8
Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein Sentinel node technique in breast cancer M. Benamor *, C. Nos, P. Fréneaux, K.B. Clough Département d’imagerie médicale, service de chirurgie générale à orientation sénologique, service d’anatomopathologie, Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris, France MOTS CLÉS Cancer du sein ; Ganglion sentinelle ; Lymphoscintigraphie mammaire ; Micrométastase ; Curage ; Immunohistochimie KEYWORDS Breast cancer; Sentinel lymph node; Breast lymphoscintigraphy; Micrometastasis; Axillary lymph node dissection; Immunohistochemistry Résumé La technique du ganglion sentinelle permet de proposer un traitement conser- vateur des ganglions de l’aisselle chez des patientes présentant un cancer du sein de petite taille. Le principe de la technique est de ne prélever qu’un ganglion, dit « senti- nelle », qui reflète de manière fiable le statut ganglionnaire de l’aisselle. Le repérage de ce ganglion nécessite son marquage préalable par un produit lymphophile (colorant et/ou isotope). L’objectif essentiel est de diminuer la morbidité du membre supérieur liée au curage axillaire. Cette technique multidisciplinaire, associant la chirurgie, la médecine nucléaire et l’anatomopathologie, n’est pas encore validée dans ses effets à long terme, mais constitue une voie d’avenir dans la prise en charge des patientes qui pourront ainsi bénéficier d’un traitement mieux adapté à chaque cas. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract A conservative approach of axillary lymph nodes is now possible in women with small breast cancer since a sentinel lymph node technique has been developed. The concept of this technique is to examine only one particular lymph node, called “sentinel node”, which reflects accurately the nodal status of the axillary region of the arm. To be detected, this node has to be specifically marked using a lymphophilic tracer (blue dye and/or isotopes). The main objective is to decrease upper extremity morbidity related to traditional axillary dissection. Long-term effects of this multidisciplinary technique that involves surgeons, nuclear medicine physicians, and pathologists, remain insufficiently evaluated. However, this promising procedure should significantly improve patients management, allowing a treatment specifically adapted to each case. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Introduction La technique du ganglion sentinelle (GS) dans les cancers du sein a été décrite initialement en 1993 par Krag et Weaver. 1 Elle constitue une alternative au curage axillaire standard pour l’évaluation du statut ganglionnaire des patientes présentant un cancer du sein invasif de petite taille. 2,3,4 Concept Le concept de prélèvement du GS est basé sur la diffusion progressive de l’atteinte ganglionnaire. La technique consiste à injecter un traceur lympho- phile (isotope et/ou colorant) au contact de la * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Benamor). EMC-Gynécologie Obstétrique 1 (2004) 68–75 www.elsevier.com/locate/emcgo © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcgo.2004.02.001

Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

Technique du ganglion sentinelle dans les cancersdu sein

Sentinel node technique in breast cancer

M. Benamor *, C. Nos, P. Fréneaux, K.B. CloughDépartement d’imagerie médicale, service de chirurgie générale à orientation sénologique, serviced’anatomopathologie, Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris, France

MOTS CLÉSCancer du sein ;Ganglion sentinelle ;Lymphoscintigraphiemammaire ;Micrométastase ;Curage ;Immunohistochimie

KEYWORDSBreast cancer;Sentinel lymph node;Breastlymphoscintigraphy;Micrometastasis;Axillary lymph nodedissection;Immunohistochemistry

Résumé La technique du ganglion sentinelle permet de proposer un traitement conser-vateur des ganglions de l’aisselle chez des patientes présentant un cancer du sein depetite taille. Le principe de la technique est de ne prélever qu’un ganglion, dit « senti-nelle », qui reflète de manière fiable le statut ganglionnaire de l’aisselle. Le repérage dece ganglion nécessite son marquage préalable par un produit lymphophile (colorant et/ouisotope). L’objectif essentiel est de diminuer la morbidité du membre supérieur liée aucurage axillaire. Cette technique multidisciplinaire, associant la chirurgie, la médecinenucléaire et l’anatomopathologie, n’est pas encore validée dans ses effets à long terme,mais constitue une voie d’avenir dans la prise en charge des patientes qui pourront ainsibénéficier d’un traitement mieux adapté à chaque cas.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract A conservative approach of axillary lymph nodes is now possible in women withsmall breast cancer since a sentinel lymph node technique has been developed. Theconcept of this technique is to examine only one particular lymph node, called “sentinelnode”, which reflects accurately the nodal status of the axillary region of the arm. To bedetected, this node has to be specifically marked using a lymphophilic tracer (blue dyeand/or isotopes). The main objective is to decrease upper extremity morbidity related totraditional axillary dissection. Long-term effects of this multidisciplinary technique thatinvolves surgeons, nuclear medicine physicians, and pathologists, remain insufficientlyevaluated. However, this promising procedure should significantly improve patientsmanagement, allowing a treatment specifically adapted to each case.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

La technique du ganglion sentinelle (GS) dans lescancers du sein a été décrite initialement en 1993par Krag et Weaver.1 Elle constitue une alternativeau curage axillaire standard pour l’évaluation du

statut ganglionnaire des patientes présentant uncancer du sein invasif de petite taille.2,3,4

Concept

Le concept de prélèvement du GS est basé sur ladiffusion progressive de l’atteinte ganglionnaire.La technique consiste à injecter un traceur lympho-phile (isotope et/ou colorant) au contact de la

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Benamor).

EMC-Gynécologie Obstétrique 1 (2004) 68–75

www.elsevier.com/locate/emcgo

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcgo.2004.02.001

Page 2: Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

tumeur. La diffusion du traceur dans les lymphati-ques du sein permet l’identification du ganglion dit« sentinelle » qui est le premier ganglion drainant latumeur mammaire et donc le premier relais lym-phatique potentiellement métastatique.1 Ceconcept est différent de celui du curage axillairequi consiste à prélever une dizaine de ganglionsdans une zone anatomique précise correspondantapproximativement aux niveaux I et II de Berg. Cecurage est pleinement justifié chez les patientesN+. Cependant, pour les patientes N-, il ne sertqu’à vérifier l’absence d’envahissement ganglion-naire. Parallèlement, le curage axillaire induit unemorbidité non négligeable, qu’il s’agisse de morbi-dité immédiate (lymphocèle, limitation des mouve-ments de l’épaule...) ou à long terme (douleurschroniques parfois invalidantes, lymphœdème ou« gros bras »). Chez les patientes N-, qui représen-tent 70 % des petites tumeurs T1 du sein, lesséquelles d’un curage sont particulièrement regret-tables : c’est donc pour cette population qu’a étédéveloppé il y a une dizaine d’années, le conceptdu ganglion sentinelle.1,4

Comparaison ganglion sentinelle versuscurage

L’objectif de cette technique est d’obtenir uneinformation aussi fiable sur le statut ganglionnairequ’un curage axillaire. La comparaison GS-curagerepose sur deux critères : le taux d’identificationdu GS et le taux de faux-négatifs.La difficulté de l’évaluation réside dans l’exis-

tence de nombreuses variations de la technique duGS, portant notamment sur les indications, le typede traceurs, les doses injectées, les sites d’injec-tion et l’expérience du chirurgien, tandis que latechnique du curage est standard, basée sur desrepères anatomiques.

Taux d’identification du GS

L’idéal serait de pouvoir mettre en évidence un GSdans tous les cas, ce qui correspond à un tauxd’identification de 100 %. Quel que soit le traceurutilisé, on retrouve des taux d’identification éle-vés, mais les recommandations actuelles pour l’ob-tention d’un taux d’identification optimal sontl’utilisation d’une méthode combinée avec deuxtraceurs (isotopes + colorant bleu), l’utilisationd’un seul traceur demeurant possible pour les équi-pes expérimentées.5

Taux de faux-négatifs

Le calcul du taux de faux-négatifs n’est possibleque dans les études où le prélèvement du GS a étéimmédiatement complété par un curage axillaire. Ils’agit de calculer le pourcentage d’erreur de latechnique où le chirurgien a prélevé un GS in-demne, alors que le reste du curage contient un ouplusieurs ganglions métastatiques.6

Taux de faux-négatifs (%) = Nombre de faux-négatifs/Nombre de vrais-positifs (GS métastatiqueou micrométastatique) + Nombre de faux-négatifs.L’objectif est d’obtenir une corrélation parfaite

entre le résultat du GS et celui du curage, c’est-à-dire un taux de faux-négatifs de 0 %.Le risque de faux-négatifs constitue le principal

obstacle à la diffusion et à l’acceptation par tous dela technique du GS dans les cancers du sein. Eneffet, bien que certaines séries unicentriques aientfait état de taux de faux-négatifs très faibles, voirenuls, les études multicentriques trouvent toutes untaux de faux-négatifs proche de 10 %, difficilementacceptable dans le cadre d’une pratique générali-sée (Tableau 1).3,7,8,9,10,11

De nombreux articles ont décrit des variationstechniques afin d’améliorer la fiabilité des prélève-

Tableau 1 Taux d’identification et de faux-négatifs.

N Technique Taux d’identification(%)

Taux faux-négatifs(%)

Études unicentriquesGiuliano4 1re série 174 B 66 12Giuliano7 2e série 107 B 93 0Veronesi2 163 I 97 5Bobin8 243 I+B 100 5,7I. Curie16 324 B 76 2,2Études multicentriquesKrag3 443 I 93 11,4Tafra9 533 I+B 87 13Bergkvist10 498 I+B 90 11

I : isotope; B : bleu.

69Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

Page 3: Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

ments. Le seul consensus actuellement admis est lanécessité pour le chirurgien de s’astreindre à lapratique d’une courbe d’apprentissage, c’est-à-dire réaliser, pour des tumeurs N0, un prélèvementdu GS et un curage axillaire dans le même tempsopératoire, en utilisant les modalités de détectionpropres au plateau technique dont il dispose. Cettesérie prospective doit comporter au moins 10 pa-tientes N+ (soit un minimum de 30 patientes), avec1 à 3 GS au maximum par prélèvement et un totald’au moins 10 ganglions prélevés (GS + curage) parpatiente. Le taux d’identification doit être supé-rieur à 90 % et le taux de faux-négatifs inférieur à5 %.5

Protocole de l’Institut Curie

Critères d’inclusion

Actuellement (2003), nous proposons systémati-quement un prélèvement du GS dans les cas sui-vants :

• absence d’atteinte clinique axillaire : N0 ;• tumeur de petite taille T1, palpable ou non ;• tumeur unifocale ;• cancer infiltrant dont le diagnostic a été faitavant l’intervention (par micro- ou macrobiop-sie) : on doit idéalement pratiquer le prélève-ment du GS sur une tumeur en place, ce quiexclut toute biopsie chirurgicale préalable ;

• pas de chimiothérapie néoadjuvante ou d’irra-diation première ;

• sein et aisselle n’ayant pas fait l’objet d’unechirurgie préalable.Une information écrite estremise à la patiente, expliquant le caractèreoptionnel de la technique, le risque d’échecd’identification du GS, le risque de faux-négatifs, et la recommandation de reprise chi-rurgicale en cas d’envahissement du GS (micro-ou macrométastase, ou cellules immunomar-quées).

Critères de non-inclusion

• Atteinte axillaire ganglionnaire clinique : N1 ;• tumeurs T2, T3, T4 ;• tumeur multifocale ;• chirurgie préalable du sein ou de l’aisselle ;• traitements préopératoires (médical ou irra-diation) ;

• grossesse ;• allergies multiples (colorant bleu) ;• refus de la patiente.

Protocole scintigraphique

• Injection péritumorale la veille de l’interven-tion (18 heures avant) de 80 MBq (2,2 mCi) d’unradiopharmaceutique, constitué de nanocolloï-des technétiés, préparé dans le laboratoirechaud de médecine nucléaire avec contrôle durendement de marquage et respect des règlesde radioprotection.12

• Deux seringues contenant chacune 40 MBq(1,1 mCi) dans un petit volume de 0,2 ml sontmunies d’une aiguille adaptée à la profondeurde la lésion.

• Les injections sont réalisées aux pôles interneet externe de la tumeur, au niveau équatorial(Fig. 1).

• Massage du site des points d’injection.• En cas de tumeur infraclinique, les injectionsont lieu sous échographie ou sous mammogra-phie stéréotaxique, dans une unité de sénolo-gie interventionnelle autorisée à détenir desradioéléments artificiels (Fig.2).

• Une heure après injection, réalisation d’unelymphoscintigraphie mammaire en décubitusdorsal comprenant deux incidences, acquisesen mode statique (matrice 256 × 256) avecpré-temps de 10 minutes, face antérieure avecbras en abduction à 90 degrés sur repose-bras(position chirurgicale) et profil bras levé. Lagamma caméra est équipée d’un détecteurrectangulaire grand champ, muni d’un collima-teur parallèle, haute résolution, basse énergie.L’image enregistrée comprend la ligne mé-diane, la région mammaire et le creux axillaire(Fig. 3).

• Visualisation du drainage lymphatique tumoral(cartographie lymphatique), vérification despoints chauds à l’aide de la sonde de détectionisotopique (optionnel) et repérage à la peau du(ou des) GS (premier point chaud à proximitéde la tumeur), en position axillaire le plussouvent, ou parfois extra-axillaire (mammaireinterne). Si aucun ganglion n’est vu, une nou-velle série d’images est réalisée 2 heures aprèsinjection (Fig. 4).

• Application d’un logiciel de quantification desfixations tumorale et ganglionnaire, permet-tant de mesurer le niveau de fixation ganglion-naire, de l’ordre de quelques pour cent du sitetumoral (Fig. 5).

• Obtention d’un document scintigraphique dis-ponible dans le dossier médical de la patiente.

• En cas de chirurgie le jour même (2 heuresaprès l’injection), la dose est réduite de moitié(soit 2 fois 20 MBq [0,5 mCi]).

70 M. Benamor et al.

Page 4: Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

Protocole chirurgical

• Sous anesthésie générale, le chirurgien injecteen périphérie de la tumeur, 1 à 4 ml de bleupatenté (Laboratoire Guerbet, Villepinte,France) (Fig. 6).

• Après 5 à 10 minutes, correspondant à l’instal-lation de la patiente, l’intervention débute parle prélèvement du ganglion sentinelle :C repérage à la peau à l’aide de la sonde dedétection gamma ;

C incision horizontale dans l’aisselle en regarddu point chaud. En l’absence de point chaud,l’incision est réalisée à la limite basse de laligne de pilosité axillaire ;

C dissection soigneuse des canaux lymphati-ques sans les sectionner. Cette dissection,contemporaine au massage du sein, doit per-mettre d’individualiser un canal lymphati-que bleu dont le trajet sera suivi jusqu’à un

Figure 1 Injection d’isotopes (nanocolloïdes technétiés).

Figure 2 Injection d’isotopes sous échographie.

Figure 3 Patiente sous caméra.

Figure 4 Résultat scintigraphique.

Figure 5 Quantification de la fixation ganglionnaire.

71Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

Page 5: Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

ganglion que l’on voit se colorer progressive-ment en bleu. Ce ganglion est contrôlé àl’aide de la sonde gamma afin de mesurerson niveau de radioactivité (Fig. 7) ;

C prélèvement du ganglion repéré qui consti-tue le GS de premier niveau (Fig. 8). Onvérifie que ce ganglion est bien le ganglionsentinelle le plus bas situé sur le canal lym-phatique qui vient du sein. Il siège le plussouvent au contact du pédicule mammaireexterne ;

C poursuite de l’exploration de l’aisselle à larecherche d’un éventuel deuxième GS bleuet radioactif (si drainage en Y) et de GS dedeuxième niveau, c’est-à-dire situés au-dessus du ganglion sentinelle le plus bas ;

C vérification de l’activité résiduelle radioac-tive de l’aisselle qui doit être égale au bruitde fond et exploration digitale à la recherched’un ganglion dur qui sera systématiquementprélevé, même s’il n’est ni chaud, ni bleu.

• Un total de un à trois ganglions sentinelles estprélevé. Leur aspect et leur radioactivité exvivo sont notés par le chirurgien. Ils sont adres-sés en anatomopathologie pour un examen ex-temporané (Fig. 9). Si d’autres ganglions nonsentinelles (GNS) ont été prélevés, ils sontétiquetés comme tels, et sont analysés ulté-rieurement de façon standard.

• Le chirurgien débute ensuite la tumorectomie.Pour les tumeurs infracliniques, le repérage dela lésion peut être effectué à l’aide de la sondegamma (méthode ROLL, radioguided occult le-sion localization).

Protocole anatomopathologique

Analyse extemporanéeUn examen extemporané des GS est généralementeffectué. Cet examen est systématique en cas desuspicion macroscopique d’invasion. Une coupe

congelée est réalisée sur le GS de premier niveau àla recherche d’un envahissement carcinomateux :

• si négative : fermeture de l’aisselle ;• si positive : curage axillaire standard.

Analyse définitive différée des ganglionsTous les ganglions (GS et éventuels GNS) sont isolésà l’état frais par le médecin pathologiste. Chaqueganglion est fixé dans l’AFA (5 % acide acétique,

Figure 6 Injection peropératoire du bleu.Figure 7 Détection peropératoire à la sonde gamma.

Figure 8 Ganglion bleu in situ.

Figure 9 Ganglions préparés pour examen extemporané.

72 M. Benamor et al.

Page 6: Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

75 % éthanol, 18 % eau déminéralisée, 2 % formol).S’il mesure plus de 0,5 cm, le ganglion est coupé entranches d’épaisseur égale (deux ou plus pour lesplus volumineux) dans le sens de la longueur, etinclus en totalité dans la paraffine. Chaque blocd’inclusion ganglionnaire fait l’objet de quatre ni-veaux de coupe espacés de 150 lm chacun, avec àchacun des trois derniers niveaux, réalisation dedeux coupes (Fig. 10). La coupe du premier niveau,ainsi que la première de chacun des trois derniersniveaux, sont colorées par HES (hématéine-éosine-safran) à la recherche d’une métastase ou d’unemicrométastase (inférieure ou égale à 2 mm ;UICC).13

En cas de GS indemneEn cas de GS indemne d’envahissement sur cescoupes sériées colorées à l’HES, les deuxièmes cou-pes de chacun des trois derniers niveaux font l’ob-jet d’un immunomarquage dirigé contre la cytoké-ratine (KL1, Immunotech, Marseille, France)(Fig. 10). Les cellules détectées uniquement parimmunomarquage sont clairement individualiséesdans le compte-rendu du pathologiste comme « cel-lules immunomarquées » (Fig. 11). Toute patienteprésentant un GS métastatique, micrométastatiqueou seulement porteur d’une ou plusieurs cellulesimmunomarquées sera réopérée pour un curageaxillaire différé.14

Particularités techniques

Absence de détection d’un GS axillaire

En cas d’absence de détection d’un GS axillaire, uncurage axillaire doit être systématiquement prati-

qué car le GS peut s’avérer massivement métasta-tique, se comportant comme un obstacle à la mi-gration des traceurs lymphophiles.5

Détection d’un GS au bleu seul

Dans certains cas, on peut décider de prélever unGS repéré uniquement au bleu.Dans notre équipe, la technique au bleu seul est

indiquée pour des patientes non obèses (body massindex inférieur à 30), avec seins de taille petite oumoyenne (bonnets A, B, C) et tumeur en place.15

Dans ces cas précis, vérification de la couleurbleue du parenchyme ganglionnaire par une tiercepersonne (le médecin pathologiste) qui réalise uncontrôle de qualité confortant la fiabilité du prélè-vement ganglionnaire.16

Nombre de GS à prélever

Il est démontré qu’il est souhaitable de préleverdeux à trois GS axillaires plutôt qu’un seul.17 Tousles ganglions chauds et/ou bleus doivent être pré-levés.

Sites d’injection et taille du radiotraceur

Une injection au contact de la tumeur (péritumo-rale) ou une injection intratumorale permettent

1 12 23 3

150 µm

150 µm

150 µm

HES 1IHC 1

HES 2IHC 2

HES 3IHC 3

HES standard

Figure 10 Méthode d’étude histologique du ganglion sentinelleaxillaire.IHC : immunohistochimie ; HES : hématéine-éosine-safran.

Figure 11 Résultat histologique GS.A. Micrométastases.B. Cellules immunomarquées.

73Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

Page 7: Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

d’explorer l’intégralité du réseau lymphatique dedrainage.18

Au contraire, en raison de la physiologie du drai-nage lymphatique mammaire, une injection sous-cutanée, intra-/sous-dermique, ou périaréolaire nepermet d’analyser que le réseau lymphatique axil-laire.18

En France, il existe deux radiopharmaceutiquesdétenteurs de l’autorisation de mise sur le marché(AMM) :

• Nanocis® (Cis-bio International, Gif-sur-Yvette, France) : radiocolloïde le plus utilisé,de diamètre moyen de 100 nm, il offre unebonne capacité de rétention dans les structu-res ganglionnaires et lymphatiques qui sont detaille comparable.

• Nanocoll® (Nycomed Amersham SA, Saluggia,Italie) : plus rapide à préparer, mais issu dedérivés d’albumine humaine nécessitant unetraçabilité stricte, il présente un diamètre plusfaible de 80 nm donnant une vitesse de migra-tion plus rapide avec risque d’éclairage d’unplus grand nombre de ganglions.

GS de la chaîne mammaire interne

La mise en évidence des ganglions extra-axillairesnécessite de pratiquer des injections péritumora-les, de pratiquer une méthode combinée (isotopes+ bleu), de disposer des documents iconographi-ques lymphoscintigraphiques, d’utiliser des colloï-des de taille réduite à des doses suffisantes.19

Le prélèvement de ces ganglions peut être faitpar la voie de tumorectomie ou par incision sépa-rée. La sonde de détection gamma doit permettreun repérage ponctuel du site de façon à réaliser unechirurgie mini-invasive, ouverture d’un ou deuxespaces intercostaux sans effraction de la plèvre, nides vaisseaux mammaires internes.L’intérêt thérapeutique de ce prélèvement est

actuellement très discuté, et fait l’objet d’étudesen cours.20

Conclusion

La technique du GS s’est imposée comme une alter-native au curage axillaire dans les petits cancersunifocaux du sein, car elle permet d’alléger consi-dérablement la prise en charge de ces patientesdont le risque d’envahissement ganglionnaire estfaible. Elle permet par ailleurs une cartographielymphatique précise, en explorant les aires gan-glionnaires extra-axillaires.

Les premières analyses montrent que cette tech-nique est aussi fiable qu’un curage axillairelorsqu’elle est réalisée par des équipes multidisci-plinaires qui ont validé leur courbe d’apprentis-sage.

Sur le plan carcinologique, les analyses du tauxde récidive axillaire à moyen terme semblent dé-montrer que le prélèvement du GS n’induit aucunrisque de récidive supplémentaire par rapport à uncurage axillaire, dans des indications sélection-nées. Ces résultats devront cependant être confir-més par les études randomisées qui sont actuelle-ment en cours. Seules ces dernières permettrontd’établir la place exacte de cette nouvelle techni-que dans l’arsenal thérapeutique des cancers dusein.

Références

1. Krag DN, Weaver DL, Alex JC, Fairbank JT. Surgical resec-tion and radiolocalization of the sentinel lymph node inbreast cancer using a gamma probe. Surg Oncol 1993;2:335–340.

2. Veronesi U, Paganelli G, Galimberti V, Viale G, Zurrida S,Bedoni M, et al. Sentinel node biopsy to avoid axillarydissection in breast cancer with clinically negative lymph-nodes. Lancet 1997;349:1864–1867.

3. Krag D, Weaver D, Ashikaga T, Moffat F, Klimberg VS,Shriver C, et al. The sentinel node in breast cancer. Amulticenter validation study. N Engl J Med 1998;339:941–946.

4. Giuliano AE, Kirgan DM, Guenther JM, Morton DL. Lym-phatic mapping and sentinel lymphadenectomy for breastcancer. Ann Surg 1994;220:391–401.

5. Schwartz GF, Giuliano AE, Veronesi U, the consensus con-ference committee. Proceedings of the consensus confe-rence of sentinel node biopsy in carcinoma of the breastApril 19-22, 2001, Philadelphia, PA, USA. Cancer 2002;94:2542–2551.

6. Cody HS 3rd. Sentinel lymph node mapping in breast can-cer. Oncology 1999;13:25–34.

7. Giuliano AE, Jones RC, Brennan M, Statman R. Sentinellymphadenectomy in breast cancer. J Clin Oncol 1997;15:2345–2506.

8. Bobin JY, Spirito C, Isaac S, Zinzindohoue C, Joualee A,Khaled M, et al. Le marquage lymphatique et la biopsie duganglion sentinelle axillaire dans 243 cancers invasifs dusein sans ganglion palpable. Expérience du centre hospi-talier Lyon-Sud. Ann Chir 2000;125:861–870.

9. Tafra L, Lannin DR, Swanson MS, Eyk JJ, Verbanac KM,Chua AN, et al. Multicenter trial of sentinel node biopsy forbreast cancer using both technetium sulfur colloid andisosulphan blue dye. Ann Surg 2001;233:51–59.

10. Bergkvist L, Frisell J, Liljegren G, Celebioblu F, Damm S,Thorn M. Multicentre study of detection and false-negativerates in sentinel node biopsy for breast cancer. Br J Surg2001;88:1644–1648.

74 M. Benamor et al.

Page 8: Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein

11. McMasters KM, Wong SL, Chao C, Woo C, Tuttle TM,Noyes RD, et al. Defining the optimal surgeon experiencefor breast cancer sentinel node biopsy: a model for imple-mentation of new surgical techniques. Ann Surg 2001;234:292–299.

12. Maublant J, Cachin F, Mestas D, Geissler B. Le repérage duganglion sentinelle en médecine nucléaire. Bull Cancer2002;89:671–680.

13. International union against cancer (Union internationalecontre le cancer). 2003.

14. Fréneaux P, Nos C, Vincent-Salomon A, Genin P, Sigal-Safrani B, Al Ghuzlan A, et al. Histological detection ofminimal metastatic involvement in axillary sentinel nodes:a rational basis for a sensitive methodology usable in dailypractice. Mod Pathol 2002;15:641–646.

15. Nos C, Fréneaux P, Guilbert S, Falcou MC, Salmon RJ,Clough KB. Sentinel lymph node detection for breastcancer: which patients are best suited for the patent bluedye only method of identification? Ann Surg Oncol 2001;8:438–443.

16. Nos C, Fréneaux P, Louis-Sylvestre C, Hurren JS, Heitz D,Sastre-Garau X, et al. Macroscopic quality controlimproves the reliability of blue dye only sentinel lymphnode biopsy in breast cancer. Ann Surg Oncol 2003;10:525–530.

17. Wong SL, Edwards MJ, Chao C, Tuttle TM, Noyes RD,Carlson DJ, et al. Sentinel lymph node biopsy for breastcancer: impact of the number of sentinel nodes removedon the false negative rate. J Am Coll Surg 2001;192:684–691.

18. Nieweg OE, Estourgie SH, Valdes Olmos RA, Rutgers EJ,Hoefnagel CA, Kroon BB. Lymphatic mapping with traceradministration into the primary breast cancer. Eur J SurgOncol 2003;39:95–97.

19. Mariani G, Moresco L, Viale G, Villa G, Bagnasco M,Canavese G, et al. Radioguided sentinel lymph node biopsyin breast cancer surgery. J Nucl Med 2001;42:1198–1215.

20. Benamor M, Nos C, Fréneaux P, Clough K. Impact of inter-nal mammary sentinel node imaging in breast cancer. ClinNucl Med 2003;28:375–378.

75Technique du ganglion sentinelle dans les cancers du sein