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Prise en charge de la paralysie faciale périphérique chezl’enfant

Management of peripheral facial nerve palsy in childrenB. TabarkiService de neuropédiatrie, département de pédiatrie, hôpital militaire, P.O Box 7897, Riyadh 11159, Arabie saoudite

Résumé

La paralysie faciale périphérique est une pathologie relativement fréquente qui exige une attitude diagnostique etthérapeutique spécifique. À côté de la paralysie idiopathique (paralysie de Bell ou a « frigore ») la plus fréquente,d’autres causes infectieuses, traumatiques, tumorales ou systémiques ne doivent pas être méconnues. La paralysie facialeidiopathique est la forme la plus fréquente des paralysies faciales mais reste un diagnostic d’élimination. Son pronostic estplus favorable chez l’enfant que chez l’adulte. Nous proposons ici de synthétiser les recommandations que l’on peutactuellement retenir pour l’enfant, tant en ce qui concerne la démarche diagnostique que le traitement de la paralysie facialepériphérique.� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Peripheral facial nerve palsy may (secondary) or may not have a detectable cause (idiopathic facial palsy or Bell’s palsy).Idiopathic facial palsy is the common form of facial palsy. It remains diagnosis by exclusion. The prognosis is more favourablein children than in adults. We present current diagnostic procedures and recommendations regarding treatment inchildren.� 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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1. INTRODUCTION

La paralysie faciale périphérique est une pathologie relative-ment fréquente qui exige une attitude diagnostique etthérapeutique spécifique. Son incidence est estimée à environ0,5 pour 1000 [1]. À côté de la paralysie idiopathique (paralysiede Bell ou a « frigore ») la plus fréquente, d’autres causesinfectieuses, traumatiques, tumorales ou systémiques ne doiventpas être méconnues. Le traitement sera donc dicté par l’étiologiede la paralysie. La prise en charge de la paralysie facialepériphérique (PFP) est bien codifiée chez l’adulte selon une revueCochrane récente [2–4] ; les études sont par contre peu

Adresse e-mail : [email protected].

http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.06.021

0929-693X/� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

concordantes chez l’enfant [5,6]. Nous proposons ici desynthétiser les recommandations que l’on peut actuellementretenir pour l’enfant, tant en ce qui concerne la démarchediagnostique que le traitement de la PFP.

2. CAUSE, MÉCANISME DE LA PARALYSIEFACIALE IDIOPATHIQUE

Le rôle d’une infection à herpès virus, et de la réactioninflammatoire qu’elle suscite, a été tout particulièrementévoqué sur la base d’études sérologiques et/ou virologiques [7].L’infestation serait due – dans 90 % des cas – à une réactivationd’un herpes virus (type 1) et du virus de la varicelle-zona. Cetteréaction inflammatoire, de par l’œdème qu’elle suscite dans une

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Tableau 1Les causes des paralysies faciales périphériques.

Paralysie faciale associée à un contexte infectieuxInfection otologiqueInfections générales

ZonaMaladie de LymeAutres/mononucléose infectieuse

Paralysie faciale associée à un contexte traumatiqueFracture du rocherParalysie faciale iatrogène (chirurgie de la fosse cérébrale postérieure,de l’oreille ou de la parotide)

Paralysie faciale tumoraleAutres

Le syndrome de Melkerson-RosenthalLe syndrome de Guillain-Barré

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portion du nerf où il manque d’espace pour pouvoir s’expandre(facial intrapétreux), entraînerait une compression du nerf.

3. DIAGNOSTIC

La démarche diagnostique devant une paralysie faciale doitrépondre à trois objectifs :� tout d’abord, il faut déterminer si la paralysie est d’origine

centrale (supranucléaire) ou périphérique (nucléaire ouinfranucléaire). La PFP touche toute l’hémiface, elle affectetant le facial supérieur qu’inférieur et s’accompagnefréquemment de signes non moteurs. Le déficit moteurfacial inférieur se traduit par un effacement du sillon naso-génien, un affaissement de la commissure labiale. La bouchedévie vers le côté sain lors du sourire et il est impossible degonfler les joues ou de siffler. Le déficit moteur facialsupérieur se traduit, au repos, par la présence d’un sourcilabaissé avec effacement des rides du front, un élargissementde la fente palpébrale. Le signe de Charles-Bell est typique etdiscriminant : lors de la tentative d’occlusion palpébrale, lapaupière supérieure se lève (nerf III) et le globe oculaireremonte vers le haut. Un signe important est l’inocclusionpalpébrale complète pendant le sommeil. Le signe de Souquesest utile en cas de paralysie faciale périphérique frustre :l’occlusion forcée des paupières est moins nette et les cilspeuvent paraître plus longs du côté atteint. La paralysiecentrale se traduit par des symptômes exclusivementmoteurs et prédomine nettement dans la partie inférieuredu visage, elle préserve la motricité frontale et est

Tableau 2Classification des paralysies faciales de House et Brackmann.

Grade Au repos À la mim

Tonus Symétrie faciale Spasme

I Normal Normale 0

II Normal Normale 0

III Normal Légère asymétrie 0 ou légeIV Normal Légère asymétrie + à +++V Déficient Asymétrie 0

VI Déficient Asymétrie 0

généralement associée à d’autres signes neurologiquescentraux ;� une fois le diagnostic de PFP établi, son caractère idiopathique

ne peut être retenu qu’après avoir éliminé (Tableau 1) uneparalysie faciale secondaire, particulièrement comme compli-cation d’une otite moyenne aiguë ou d’une otite chroniquecholestéatomateuse, qui nécessitent un traitementparticulier ; d’où l’importance d’un examen otoscopiqueprécis ; avec dispositif grossissant. Les paralysies zostériennes,qui elles aussi justifient un traitement spécifique, sont rares etde diagnostic clinique aisé. Quant aux paralysies facialestumorales, elles sont exceptionnelles ; en pratique cediagnostic n’est évoqué et des investigations entreprises qu’enl’absence de début de récupération clinique, au bout de trois àsix semaines, délai qui n’entraîne pas de perte de chances pourl’enfant. Plus généralement, le caractère secondaire d’une PF àdébut « pseudo idiopathique » doit être envisagé dans lessituations suivantes : aggravation secondaire d’une paralysiefaciale initialement incomplète ; apparition d’un autre signeneurologique quel qu’il soit, notamment d’une atteinte d’unautre nerf crânien ;� déterminer la sévérité de l’atteinte paralytique initiale

(Tableau 2) est important : elle constitue le point de repèrede la surveillance à court terme, elle influe à la fois sur ladécision d’investigations et sur la démarche thérapeutique.

3.1. Examens complémentaires

Faut-il pratiquer d’autres investigations que l’otoscopie ?� IRM : aucun travail n’a établi que l’IRM du nerf facial,

particulièrement dans son trajet intrapétreux, pouvait êtrecontributive dans la démarche décisionnelle, notammentdans la discussion d’une décompression chirurgicale ;� l’examen électrique n’a pas d’intérêt diagnostique au début ;

en l’absence de récupération au bout de 3 semaines, unexamen visant à tester la réponse à la stimulation du nerf nesemble pas avoir un intérêt pronostique robuste ;� une étude de l’évolution des sérologies anti-herpès virus,

visant à établir une réactivation virale récente, ne semble pasnon plus contribuer à la démarche thérapeutique, comptetenu notamment des délais de réponse ;� PFP et maladie de Lyme : la part des paralysies faciales dues à

la maladie de Lyme varie en fonction de l’incidence de cettedernière pour une région donnée. Une maladie de Lyme doitêtre évoquée devant une PFP sans cause évidente chez un

ique

Syncinésie Fermeture œil Mobilité

0 Normale Normale0 Normale 80 %

r 0 ou légères Avec effort 60 % + à +++ Incomplète 40 %

0 Absente 20 %0 Absente 0 %

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enfant avec des facteurs de risque ou des symptômessuggestifs (zone à risque, érythème chronique migrant, étatgrippal, fatigue, arthralgie, signes méningés. . .). Dans ces cas,il paraît nécessaire de réaliser une ponction lombaire afind’étayer le diagnostic par une recherche de synthèseintrathécale d’anticorps spécifiques, parfois plus précoceque dans le sérum [8].

4. STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES ETÉVOLUTION

Nous n’abordons ici que les paralysies faciales idiopathiques.Tous âges confondus, la récupération des paralysies facialesidiopathiques est complète dans 70 à 85 % des cas avec débutde récupération en quelques jours à 3 semaines et récupérationcomplète en 1 à 9 semaines voire plus. Le risque de récidive aété estimé à 5 % dans une étude [9]. Les séquelles peuvent êtrelimitées à une asymétrie faciale à la mimique forcée, mais, pourd’autres patients, elles sont plus importantes, avec uneasymétrie au repos, des syncinésies, des larmes de crocodile,un hémispasme facial, ou des séquelles psychologiques. Lesguérisons complètes sont plus fréquentes chez l’enfantque chez l’adulte [5,6]. La question posée est donc celle del’indication et du choix du traitement optimal pour réduirele risque de séquelles (Fig. 1).

4.1. Corticoïdes

La corticothérapie reste conseillée. Son but est de minimiserla réaction inflammatoire en réponse à l’infection viralesupposée.

- Soins Ocu lai res - Pre -Acy

- ou Vpen

- Kinésithéra pie- So- Kin

CONSULTATION PED IA

Deter miner la sév

Grade I -III

Fig. 1. Traitement d’une paralysie faciale idiopathique chez l’enfant.

Chez l’adulte, plusieurs essais randomisés montrent unbénéfice de la corticothérapie, en particulier dans les formessévères. Ainsi est observé un raccourcissement de la durée dessymptômes et une amélioration de la récupération finale. Leprotocole préconisé est : prednisone 1 mg/kg/j pour sept jourspuis schéma dégressif. Ce traitement doit être débuté au plustôt (dans les 48 h et au max avant 72 h) après l’apparition dessymptômes [2–4].

Chez l’enfant, les résultats des différentes études cliniquespubliées ne sont pas concordants. Une revue effectuée parPitaro et al. n’a pas montré de bénéfice net de lacorticothérapie [6]. La posologie est variable selon le protocoleutilisé. La plupart des études utilisent des posologies de l’ordrede 1 mg/kg/j de prednisone. Il faut signaler, cependant, que lesétudes incluses dans cette revue sont de faible puissance(niveau 1 et 2).

4.2. Antiviraux

La méta-analyse de plusieurs études randomisées ne montrepas de bénéfice net d’un traitement antiviral versus placebo,que ce soit en termes de récupération ou de syncinésies, tantchez l’adulte que chez l’enfant [10].

4.3. Combinaison corticoïdes et antiviraux

Cette combination pourrait être synergique. Selon deuxméta-analyses récentes portant sur la PFI de l’adulte, mais aussiincluant des enfants, l’ajout d’un traitement antiviral (valaci-clovir ou famaciclovir) à la corticothérapie semblait accélérer la

(Vue avant le s 72 h)

dnis one 1mg /kg/ j pen dant 7 j ours avec :clovir : 80 mg/kg/j (max 3200 mg/j) en 3 prise s

pen dant 5 jours al aciclovir (âge>12 ans) : 1000mg/j en 4 prises dant 7 jours

ins ocu lai resésithéra pie

TRIE OU ORL

érité

Grade IV-VI

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récupération de la paralysie et diminuer les syncinésies à quatremois [11,12].

4.4. Rééducation

Un traitement précoce par kinésithérapie, comprenant desmassages et un programme d’exercices faciaux, reste recom-mandé. Dans la méta-analyse de la revue Cochrane, cependant,seules quelques études de faible puissance montraient unbénéfice de cette pratique [13].

4.5. Soins oculaires

Ils sont primordiaux pour prévenir toute kératite ousécheresse de la cornée. Ils sont d’autant plus importants que lepronostic de la paralysie faciale paraît réservé et que l’onprévoit une récupération motrice tardive. Ils seront prescritsd’emblée, sous forme de larmes artificielles plusieurs fois parjour et de pommade ophtalmique à base de vitamine A pour lanuit. Tant que l’œil ne se ferme pas, sa protection sera, d’autrepart, assurée par le port de lunettes ou de monocle (jour) et parune compresse oculaire occlusive (nuit).

4.6. Autres moyens

Le traitement par vitamine B12 ne bénéficie pas de donnéessuffisantes dans la littérature pour faire partie du traitementsystématique de la paralysie faciale idiopathique.

La décompression chirurgicale, de même, est une approchecontroversée : la pratiquer précocement n’est guère réaliste,compte tenu du pronostic spontané majoritairementfavorable ; pratiquée secondairement, en cas d’absence derécupération, elle risque le plus souvent d’arriver trop tard. Deplus, elle comporte un risque non négligeable de surdité [14].

L’électrostimulation n’a pas fait la preuve d’effets bénéfiqueset n’est plus recommandée.

5. CONCLUSION

La paralysie faciale idiopathique dite de Bell est la forme laplus fréquente des PFP. Son pronostic est plus favorable chezl’enfant que chez l’adulte. Chez l’adulte, un traitement parcorticoïdes (prednisone) et antiviral (valaciclovir) est utile etaméliore la récupération complète. Chez l’enfant cetteévidence n’est pas claire. En pratique, cette association peutêtre recommandée dans les formes sévères (> grade III) et vuesdans les trois premiers jours.

DÉCLARATION D’INTÉRÊTS

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Remerciements

Nous tenons à remercier le professeur Pierre Landrieu,CHU de Bicêtre, pour ses conseils pour la rédaction de cetarticle.

RÉFÉRENCES

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