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Cahier Création

Le Délit - Cahier Création

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Édition 2011.

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Cahier Création

Parce que tu m'avais dit nonParce que tu m'as dit peut-être

Parce que tu me dis oui

Et moi qu'est-ce que je pense?Je n'en ai aucune idée

Si seulement je pouvais lire tes pensées

Et toi tu viens me voir avec le noir de la nuitTu me hantes toujours

Parce que je ne veux pas t'excuser

Parce que tu m'avais mentiParce que tu m'as avouéParce que tu me dis oui

On a toujours besoin d'un plus motivé que soiMais était-il ton geste vraiment motivé?

En fait, je ne te connais guère

Et moi pour qui suis-je fait?Toi? Non pas toi

Parce que je comprends maintenant

Parce que tu m'avais quittéParce que tu n'es pas parti

Parce que je te laisse.

Par là.Non! Là-bas.Ici? Que dire?

Que faire. En rire?

Une flèche.Non, trois.

Dix. Cent. Mille. Elles sont multiples.

Où vont-elles? Nulle part…Elles indiquent? Une direction.

Laquelle?Celle-ci. Ou celle-là.

Et où mènent-elles?Là où tes pas se suivent.

Une autre!Où ça? Ici.

Suis-là!Pour me perdre?

Elles t’ont déjà perdu.

Où aller?Où bon te semble. Ciel! Mon chemin.

C’est lui? Tu en es sûr?Oui, il me l’a dit…

L’olfaction(ou Parce que)

Mon ami, nous sommes loinNous sommes enfants des anciens cheminsNous sommes deux morts dans les ruines du tempsRompus, fusillésSales de la poussière que nous avons soulevéeDéchirés d’un corps à corps trop brutalTrop passionnéL’un de l’autre nous sommes orphelinsNous sommes amants endeuillés d’une guerreQue nous avons créée

Mon ami, nous sommes affaiblisPar nos espoirs, par nos nostalgiesMendiant les derniers pétales émiettésDe nos promesses fanées

Nous sommes debout devant une aube nouvellePansés par le souffle de terres incertainesMais par des éclairs nous restons aveuglésD’un commun passé

Mon ami, nous ne nous reverrons plusParce que nous sommes solitudesParce que nous avons trop aiméParce que nous avons été empireDécliné

FragilitésAriane Santerre

xle délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com2

Flèc

hes

directionnellesRaphaël

Thézé

Luke Powers

Amélie Lemieux

3Cahier création

Il est à peine plus de midi lors-que je sors de chez moi ce sa-medi. L'escalier encore miteux

il y a deux jours vient d'être verni par le voisin du dessus. C'est le fils de la vieille du rez-de-chaussée. Le voilà qui arrive d'ailleurs, tout sourire, comme d'habitude, et toujours l'air si seul! La trentaine, célibataire évidemment, sacristain à la basilique Notre-Dame. Elle, une bouffie sexagénaire, sourde comme un pot –tant mieux, elle dort juste en dessous de moi!

J'ai déjà accéléré le pas, mais ça ne rate jamais, voilà cet agréa-ble voisin qui m'interpelle... Aujourd'hui, je suis de bonne humeur, alors je me retourne. Il va encore me parler du chat de son ancienne fiancée. Il doit bien aimer les chats, il en a trois. Je lui souris et hoche la tête pen-dant cinq minutes, puis le salue, content d'avoir effectué ma bonne action de la journée.

Je remonte l'avenue Laval pour arriver dans le square Saint-Louis, je tourne à gauche, rue Prince-Arthur. Les trois mor-mons habituels jouent au coin. Ils sont plutôt bons; et il m'arrive de m'arrêter pour les écouter. Pas aujourd'hui. Leur musique me berce quand même. Il y a tou-

jours quelques musiciens ici. Un vieux inaudible, cinq jeunes qui à vingt ans ont déjà l'air d'avoir vagabondé; un hispanique qui chante pour les amoureux, et les mormons. Je me demande com-ment ils se répartissent places et horaires.

Plus loin, la mendiante la plus chic de Montréal. Tiens! Elle a mis sa jupe préférée aujourd'hui!…

Puis l'hésitation quotidienne: vais-je acheter mes cigarettes et ma soupe à la tomate chez l'In-dien avec qui je rigole toujours, ou chez la jeune fille d'à côté? Elle me sourit tellement que je me demande si elle n'a pas un faible pour moi. Ce sera l'Indien, je redoute un mot dans mon sac! On parle des résultats de la ligue des champions, il est pour le FC Barcelone. Ils ont encore gagné, alors que mon équipe… je n'ai même pas envie d'en parler!…

Je sors, et passe tout de même faire un sourire à ma petite ven-deuse. Mais celle qui m'intéresse, moi, dans cette rue, c'est la ser-veuse du mexicain. Pulpeuse, sans âge, cette fille est un fruit juteux au regard arrogant et à l'accent enchanteur.

Je ne digère pas le mexicain…

Hier, sur la fontaine, j'ai dis-cuté une heure durant avec une inconnue. Deux étrangers sont en train de nous imiter. Elle a dû en créer des rencontres, cette fontaine.

Je repasse devant le square, observe un instant les écureuils, et juge qu'ils ont bon goût de s'être installés ici. Si j'étais l'un d'eux, j'irai pourtant dans le jardin bota-nique, l'air y est plus pur.

Je continue, la diva du quar-tier travaille ses cordes voca-les. Et des «Ooooooh!», et des «Uuuuuuh!» qui font sourire tout le monde. J'aime bien!

Quelques pas encore, des feuilles abdiquent et tombent, rougies par l'automne.

L'escalier verni.La porte.Et les Anglais… Plus d'un

mois que les deux amis de ma colocataire squattent chez nous. Il paraît qu'ils cuisinent bien.

Mon livre, mon lit, mon thé, et ma musique! Et la vieille bouf-fie qui donne des coups au pla-fond avec son balai; moins sourde que je le pensais. Peu importe, il fait beau aujourd'hui et tout pa-raît léger. Je prends mon livre, La Condition humaine de Malraux, et m'en vais lire au parc. Mon bala-deur fera très bien l'affaire.

Un samedi à Montréal

Benjamin Barnier

Geneviève Mathis

xle délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com4

Il aurait voulu dormir, cependant sa mère ne l’a pas laissé faire. C’était son premier jour dans une nouvelle école. Il n’était

pas enthousiaste, au contraire –il était crain-tif.

Il s’appelait Alberto, et il avait treize ans. Il avait récemment immigré avec sa mère au Canada, depuis leur pays natal, le Costa Rica. Ils y avaient déménagé parce que sa mère avait été mutée à Montréal. Inutile de dire qu’Alberto n’était pas content de la décision de partir. En déménageant, il avait perdu ses amis et son sport favori, le foot-ball.

Il s’est plaint à sa mère pendant qu’ils déjeunaient. «Je veux pas être ici! Il fait trop froid, et je n’ai pas d’amis. Mon chien, Manu, me manque! Je t’en supplie, laisse-moi rentrer au Costa Rica. Je pourrai rester avec Grand-Mère et Manu.»

Il était évident qu’il ne voulait pas être au Canada ou aller à l’école. Pourtant, elle essayait de l’ignorer. Après dix minutes de plaintes incessantes de la part d’Alberto, sa mère lui a demandé: «Pourquoi es-tu si op-posé à notre nouvelle vie ensemble? Notre vie ici sera meilleure et plus heureuse qu’au Costa Rica.»

Mais il n’a rien dit, bien qu’il ait eu une raison. C’était parce qu’il avait peur. Juste avant d’immigrer au Canada, ses amis l’avaient mis en garde contre les gens d’ici. Ils lui avaient dit que les Canadiens n’aimaient pas les immigrants comme lui. Cette idée l’avait effrayé.

Pendant son premier jour à FACE, sa nouvelle école, il n’a jamais été aussi ner-veux. Il est arrivé tôt et a traversé les ves-tibules. Graduellement les vestibules se sont remplis d’autres étudiants, et la cloche a sonné pour commencer les cours de la journée. Malgré qu’il soit arrivé tôt, il a eu beaucoup de difficulté à trouver sa salle de classe. Quand il l’a finalement trouvée et est entré dans la salle, celle-ci était déjà rem-plie. Alberto a marché jusqu'au bureau du professeur pour être présenté. Pendant qu’il

parlait avec lui, il a entendu les autres étu-diants qui chuchotaient.

«Qu’est-ce qu’il porte?»«Regardez le nouveau!» Mais, la chose la plus humiliante a été

le ricanement de la classe quand il s’est assis.

Alors, pendant la journée, Alberto s’est senti très seul, ses amis lui manquaient. Il pensait qu’il ne se ferait jamais d’amis ici, à Montréal. Pendant la période du dîner, il s’est assis seul, loin des autres, et il a mangé son repas, triste et prêt à pleurer.

Après, tous les enfants sont allés dehors pour la récréation. Ils ont commencé à sau-ter à la corde ou à jouer dans la cour de

recréation, mais Alberto est resté en arrière. Il avait l’air perdu.

Alberto parcourait craintivement la cour des yeux quand il a aperçu quelques étudiants jouant au football. Il s’est rappelé, soudainement, les matchs de football qu’il disputait avec ses amis au Costa Rica, tous les jours après l’école. Le match l’a attiré, mais Alberto était trop timide pour se join-dre aux autres.

Il s’attardait sur le côté de la cour de récréation. Il regardait le match avec inten-sité, ses yeux suivant la balle d’une personne à l’autre. Alberto a vu la balle rouler vers lui et s’arrêter à ses pieds. Il a jeté un coup d’œil aux autres et a attendu une indication sur ce

qu’il devait faire. Un instant plus tard, ils ont fait signe à Alberto de s’approcher. Il a re-tourné la balle en donnant un coup de pied mais il a hésité à participer au match. Ils lui ont encore fait signe de s’approcher. Cette fois, le désir de jouer au football a surmon-té la timidité. Joyeusement, Alberto a joué avec dextérité, faisant des passes aux autres joueurs. Tout le monde a joué harmonieuse-ment ensemble. Au cours du match, Alberto a marqué quelques buts magnifiques aussi.

À la fin, il sentait qu’il faisait partie d’une équipe et qu’il pouvait être lui-même. Les autres ne représentaient plus l’opposi-tion, mais ils étaient devenus ses camarades de classe et ses amis.

Grace Fu, James Gilmour et Andrew Murray

Le premier jour

Les dix-huit écrits donnés à lire clô-turent une expérience menée tout au long de l’année 2010-2011 dans deux sections du cours FRSL 321: FRANÇAIS ORAL ET ÉCRIT 2 offert par le Centre d’enseigne-ment du français (CEF). Dans la perspec-tive de favoriser les discussions et la lec-ture de textes liés à la Francophonie et à la société québécoise, Montréal a été adoptée comme assise thématique.

Il s’agissait d’assurer la convergence des représentations du français par les étu-diants comme objet de communication, comme élément culturel, pour développer compétences linguistique, communicative et interculturelle. Le recueil de nouvelles Les Aurores montréales de Monique Proulx répondait à notre volonté d’immerger lin-guistiquement, culturellement et physi-quement les étudiants dans une métropole francophone multiculturelle.

Nous nous attendions à ce qu’une telle démarche se traduise à la fois par des facteurs de curiosité et de motivation au fil de la lecture des nouvelles étudiées. Aussi espérions-nous qu’une telle appro-che thématique centrée sur les intérêts et l’environnement immédiat des étudiants, déracinés le temps d’un échange ou pour la totalité de leur cursus universitaire, leur donnerait non seulement l’occasion d’apprendre la langue française, mais éga-lement d’opérer un rapprochement entre leur(s) propre(s) culture(s) et les identités québécoises multiples présentées dans l’œuvre de Monique Proulx. La prise en compte de la dimension interculturelle dans ce cours permettait aux étudiants de découvrir une «langue-culture» dans un processus continu les amenant à mieux se connaître, à identifier les facettes multiples de cette «langue-culture» à travers des por-

traits complexes, à la manipuler, à l’accep-ter (ou non) et à se l’approprier.

Un travail préliminaire a été réalisé grâ-ce au guide d’exploitation sur mesure des nouvelles étudiées, LECℛ¡TUℛE Comprendre Les Aurores montréales de Monique Proulx hébergé sur le blogue-magazine Le goût du français. Le niveau des étudiants y est pris en compte puisque deux degrés de diffi-culté sont proposés: novice (faux débutant, élémentaire) et expérimenté (intermédiaire, avancé). Ils sont adaptés au bagage lin-guistique des étudiants et privilégient le développement du sens critique. L’écriture créative occupe une place importante dans le processus d’appropriation.

La démarche pédagogique retient le travail coopératif comme choix topi-que alliant réflexion, prise de décisions et consensus en français pour tout travail d’écriture créative. Les dix-huit écrits pro-

posés, prologue ou nouvelle, s’enchâssent symboliquement au recueil de nouvelles Les Aurores montréales. Rédigés en équipe de trois étudiants, ces écrits témoignent d’une expérience culturelle, racontent une his-toire ou décrivent une situation particuliè-re, fictive ou non –mais tous montréalais, tout en revendiquant une raison d’être à part entière. Le mot culture est ici à prendre au sens de diversité culturelle; qu’elle soit linguistique, ethnique, sexuelle, politique, sociale ou encore religieuse. Sans préten-tion, ces écrits prétendent pourtant témoi-gner des préoccupations de ces étudiants dans un environnement devenu familier et s’expriment sous des formes, textures, couleurs et lieux variés, à l’image de leur diversité.

ℛetrouvez les dix-huit textes surdelitfrancais.com!

LECℛ¡TUℛE MONTℛÉALE

Quoi de plus à propos qu’un cahier création pour partager les fruits d’un

processus d’écriture créative?

Marion Vergues

Nicolas Barnier

5Cahier création

Mon Père,Pardonnez-moi, mon Père, car à vos

yeux j'ai péché. J'ai pensé que Dieu avait commis une erreur: il a créé une abomina-tion comme moi. Je suis né dans le corps d'un garçon, mais je me suis toujours identifié à une fille –ce qui m’a causé une amertume terrible, et une douleur encore plus profonde. Maintenant, il me donne encore des difficultés, par exemple quand j’écris: est-ce que je fais des accords au féminin ou au masculin? C'est perturbant!

De plus, j’ai peur d’avoir abrogé un des Commandements. La Bible affirme que l’homme doit respecter son prochain, mais je n’ai pas eu le choix quand j’ai entaché l’honneur de ma famille. Mes parents ont honte de moi –je n’ai jamais participé aux sports d’équipe, je n'ai jamais joué avec les

autres garçons, et finalement, j'ai volé les vêtements de ma mère. Pour un instant, je me suis senti beau, mais quand mon père a ouvert la porte et m'a découvert dans la robe de sa femme, ses yeux m’ont montré seulement de l'aversion.

Mais maintenant, je m'habille avec une robe chaque nuit au Café Cléopatra, à Montréal. J'ai trouvé le bonheur ici, je suis bien dans ma peau. Chaque samedi, je chante avec Madame Pamplemousse, qui a également l’impression d’être piégée dans son corps masculin. Elle est si brillante, et s’habille toujours avec des couleurs vi-ves et extravagantes –du jaune, du rouge, du violet– si différentes de notre paysage blanc à Malauze. Ces couleurs me donnent de la joie, de la confiance et de la fierté. Je l'idolâtre.

Cette lettre n’est pas seulement une confession, mon Père, c’est une lettre de remerciements. C’est grâce à vous que je peux être ici à Montréal et pour cette rai-son, je vous dois ma joie. La colère de mon père a cédé la place à beaucoup de rumeurs dans notre village de Malauze. Je sais que vous connaissez bien cette histoire. Les rumeurs de travestissement, comme tout ce qui ne se conforme pas à la norme, se propagent avec virulence à Malauze. J’ai enduré l’humiliation des villageois, la haine de mes camarades de classe et la honte de ma famille –j’ai enduré Malauze jusqu'au moment où j’ai ressenti le rejet de Dieu. Le moment où vous m'avez dit qu'il n'y avait pas de place pour moi au ciel, dans la file pour la sainte communion. J’ai quitté no-tre église blanche, notre maison blanche,

et notre village blanc. Néanmoins, je vous remercie, car dans votre erreur, j’ai trouvé une vérité.

J’écris cette lettre dans mon appar-tement à Montréal. Sous ma fenêtre, je peux voir la parade de la Gay Pride sur le boulevard René-Lévesque –il y a tant de couleurs qui sautent aux yeux, on dirait un feu d’artifice. Montréal m’a appris à embrasser cette diversité et à apprécier ma propre identité et mon unicité. Il faut que vous reconnaissiez également que l’amour de Dieu n’est pas noir et blanc comme votre robe de prêtre. Le ciel est rempli de couleurs comme la parade, c’est pourquoi, mon père, il existe des arcs-en-ciel.

Alex

Cher Boris, L’autre jour, je me promenais sur

la rue Sainte-Catherine, quand j’ai mis la main sur une copie de La Presse. La une annonçait: «Gavorsky, le nouvel espoir des Canadiens!»

Je suis venu m’établir dans la grande ville de Montréal il y a quelques années, croyant que la seule raison pour laquelle nous avions déménagé était de poursuivre ma carrière de danse –je rêvais de performer pour les Grands Ballets Canadiens. Mais, dès que nous sommes arrivés, j’ai compris que ce n’était pas complètement le cas. Je m’en suis rendu compte dès que je suis allé à l’école. Deux fois par semaine, tous mes amis s’habillaient aux couleurs vives des fameux Habitants. Mais moi, je portais mon sac avec mes collants et mon justaucorps monochromatique. Je ne connaissais pas ces surnommés «Habitants».

Après m’être senti exclu pendant quel-ques semaines des conversations à propos du Rocket et de la grande coupe d’argent appelée Stanley, les garçons ont fini par m’inviter à regarder une partie de hockey chez eux. Leurs mamans nous préparaient du chocolat chaud et des biscuits aux pépi-tes de chocolat, et une dizaine de petits sau-vages se rassemblaient devant la télévision. Je n’avais jamais vu personne de si excité, de si passionné par ce jeu. On criait à chaque mise en jeu, on gueulait quand les joueurs laissaient tomber leurs gants et on éclatait de joie quand les Habs comptaient un but. À partir de ce moment-là, je me suis rendu compte que si je voulais vraiment m'inté-grer à Montréal, je devais apprendre à in-clure le hockey dans ma vie.

Mon ami François m’a donné ses vieux patins en cuir, fissurés par des années d’usa-ge. Je me suis mis au travail et j’ai constaté

que mon expérience en danse m’aidait à patiner. Tel un véritable Canadien, je vivais entre l’école, l’église et la patinoire. Chaque jour, au lieu de faire du ballet, j’allais à l’aréna du parc Jeanne-Mance pour prati-quer mon tir du poignet. Mes collants de danse étaient parfaits sous mes vêtements de hockey, pour me réchauffer.

Quelques années plus tard, j’ai fini par me rendre au niveau compétitif. Je jouais donc au hockey avec mon cher ami François. Un jour, maman a reçu un appel d’un agent sportif pour le Canadien de Montréal, un appel qui a complètement changé ma vie. On m’avait tendu le flam-beau, et c’était à moi de le tenir bien haut.

Boris, je sais qu’il peut sembler ridi-cule que j’aie passé des centaines d’heures au studio de Kirov en Russie à pratiquer la danse, alors que maintenant le Centre Bell est ma deuxième demeure. J’ai par contre

compris qu’il y avait beaucoup de simili-tudes entre l’appréciation que j’ai pour la danse et pour le hockey. Je continue à por-ter mes collants sous ma combinaison de hockey tricolore. Depuis que maman et moi sommes venus au Canada pour cette vie plus libre, j’ai le sentiment que je suis devenu une nouvelle personne. Mais à la fin de la journée, après avoir saigné et sué, je sais que je trouve un dynamisme semblable à la danse en jouant au hockey. Finalement, mes deux vies se sont entrecroisées. Le bleu, le blanc et le rouge seront toujours mes vraies couleurs.

Tu trouveras ci-joints deux billets d’avion pour que papa et toi puissiez me rendre visite et me regarder jouer avec le tricolore.

Je me souviens,Sasha

Bleu, blanc et rougeAilise Byrne, Katie Kelleher et Julianna Obal

Violet et BlancJane, Caroline et Harmon

Nicolas Barnier

xle délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com6

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7Cahier création

Cher papa,Un jour, je me suis réveillé et j’ai

senti le monde. Avant ça, j’existais dans un rêve qui s’était nourri du désir de partir, de fuir, d’échapper aux espoirs et aux aspirations qui n’étaient pas en moi-même. Je suis venu ici, ce fanal rou-geoyant doucement du sud-ouest, pour devenir un homme, pour construire mes pensées et mes idéaux, pour me rendre capable de discuter et de me battre avec les plus grands. J’étais happé par le gris des pierres qui formaient les immeu-bles, le fer qui entourait les fenêtres et les étudiants qui remplissaient le Lower Field avec leurs rires continus –et elle, il y avait elle qui voyait tout en or.

Papa, c’était comme un rêve sans bornes –elle avait un rire qui transcen-dait les voix et les pensées qui remplis-saient mon esprit; elle m’a rendu silen-cieux. Elle et les autres étudiants par-laient une langue étrange, débordante

d’histoires de leur week-end à Montréal. Je parle la langue de la terre et du sol, elle, celle des vins et des richesses inson-dables. Elle était la fenêtre par laquelle je pouvais voir la vérité d’être étudiant ici –en participant à la vie montréalaise. J’étais désespéré d’apprendre comment être comme eux.

Un samedi soir, comme si nous flottions, j’ai pris sa main et nous avons commencé notre voyage. Quand je les ai rejoints, elle et ses amis, les rues avaient changé d’apparence. Avant ça, j’étais in-téressé par les nuances physiques de la rue, mais il me semblait que mes nou-veaux amis étaient aveugles. Leurs yeux n’étaient pas en train de marcher; c’était un voyage motivé seulement par leurs désirs. Nous sommes arrivés au restau-rant «Pied de Cochon» et j’étais aveuglé moi-même par les prix du menu. Un gars a commandé un repas à soixante dollars sans y penser, et à ce moment-là,

je me suis rendu compte que ma fille ex-traordinaire et ses amis avaient une autre perspective, différente de la mienne.

Ma belle fille montréalaise a renver-sé sa tête en arrière, puis m’a dit avec un rire ruisselant des choses inaccessibles. Ses amis sont aussitôt tombés du pié-destal sur lesquels je les avais mis. J’avais le cœur brisé, l’estomac vide et les yeux crevés par la vérité des amis de la fille qui m’avait trompé.

Cher papa, je n’appartiens pas à cet endroit. Est-ce que tu sais ce qui me manque le plus à la ferme? C’est notre champ de blé, simplement. Les brins dorés ondulant dans la brise, captant le soleil à la fin du jour. Les gens d’ici, ils voient la vie en or aussi, mais de l’or de l’argent. Ils ne connaissent pas la vérité qui existe dans la terre dorée, mais je la vois et je veux l’avoir encore une fois.

Martin

Gris et orSophie Silkes, Pablo Pizarro Janczuret Dan Garmon

Nicolas Barnier

Raphaël Thézé

xle délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com8

Souveraine résurgenceCeux qui effleurent l’onde des rivages endormisEt qui embrasent la terre d’une lumière de vie;

Ceux qui exhalent les vices de l’Ancien MondePar leur gueule pourrie de carences,Puis s’éteignent, litanie aux lèvres, Au sein des grèves mornes;

Ceux qui enflent le torse dans la pureté du blizzard,Leurs membres exsangues dévorés par le froid corrosif;

Ceux qui déflorent la terre à coups de piochePour faire jaillir les premiers flux d’abondanceDes entrailles fertiles de la Terre maternelle;

Ceux qu’on mène à la potencePour avoir remué les braises d’un feu déjà éteint;

Ceux qui se noient à contre-courant dans l’océan des barbarismesEt qui hurlent leur oppression à grands coups de silenceDans l’atrophie de leur langue arrachée;

Ceux qui abattent les digues aux frontières du mondeEt laissent se déverser des flots de sans-papiersQui noient l’idéal sous une mer révulsée;

Celui qui fracasse les rêves épars des esclaves endormisEn sonnant trop fort le gong des vérités;

Ceux qui en crèvent d’envie, Ceux qui s’abreuvent d’espoir,Ceux qui dressent l’étendard sur les torrents d’azur;Ceux qui attisent les forges du Nouveau Monde,Puis s’enflamment dans les nuées ardentes;Ceux qui renaissent dans un berceau de cendrePuis suivent le phénix dans son envol;

Ceux-là vivront jusqu’à demain,Et ceux-làAuront une langue pour le raconter.

Les temps changent

Peaux brunes entassées dans les goulags d’Amérique, stockées dans les ghettos du

Nouveau Monde… nature étouffée sous un dépotoir de préfabriqués… l’essence d’un peuple exhalée en bouffées de contrebande… souve-nirs ancestraux brouillés par la ba-gosse bon marché… une race noyée sous le déluge civilisateur… nage ou coule, l’ami… car les temps chan-gent… les temps changent…

Ancêtres nomades, ancêtres de chasse, ancêtres de cuir et de champs labourés… la survie com-me seule ambition, l’amour de la terre comme seule religion… puis les grandes nefs surgies de l’hori-zon, les cales chargées du fardeau de l’homme blanc… une boîte de Pandore laissée en offrande… cha-

pelets, patenôtres et croix érigées, force vitale aspirée dans les méan-dres de la chrétienté… armes blan-ches et alcool frelaté, promesses ensauvagées d’un monde civilisé… la survie offerte en cadeau empoi-sonné… que reste-t-il à espérer? Il faut trouver, car les temps chan-gent… les temps changent…

Explorateurs, pionniers, patrio-tes et fermiers… les voiles gonflées de promesses de liberté… les traver-sées qui s’achèvent sur les obsèques des morts scorbutiques… les pre-miers hivers craints comme le jour du jugement dernier… le corps et l’âme plantés dans la terre, les hec-tares défrichés à force d’homme… les sillons houés jusqu’à l’horizon, abreuvés du sang pur des familles unifiées… le deuil de ce père mort

d’avoir fait vivre les siens… les ef-forts d’une vie balayés par le bliz-zard corrosif… la vigueur des aïeux dissipée dans l’air du temps… déci-dément, les temps changent…

Et qu’en est-il d’aujourd’hui? Le repos amorphe au lendemain des misères d’antan, les houes troquées contre des bâtons de vieillesse, les armes rangées sous clé dans les pla-cards du passé, les sillons fertiles en-sevelis sous des fleuves de bitume, la pyramide des âges écroulée sur une jeunesse qui suffoque, la citadelle des villagismes reléguée au profit d’une vaste ruche disparate, la perte de repères et les suicidés, les fron-tières assiégées… Eh, quoi! Des co-hortes étrangères feraient la loi dans nos foyers? Ah! les temps changent, vraiment, les temps changent!

Raphaël Dallaire Ferland

Raphaël Dallaire Ferland

Nicolas Barnier

9Cahier création

Ces deux photomontages s’inspirent de la pra-tique de certains photographes qui surpassent l’étiquette du réalisme pur, qu’on associe très

souvent à la photographie. Comment déjouer le réel en photographie, ou plutôt, comment rendre visible une réalité qui nous paraît disparate et difficile à re-constituer dans le cadrage exigé par l’appareil photo?

C’est en retournant cette question dans tous les sens que le choix de la superposition d’un portrait et d’une nature morte s’est finalement imposé. L’inertie du monde végétal, représentée par l’orchidée dans son vase et les primevères plantées artificiellement, a pour but d’entrer en harmonie avec les postures féminines. C’est une sorte de tentative de réconciliation entre l’être humain et le monde naturel qui l’entoure, à l’heure où la nature fait les frais de la course au profit incessante des peuples dits civilisés.

J’ai toujours été fascinée par les coïncidences visuel-les de la vie quotidienne, ces épisodes éphémères qui semblent narguer l’objectif déjà en retard de quelques secondes. Qu’il s’agisse d’une ombre projetée sur une façade lorsque le soleil se glisse derrière l’horizon, de la silhouette d’un passant se reflétant à travers la matière vitreuse d’une fenêtre ou encore du reflet incomplet de son propre visage devant le miroir embué par la chaleur de la douche qu’on vient de prendre, toutes ces appa-ritions établissent une relation intime avec leur obser-vateur.

L’objectif de cette série photo était de proposer une représentation, et non une reproduction, de cette inti-mité furtive entre l’être humain et son environnement. Ces portraits tentent de modéliser cette impression d’exclusivité que l’individu capte de manière éphémère, et non de reconstituer telle ou telle scène en particulier. C’est pourquoi le terme de représentation semble être plus adapté que celui de reproduction. Ces portraits ont ainsi pour mission d’aller à la rencontre des émotions de la personne qui leur fait face par leur esthétique, plutôt que par le message qu’ils pourraient véhiculer.

Margaux Meurisse

xle délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com10

Idée de génieLetizia Binda-Partensky

Les volutes à la pomme sont mes préférées. Dès la première exhalation, je me laisse couler de la feuille-perchoir pour plonger dans la frêle colonne parfumée. Je m’y dissous en mille et une gouttelettes, accrochées à autant de particules. J’aime la

multiplicité de points de vue que me fournit ce morcellement. J’observe ma petite pri-mevère et son compagnon, pendant la pause qu’ils s’accordent dans l’herbe. Je déplace mes particules-hôtes à ma guise, enveloppant ou auréolant les jeunes gens. Mon poids infinitésimal ralentit à peine la dissipation de la fumée, et leur est absolument impercep-tible. Personne ici n’aurait d’ailleurs les sens assez affutés pour remarquer mes tracés élégants.

Ils sont attendrissants. Tout à fait. Comme elle a l’air heureux. Enfin sereine. Elle arbore le plus beau sourire que je

lui ai vu depuis son arrivée, et il m’est particulièrement agréable sous mille et un angles simultanés.

Lui, par contre, ce freluquet aux vêtements criards, gâche en partie le spectacle. Soit, elle embellit avec chaque éclat de rire qu’il lui suscite. Pourquoi pose-t-elle main-tenant sa tête sur son épaule? Non, non, non, nul besoin de contact supplémentaire pour élargir ton sourire, ma primevère, il est déjà parfait !

Le gargouillement des bulles devient lassant. Il manque le léger claquement des jetons sur une planche de jeu, des tasses de café dans les soucoupes et les conversations animées pour en rehausser la mélodie.

Quelle scène monotone. Leurs chuchotements et leur quasi-immobilité finissent par m’agacer. Pourquoi lui passer le bras autour des épaules, pour une fois qu’elle n’a pas froid? J’évolue dans un ciel d’une nuance déplaisante. Quelle immensité pitoya-blement vide! J’essaie de m’intéresser aux autres flâneurs. Ils sont rigides et contenus. C’est à peine s’ils interagissent. Leurs bêtes ridicules reniflent systématiquement une bouteille de verre abandonnée sur le gravier. La solitude conjuguée de tous ces prome-neurs ensemble ne te gène plus, ma petite primevère?

Tu as assez fait la belle pour aujourd’hui. Je veux t’admirer loin de ce parasite bariolé, dans un contexte où tu resplendiras encore davantage. Depuis quand te laisses-tu apprivoiser aussi facilement? Ta soif de connaissances n’est pourtant pas assouvie. Laisse-moi te le prouver.

Je me détache des particules du halo pour me réassembler dans mon nid douillet de bouclettes. Je descends le long de la chevelure, me perche un instant sur l’oreille pour planifier mon incursion.

Je pénètre dans l’oreille. M’accrochant aux cils, je rampe agilement sous le tympan pour glisser dans la trompe d’Eustache. L’écho de ses paroles se répercute dans toute la cavité nasale. Les vibrations sonores s’amplifient dans le pharynx, puis s’ajoute le rythme de contractions me portant lentement vers l’œsophage. Je poursuis mon chemin saccadé jusqu’à l’estomac. Je le traverse et me laisse couler de l’étroit canal qui aboutit dans la rate.

Je baigne dans un immense terrain de jeux où tout est à manipuler avec une ex-trême délicatesse. La juste mesure est primordiale. Un faux pas et je risque de la mettre hors circuit pour une durée indéterminée.

Je me fonds dans la froide marée noire. L’opération minutieuse peut commencer. Je me love entre deux lipides entourant une première molécule, puis pénètre à

l’intérieur. Du centre, je pousse de tous côtés pour étirer la membrane. Porté par la pression osmotique, je gagne la prochaine molécule. Je fais doubler de taille chaque molécule. Le volume de liquide s’accroît instantanément.

L’étape la plus cruciale est conclue. Je rebrousse chemin pour regagner l’estomac. Dans le suc gastrique, je sème

feuilles de rose, semences de chicorée, manne de bambou, fleur de violette, eau de rose.

Je me colle à la paroi en attendant que la température de l’organisme ait suffisam-ment chuté, puis relâche une pincée d’anis pour l’assécher légèrement.

Pour éviter la rude remontée à l’encontre des forces de l’œsophage, je chatouille l’anneau musculaire à l’embouchure du long conduit. Mes excuses, ma petite prime-vère, pour ce spasme désagréable.

J’ai déjà regagné la bouche, la cavité nasale, et remonte vers la muqueuse. Je m’y embourbe, la traverse, m’en extirpe, pour m’aplatir sous le cerveau. Je l’enveloppe entièrement. J’absorbe un tout petit peu de ce liquide alanguissant, et d’ici un instant, tu songeras à t’activer.

Tout est prêt. L’atrabile afflue, la température interne est adéquate, le flegme a légèrement diminué. Il ne reste plus qu’à déclencher l’association d’images qui la ramènera chez elle.

Tous ces chiens autour. Je sais quel élément rajouter. Ça fonctionne. Minou, viens mon minou. Très bien, déjà tu te décolles de ton

affreux acolyte. Vois comme tu réagis maintenant, alors que tu chassais ces félins du pied. Tu te comportes comme la plupart des natifs de cet endroit insipide. Tu prends conscience de ton changement d’attitude en repensant à cet animal de ton lointain quotidien, allongé dans la poussière, au soleil. Je veux que tu touches son pelage. Étends la main. Bien.

Dégriffé, poils longs, ronronnant, avec un collier. Tu ne sens pas de colonne ver-tébrale et n’a pas à craindre les puces.

Ce chat devrait être en tout point plus aimable que les quelques-uns qui ont réussi à t’attendrir, par le passé. Tu continues à le caresser sans sentir le moindre grain de sable sous tes doigts.

Sable sable sable. Laissons l’idée gagner du terrain. Gravier, herbe, feuilles mortes, terre. Ce n’est pas éblouissant. Ce n’est pas chaud.

Regarde à nouveau l’ensemble. Debout, cette fois. Tu vois bien que le ciel tire vers le gris. Qu’ils sont tous si prévisibles et mécaniques. Un peu mornes même. Quel ordre sans vitalité.

Elle fait quelques pas vers son ami toujours assis. Non, elle n’a plus envie de s’allonger. Il a toujours le même air béat et ne remarque pas l’expression de son visage à contre-jour.

Un tintement de cloches au loin la fait se pencher vers son sac. Le coup d’œil furtif au petit écran qu’elle en retire confirme l’heure. I am going! Déjà? Oui, bisous. Va, ma petite.

Nicolas Barnier

11Cahier création

Un jourj’oublierai son nom

Un jourje l’oublierai

Un jourj’oublierai son visage

Un jourje l’oublierai

Un jourj’oublierai ses bras

Un jourje l’oublierai

Un jourj’oublierai son corps

Un jourje l’oublierai

Un jour viendra oùje n’aurai plusbesoin de dire

«Un jour»

Le jourLuke Powers

I

Cette nuit, la lune brille d’une étrangeLueur et glisse sur toi ses rayons d’argent,Caressant la courbe de ton corps brûlant,Ce qui te fait briller avec l’éclat d’un ange.

II

Et je pose sur toi mon regard amoureux,Embrassant ces formes par la lune blanchiesDe mes yeux pleins d’envie où crépite le feu

De mon désir pour toi, sous la lune à Minuit.

Sous la luneRaphaël Thézé

Il est un pays superbe, où la Dame blanche est reine, que j’aime à visiter. On pourrait l’appeler l’Orient de l’Occident, ou l’Europe asiatique, tant la fantaisie s’y est répandue et y monte aux murs

avec le lierre. Tout y est beau, riche, paisible, honnête.

On y boit une liqueur épicée qui agite les papilles et exalte le cœur. On y chasse le sanglier et le faisan, que l’on accompagne de groseilles et de forts vins rouges du terroir. Toutes les mères y font les meilleurs sushis du monde. L’air y est brumeux, convivial et frais. Un pays où le luxe aime à se fondre dans l’ordre, où la vie est douce à respirer. Un foyer spontané où l’imprévu est roi; dans lequel le bon-heur est marié au silence. Les logis y ont des toits de chaume et tous une cheminée, autour d’elle les habitants passent leurs dimanches à jouer aux cartes. L’herbe est verte et libre, les taupes, en paix. Tout y est riche, limpide. La vie y commence tôt le matin. C’est un pays qui te ressemble, mon ange.

Il existe une ville là-bas aussi. Elle est majestueuse et il peut s’y passer mille vies différentes. Une église trône du haut d’un quartier mal famé, l’un des plus charmants de la ville. Un fleuve longeant Palais et cathédrales coupe la cité en deux. Au Nord, les rues sont larges, bordées de grands chênes là depuis deux cents ans. Chaque avenue dévoile un trésor, et l’architecture est somptueuse. Baudelaire a écrit L’invitation au voyage qui me permet de t’inviter. Au Sud, les merveilles sont plus discrètes, plus simples. Un magasin de maca-rons, une ruelle, un banc, et une odeur de poulet au citron. Deux quartiers te plairaient. L’un blanc comme neige, où l’eau envahit les fontaines. Les rues sont étroites et pleines de restaurants où les

verres cassent et se remplissent, entre les rires et les disputes. Plus loin, les quais, sur lesquels même les vagabonds dormant sous les ponts sont romantiques. Quelques originaux vendent des livres, des oiseaux, des peintures devant les terrasses pleines. L’autre quartier est plus petit, plus calme, et les cafés ne sont remplis que d’habi-tués. De petits immeubles abritent des chambres de bonnes, et le clochard, que tout le monde salue, est là depuis trente ans et connaît tous les ragots du coin. Si l’on pousse une lourde porte verte, on entre dans une petite cage d’escalier rouge et pauvre en décoration, un cactus seulement. Au premier, un petit appartement chaud et dis-cret, seul et au cœur de tout. C’est là qu’il faut vivre, c’est là qu’il faut aller mourir.

Tu connais cette maladie fiévreuse qui te dévore le soir et te laisse seul au monde? Cette nostalgie du pays et cette angoisse de la curiosité? Il est une contrée qui te ressemble, belle, riche, tranquille. Pour les vacances, il y a la côte. Une plage de sable bordée par un parquet. Tous tes amis y habitent. Le soleil chauffe les dos malgré le vent. La rue principale est succession de friandises, de chocolats, de crêpes et de sucettes, et les gens boivent trop le soir. Des déjeuners sont parfois installés sur la dune. C’est là-bas qu’il faut aller vivre! Et allonger les heures par l’infini des sentiments.

Des rêves! Encore des rêves! Et plus l’âme est aspirante et ten-dre, et plus le voyage l’éloigne du possible. Car ce sont mes rêves, mon ange, qui dorment sur ton sein. L’air frais, les palais, les sucet-tes, c’est toi. Ce qui parcourt mon âme le nez dans ta chevelure, l’odeur de ta sueur, la courbe de ton cou. Ce pays, c’est toi dans mon esprit. Le voyage que je fais chaque jour plusieurs fois.

Il est un pays superbeBenjamin Barnier

Plus jamais ne poursuivrai-je des gitanesJe crois avoir trouvé mon ange enfin

Parfois ça fait peur de recevoir ce qu'on a demandéMais moi je n'en ai plus peur

Tombé soudainement du cielL'étincelle dont j'avais besoin

Tout seul dans ma chanson de nuitAvec toi j'ai finalement trouvé les paroles

Tombé encore une fois dans mes propres pas

Tu m'as trouvé là par terreTraversons les années et l'espace

Toi pour moi tu brilles comme le soleil

Si joyeux de t'avoir trouvéEst-ce qu'on s'est déjà vus?Moi je veux qu'on se revoie

Je veux que tu sois mon ange béni

Mon ange béniLuke Powers

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Le Délit sera de retour le 6 septembreThe McGill Daily reviendra le 1er septembre

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