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Conduite à tenir devant un état délirant Plan de la question I. Introduction « Ce n’est point le contenu de la pensée qui constitue le fou, c’est le jugement qu’il porte sur la valeur de ce contenu, la puissance illégitime que prend une pensée. » Paul Valéry Le délire fait partie de la symptomatologie psychiatrique le plus bruyant. Autant sa reconnaissance peut être facile, autant ce symptôme peut poser un problème de diagnostic étiologique. En effet, il peut se rencontrer dans plusieurs états de variétés pathologiques qu’il faut rechercher pour en adapter la prise en charge. Les états délirants peuvent constituer un facteur de dangerosité qu’importe d’évaluer. II. Définition Du terme latin Délirare : sortir du sillon. Le terme de délire à été introduit en psychiatrie pour définir des contenus de la pensée qui sont en dehors du sillon. Le mot sillon est une métaphore pour désigner les modes habituels des pensées communément admis. Le délire : croyance inébranlable en une ou plusieurs idées erronées en totale opposition avec la réalité ou l’évidence, ou encore une 1 I. Introduction II. Définition III. Caractérisation du délire 1. Ancienneté du délire 2. Mécanisme du délire 3. Thèmes du délire 4. Structure du délire 5. Réaction affective accompagnant le délire 6. Autres symptômes : IV. Diagnostic positif et conduite à tenir 1.Recherche et mise en évidence du délire 2. Les incontournables 3. Juger de la dangerosité du patient :

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Conduite à tenir devant un état délirant

Plan de la question

I. Introduction

« Ce n’est point le contenu de la pensée qui constitue le fou, c’est le jugement qu’il porte sur la valeur de ce contenu, la puissance illégitime que prend une pensée. » Paul Valéry

Le délire fait partie de la symptomatologie psychiatrique le plus bruyant. Autant sa reconnaissance peut être facile, autant ce symptôme peut poser un problème de diagnostic étiologique. En effet, il peut se rencontrer dans plusieurs états de variétés pathologiques qu’il faut rechercher pour en adapter la prise en charge. Les états délirants peuvent constituer un facteur de dangerosité qu’importe d’évaluer.

II. Définition

Du terme latin Délirare : sortir du sillon. Le terme de délire à été introduit en psychiatrie pour définir des contenus de la pensée qui sont en dehors du sillon. Le mot sillon est une métaphore pour désigner les modes habituels des pensées communément admis.

Le délire : croyance inébranlable en une ou plusieurs idées erronées en totale opposition avec la réalité ou l’évidence, ou encore une conception fausse de la réalité. Ces idées fausses sont affirmées avec une croyance absolue. Elles s’imposent comme une idée interne, non partagée avec le groupe socioculturel du sujet.

La conception fausse de la réalité constitue toute la difficulté de la définition. Avant d’affirmer qu’une idée est délirante, il faudra étudier le contexte socioculturel et rechercher si l’idée est partagée ou non avec l’environnement du sujet.

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I. Introduction II. Définition

III. Caractérisation du délire 1. Ancienneté du délire 2. Mécanisme du délire 3. Thèmes du délire 4. Structure du délire 5. Réaction affective accompagnant le délire 6. Autres symptômes :

IV. Diagnostic positif et conduite à tenir 1. Recherche et mise en évidence du délire

2. Les incontournables 3. Juger de la dangerosité du patient :4. Diagnostic différentiel 5. Conduite à tenir

V. Conclusion

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III. Caractérisation du délire

Selon la durée, le mécanisme, la thématique et la structure est un temps essentiel à la démarche diagnostique.

1. Ancienneté du délire

Syndrome délirant aigu (durée est inférieure à 6 mois)

Syndrome délirant chronique(durée est supérieure à 6 mois)

Organique - Syndrome confusionnel- Prise de toxiques

Organique - Syndrome démentiel - Délire post-confusionnel- Délire post-encéphalitique- Délire chronique des alcooliques

Psychiatrique - Bouffée délirante aigue - Manie délirante- Mélancolie délirante- Exacerbation d’une psychose

chronique

Psychiatrique - Schizophrénie- Délire paranoïde- Psychose hallucinatoire chronique- Délire paraphrénique

2. Mécanisme du délire

Les mécanismes du délire sont les processus grâce auxquels l’idée délirante se construit, s’élabore, s’organise. Ils peuvent être uniques comme dans les délires systématisés ou multiples.

2.1 Intuition Idée fausse, admise sans vérification, ni raisonnement logique, en dehors de toute donnée objective ou sensorielle. Exemple : vous dites que vous êtes le prophète Mohamed ? Comment le savez-vous ? - je le sens, j’en suis convaincu, ça ne s’explique pas.Ce mécanisme est rarement isolé, il est souvent associé à d’autres mécanismes

2.2 Interprétatif Explication erronée d’une perception exacte. Exemple : La voisine étend sa lessive au balcon lorsque je passe dans la rue ; c’est pour faire signe a ceux qui m’épient

2.3 Imaginatif Invention, fabulation où l’imagination est au premier plan. Le plus souvent, le patient est l’acteur principalExemple : je suis la reine des étoiles. L’empire galactique est mon royaume. J’ai visité Neptune.

2.4 Illusion Perception déformée d’un objet réel, non reconnu comme une erreur (à la différence d’une illusion optique). Elle peut être

- Olfactive : sentant une odeur de cuisine : je sens la pourriture dans mon corps- Visuelle : regardant une chaise : que fais le chien à l’hôpital ?- Auditive : entend le tic-tac d’une montre, il entends à la place : tu es con, tu es con- Cénesthésique : suite à ses gargouillement de l’estomac : c’est la bête qui veut sortir

2.5 HallucinationPerception sans objet à percevoir avec conviction intime et absolue de la sensation perçue.

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On distingue deux types d’hallucinations :- Psychosensorielles : caractérisée par sa spatialité (objet perçu est à l’extérieur du

sujet) et sa sensorialité (perçu par les organes des sens) Auditives : sons, sifflements, musique, voix.. perçus par l’oreille et non par la

pensée Visuelles : animaux, fumées, visage. Peuvent être mobiles ou immobiles Olfactives, gustatives : avec prédominance des sensations désagréables

(œufs pourris, cadavres…) Tactiles : piqûre, froid, chaud. Cénesthésique : sensibilité proprio et intéroceptives. Peut être localisée

(lourdeur, allongement, sentiment de pénétration génitale) ou généralisée (transformation corporelle).

- Psychique : représentations mentales sans intervention d’un appareil sensoriel et sans objectivation dans l’espace. Elles peuvent être :

Visuelles : images mentales… Auditives : patient reçoit par la pensée des voix, des conversations.

- Psychomotrices concernent surtout les membres et l’appareil phonatoire. L’émission des mots s’impose au sujet malgré lui. Il peut dialoguer avec les hallucinations.Au niveau des membres : le sujet a le sentiment qu’on mobilise des membres ; qu’on l’oblige à marcher.

- Syndrome d’automatisme mental de De Clérambault : échappement hors du contrôle de la volonté du sujet d’une partie de sa pensée. Cette pensée autonome rend le patient passif à son égard.

3. Thèmes du délire

Le thème est l’objet du discours, ce sur quoi il porte et qui frappe immédiatement à l’écoute d’un délirant : c’est son « roman ». Ils peuvent être tirés de la vie courante, fantastique, d’une pensée archaïque ou d’une vie imaginaire. Ils peuvent être uniques ou multiples.

3.1 Persécution : conviction absolue du sujet qu’on cherche à lui nuire, dans sa personne physique ou morale (réputation, famille….) ou dans ses biens (préjudice). Il constitue un des thèmes les plus fréquents et n’est pas spécifique.

3.2 Revendication : valeur sémiologique très importante. Se retrouve généralement dans les délires paranoïaques mais aussi dans les manies délirantes (filiation…)3.2.1 Processifs quérulents : le revendicateur part d’un grief réel ou qu’il croit réel. Ce grief

va occuper toute sa pensée. Suite à ce tort, ou à une perte d’un procès, il exige réparation par voie de justice.

3.2.2 Invention : revendication de la priorité de ses découvertes, souvent réelles, mais sans portée pratique.

3.2.3 Idéaliste : revendication d’une application d’une idéologie politique, religieuse, philosophiques…

3.2.4 Sinistrose (Brissaud) : revendication à la suite d’un préjudice corporel de ce qu’il croit lui être dû.

3.3 Hypochondrie : idée fausse concernant le corps et son fonctionnement. (nosophobie)3.3.1 Nosophobie délirante : conviction délirante d’être atteint d’une maladie. Elle est

souvent associée à des idées d’incurabilité.

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3.3.2 Hypochondriaques persécuteur : le sujet déclare avoir été mal soigné et en garder les séquelles. Les chirurgiens et les psychiatres sont souvent victimes de ce thème.

3.3.3 Transformation, métamorphose : sensation de changement de consistance, de formes…

3.3.4 Habitation, possession 3.3.5 Idées de négation

- Négation d’organe : je n’ai plus d’œsophage…- Négation de la personne, de son identité : je n’existe plus- Négation des facultés, de la pensée, des sentiments- Négation du monde extérieur : choses ou personnes détruites, mortes…

3.4 Mégalomanie, altruisme : impression d’être appelé à une destinée grandiose. La mégalomanie entraîne un sentiment d’euphorie et de satisfaction parfois remplacé par un vécu d’irritabilité lorsque l’entourage s’oppose aux projets démesurés du sujet.Dans la pratique, le sujet s’attribue une fonction ou des pouvoirs importants : Il est le dernier prophète attendu « El Mehdi El Montadher » ou encore président de la république, Ministre, Directeur Général d’une grande société, etc. Parfois le thème de grandeur se résume à un thème de richesse avec élaboration de grands projets pour soi-même, son entourage ou la société.A un degré moindre les idées de grandeur sont appelées idées de surestimation de soi. Le sujet se sent particulièrement intelligent ou séduisant, doué, plein de talents : rien nipersonne ne peut lui résister.

3.5 Influence : Le sujet a la conviction d’être agi, d’être commandé par une force extérieure. Il se voir le plus souvent dans l’automatisme mental.

3.6 Jalousie : Il concerne surtout les sujets de sexe masculin. L’idée de l’infidélité du conjoint s’installe progressivement le plus souvent à partir d’intuitions délirantes et se renforce ainsi pour accéder au stade de conviction. Elle est rentrée en retard à la maison : elle était donc auprès de son amant. Elle est particulièrement gaie ces temps ci : elle est donc amourette etc.).

3.7 Erotomanie : conviction délirante d’être aimé.3.8 Idées de référence : sentiment d’être l‘objet de l’intérêt d’autrui : à la radio, on parle de moi.

4. Structure du délire 4.1 Délire systématisé : délire ordonné, compréhensible. La logique utilisée par le patient est

cohérente, elle peut entrainer l’adhésion d’autrui. La thématique est souvent unique. En cas de coexistence de thèmes, leur succession est logique.

Le degré d’extension du délire est précisé par :- Délire en secteur : délire centré sur la vie sociale, professionnelle ou affective. Le délire

est dirigé vers un seul but ou une seule idée : postulat de base. (délire paranoïaque de jalousie..)

- Délire en réseau : extension à un nombre de plus en plus grand de personnes u de secteurs d’activités. (délire d’interprétation de Sérieux et Capgras)

4.2 Délire non systématisé : délire non systématisé en raison de la multiplicité des thèmes qui coexistent et de l’absence d’enchainement logique entre eux. Le délire est incohérent, flou, sans cohésion. Le délire paranoïde est un bon exemple.

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5. Réaction affective accompagnant le délire L’intensité de l’investissement affectif du délire conditionne les réactions auto ou hétéro agressives du patient.Dans les délires à forte participation affective, le sujet peut aller jusqu’à tuer le persécuteur désigné.Si l’affect dominant est dépressif, le sujet peut se suicider.Dans la schizophrénie, on note souvent une discordance affective entre une thématique très effrayante et une réaction amusée du patient. Parfois, on note une absence de charge émotive.

6. Autres symptômes :La recherche des antécédents du patient personnels, et familiaux, niveau intellectuel et cognitif, état général et niveau global de fonctionnement est important à la démarche diagnostique.La recherche d’autres symptômes accompagnant le délire et leur chronologie est systématique pour guider la démarche diagnostique

- Troubles thymiques ayant précédé ou non le syndrome délirant- Syndrome dissociatif- Syndrome confusionnel- Signes neurologiques en foyer- Signes organiques

La recherche d’une personnalité pré-morbide pourra aussi apporter une aide. On ne peut faire le diagnostic de personnalité pathologique pendant le délire.

IV. Diagnostic positif et conduite à tenir 1. Recherche et mise en évidence du délire

- Délire évident, bien verbalisé- Délire suspecté devant :

- Comportement ou attitude d’écoute, - Moyens de protection- Qualité du contact : réticence, mutisme- Discours évasif, méfiance ou opposition

2. Les incontournables - Examen prudent sans risques inutiles- Recherche d’un Grand Automatisme Mental - Recherche de la systématisation du délire et d’un persécuteur désigné- Facteurs toxiques associés- Risque d’un délire agi avec risque de passage à l’acte.- Contexte particulier : puerpéralité

3. Juger de la dangerosité du patient : Devant tout état délirant, il importe d’en évaluer la dangerosité potentielle sur les critères suivants :

- La réticence- La négation de l’état morbide- La sthénicité et l’exaltation affective (= intensité de la colère)- La désignation d’un ou des persécuteurs- Antécédents de passage à l’acte hétéro agressifs.

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4. Diagnostic différentiel - Simulation : comportement ostentatoire- Conversions délirantes.

5. Conduite à tenir - Hospitalisation en fonction de la réaction globale du patient, de l’entourage et

l’importance de la symptomatologie- Chimiothérapie :- En fonction des données recueillis : Histoire de la maladie, efficacité de traitements

antérieurs, ou traitements mal tolérés ainsi que de l’âge et de l’état somatique du patient.

- Privilégier la voie IM et les NLP atypiques surtout si premiers traitements - NLP conventionnel si agitation ou traitement en cours : Loxapac, Haldol…- Traitement associé : anxiolytiques ou thymorégulateurs

V. Conclusion Notre démarche est d’évaluer un patient présentant un état délirant et non pas un symptôme. L’analyse sémiologique est indispensable dans les limites du possible. Le médecin devra être rigoureux et systématique dans sa démarche diagnostique.

Référence : ENC : Pierre Lévy-Soussan : 3ème édition augmenté (2007).Le malade délirant: évaluation et conduite à tenir , Pr JM Vanelle, CHU de NANTES (2007)www. http://savoir.fr/dagnostic-et-conduite-a-tenir-devant-un-etat-delirant

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