol supérieur à 1,60 g/l. Les patients devaient de plus avoir un marqueur ou un facteur de risque car-diovasculaire parmi les suivants : rétinopa-thie, albuminurie, tabagisme, hypertension (≥ 140/90 mm Hg). Le critère principal de jugement était un critère combiné compre-nant les événements coronariens aigus, les revascularisations coronariennes, et les AVC.

A. GrimaldiProfesseur émérite, Service de diabétologie-métabolisme, Groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière, [email protected]

La prévention primaire par les statines du risque cardiovasculaire des diabétiques : un mauvais procès en place publique

« Répondre aux interrogations des médecins et aux inquiétudes des patients ».

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La réduction du risque relatif de survenue d’un accident cardiovasculaire fut de 37 %, avec 27 patients à traiter pendant 4 ans pour éviter un accident. Si on ne prenait en compte que les accidents coronariens aigus et les accidents vasculaires cérébraux sans retenir les gestes de revascularisation coro-narienne, il fallait traiter 23 patients pen-dant 4 ans pour éviter un événement.

Les chiffres ne mentent pas mais leur interprétation varie

L’accusateur public critique les critères com-binés et propose d’analyser chaque classe d’événements séparément. Ainsi, il juge que l’étude CARDS est négative, car la réduction de la mortalité cardiovasculaire n’a été que de 34 % (29 vs 19 décès cardiovasculaires – n.s.) et celle de la mortalité toute cause que de 27 % (n.s. p = 0,059). Pourtant, en raison du résultat positif sur la survenue d’événe-ments cardiovasculaires composant le cri-tère principal de jugement, l’étude avait été interrompue prématurément après une durée moyenne de 3,9 ans.La négativité de deux études est mise en avant par l’accusation.• L’étude ALLHAT [5] portant sur 10 355

patients hypertendus ayant un autre fac-teur de risque cardiovasculaire avec dans 35 % des cas un diabète de type 2, compa-rait la pravastatine à un placebo pendant un suivi de 4,8 ans. Les résultats de cette étude furent négatifs. Cette négativité s’expli-quait notamment par la « contamination » du groupe contrôle, si bien que la diffé-rence de LDL cholestérol entre les groupes était faible : réduction de 28 % dans le groupe pravastatine versus 11 % dans le groupe contrôle, soit 104 ± 29 mg/dl de LDL cholestérol dans le groupe prava statine ver-sus 121 ± 34 mg/dl dans le groupe contrôle.

• De même l’étude ASPEN [6], portant sur 2 400 diabétiques de type 2 dont 20 % en prévention secondaire et 80 % en préven-tion primaire, comparant 10 mg d’atorvas-tatine à un placebo pendant une période de 4 ans, a été négative malgré une réduction du risque relatif des infarctus du myocarde de 27 %. Cette négativité s’expliquait par un

changement de protocole en cours d’étude, et surtout par le nombre des retraits de consentement et des sorties d’étude, soit 274 dans le groupe ator vastatine et 369 patients dans le groupe placebo.

Concordances des diverses méta-analyses

Une méta-analyse [7] rassemblant 14 études randomisées portant sur 18 686 patients diabétiques de type 2, dont 37 % en pré-vention secondaire, 63 % en prévention primaire, confirme l’efficacité du traitement par statines avec une réduction de la mor-talité toute cause de 9 %, de la mortalité cardiovasculaire de 13 %, et une réduction de 21 % d’événements cardiovasculaires majeurs pour chaque mmol de LDL cho-lestérol en moins. Finalement, selon cette analyse, il suffit de traiter pendant 5 ans 24 patients pour éviter un événement car-diovasculaire majeur.Une deuxième méta-analyse récente [8] réalisée par la COCHRANE Collaboration, portant sur 18 études rassemblant au total 56 934 patients en prévention primaire (non diabétiques et diabétiques) a montré une réduction significative de 14 % de la mor-talité toutes causes, de 25 % de la morta-lité cardiovasculaire, et de 38 % du taux de revascularisation coronaire. Trois études (AFCAPS/TEXCAPS, CARDS, JUPITER), incluses dans cette méta-analyse, ont été arrêtées prématurément en raison du bénéfice enre-gistré sur le critère composé choisi comme critère principal de jugement. Le nombre de patients à traiter pendant 5 ans est de 96, pour éviter une mort toute cause, de 56 pour éviter un événement coronarien fatal ou non, et de 35 pour éviter un événe-ment cardiovasculaire. Les auteurs concluent « l’affirmation selon laquelle les statines ne sont pas bénéfiques en prévention primaire, en terme de mortalité toute cause, ne peut plus être défendue ».En 2012, a été publiée une méta- analyse ras-semblant des essais de prévention primaire réalisés exclusivement chez les patients diabé-tiques de type 2 [9]. Elle comprenait 7 études portant sur 12 711 patients. Le nombre de

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patients à traiter pendant en moyenne 4 ans pour éviter un événement cardiovasculaire majeur était de 30. Toutefois, la diminution de la mortalité toute cause n’atteignait pas la significativité.La cause semblait entendue. Pas pour l’ac-cusateur public. Il récuse par principe toute méta-analyse et fait remarquer que le nombre de patients à traiter est important. Pour augmenter le nombre, il suffit en effet d’exprimer la réduction du risque absolu par année de traitement et non pendant la durée de l’étude. Trente patients à traiter pendant 5 ans, c’est 150 patients à traiter pendant 1 an. Et seulement pour éviter un événe-ment cardiovasculaire majeur ! Conclusion : 149 patients ont été traités pendant un an pour rien ! D’ailleurs, s’il faut regrouper dans des méta-analyses plus de 10 000 patients pour démontrer un effet, c’est que cet effet est en réalité bien faible, voire dérisoire !

L’étude Steno 2

A cet argument imparable sur l’existence d’une relation inverse entre le nombre de patients à inclure et l’importance du béné-fice attendu en terme de santé publique, les diabétologues opposent volontiers l’étude Steno 2 réalisée par l’équipe du Steno Memorial Hospital de Copenhague [10, 11]. Cette étude monocentrique, randomisée, a inclus seulement 160 diabétiques de type 2 microalbuminuriques. Elle a comparé pen-dant 8 ans, 80 patients traités selon les recommandations officielles à 80 patients ayant bénéficié des traitements plus inten-sifs de leurs différents facteurs de risques cardiovasculaires. Au bout de 8 ans, le trai-tement intensif a entraîné une réduction des complications cardiovasculaires et de microangiopathie d’environ 50 %, mais la réduction de mortalité n’atteignait pas la significativité. Les patients de l’étude ont été suivis par la même équipe pendant encore 5 ans, avec cette fois un traitement intensif identique pour les deux groupes. Au terme des 13 ans (8 ans d’étude rando-misée + 5 ans de suivi), il suffisait de traiter 8 patients pour éviter une mort cardiovas-culaire et 5 patients pour éviter une mort

toute cause. Cette étude est particulière-ment intéressante parce qu’elle reflète la pratique clinique comportant un traite-ment multifactoriel prolongé pendant de nombreuses années. Si on examine les dif-férences entre les deux groupes au bout des 8 ans d’étude randomisée, on observe une différence significative d’HbA1c (7,9 % dans le groupe intensif vs 9 % dans le groupe conventionnel) bien que le pour-centage de patients insulino-traités et les doses d’insuline fussent identiques dans les deux groupes. La pression artérielle était significativement plus basse dans le groupe traitement intensif (131/73 mm Hg vs 146/78 mm Hg), 97 % du groupe traite-ment intensif bénéficiaient d’un traitement inhibant le système rénine angiotensine vs 70 % des patients du groupe contrôle, 87 % des patients traités intensivement prenaient de l’aspirine versus 56 % des patients trai-tés conventionnellement. La différence de loin la plus importante portait sur le traite-ment par statine, puisque 85 % des patients du groupe intensif étaient traités par sta-tine contre 22 % du groupe conventionnel, avec un LDL cholestérol de 83 mg/dl pour le groupe traitement intensif versus 126 mg/dl pour le groupe traitement conventionnel. Cinq ans plus tard, les deux groupes traités identiquement avaient un taux de LDL cho-lestérol semblable, respectivement de 71 et 77 mg/dl. Les auteurs concluent « le traite-ment par statines et par antihypertenseurs semble avoir eu l’effet le plus important sur la réduction du risque cardiovasculaire pendant les 8 ans de l’étude randomisée ». Ils insistent sur la temporalité différente du bénéfice selon les facteurs de risques cardio-vasculaires. La baisse de la pression artérielle a des effets mesurables en quelques mois, la baisse du LDL cholestérol ne devient signifi-cative qu’après 1 à 2 ans voire plus. Quant à l’effet bénéfique du traitement hypogly-cémiant, il nécessite pour se manifester un temps nettement plus long avec en revanche un effet rémanent, véritable « mémoire de l’hyperglycémie ». A nouveau, l’accusateur récuse cette étude, estimant que son résul-tat spectaculaire ne doit rien aux statines mais tout à l’amélioration de l’hypertension et à la réduction de l’hyperglycémie.

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vaient une statine contre 48 % dans l’étude ADVANCE et dont 76 % prenaient de l’aspirine contre 55 % dans l’étude ADVANCE. Bien que les critères d’inclusion fussent identique entre ces deux études, il est frappant de noter que la mortalité la plus faible a été celle du groupe contrôle de l’étude ACCORD, soit 1,14 % par an vs 1,92 % par an dans ADVANCE.Force est donc d’accepter les conclusions des méta-analyses [20] montrant pour une baisse d’un point d’HbA1c, une réduction des infarctus du myocarde mortels et non mortels d’environ 15 % après 5 à 10 ans.Le caractère le plus singulier du traitement hypoglycémiant est la rémanence pendant 10 ans du bon équilibre ou plutôt l’effet prolongé du mauvais équilibre glycémique initial, malgré sa correction ultérieure. Cette mémoire ne s’observe pas avec le traitement de l’hypertension artérielle [21]. Pour expli-quer une telle « mémoire de l’hyperglycé-mie », certains travaux suggèrent que l’hy-perglycémie n’est pas seulement responsable des complications de microangiopathie et d’athéro sclérose, mais aussi d’une artériosclé-rose caractérisée par la hyalinosclérose de la média aboutissant à la classique médiacalcose diabétique. L’hyperglycémie, par l’intermé-diaire de la glyco-oxydation et des produits terminaux de la glycation, accélèrerait en quelque sorte le vieillissement artériel physio-logique, comme cela a pu être démontré chez l’animal. On comprend mieux le vieil adage selon lequel « les artères du diabétique de type 2 ont l’âge du patient diabétique + l’âge du diabète » (ou plus exactement de l’hyper-glycémie). C’est ainsi qu’à la suite des travaux de S. Hafner [22], on a pu considérer qu’un diabétique de type 2 ayant plus de 10 ans de diabète avait un risque équivalent à celui d’un non diabétique en prévention secondaire.

Les données épidémiologiques

Ultime argument de l’accusation : « si les sta-tines étaient aussi efficaces, on enregistrerait une diminution de l’incidence des infarctus du myocarde et de la mortalité cardiovasculaire ». Il se trouve que la mortalité cardiovasculaire des diabétiques n’a pas diminué des années 1970 aux années 1980 aux USA [23]. Elle aug-

Le paradoxe du diabète

Le diabète est un facteur de risque cardio-vasculaire majeur avec une mortalité cardio-vasculaire multipliée par 2 à 2,5 chez l’homme, par 3 à 4 chez la femme, et ce quel que soit le risque cardiovasculaire absolu de la population non diabétique. Pourtant, on n’a jamais réussi à démontrer dans une étude randomisée, que la réduction de l’hyperglycémie permettait de réduire la survenue des infarctus du myocarde. Dans l’étude UKPDS [12], au bout de 8 ans, la réduction de l’HbA1c de 0,9 point par le trai-tement dit « intensif » entraînait une réduc-tion des infarctus du myocarde de 16 %, à la limite de la significativité (p = 0,052). Il fallut attendre les 9 ans suivant la fin de l’étude ran-domisée [13] pour que la réduction des infarc-tus du myocarde de 15 % devienne significa-tive (p = 0,01), alors même que l’HbA1c était devenue identique entre les deux groupes. L’UKPDS est une étude ancienne, à la métho-dologie critiquée. Trois études randomisées récentes n’ont pas réussi à montrer de réduc-tion significative des accidents cardiovasculaires majeurs, malgré une réduction de l’HbA1c de 1,1 point dans ACCORD [14], de 0,8 dans ADVANCE [15], de 1,5 dans VADT [16]. L’étude ACCORD a même dû être arrêtée au bout de 3 ans et demi en raison d’une mortalité cardio-vasculaire significativement augmentée, très vraisemblablement en raison du triplement de fréquence des hypo glycémies sévères et peut-être à la suite d’une prise de poids significa-tive des patients du groupe traitement inten-sif. On peut penser qu’on n’obtiendra jamais plus la preuve irréfutable du bénéfice cardio-vasculaire du contrôle de la glycémie [17-19]. En effet, il serait aujourd’hui parfaitement inéthique de tolérer une HbA1c supérieure à 8 % chez les patients d’un groupe contrôle, en raison du risque démontré de microangio-pathie sévère. De même, il serait inéthique de viser une HbA1c inférieure à 6 % chez les patients traités intensivement en raison d’un risque d’hypoglycémie sévère. De plus, il serait considéré comme inéthique que les patients diabétiques en prévention primaire mais à haut risque cardiovasculaire ne bénéficient pas d’un traitement par statines et par aspirine. C’était d’ailleurs le cas des patients du groupe contrôle de l’étude ACCORD, dont 88 % rece-

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donc de 9 %. Cette augmentation relative correspond à un diabète supplémentaire pour 250 patients traités pendant 4 ans, soit un risque beaucoup plus faible que le béné-fice cardiovasculaire observé.Des études [36, 37] retrouvent un risque faible ou nul pour la pravastatine 40 mg, un risque élevé avec un odd ratio de 1,25 pour la rosu-vastatine 20 mg et un risque intermédiaire pour l’atorvastatine. Il semble surtout exister un effet-dose [38, 39] avec un risque accru d’apparition d’un nouveau diabète pour les doses élevées de 12 % d’apparition d’un nou-veau diabète pour une amélioration du risque cardiovasculaire de 16 %. Par ailleurs, le méca-nisme reste discuté. Il pourrait être lié à une aggravation de l’insulino-résistance essentiel-lement musculaire [40]. Logiquement, l’appa-rition d’un diabète semble plus importante pour les personnes à risques : les personnes âgées ou celles présentant au moins deux fac-teurs du syndrome métabolique (IMC > 30, triglycérides > 1,50 g/l, hypertension artérielle > 140/90 mm Hg ou traitée, hyperglycémie à jeun non diabétique ou intolérance aux hydrates de carbone).La messe n’est donc pas totalement dite en ce qui concerne la dose optimale du traite-ment par statines en fonction du risque vas-culaire. C’est pourquoi certains auteurs, à partir de données pharmacologiques, propo-sent une dose alternée un jour sur deux [41]. Quoiqu’il en soit, ce débat important sur le risque d’apparition du diabète ne concerne pas vraiment les patients déjà diabétiques avant le début du traitement par statines.

Et l’observance ?

Le procès en place publique des statines laisse évidemment de côté la question essentielle de l’observance, alors que l’arrêt de traite-ment par statines est estimé à 25 à 30 % des patients au bout de 5 ans et de plus 50 % au bout de 10 ans [42]. Or, plusieurs études chez des patients à risque cardiovasculaire, qu’il s’agisse de patients ayant une maladie inflammatoire chronique comme une poly-arthrite [43] ou de patients coronariens [44], montrent que l’arrêt du traitement par sta-tines s’accompagne d’une augmentation de

mentait même chez les femmes diabétiques, alors qu’elle diminuait d’environ 30 % chez les non diabétiques. L’interprétation de cette discordance tenait au fait que les patientes diabétiques étaient victimes d’un sous trai-tement des facteurs de risques. Depuis les années 2000, on constate une nette amé-lioration avec une réduction de la mortalité cardiovasculaire au Canada [24], aux USA [25, 26], en Norvège [27] d’environ 40 %, résultat d’autant plus spectaculaire que paral-lèlement les prévalences de l’obésité et du diabète ont augmenté de façon importante. On attribue la réduction de la mortalité car-diovasculaire pour moitié aux progrès des traitements de l’infarctus du myocarde et des AVC, et pour moitié à la réduction des fac-teurs de risques [28]. Cette réduction concerne même plus fortement les patients diabétiques que les non diabétiques, même si les patients diabétiques gardent un sur-risque résiduel toujours deux à trois fois supérieur à celui des non diabétiques. Ce risque résiduel s’explique en partie par les anomalies spécifiques de la dyslipidémie des diabétiques avec persistance d’un taux de triglycérides élevés, d’un HDL cholestérol bas et d’une augmentation des LDL petites et denses athérogènes [29]. La réduction de ce sur-risque fait appel à deux stratégies : soit augmenter les doses de sta-tine, soit associer d’autres traitements hypo-lipémiants [30-33]. Cette dernière stratégie n’a montré jusqu’à présent qu’une efficacité limitée ou nulle.

L’effet diabétogène des statines modifie-t-il leur rapport bénéfice/risque ?

En effet, il est aujourd’hui bien établi que les statines augmentent l’incidence du diabète alors que l’étude WOSCOP de prévention car-diovasculaire primaire avec la pravastatine avait montré au contraire une prévention de l’apparition du diabète [34]. Ce risque dia-bétogène est faible. Une méta-analyse [35] regroupant 13 études randomisées portant sur 91 140 patients, a montré le développe-ment sur 4 ans de 4 278 nouveaux diabètes, soit 2 226 dans le groupe statines et 2 052 dans le groupe contrôle, une augmentation

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tiques de type 2 microalbuminuriques ou ayant un autre facteur de risque cardio-vasculaire associé comme l’hypertension artérielle. C’est le cas de 70 à 80 % des dia-bétiques de type 2 pour lesquels l’objectif de LDL cholestérol est inférieur à 1 g/l. Quant aux patients diabétiques ayant plusieurs fac-teurs de risques cardiovasculaires associés au diabète, ils doivent être considérés comme en prévention secondaire avec pour objectif un LDL cholestérol inférieur à 0,70 g/l.

Conflits d’intérêt : L’auteur déclare avoir reçu des honoraires pour des conférences ou des expertises des laboratoires intervenant en diabétologie : Novo, Lilly, Sanofi, MSD, Merck Serono, BMS, GSK, Astra Zeneca, Roche, Lifescan.

plus de 60 % des survenues d’infarctus du myocarde ou même de la mortalité cardio-vasculaire [45]. Bien que ces résultats soient faits après de multiples ajustements, il faut les interpréter avec prudence. On sait en effet que la non observance est en soi un fac-teur de mauvais pronostic, y compris quand il s’agit de la non observance d’un placebo.

Conclusion

Le verdict scientifique est sans appel. Le trai-tement par statines a démontré son effica-cité pour la réduction de la morbi- mortalité cardiovasculaire en prévention primaire des patients à hauts risques tels que les diabé-

En pratique : Le traitement par statines a démontré son efficacité pour la réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire en prévention primaire des patients à haut risque.

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