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8-0595 Conduite pratique devant une anomalie de la croissance R. Brauner Les courbes d’évolution de la taille et de l’indice de corpulence sont les documents-clés qui permettent de savoir si un enfant donné a une croissance anormale. La petite taille est le plus souvent (> 70 % des cas) de type constitutionnel. Les pathologies endocriniennes représentent moins de 10 % des étiologies, mais elles sont importantes à reconnaître car elles conduisent à un traitement spécifique. Le déficit en hormone de croissance (GH) peut être secondaire à une lésion (kyste, tumeur) ou à une irradiation de la région hypothalamohypophysaire, ou être idiopathique. Un déficit en GH conduit à rechercher systématiquement par une imagerie par résonance magnétique (IRM) une lésion de cette région. Le diagnostic de déficit idiopathique en GH est difficile et souvent fait par excès. Le retard de croissance à début intra-utérin est la cause de 10 % des petites tailles. Le caryotype sanguin standard doit être quasi systématique chez une fille ayant une petite taille inexpliquée à la recherche d’un syndrome de Turner. Le retard pubertaire est responsable d’un retard à l’accélération de la vitesse de croissance staturale. Ceci explique que le motif de consultation soit souvent la petite taille. Chez le garc ¸on, il s’agit le plus souvent (> 80 % des cas) d’un retard pubertaire simple. La grande taille est, elle aussi, le plus souvent (> 90 % des cas) de type constitutionnel. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Croissance ; Déficit en hormone de croissance ; Facteurs de croissance ; Grande taille ; Hormone de croissance ; Puberté ; Retard pubertaire ; Retard de croissance ; Syndrome de Turner Plan Introduction 1 Croissance et puberté normales 1 Croissance normale 1 Puberté normale 2 Âge osseux 2 Diagnostic d’une anomalie de la croissance 2 Retard de croissance et/ou vitesse de croissance inférieure à la norme 3 Quelle est la cause de la petite taille ? 3 Traitement 7 Grande taille et/ou vitesse de croissance supérieure à la norme 7 Quelle est la cause de la grande taille ? 7 Taille adulte 8 Indications et moyens thérapeutiques 8 Introduction Le suivi de l’évolution de la taille, du poids et du périmètre crânien, et du développement pubertaire est un élément-clé de la surveillance d’un enfant. Il permet de rassurer l’enfant et sa famille sur l’évolution de son corps et surtout de dépister une anomalie. Croissance et puberté normales Croissance normale La croissance peut être divisée en quatre phases, en fonction de la vitesse de croissance et de l’influence prépondérante d’un facteur de croissance donné (Tableau 1). Une croissance normale nécessite un système endocrinien et un squelette normaux. Elle est contrôlée par des facteurs génétiques. Elle est liée à l’état nutritionnel. Elle peut être ralentie par certaines anomalies de l’environnement. Les facteurs endocriniens de la croissance post-natale sont l’hormone de croissance (growth hormone [GH]), les hormones thyroïdiennes et, à la puberté, l’estradiol chez la fille et la tes- tostérone chez le garc ¸on. La GH agit par l’intermédiaire d’un facteur de croissance fabriqué par le foie : insulin-like growth factor 1 (IGF1). Les facteurs génétiques interviennent sur le niveau de taille et sur l’âge au démarrage de la puberté. La taille cible, ou taille génétique, est la taille adulte que devrait avoir l’enfant si n’intervenaient que les facteurs génétiques. EMC - Traité de Médecine Akos 1 Volume 7 > n 3 > juillet 2012 http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(12)56932-2 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 17/03/2013 par UNIVERSITE LAVAL - (338842)

Conduite pratique devant une anomalie de la croissance

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Conduite pratique devant une anomaliede la croissance

R. Brauner

Les courbes d’évolution de la taille et de l’indice de corpulence sont les documents-clés qui permettentde savoir si un enfant donné a une croissance anormale. La petite taille est le plus souvent (> 70 % descas) de type constitutionnel. Les pathologies endocriniennes représentent moins de 10 % des étiologies,mais elles sont importantes à reconnaître car elles conduisent à un traitement spécifique. Le déficit enhormone de croissance (GH) peut être secondaire à une lésion (kyste, tumeur) ou à une irradiationde la région hypothalamohypophysaire, ou être idiopathique. Un déficit en GH conduit à recherchersystématiquement par une imagerie par résonance magnétique (IRM) une lésion de cette région. Lediagnostic de déficit idiopathique en GH est difficile et souvent fait par excès. Le retard de croissance àdébut intra-utérin est la cause de 10 % des petites tailles. Le caryotype sanguin standard doit être quasisystématique chez une fille ayant une petite taille inexpliquée à la recherche d’un syndrome de Turner. Leretard pubertaire est responsable d’un retard à l’accélération de la vitesse de croissance staturale. Ceciexplique que le motif de consultation soit souvent la petite taille. Chez le garcon, il s’agit le plus souvent(> 80 % des cas) d’un retard pubertaire simple. La grande taille est, elle aussi, le plus souvent (> 90 %des cas) de type constitutionnel.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Croissance ; Déficit en hormone de croissance ; Facteurs de croissance ; Grande taille ;Hormone de croissance ; Puberté ; Retard pubertaire ; Retard de croissance ; Syndrome de Turner

Plan

■ Introduction 1■ Croissance et puberté normales 1

Croissance normale 1Puberté normale 2Âge osseux 2

■ Diagnostic d’une anomalie de la croissance 2■ Retard de croissance et/ou vitesse de croissance inférieure

à la norme 3Quelle est la cause de la petite taille ? 3Traitement 7

■ Grande taille et/ou vitesse de croissance supérieure à la norme 7Quelle est la cause de la grande taille ? 7Taille adulte 8Indications et moyens thérapeutiques 8

� IntroductionLe suivi de l’évolution de la taille, du poids et du périmètre

crânien, et du développement pubertaire est un élément-clé de la

surveillance d’un enfant. Il permet de rassurer l’enfant et sa famillesur l’évolution de son corps et surtout de dépister une anomalie.

� Croissance et puberté normalesCroissance normale

La croissance peut être divisée en quatre phases, en fonctionde la vitesse de croissance et de l’influence prépondérante d’unfacteur de croissance donné (Tableau 1). Une croissance normalenécessite un système endocrinien et un squelette normaux. Elleest contrôlée par des facteurs génétiques. Elle est liée à l’étatnutritionnel. Elle peut être ralentie par certaines anomalies del’environnement.

Les facteurs endocriniens de la croissance post-natale sontl’hormone de croissance (growth hormone [GH]), les hormonesthyroïdiennes et, à la puberté, l’estradiol chez la fille et la tes-tostérone chez le garcon. La GH agit par l’intermédiaire d’unfacteur de croissance fabriqué par le foie : insulin-like growth factor 1(IGF1).

Les facteurs génétiques interviennent sur le niveau de tailleet sur l’âge au démarrage de la puberté. La taille cible, outaille génétique, est la taille adulte que devrait avoir l’enfant sin’intervenaient que les facteurs génétiques.

EMC - Traité de Médecine Akos 1Volume 7 > n◦3 > juillet 2012http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(12)56932-2

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Tableau 1.Phases de la croissance post-natale.

De la naissance à2-3 ans

Vitesse de croissance très rapide :- 1re année : 24 cm- 2e année : 11 cm- 3e année : 8 cmDiminution de l’influence des facteursintra-utérins au profit des facteursgénétiques → changements possibles decouloir de croissance

Phase prépubère Vitesse de croissance stable 5-6 cm/an avecsouvent ralentissement prépubertaire

Phase pubertaire Développement des caractères sexuelssecondairesAccélération de la vitesse de croissancestaturale qui passe de 5 à 9 cm/an :- pic à 12 ans fille/14 ans garcon- gain total moyen 24 cm fille/27 cm garcon

Indicateurs de fin decroissance

Gain statural < 2 cm/anÂge osseux > 15 ans fille/16 ans garconTest de Risser si nécessaire

Taille cible (cm) = taille père (cm) + taille mère (cm) + 13 sigarcon -13 si fille/2

La taille doit être mesurée avec soin par une personne entraî-née à le faire et avec un matériel fiable. Le résultat de la mesureest inscrit sur le carnet de santé, et reporté sur la courbe, cequi permet de suivre l’évolution de la croissance. Parallèlementsont évalués le périmètre crânien (rapporté aux normes pourl’âge), le poids (rapporté à la taille), et le stade pubertaire (cfinfra). L’indice de corpulence [1] (body mass index) est le rapportpoids (kg)/taille (m)2.

La taille moyenne adulte est de 162 cm chez la fille et de 175 cmchez le garcon. Le niveau de taille est exprimé en déviations stan-dards (DS) [2] ou en percentiles. Un percentile donné est la limiteen dessous de laquelle se trouve le pourcentage correspondantde la population normale (par exemple 3 % des enfants ont unetaille en dessous du 3e percentile). Les tailles de 95 % des enfantsbien portants sont entre –2 DS (proche du 3e percentile) et +2 DS(proche du 97e percentile). Cela correspond à une taille adultecomprise entre 151 et 174 cm chez les filles et entre 163 et 187 cmchez les garcons.

Puberté normaleLa puberté est la période de transition entre l’enfance et l’état

adulte [3]. Elle s’exprime sur le plan clinique par un développe-ment des caractères sexuels et par une accélération de la vitessede croissance en taille. Elle conduit à l’acquisition des fonctionsde reproduction.

Le développement pubertaire est secondaire aux sécrétionsd’estradiol par les ovaires ou de testostérone par les testi-cules. Ceci constitue la « gonadarche ». Les surrénales participentau développement de la pilosité sexuelle. Ceci constituel’« adrénarche ».

Les caractères sexuels se développent dans 95 % des cas entre8 et 13 ans (moyenne 11 ans) chez la fille et entre 9 et 14 ans(moyenne 12,5 ans) chez le garcon. Les stades du développe-ment pubertaire sont cotés de 1 à 5 selon la classification deMarshall et Tanner [4, 5]. Le stade 1 correspond à l’absence de déve-loppement pubertaire et le stade 5 au développement completadulte.

Chez la fille, le signe qui indique le démarrage pubertaireest le développement des seins (souvent unilatéral au début),accompagné ou suivi de l’apparition d’une pilosité pubienne.L’intervalle moyen entre le début du développement des seinset l’apparition des premières règles est de 2 ans. Celles-ci sur-viennent en moyenne à 13 ans. Chez le garcon, le signe quiindique le démarrage pubertaire est l’augmentation du volumedes testicules. Cette augmentation témoigne du développement

des tubes séminifères sous l’effet de l’augmentation de la sécrétionhypophysaire de follicle stimulating hormone (FSH). Les testiculesprépubères mesurent autour de 2 × 1 cm et des dimensions tes-ticulaires supérieures à 3 × 2 cm indiquent une stimulation. Lasécrétion de testostérone contribue avec les hormones surré-naliennes (essentiellement sulfate de déhydroépiandrostérone[DHAS]) au développement de la pilosité sexuelle. Elle induit uneaugmentation des dimensions de la verge, des érections et unemue de la voix. Chez le garcon, il est fréquent d’observer au coursde la puberté un développement des seins, appelé gynécomastie.Celle-ci est parfois douloureuse et/ou unilatérale. Elle est le plussouvent transitoire.

La vitesse de croissance staturale s’accélère à la puberté : le gainannuel en taille passe de 5 cm avant la puberté à 9 cm durant le picde croissance pubertaire. L’âge moyen à la survenue de ce pic estde 12 ans chez la fille et de 14 ans chez le garcon [2, 3]. Le nombretotal moyen de centimètres pris entre la première menstruationet la taille adulte est de 7 cm lorsque la première menstruationsurvient à 13 ans.

Âge osseuxL’âge osseux correspond pour un individu à l’âge réel de la

majorité des individus de son sexe qui ont la même maturationsquelettique. Pour déterminer l’âge osseux, la méthode la plusutilisée est celle de Greulich et Pyle [6]. Elle utilise la radiogra-phie de la main et du poignet gauches de face (un seul cliché).L’apparition de l’os sésamoïde du pouce est un repère commodecar elle est en général contemporaine du démarrage pubertaire ;elle correspond à un âge osseux de 11 ans chez la fille et de13 ans chez le garcon. L’âge osseux permet d’approcher la frac-tion de sa taille adulte qu’un enfant a déjà prise, et donc sapotentialité de croissance résiduelle jusqu’à la taille adulte. Laprédiction de taille adulte se calcule, pour un enfant donné,à partir de sa taille et de son âge osseux [7]. Cependant, il ya une marge d’erreur entre la taille prédite et la taille adulte.Cette marge est d’autant plus grande que l’enfant est plus jeuneet que la différence entre les âges chronologique et osseux estgrande. Il est inutile, en règle générale, de redemander des âgesosseux sauf s’ils sont nécessaires pour prendre des décisionsthérapeutiques.

� Diagnostic d’une anomaliede la croissance

Pris isolément, le niveau de taille ne permet pas de conclurequant au caractère normal ou non de la croissance. Il est essen-tiel de préciser la vitesse de croissance pour savoir si le niveaude taille résulte d’une croissance régulière ou s’il est secondaire àun changement de couloir de croissance. Les courbes d’évolutionde la taille et de l’indice de corpulence sont les documents-clésqui permettent de savoir si un enfant donné a une croissanceanormale.

Les éléments qui font rechercher une anomalie sont :• un niveau de taille situé en dehors des limites de –2 et de +2 DS ;

plus l’écart à la moyenne est grand, plus forte est la probabilitéde trouver une anomalie ;

• une différence importante (> 1,5 DS) entre la taille de l’enfantet sa taille génétique (cf. supra), exprimées toutes les deux enDS [8] ;

• surtout une vitesse de croissance anormale pour l’âge, ce quiconduit à un changement de couloir de croissance.Dans les petites tailles, l’évolution du poids et de l’indice de

corpulence est à analyser parallèlement à l’évolution de la taillepour répondre aux questions suivantes :• le ralentissement statural s’accompagne-t-il d’un arrêt de la

prise de poids ou au contraire de la constitution d’un surpoids ;• le ralentissement statural précède-t-il ou au contraire succède-

t-il à la modification de l’évolution du poids ?En effet, lorsqu’un ralentissement de la prise de poids précède le

ralentissement de la croissance en taille, cela indique que le ralen-tissement statural est probablement secondaire à l’insuffisance de

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prise pondérale et oriente plutôt vers un problème nutritionnel.À l’inverse, lorsque le ralentissement statural s’accompagne d’uneprise de poids excessive, cela oriente vers une hypothyroïdie, unhypercorticisme ou une lésion intracrânienne de type craniopha-ryngiome.

“ Point important

La courbe de croissance est le document-clé.Les éléments qui font rechercher une anomalie sont :• niveau de taille en dehors de –2 et + 2 DS ;• différence importante (> 1,5 DS) entre la taille del’enfant et sa taille cible en DS ;• surtout une vitesse de croissance anormale pour l’âgece qui induit un changement de couloir de croissance.Il convient d’analyser parallèlement l’évolution du poids etde l’indice de corpulence.

� Retard de croissanceet/ou vitesse de croissanceinférieure à la norme

Un enfant vu pour petite taille conduit à se poser les questionssuivantes (Tableau 2) :• la croissance est-elle anormale (cf. supra) ?• en cas d’anomalie, quelle en est la cause ?• quelles sont les possibilités de traitement ?

Quelle est la cause de la petite taille ?(Tableaux 3, 4)

Petite taille constitutionnelleLa petite taille est le plus souvent (> 70 % des cas) consti-

tutionnelle, appelée aussi génétique, essentielle ou familiale.L’indication à demander des examens complémentaires à larecherche d’une pathologie dépend du contexte. Le plus souvent,le diagnostic est facile à faire sur les arguments suivants :• la vitesse de croissance est normale pour l’âge (Fig. 1) ;• le niveau de taille est concordant avec la taille cible calculée à

partir des tailles des parents ;• il n’y a pas de signe fonctionnel ;• l’examen clinique est normal.

Tableau 2.Conduite du diagnostic devant un enfant de petite taille.

Questions

La croissance est-elle anormale ?En cas d’anomalie, quelle en est la cause ?Quelles sont les possibilités de traitement ?

Informations nécessaires

Tailles et âges pubertaires des parents et de la fratrieTerme, poids et taille à la naissancePathologie et/ou corticothérapie chroniquesTroubles fonctionnels : diarrhée, vomissement, anorexie, polyurieet/ou céphaléeApports alimentairesContexte psycho-socio-affectif

Examen clinique

Taille, périmètre crânien, développement pubertaire à comparer àl’âgePoids et indice de corpulence

Tableau 3.Causes des petites tailles.

Petite taille constitutionnelle

Pathologie connue

Syndromes et maladies osseuses constitutionnellesAnomalie chromosomique autosomiqueAffection chronique décompenséeCorticothérapie continue et prolongée

Pathologie endocrinienne

Déficit en hormone de croissanceHypothyroïdieSyndrome de TurnerRetard pubertaireExcès de corticostéroïdes

Autres causes

Retard de croissance à début intra-utérinTrouble psycho-socio-affectifMaladie cœliaquePathologie inflammatoire intestinalePathologie rénaleInsuffisance nutritionnelle

Tableau 4.Recherche de l’étiologie d’une petite taille.

Étape 1

Radiographie de la main et du poignet gauches de face (un cliché)IGF1, créatinine, VS, anticorps antitransglutaminases, ± NFS

Étape 2

Évaluation de la sécrétion de GH sous stimulation

Autres

Fille : caryotype standardSi prise pondérale excessive : T4 (non T3), TSH, cortisolurie 24 hTaille < –3 DS inexpliquée : radiographies du bassin de face, rachislombosacré, avant-brasIRM hypothalamo-hypophysaire si vitesse de croissance inférieure àla norme avec pic GH < 10-15 ng/ml et/ou signes fonctionnels ouphysiques associés

IGF1 : insulin-like growth factor 1 ; VS : vitesse de sédimentation ; NFS : numérationformule sanguine ; GH : growth hormone ; TSH : thyroid stimulating hormone ; IRM :imagerie par résonance magnétique.

Il suffit alors de faire doser le taux plasmatique du facteurde croissance IGF1. S’il est normal pour l’âge, cela consti-tue un argument contre une pathologie. L’indication à faireune évaluation pour exclure une pathologie peut venir deséléments suivants : importance du déficit statural, doute dansl’esprit de la famille ou du médecin traitant sur l’existence d’unepathologie.

Les maladies osseuses constitutionnelles sont parfois dediagnostic assez facile sur les radiographies osseuses. Cepen-dant, ces anomalies peuvent être mineures, notamment dansl’hypochondroplasie ou la dyschondrostéose, reconnues seule-ment par des spécialistes. Elles doivent être recherchéessystématiquement lorsque le déficit statural est important et qu’ilexiste des antécédents de petite taille familiale. Leur recherche sefait par des radiographies osseuses ciblées (rachis lombosacré faceet profil, bassin de face, avant-bras et poignet gauche de face et deprofil). La mise en évidence d’anomalies de gènes à leur origineest à ses débuts.

Pathologie connueDans certains cas, la cause de la petite taille est facile à établir

car l’enfant a une pathologie qui ralentit la vitesse de croissanceou qui s’accompagne d’une petite taille. L’indication à demanderdes examens complémentaires à la recherche d’une pathologieassociée, en particulier d’un déficit en GH, est fonction d’une part

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X

X

X

X

X

S2

TC

Figure 1. Courbes de croissance staturale et pondérale d’une fille suiviepour petite taille constitutionnelle. La survenue d’une puberté avancée(S2) risque de réduire le potentiel de croissance. Cependant le traitementfreinateur de la puberté semble inefficace pour préserver le potentiel decroissance dans cette situation.

du niveau de taille de l’enfant comparé à celui qu’entraîne habi-tuellement sa pathologie initiale, et d’autre part de la possibilitéd’associations.

Pathologie endocrinienneDéficit en hormone de croissance (Fig. 2)

Le diagnostic de déficit en GH est facile à faire chez un enfantqui a un ralentissement de sa vitesse de croissance staturale aprèsune lésion ou une irradiation de la région hypothalamohypophy-saire. La lésion la plus fréquente est le craniopharyngiome. Enl’absence de lésion ou d’irradiation, le diagnostic de déficit en GHest difficile. Cependant, ce diagnostic reste important à faire mal-gré l’augmentation de la disponibilité en GH, et ce pour les raisonssuivantes :• il y a une urgence thérapeutique en cas d’hypoglycémie surtout

chez le nouveau-né [9], de déficits associés (en cortisol ou enthyroxine), ou si le déficit en GH révèle une tumeur ;

Hormone de croissance

Figure 2. Courbes de croissance staturale et pondérale d’une fille vuepour déficit congénital en hormone de croissance. Le traitement substitutifpermet de retrouver le couloir de croissance génétique.

• la constatation d’un déficit en GH conduit à rechercherd’autres déficits hypophysaires et à demander une imageriepar résonance magnétique (IRM), pour chercher une cause à cedéficit ;

• l’association d’hypoglycémies à un micropénis (longueur dela verge < 3 cm), en particulier chez un nouveau-né, est trèsévocatrice du diagnostic de déficit congénital en GH et imposed’effectuer en urgence une IRM cérébrale à la recherche d’unemalformation hypothalamohypophysaire (cf. infra) qui permetun diagnostic rapide [9] ;

• le gain de taille obtenu avec des doses standards de GH chez lespatients ayant un déficit transitoire en GH est médiocre, infé-rieur à celui obtenu chez ceux ayant un déficit permanent [10] ;

• le traitement par GH est astreignant et coûteux ;• il y a une interrogation sur le risque à long terme à augmenter

au-dessus de la norme les facteurs de croissance.La mesure du taux sanguin de GH n’est pas informative. Le

diagnostic de déficit en GH est fait sur l’insuffisance ou l’absenced’augmentation des taux plasmatiques de GH en réponse à unestimulation. Les stimuli les plus couramment employés sontl’arginine, le glucagon et l’hypoglycémie insulinique contrôlée.

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S2 R1

T4

T4L = 1 ml/lTSH = 800mm/l

TC

A

T4

BFigure 3. Courbes de croissance staturale et pondérale d’une fille vue pour retard de croissance (A). Ralentissement majeur de la vitesse de croissance à partirde l’âge de 5,5 ans, contrastant avec une prise pondérale majeure comme le montre la courbe d’indice de corpulence (B). Ceci est dû à une hypothyroïdiepar thyroïdite. Le traitement substitutif par la thyroxine (T4) a permis un rattrapage statural et la normalisation de l’indice de corpulence.

On parle de déficit en GH lorsque le pic de GH sous stimula-tion est inférieur à 20 mU/l ou 10 ng/ml (= �g/l). Il est nécessairede confirmer le déficit par une deuxième évaluation de la sécré-tion de GH. En effet, un certain nombre d’enfants ayant unecapacité normale à sécréter de la GH ne répondent pas à unepremière, voire à une deuxième stimulation. Cela est particuliè-rement le cas des enfants qui ont un surpoids et des garcons quisont âgés de 10 à 13 ans ou qui ont un retard pubertaire (RP).Ainsi, 30 % à 80 % des déficits idiopathiques en GH diagnosti-qués dans l’enfance ont un pic de GH normal à l’âge adulte. Letaux d’IGF1 est effondré en cas de déficit idiopathique en GHet constitue un excellent marqueur du diagnostic. La recherched’un déficit en GH se fera probablement dans l’avenir par lamesure de la concentration plasmatique d’IGF1, suivie d’uneIRM, la place des tests de stimulation de la sécrétion de GHdevenant plus limitée. En effet, l’IRM de la région hypotha-lamohypophysaire montre chez plus de la moitié des patientsqui ont un déficit permanent « idiopathique » en GH un aspectdit d’interruption de la tige pituitaire dont les composantessont les suivantes : posthypophyse ectopique, antéhypophyse

petite et tige pituitaire interrompue [11]. Cet aspect apporte uneconfirmation anatomique au diagnostic de déficit permanenten GH.

Hypothyroïdie (Fig. 3)La spécificité de l’effet des hormones thyroïdiennes chez

l’enfant, par rapport à l’adulte, est qu’elles sont néces-saires au développement du système nerveux durant les2 premières années de vie et à la croissance. L’hypothyroïdiepeut être d’origine centrale (hypothalamohypophysaire) oupériphérique (thyroïdienne), congénitale ou acquise. Le tauxplasmatique de thyroid stimulating hormone (TSH) est normalou bas dans les formes centrales et augmenté dans les formespériphériques.

Le pronostic de l’hypothyroïdie congénitale périphérique a ététransformé par le dépistage néonatal systématique, celui-ci est faitsur le taux de TSH mesuré sur le papier « Guthrie » ; ce taux estaugmenté. Le dépistage systématique permet, en France, de traiterles enfants avant le 10e jour de vie. Cependant, il ne permet pasde dépister l’hypothyroïdie congénitale d’origine centrale.

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Tableau 5.Syndrome de Turner : circonstances de diagnostic (1/2 500 nouveau-nésde sexe féminin).

Caryotype demandé pour

In utero Âge avancé de la mèreAntécédents de pathologie obstétricaleAnomalies à l’échographie fœtale (croissance, cou,cœur)

En périodenéonatale

Lymphœdème des extrémités

Dans l’enfance Petite tailleParticularités morphologiques

À l’âge pubertaire Absence de développement des seinsAménorrhée primaire

À l’âge adulte Stérilité

À tout âge Cardiopathie

L’hypothyroïdie acquise est le plus souvent due à une thyroï-dite. Le ralentissement de la vitesse de croissance staturale est leplus souvent associé à une prise pondérale excessive et à d’autressignes cliniques d’hypothyroïdie (constipation, diminution desperformances scolaires et goitre en cas de thyroïdite). Le diag-nostic d’hypothyroïdie est fait sur le taux bas de thyroxine (T4)plasmatique. Le dosage de T3, forme active de la T4, n’est pas infor-matif chez l’enfant. Le diagnostic de thyroïdite est fait sur le tauxélevé d’anticorps antithyroïdiens (antiperoxydase, antimicroso-miaux).

Syndrome de TurnerSa prévalence est de 1/2 500 nouveau-nés de sexe féminin

(Tableau 5). Il résulte d’une absence partielle ou complète d’unchromosome X. Les deux signes majeurs sont une petite taille etune dysgénésie gonadique [12, 13].

La taille adulte moyenne des filles qui ont un syndrome de Tur-ner est de 143 cm. La dysgénésie gonadique est responsable del’absence de développement spontané de la puberté (80 % des cas)et de la stérilité. Cependant, des grossesses sont possibles dans 2 %des cas. Les autres signes sont inconstants :• particularités morphologiques dont la plus fréquente est le cou

court, voire palmé (pterygium colli), avec implantation bassedes cheveux ;

• malformations cardiaques (en particulier coarctation de l’aorte)et rénales (rein en « fer à cheval ») ;

• otites fréquentes, déficit de l’audition.Les anomalies thyroïdiennes (thyroïdite) ou de la tolérance

glucidique (diabète sucré) sont plus fréquentes chez les fillesayant un syndrome de Turner que dans la population générale.L’intelligence et l’adaptation à la vie d’adulte sont le plus souventnormales.

Parmi les anomalies observées dans le syndrome de Turner,celles qui constituent réellement un problème sont la petite tailleet la stérilité. Étant donné que la sécrétion de GH est normale,l’efficacité du traitement par GH à augmenter la taille adulteest variable et ses facteurs ne sont pas connus (gain moyenautour de 7 cm). Le traitement substitutif par estrogènes, puispar estroprogestatifs, permet une croissance pubertaire normale,un développement des seins, puis la survenue de menstruations.Les modalités de ce traitement sont bien codifiées. Les parentsont besoin d’entendre que les organes génitaux sont normaux,permettant une vie sexuelle normale et que le développementpubertaire se fera normalement spontanément ou grâce à untraitement. Le don d’ovocytes pour fécondation in vitro peut per-mettre des grossesses.

Retard pubertaireLe RP est défini par l’absence de développement des carac-

tères sexuels au-delà de l’âge de 13 ans chez la fille [12, 13] et de14 ans chez le garcon. On distingue le RP pathologique du RPnon pathologique ou simple, c’est-à-dire suivi d’un développe-ment pubertaire spontané complet. Le RP pathologique peut êtred’origine centrale (hypothalamohypophysaire) ou périphérique(gonadique).

La conduite du diagnostic se fait en quatre étapes.S’agit-il d’une absence de puberté ou y a-t-il des signes de

démarrage pubertaire ? Le plus souvent à la première consul-tation pour RP, il y a un développement des seins chez la filleou une augmentation du volume des testicules chez le garcon.Ceci indique que l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique estprobablement normal. Le développement de la pilosité sexuelleest moins informatif car il est en partie dû à l’augmentation desandrogènes surrénaliens.

S’agit-il d’un RP pathologique ou simple ? Chez le garcon,il s’agit dans 80 % des cas d’un RP simple. Les éléments en faveurde ce diagnostic sont : l’existence de RP dans la famille, l’absencede signe fonctionnel, une prise de poids et un examen cliniquenormaux et la présence de signes de début de puberté. Quelquesexamens complémentaires peuvent être nécessaires car le diag-nostic de RP simple est un diagnostic d’élimination. Chez la fille,il s’agit dans 70 % des cas d’un RP pathologique, en particulier dûà un syndrome de Turner.

En cas de RP pathologique, est-il d’origine hypothalamo-hypophysaire ou gonadique ? Chez le garcon, des antécédentsd’ectopie testiculaire et de micropénis sont en faveur d’un déficitcongénital en gonadotrophines.

Le taux plasmatique de FSH est normal ou bas dans les ano-malies hypothalamohypophysaires et dans le RP simple. Il estau contraire augmenté (> 9 UI/l) dans les anomalies gonadiques.Cependant, cette augmentation n’apparaît que lorsque l’âgeosseux a dépassé 11 à 12 ans chez la fille et 13 à 14 ans chezle garcon. Si le taux plasmatique de FSH est normal ou bas, laréponse des gonadotrophines (FSH et luteinising hormone [LH]) àl’injection de luteinizing hormone-releasing hormone (LHRH, test)est typiquement discriminante : en cas de déficit en gonadotro-phines, leurs taux n’augmentent pas ; en cas de RP simple, ilsaugmentent.

La petite taille est-elle due uniquement au RP ? En casde RP, l’accélération de la vitesse de croissance est retardée, cequi induit un changement de couloir de croissance (Fig. 4).Cela pose la question de ne pas méconnaître une pathologiequi serait responsable du RP et du changement de couloir decroissance.

Excès de corticostéroïdesIl peut être iatrogène ou d’origine endogène. Le syndrome de

Cushing est caractérisé par une hypersécrétion de cortisol. Il estrare chez l’enfant. Les principaux signes sont : ralentissementde la vitesse de croissance staturale, prise pondérale excessive,douleurs dorsales secondaires à l’ostéoporose et vergetures. Lediagnostic d’hypercorticisme est suspecté sur l’augmentation dela cortisolurie des 24 heures. Par ailleurs, l’administration prolon-gée de doses pharmacologiques de corticoïdes ralentit la vitessede croissance staturale. L’arrêt du traitement n’est pas toujourssuivi d’un rattrapage statural. Afin de limiter l’effet des corticoïdessur la croissance, il est souhaitable de réduire la dose au mini-mum nécessaire ; ceci est aussi valable pour les formes inhalées oucutanées.

Autres causesRetard de croissance à début intra-utérin

Il est défini par un poids et/ou une taille de naissance inférieursà –2 DS pour l’âge gestationnel, calculé en semaines à partir dela date de survenue des dernières règles [14]. Contrairement auxprématurés ayant un poids de naissance normal pour leur âgegestationnel qui ont le plus souvent un rattrapage statural, envi-ron 20 % des enfants qui ont un retard de croissance intra-utérin(RCIU) n’ont pas de rattrapage statural. Celui-ci, lorsqu’il a lieu,se produit tôt, en règle générale avant l’âge de 1 an. Le RCIUest la cause de 10 % des petites tailles. Le traitement par GH estpossible lorsque la taille reste inférieure à −3 DS après l’âge de4 ans.

Retard de croissance par trouble psycho-socio-affectifLes difficultés relationnelles avec l’entourage sont souvent

difficiles à mettre en évidence. Le critère de diagnostic estl’accélération de croissance lorsque le patient est totalementséparé de son milieu familial.

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P2

Figure 4. Courbes de croissance staturale et pondérale d’un garconvu pour retard de croissance. Le changement de couloir de croissancestaturale entre 11,9 et 15 ans est dû à une non-accélération par absencede puberté. L’évolution pondérale est normale. La survenue d’une puberté(P2) a permis un rattrapage statural.

L’anorexie mentale se voit le plus souvent chez les filles, aprèsle début de leur puberté. L’amaigrissement et l’aménorrhée sontalors au premier plan.

À côté de ces deux situations où les difficultés psychoaffectivesont un rôle majeur dans le déficit statural, il y a des situationsoù l’environnement a un rôle moins net. Il agit par réduction del’apport nutritionnel, difficultés sociales familiales et/ou difficul-tés psychologiques.

AutresUn certain nombre de syndromes s’accompagnent d’un déficit

statural associé à des anomalies morphologiques et souvent à unRCIU (syndromes de Noonan, de Silver-Russell, etc.).

Certaines pathologies peuvent s’exprimer par un déficit staturalisolé : maladie cœliaque recherchée par le dosage du taux plas-matique des anticorps antitransglutaminases, maladie de Crohnpar la mesure de la vitesse de sédimentation, néphropathie par lamesure de la créatinine et la recherche de protéinurie.

Nutrition, sportLes enfants ayant une petite taille constitutionnelle ou un RP

simple sont souvent maigres. Leur taux d’IGF1 sont corrélés avecleur indice de corpulence et leur vitesse de croissance. Ces don-nées suggèrent qu’une optimisation de leur apport alimentairepourrait augmenter leur potentiel de croissance. Ceci est d’autantplus important qu’il n’y a actuellement pas de traitement dontl’efficacité à augmenter la taille adulte ait été démontrée.

La pratique intensive du sport (plus de 10 heures par semaine)peut être responsable d’un retard de croissance ou de puberté, oud’une insuffisance de progression de la puberté. Le sport intervientalors par plusieurs facteurs : mécaniques, stress, mais surtout insuf-fisance d’apport calorique par comparaison avec l’effort fourni.Des conseils diététiques adaptés peuvent optimiser la croissanceet le développement de la puberté.

TraitementIl dépend de l’étiologie de la petite taille. Les règles du traite-

ment par GH sont détaillées dans le Journal officiel. Le traitementpar GH est pris en charge par la caisse primaire d’assurance mala-die si la petite taille est due à un déficit en GH, à un syndrome deTurner, à une insuffisance rénale chronique ou à un RCIU.

Dans l’hypothyroïdie, le traitement substitutif permet le rattra-page statural.

Lorsque le RP est secondaire à une anomalie de l’axehypothalamo-hypophyso-gonadique, il est une indication à untraitement substitutif. Le traitement est débuté vers l’âge de12 ans chez la fille et 13 ans chez le garcon, en tenant comptede la demande de l’adolescent. Les objectifs de ce traitementsont d’induire un gain statural pubertaire, un développement descaractères sexuels secondaires, puis une activité sexuelle adultenormaux, puis si possible une fertilité. Dans le RP simple dugarcon, la petite taille et l’absence de développement des carac-tères sexuels sont souvent mal tolérés sur le plan psychologiqueaprès l’âge de 15 ans. Ceci est encore plus marqué lorsque le RPsurvient chez un garcon qui a une petite taille constitutionnelle. Ila été montré que, à condition d’être utilisé selon un schéma défini,le traitement par la testostérone n’induit pas de progression exces-sive de la maturation osseuse et donc pas de réduction de la tailleadulte.

Un apport nutritionnel, en particulier de laitages, et un apportde vitamine D (100 000 unités par voie orale, tous les 3 mois,environ 4 à 6 fois au total) sont nécessaires durant la croissancepubertaire.

� Grande taille et/ou vitessede croissance supérieureà la norme

La grande taille est définie par un niveau de taille au-dessus de+2 DS, soit 174 cm chez la fille et 187 cm chez le garcon. Une accé-lération de la vitesse de croissance, qui conduit à un changementde couloir de croissance, doit faire rechercher une pathologie, etce quel que soit le niveau de taille.

Un enfant vu pour grande taille conduit à se poser les questionssuivantes (Tableau 6) : quelle est la cause de la grande taille ? En casde grande taille constitutionnelle, quelle sera la taille adulte et ya-t-il une indication à un traitement pour réduire la taille adulte et,dans ce cas, quels sont l’efficacité et les risques d’effets secondairesde ce traitement. Il est en règle facile de trouver l’étiologie de lagrande taille. En revanche, la capacité des traitements à réduirela taille adulte et le risque de leurs effets secondaires sont malprécisés.

Quelle est la cause de la grande taille ?Grande taille constitutionnelle

Elle est aussi appelée génétique, essentielle ou familiale (> 90 %des cas). Les éléments en faveur du diagnostic de grande taille

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Tableau 6.Conduite du diagnostic devant un enfant de grande taille.

Questions

Quelle est la cause de la grande taille ?En cas de grande taille constitutionnelle :- quelle sera la taille adulte ?- y a-t-il une indication à un traitement et quels sont l’efficacité et lesrisques de celui-ci ?

Informations nécessaires

Tailles et âges pubertaires des parents et de la fratrieDéveloppement psychomoteurCourbes de croissance de la taille et du périmètre crânien

Examen clinique

MorphologieFréquence cardiaque et tension artérielleDéveloppement des caractères sexuels

constitutionnelle sont l’existence de grandes tailles dans la familleet l’absence d’anomalie à l’examen clinique : absence de dysmor-phie, de retard psychomoteur, de macrocrânie, de tachycardie,d’hypertension artérielle et de développement prématuré descaractères sexuels.

Grande taille par pathologie endocrinienneLa grande taille s’accompagne le plus souvent d’une vitesse de

croissance supérieure à la norme pour l’âge, d’une avance de l’âgeosseux et d’anomalies à l’examen clinique. Le traitement spéci-fique de cette pathologie normalise la vitesse de croissance.

HyperthyroïdieL’accélération de la vitesse de croissance est due à

l’augmentation de la sécrétion d’hormones thyroïdiennes.L’hyperthyroïdie est le plus souvent due à une maladie deBasedow. Les anticorps dirigés contre le récepteur de la TSHstimulent la synthèse d’hormones thyroïdiennes. Ceci est res-ponsable de tachycardie, d’hypertension artérielle et d’un goître.Les taux plasmatiques sont augmentés pour T4 et diminuéspour TSH. L’échographie permet de vérifier le caractère assezhomogène du goître et d’exclure un nodule ; dans ces cas, lascintigraphie n’est pas indiquée. Les antithyroïdiens sont en règleefficaces.

Puberté précoceLa puberté précoce est définie par le développement des carac-

tères sexuels avant l’âge de 8 ans chez la fille et de 9-10 anschez le garcon [13, 15]. L’accélération de la vitesse de croissanceest due à la sécrétion prématurée ou anormale d’estrogènes oud’androgènes. Cette sécrétion peut être d’origine centrale (sti-mulation hypothalamo-hypophyso-gonadique) ou périphérique(surrénalienne ou gonadique). Dans la puberté précoce centraledes filles, comme dans la puberté normale, l’accélération de lavitesse de croissance précède le développement des seins dansenviron un tiers des cas. La présence d’un développement desseins chez la fille ou d’une augmentation des dimensions destesticules chez le garcon sont en faveur d’une origine centrale.

Hypersécrétion d’hormone de croissanceElle est exceptionnelle chez l’enfant. Elle est due à un adénome

de l’hypophyse. Les taux plasmatiques de GH et d’IGFI sont aug-mentés.

Grande taille par pathologie non endocrinienneLa grande taille fait partie d’un syndrome malformatif.Le syndrome de Klinefelter survient chez un nouveau-né garcon

sur 1 000. Il associe de manière constante 1 à 3 chromosomesX supplémentaires et une insuffisance de la spermatogenèse. Lataille finale est en moyenne 7 cm au-dessus de la taille cible.

Le syndrome de Sotos ou gigantisme cérébral associe de grandesmensurations à la naissance, une macrocrânie avec dysmorphie etun retard psychomoteur.

Le syndrome de Marfan comporte des anomalies cardiovascu-laires et une luxation du cristallin.

Le syndrome de Wiedeman-Beckwith comporte un hyperinsu-linisme ; il se manifeste souvent par des hypoglycémies néona-tales.

Taille adulteLa taille adulte peut être prédite dès 7-8 ans à partir de la taille

réelle de l’enfant et de son âge osseux (cf. supra).

Indications et moyens thérapeutiquesIl semble que le niveau de taille adulte au-dessus duquel

surviennent les difficultés psychologiques se situe autour de180 cm chez la fille et de 195 cm chez le garcon. Les difficul-tés d’indications thérapeutiques viennent d’abord du fait quelorsqu’on fait une prédiction de taille adulte à l’âge de 11 anschez une fille, la marge d’erreur est de 5 cm. Or ceci repré-sente la réduction moyenne de taille obtenue avec les stéroïdessexuels.

Nous n’abordons pas les réductions de taille par les moyenschirurgicaux car leur indication est actuellement exceptionnelleet leur efficacité non encore analysée. Les produits utilisés sontla somatostatine (freinateur de la sécrétion de GH) et les sté-roïdes sexuels. L’utilisation de ces derniers vient de l’observationque dans les pubertés précoces, la sécrétion prématurée de sté-roïdes sexuels accélère la maturation osseuse, ce qui induit uneréduction de la durée de la croissance. Le traitement consistesoit à déclencher la puberté plus tôt, soit à accélérer la pro-gression de la puberté et donc de la maturation osseuse. Lesproduits utilisés sont les estroprogestatifs chez les filles et latestostérone chez le garcon. Les doses utilisées sont de niveausubstitutif ou élevées. Du fait du risque non évalué de ces trai-tements dans le jeune âge, il nous semble que leur utilisationdoit être réservée aux enfants qui ont une prédiction de tailleadulte très grande et mal supportée sur le plan psychologique.Leur prescription doit être limitée aux médecins habitués àle faire.

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Conduite pratique devant une anomalie de la croissance � 8-0595

[12] Brauner R. Retard pubertaire. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),Gynécologie, 801-A-50, 2007.

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[15] Prété G, Couto-Silva AC, Trivin C, Brauner R. Idiopathic central pre-cocious puberty in girls: presentation factors. BMC Pediatr 2008;8:27.

R. Brauner, Professeur des Universités, praticien hospitalier.Université Paris Descartes et Unité d’endocrinologie et troubles de la croissance, Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild, 25-29, rue Manin,75940 Paris cedex 19, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Brauner R. Conduite pratique devant une anomalie de la croissance. EMC - Traité de Médecine Akos2012;7(3):1-9 [Article 8-0595].

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