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Diagnostic et conduite à tenir devant une mono-arthrite

Pierre Journeau *

Service de chirurgie orthopédique pédiatrique, hôpital d’enfants, CHU de Nancy, 5, allée du Morvan, 54511 Vandœuvre, France

Reçu et accepté le 5 février 2003

Mots clés : Mono-arthrite ; Arthrite septique ; Enfant

Keywords: Monoarthritis; Infections arthritis; Children

1. Préambule

La démarche diagnostique devant une mono-arthrite doitêtre stéréotypée. La chronologie est importante : analyseséméiologique clinique, puis décision des examens complé-mentaires à pratiquer. Ceux-ci doivent être réalisés dans unordre précis afin de ne pas compromettre leurs résultats parles interactions qu’ils peuvent avoir entre eux. Aucun traite-ment symptomatique ne doit être prescrit trop rapidementpour ne pas risquer de perturber le résultat des investigationscliniques et paracliniques.

2. Définition

Une mono-arthrite est un épanchement liquidien intra-articulaire, d’origine non traumatique, qui atteint une seulearticulation. Elle ne préjuge pas de l’étiologie, et il s’agitsimplement d’un signe qu’il conviendra d’interpréter enfonction du contexte clinique et des examens complémentai-res appropriés.

3. Examen clinique

L’examen doit être méthodique, conduit sur un enfanttotalement dévêtu.

3.1. L’interrogatoire

Il doit préciser les circonstances déclenchantes ou dedécouverte (boiterie si la localisation est au membre inférieur

ou impotence fonctionnelle en cas d’atteinte du membresupérieur), les antécédents personnels et familiaux, les signesd’accompagnement, en particulier, l’existence ou non defièvre. Le caractère de la douleur articulaire est un signeprécieux : inflammatoire, responsable d’un enraidissementmatinal, aggravée en fin de journée, ou mécanique, augmen-tée par l’effort, calmée par le repos. Son intensité est appré-ciée par son retentissement sur les activités scolaires et ludi-ques de l’enfant, et la nécessité éventuelle d’une prised’antalgiques. Enfin, l’atteinte peut être inaugurale ou aucontraire récidivante, voire chronique. Dans ce cas, le rythmeet la durée des poussées, les signes d’accompagnement ainsique les traitements éventuellement employés doivent êtreprécisés.

3.2. L’examen clinique

Il va apprécier en premier lieu l’état de l’articulationatteinte : le gonflement de l’articulation témoigne de la pré-sence d’un épanchement. En dehors de l’épaule et de lahanche qui sont profondes, l’appréciation du gonflementarticulaire est assez facile pour les grosses articulationscomme le genou (choc rotulien), mais il peut être plus délicatpour les articulations distales (poignet, cheville) (Fig.1). Ilfaut noter l’aspect cutané en regard (rougeur, plaie, lésiondermatologique), côter les amplitudes articulaires (examenobjectif reproductible), et apprécier l’existence d’une défor-mation ou d’une attitude vicieuse, réductible ou non. Lapalpation d’une masse intra-articulaire est en faveur d’unehypertrophie synoviale.

3.3. L’appareil locomoteur

Il doit être examiné soigneusement en totalité, en particu-lier le rachis et les autres articulations avant de pouvoir

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Journeau).

Revue du rhumatisme 70 (2003) 475–481

www.elsevier.com/locate/revrhu

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.DOI: 10.1016/S1169-8330(03)00185-6

conclure àune atteinte articulaire isolée et donc au diagnosticde mono-arthrite. Certaines atteintes articulaires associéespeuvent être discrètes, et il faut savoir les rechercher (articu-lations temporomandibulaires ou sacro-iliaques). Il faut in-clure dans l’examen de l’appareil locomoteur la palpation dusquelette, en particulier des segments osseux adjacents àl’articulation atteinte, ainsi que l’évaluation de l’appareilmusculaire et ligamentaire.

3.4. L’examen général de l’enfant

Il complète l’examen local, avec inspection cutanée et desphanères à la recherche d’un érythème, d’un psoriasis, delésions de vascularite, de pustules palmoplantaires... (Fig. 2).Il faut préciser s’ il existe des signes digestifs (douleurs abdo-minales, diarrhée), oculaires (uvéite), urinaires, et tout symp-tôme pouvant faire évoquer une maladie générale (amaigris-sement, altération de l’état général, syndromehémorragique...). La vacuitédes aires ganglionnaires satelli-tes doit être vérifiée ainsi que la présence ou non d’unehépatosplénomégalie ou d’une masse abdominale. L’examenneurologique peut trouver des signes subjectifs ou objectifs.

Au terme de cet examen, les arguments cliniques vontorienter vers un diagnostic dont la mono-arthrite ne sera que

l’un des signes. Parfois au contraire, l’absence d’argumentétiologique va nécessiter la réalisation d’ investigations para-cliniques.

4. Examens complémentaires

Leur but est triple : aider au diagnostic, faire le biland’extension ou rechercher des complications, et orienter lechoix thérapeutique. Une certaine chronologie dans la de-mande des examens doit être respectée, pour ne pas lesmultiplier inutilement et éviter qu’ ils interagissent entre eux.

La biologie simple et la radiologie conventionnelle sontles 2 piliers de la démarche diagnostique, et doivent êtreutilisés de façon concomitante.

4.1. Les examens biologiques initiaux

Ils vont rechercher un syndrome inflammatoire, et s’ ilexiste, essayer de savoir s’ il est d’origine infectieuse. Enpremière intention, doivent être demandés une numération–formule sanguine, un dosage plasmatique de la C-reactiveprotéine et du fibrinogène, et une vitesse de sédimentation.

S’ il n’existe pas de syndrome inflammatoire sur ces pre-miers éléments, la recherche d’une anomalie de l’hémostasesera l’étape suivante.

En cas de syndrome inflammatoire net et de forte suspi-cion infectieuse les hémocultures sont immédiatement préle-vées. On peut y adjoindre le dosage plasmatique de l’hapto-globine et de l’orosomucoïde, facteurs de surveillanceultérieure.

S’ il existe un syndrome inflammatoire discret ou manifes-tement d’origine non infectieuse, une autre série d’examenssanguins peut être entreprise. Ils vont aider à en préciser lescaractères : ce sont l’électrophorèse des protéines, le dosagedes immunoglobulines de type A, G, M, E, du complément,de la transferrine...

Par ailleurs, selon le contexte clinique et le résultat desexamens précédents, des marqueurs plus spécifiques serontdemandés : recherche d’une maladie virale ou parasitaire(sérologies des hépatites A, B, C, cytomégalovirus, EpsteinBarr..), recherche d’une affection rhumatologique chronique(facteur rhumatoïde, anticorps antinucléaires, typageHLA...).

Fig. 1. Gonflement de l’articulation tibiotarsienne. Noter le réseau veineuxsuperficiel particulièrement visible, témoignant de l’anciennetéde la disten-sion cutanée.

Fig. 2. Mono-arthrite du coude avec attitude vicieuse (flessum). Existencede lésions cutanées évocatrices d’une sclérodermie en bande.

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4.2. L’imagerie

Faite dans le même temps que les examens biologiques,elle comporte systématiquement une radiographie standard,de face et de profil, centrée sur l’articulation atteinte. Ellepermet l’étude de la trame osseuse, de la morphologie articu-laire, et la visualisation de signes indirects dans les partiesmolles. Peu coûteuse, peu irradiante si elle est numérisée, laradiographie conventionnelle permet aussi un suivi évolutifsimple. Elle est le préalable indispensable à tout autre exa-men d’ imagerie, et suffit souvent à poser le diagnostic étio-logique en cas d’atteinte osseuse individualisée.

4.2.1. L’échographieC’est une technique très sensible dans la détection des

épanchements articulaires, sans toutefois préjuger de la na-ture du liquide. L’échographie doit être réservée aux articu-lations profondes comme la hanche, car la plupart des articu-lations sont accessibles à l’examen clinique (Fig. 3). Elle estinutile pour les articulations superficielles comme le genouou le coude. En revanche, si elle permet de faire la différenceentre un épanchement liquidien et un épaississement syno-vial, elle ne montre pas les petits corps étrangers intra-articulaires ou les cloisonnements. Il s’agit donc d’un exa-men dont la place dans la démarche diagnostique d’unemono-arthrite reste restreinte.

L’ indication d’autres examens d’ imagerie dépendra desdonnées cliniques et de la pathologie suspectée. Ils vontpréciser l’état des structures ostéo-articulaires, et parfoisfaire le bilan général de la maladie si nécessaire.

4.2.2. La résonance magnétique nucléaireC’est l’examen de choix pour progresser dans le démem-

brement d’une pathologie articulaire. Elle explore les cartila-ges articulaires, la synoviale, la trame ostéomédullaire, et lesstructures musculotendinoligamentaires. Diverses séquencespermettent d’affiner la visualisation des structures (séquen-ces en suppression de graisse par exemple), d’où l’ impor-tance de bien préciser ce que l’on recherche.

4.2.3. La tomodensitométrie ou scannerElle a vu ses indications diminuer au profit de l’ IRM.

Cependant, sa définition pour l’os est excellente, et elle peutparfois supplanter l’ IRM. Elle peut guider certains gestestechniques (ponction, biopsies), et aussi être couplée à l’ in-jection intra-articulaire de produit de contraste, autorisant

une analyse très fine de l’ intégrité du cartilage articulaire oude certaines structures synoviales (plica). Mais les plans decoupe transversaux sont rarement parallèles à l’ interlignearticulaire, et la résolution est souvent imparfaite pour appré-cier les tissus mous intra-articulaires. Ses indications sontdonc rares en cas de mono-arthrite.

Les autres examens d’ imagerie sont réservés au biland’extension de la maladie. Ils dépendent donc du contextegénéral.

4.2.4. La scintigraphie osseuseElle est le premier d’entre eux. Cet examen est spécifique

de l’atteinte osseuse ; il est sensible, et la multiplicité destraceurs utilisables en fonction de l’étiologie suspectée enpotentialise les résultats (gallium, leucocytes marqués,MIBG...). En première intention, la scintigraphie au pyro-phosphate de technétium réalise une approche correcte dusquelette entier, définissant des zones pathologiques, hyperou hypofixantes.

4.3. Dans le cadre du bilan général, seront nécessaires etparfois indispensables, un examen ophtalmologique avecétude à la lampe à fente, une échographie cardiaque,abdominale, une évaluation de la fonction rénale...

4.4. La ponction du liquide et la biopsie synoviale

Elles vont apporter des éléments déterminants. Ce sontdes gestes invasifs qui doivent être réalisés sous anesthésiegénérale chez l’enfant, et leur indication devra être soigneu-sement posée, car même une simple ponction entraîne untraumatisme tissulaire susceptible de fausser le résultat decertaines données d’ imagerie, en particulier d’ IRM.

La ponction et la biopsie sont complémentaires. La ponc-tion est simple à réaliser ; elle peut parfois se faire sousanesthésie locale seule. Elle donne des renseignements surl’aspect du liquide (citrin, trouble voire purulent, hémorragi-que), et permet une analyse cytologique. Si une biopsie doitêtre faite, elle ne doit en aucun cas être réalisée à l’aiguille, àl’aveugle. Une intervention chirurgicale est nécessaire, auto-risant cette biopsie au mieux sous arthroscopie si l’articula-tion atteinte le permet. Les prélèvements synoviaux sonteffectués sous contrôle de la vue, au niveau des zones les plussuspectes. La cavité articulaire est explorée en totalité, avecvisualisation du cartilage, de la synoviale et des structuresfibrocartilagineuses comme les ménisques. Les fragments

Fig. 3. Échographie comparative de hanche, mettant en évidence un épanchement du côté droit, avec bombement de la capsule articulaire.

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synoviaux sont systématiquement adressés aux laboratoiresde bactériologie et d’anatomopathologie, directement depuisle bloc opératoire, dans des flacons stériles.

5. Étiologies

Au terme de cette approche, on pourra classer la mono-arthrite dans l’une des catégories suivantes : atteinte infec-tieuse, inflammatoire ou mécanique. Les épanchements hé-morragiques, dont les étiologies peuvent appartenir àplusieurs des catégories citées, ainsi que les tumeurs doiventêtre classés à part.

5.1. Arthrites infectieuses [6]

Il s’agit d’une urgence absolue. Le tableau clinique est engénéral très évocateur, mais peut être frustre au stade dedébut, ou après une antibiothérapie prescrite à l’aveugle.L’articulation est le siège d’un épanchement volontiers abon-dant ; elle est très douloureuse à la mobilisation, la peau enregard est rouge, chaude, et les signes généraux sont francs,avec syndrome septique. La palpation douce des segmentsosseux péri-articulaires est indolore.

La conduite doit être stéréotypée : réalisation du bilanbiologique de premier niveau (NFS, VS, CRP, fibrinogène),auquel peut être ajoutéun dosage plasmatique de l’orosomu-coïde et de l’haptobglobine. Le prélèvement d’hémoculturesest systématique. Une radiographie standard centrée sur l’ar-ticulation est indispensable àla recherche de signes d’atteinteosseuse, ce qui ferait alors conclure à une ostéo-arthrite.L’échographie est inutile pour les articulations superficielles,car le gonflement signe l’épanchement (Fig. 4). Elle doit êtreréservée aux articulations profondes, hanche et épaule, afinde mettre en évidence la collection intra-articulaire et de faireainsi la différence avec une ostéomyélite.

Le traitement doit être entrepris rapidement : il associeune ponction de l’articulation (liquide purulent ou puriforme,

qui sera adressé en bactériologie et cytologie) et un lavagearticulaire par arthroscopie ou arthrotomie. Lors de ce la-vage, une biopsie synoviale est faite systématiquement pourétude bactériologique et anatomopathologique. Certainesarthrites inflammatoires en poussée peuvent en effet simulerune atteinte infectieuse. Dans ce cas, l’histologie redresse lediagnostic. Une double ou triple antibiothérapie par voieparentérale pendant 3 à10 j est associée au lavage articulaire,avec relais par voie orale pour une durée moyenne de 6 se-maines. Une immobilisation plâtrée de l’articulation, decourte durée, a un effet antalgique et anti-inflammatoire.

Ces arthrites infectieuses sont en règle d’origine bacté-rienne ; certaines peuvent être d’origine virale (cytomégalo-virus...), voire réactionnelles (salmonelle, Chlamydia), et lessérologies permettent alors d’orienter le diagnostic.

5.2. Arthrites inflammatoires

Il s’agit du principal diagnostic différentiel des arthritesinfectieuses. Une poussée inflammatoire peut avoir une pré-sentation clinique identique àcelle d’une infection, et ce sontles examens complémentaires qui permettront de faire ladistinction. Dans sa forme classique, la palpation de l’articu-lation et sa mobilisation douce sont peu douloureuses ; lapeau en regard n’est pas rouge. À un stade chronique, desattitudes vicieuses articulaires ont pu se constituer, et entraî-ner des déformations.

Les examens biologiques initiaux objectivent un syn-drome inflammatoire qui n’est pas spécifique et qui peut enimposer pour une infection. Les radiographies standard sontnormales au début. Elles montrent secondairement une démi-néralisation ainsi qu’une avance de la maturation osseuse del’articulation atteinte (Fig. 5).

Les autres examens àpratiquer sont fonction de la présen-tation clinique initiale : ponction articulaire suivie d’unebiopsie synoviale si le tableau initial fait évoquer une origineinfectieuse. Cependant cette biopsie doit être faite prudem-

Fig. 4. Arthrite de hanche gauche avec excentration importante traduisantun volumineux épanchement intra-articulaire.

Fig. 5. Avance de maturation osseuse du carpe gauche dans le cadre d’unearthrite juvénile idiopathique.

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ment, par un opérateur rompu à ce type de pathologie, et aumieux sous arthroscopie afin de limiter l’ouverture articu-laire. Les arthrotomies sont vecteurs, dans les arthrites in-flammatoires, de raideur articulaire difficile à récupérer.L’articulation ne doit pas être immobilisée après la biopsie.En revanche, si l’on s’oriente d’emblée vers une originerhumatismale, il faut réaliser le dosage plasmatique des fac-teurs antinucléaires à la recherche d’une arthrite juvénileidiopathique, ou d’autres anticorps selon le contexte (lupus,sclérodermie, dermatomyosite...). Il faut y associer la recher-che systématique d’une uvéite antérieure, et de tout autresigne clinique ancien ou actuel évocateur d’une maladierhumatismale.

5.3. Arthropathies d’origine mécanique

Il s’agit d’un épanchement articulaire dû à une lésionanatomique du cartilage ou d’une structure fibrocartilagi-neuse intra-articulaire. L’épanchement est réactionnel et letableau clinique est évocateur d’une origine mécanique. Iln’y a pas de fièvre, pas de signe général. La douleur esttypiquement mécanique, exacerbée à l’effort et calmée par lerepos. Dans ce contexte, la radiographie standard est le pre-mier examen à pratiquer, car elle peut d’emblée faire lediagnostic d’atteinte osseuse ou objectiver des corps étran-gers intra-articulaires. Sinon, l’ IRM est l’examen de choix,visualisant les cartilages, les structures fibreuses et ligamen-taires, la synoviale et la médullaire osseuse.

Le seul bilan biologique utile est la recherche d’une ano-malie de l’hémostase si le liquide est hémorragique à laponction, et si l’ imagerie ne détecte aucune lésion ostéocar-tilagineuse.

5.3.1. OstéochondritesElles [10] sont les étiologies les plus fréquentes de ces

épanchements mécaniques. Ce sont des atteintes ostéocar-tilagineuses qui peuvent toucher toutes les articulations [8,9].Le mécanisme exact en est inconnu, probablement multifac-toriel : troubles transitoires de la vascularisation osseuse,microtraumatismes, prédisposition génétique... Les plus fré-quentes atteignent la hanche (tête fémorale ou maladie deLegg Calvéet Perthès), les condyles fémoraux ou le dôme dutalus (Fig. 6). Le membre supérieur n’est pas épargné, enparticulier le condyle externe de l’humérus (maladie de Pan-ner). Si la radiographie est souvent suffisante pour faireévoquer le diagnostic, la scintigraphie peut être utile dans lesstades débutants infraradiographiques, si elle objective unehypofixation localisée. L’ IRM (ou à défaut l’arthroscanner)fait le bilan d’extension des lésions ostéochondrales et per-met de cibler les orientations thérapeutiques [3](Fig. 7).

5.3.2. Les dystrophies synovialesElles ne sont pas l’une des étiologies les plus fréquentes,

et sont donc insuffisamment évoquées : chondromatose syno-viale, synovite villonodulaire, hémangiome synovial, sontcelles que l’on observe le plus souvent.

5.3.2.1. Chondromatose synoviale. Elle [2–7] est une méta-plasie chondroïde de la synoviale qui produit des nodulescartilagineux. Elle atteint plus particulièrement les grossesarticulations. Le tableau clinique initial est un épanchementde type mécanique, avec parfois des sensations de blocagearticulaire lorsque des corps étrangers ont été libérés dansl’articulation. La radiographie est normale au début, lorsqueles nodules ne sont pas encore ossifiés. Il faut s’acharner àrechercher de petites calcifications au sein de l’articulation,

Fig. 6. Ostéochondrite disséquante du condyle fémoral.

Fig. 7. Arthroscanner dans le cadre d’une ostéochondrite du dôme du talus.Il permet de constater l’ intégrité du cartilage articulaire.

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qui si elles existent, permettent d’évoquer le diagnostic(Fig. 8). L’ IRM est utile, montrant une hyperplasie synovialenon spécifique, mais au sein de laquelle on retrouve desnodules de tonalité cartilagineuse (Fig. 9). C’est la biopsiesynoviale qui établit le diagnostic de certitude. Il n’y a pas detraitement médical connu ; la chirurgie permet l’exérèse descorps étrangers lorsqu’ ils deviennent trop invalidants.

5.3.2.2. Synovite villlonodulaire. Elle [5–11] est une dystro-phie synoviale d’étiologie inconnue. Elle touche plutôt les

grosses articulations, et évolue par poussées. La présentationest celle d’un syndrome mécanique au début, mais des pous-sées inflammatoires peuvent exister. La palpation peut mettreen évidence un empâtement articulaire, reflet d’un importantépaississement synovial. La radiographie standard est nor-male au début de l’évolution, mais l’os peut être érodé àunstade plus avancé, ce qui reste exceptionnel chez l’enfant.L’ IRM montre une image typique d’hypertrophie synovialequi prend fortement le contraste. Le liquide est hémorragiqueàla ponction en cas de poussée récente, ou brun si celle-ci estplus ancienne. L’arthroscopie permet de voir une hypertro-phie synoviale avec aspect en grappe de raisin (les villosités)et la biopsie confirme le diagnostic. La synovectomie chirur-gicale en est le seul traitement.

5.3.2.3. Hémangiome synovial. Elle est une tumeur vascu-laire bénigne incluse dans la synoviale. La symptomatologien’est pas spécifique : un épanchement peu abondant, hémor-ragique à la ponction doit faire évoquer le diagnostic. L’ IRMavec injection de produit de contraste localise la lésion intra-articulaire. Il faut également rechercher une maladie angio-mateuse générale (Sturge-Weber, Klippel-Trénaunay).

5.3.2.4. Les maladies de l’hémostase. Elles peuvent se ré-véler par une hémarthrose inaugurale. Un épanchement li-quidien de type mécanique, apparu spontanément ou aprèsun traumatisme mineur, mérite d’être ponctionné après lebilan radiographique standard. Si le liquide est hémorragiqueet la radiographie normale, la recherche d’une anomalie del’hémostase doit être faite avant d’évoquer les dysplasiesvasculaires type hémangiome ou autre.

D’autres anomalies hématologiques peuvent donner desmanifestations articulaires objectives, comme la drépanocy-tose, ou certaines leucoses.

5.4. Arthrites tumorales

Les étiologies tumorales intra-articulaires sont rares. Ilexiste peu de tumeurs primitives de la synoviale. Le synovia-losarcome [1–4] en est un exemple, mais paradoxalement, salocalisation préférentielle est le plus souvent extra-articulaire.

Certaines dystrophies synoviales, comme la synovite vil-lonodulaire, peuvent donner, àun stade évolué, une sympto-matologie tumorale intra-articulaire, tant l’hypertrophie estimportante. Le contexte, l’aspect du liquide, les explorationsd’ imagerie redressent le diagnostic.

Les tumeurs osseuses malignes, primitives ou secondairesentraînent des signes articulaires lorsqu’elles sont de locali-sation épiphysaire. On observe alors un épanchement quisigne l’envahissement de l’articulation. Cependant, les si-gnes généraux sont souvent au premier plan, et permettentd’évoquer le diagnostic. La radiographie est presque toujourspathologique, mais si elle est normale, la scintigraphie per-met de localiser la lésion en mettant en évidence une hyper-fixation osseuse. L’ IRM fait ensuite le bilan d’extension.

Fig. 8. Chondromatose synoviale de l’épaule, avec de nombreuses calcifi-cations intra-articulaires.

Fig. 9. Chondromatose synoviale du genou, avec nodules cartilagineux.

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6. Conclusion

Un épanchement articulaire chez l’enfant est un symp-tôme fréquent, et les étiologies en sont très nombreuses. Unepremière approche clinique consiste à séparer les épanche-ments isolés de ceux qui sont accompagnés de fièvre. En casde mono-arthrite fébrile, la hantise doit être l’ infection arti-culaire bactérienne, car non traitée, ses séquelles sont redou-tables et définitives. Après l’analyse biologique et radiogra-phique, la ponction articulaire est urgente et indispensable,car elle pose le diagnostic. La biopsie synoviale est systéma-tique si une exploration articulaire chirurgicale est réalisée,car de nombreuses autres étiologies peuvent entraîner unépanchement articulaire accompagnéde fièvre, même modé-rée : synovite aiguë transitoire de hanche, poussée d’arthritejuvénile idiopathique, crise drépanocytaire...

Quant aux atteintes mono-articulaires sans fièvre, lescauses mécaniques (ostéochondrite, plica...) prédominent etl’ imagerie permet d’en faire le diagnostic. Les maladiesrhumatismales chroniques peuvent avoir des présentationscliniques trompeuses et variées. Ainsi, il faut toujours recher-cher un syndrome inflammatoire biologique discret, qui s’ ilexiste, impose les dosages de différents anticorps, ainsi quela recherche des complications quiescentes (uvéite). En der-nier lieu, les étiologies rares, (dystrophies synoviales, tu-meurs) doivent être évoquées.

Références

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Compléments de lecture

Ouvrages généraux

Monographie du Geop : « Chirurgie et orthopédie du genou de l’enfant »Dirigé par Mallet J.F, Lechevallier J. Sauramps éditeur, 1993, Montpellier.Herring J.A. et al.: Tachdjian’s Pediatric Orthopedics, Third edition, W.B.Saunders Company ed, 2002, Philadelphia 3 volumes.Prieur A.M.: Rhumatologie Pédiatrique Flammarion et cie éd, 1999, Paris,610 p.Monographie du GEOP : Les infections ostéo-articulaires de l’enfant, Dirigépar Morin C., Herbaux B., Sauramps éditeur, 1995, Montpellier.

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