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Illustration de couverture : Micrographie représentant la ...excerpts.numilog.com/books/9782904821158.pdf · crée à Edmond Jabès à l'université de Tel-Aviv. Les textes recueillis

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  • Illustration de couverture : Micrographie représentant la rencontre de la Reine de Saba et du Roi Salomon. Francfort of Main 1899. Scribe : Moïse Elizhov Goldstein

    Collection privée : Jacques Hassoun

  • JABÈS LE LIVRE LU

    en Israël

  • Responsable de l'édition : Sabrina Botbol

    Diffusion : Ulysse, 5, rue Joseph Serlin 69001 Lyon Distribution : Distique, 17, rue Hoche, 92240 Malakoff

    © Point Hors Ligne 1987 3, rue Thouin 75005 Paris ISBN 2 90 4821 - 15 - 5

  • JABÈS LE LIVRE LU

    En 1982, une journée réunissant essayistes et professeurs a été consa- crée à Edmond Jabès à l'université de Tel-Aviv.

    Les textes recueillis ici, sont ceux, quelque peu remaniés, des interven- tions de cette journée. Ils s'inscrivent dans le prolongement des interro- gations majeures d'Edmond Jabès, la permanente mise en question, par lui-même, de l'auteur, se trouvant confronté aux propres questions que ses livres posent et nous posent.

    Cette lecture procède d'une approche hébraïque du texte et suscite ainsi une conception spécifique des écrits d'Edmond Jabès.

    Essais présentés par David Mendelson Avec deux textes d'Edmond Jabès

    O u v r a g e p u b l i é a v e c le c o n c o u r s d u C e n t r e N a t i o n a l d e s L e t t r e s

    POINT HORS LIGNE

  • pour Arlette Jabès

    Le Livre d'Edmond Jabès échappe, semble-t-il, à toute classification, y compris à celle qui le rattacherait, hâtivement, à une problématique « littérature juive ». Concept fort discutable, dès lors qu'il se déduit tout d'abord de la seule identité de l'écrivain. La « peinture des milieux » et des « personnages juifs » ne paraît guère, en second lieu, plus pertinente : le « sociologisme » tronque la dimension imaginaire et, plus pratiquement, scripturale de la littérature et produit, en général, des stéréotypes qu'il emprunte moins à la « sous-culture » qu'il prétend évoquer qu'au milieu qui l'environne et qui, le plus souvent, s'en disso- cie. Il en va de même, enfin, pour les « thèmes juifs » : la « thémati- que », là comme ailleurs, se détache de son contexte et ne renvoie pas à un dispositif d'ensemble, seul à même de spécifier, en dernière instance, un type donné de littérature. Edmond Jabès, sur ces trois points, s'est montré fort explicite : le judaïsme et l'écriture se côtoient en lui mais sans se recouvrir ; c'est à partir de son écriture, de fait, qu'il a découvert son judaïsme, et non l'inverse ; le milieu le requiert donc moins que son approche individuelle et poétique ; les thèmes enfin sont modulés par des « clés » de caractère, quasiment, musical, absentes en ce sens de la portée, du texte et qui relèveraient donc d'un principe de composition virtuel et, par là, d'autant plus contraignant.

    L'intérêt que les milieux littéraires occidentaux accordent, depuis un certain nombre d'années, au judaïsme, témoignerait ainsi de préoccupa- tions essentiellement extra-littéraires. A s'en tenir, en effet, à ces mani- festations les plus apparentes, il procèderait, notamment, du choc sus- cité par la redécouverte des horreurs de la « shoah », de la catastrophe. Mais quelles en seraient les implications, se demande Jabès, dans l'uni- vers de l'écriture, ce qui l'amène à s'attaquer, notamment, aux préten- tions « psychologiques » du roman et aux excroissances de la poésie « à images » ? Du point de vue « socio-culturel », la nouvelle révolution

  • industrielle, qualifiée de « post-moderne » et caractérisée, en premier lieu, par la « révolution des média », semble avoir suscité, par contre- coup, les diverses expressions du « retour aux sources » et de la recher- che des « identités locales » ou « minoritaires ». Jabès partage cette crainte, sinon de la science, du moins du « scientisme » ; mais refuse de s'abandonner, pour autant, à la nostalgie et au (mauvais) folklore : la remontée aux sources conditionne, sans plus, la quête, sans cesse réité- rée, du futur : l'écriture ne se confronte à ses modèles traditionnels que pour mieux se frayer des voies nouvelles. Du point de vue, enfin, plus spécifiquement littéraire, l'apogée de la technocratie industrielle s'est marquée, apparemment, par le développement de la « théorisation » structuraliste et sémiotique ; d'où inversement, le renouveau du roman historique et de la biographie et, corollairement, des recherches consa- crées à l'histoire littéraire et à l'autobiographie. Jabès, là encore, témoi- gne, pour le moins, d'un net scepticisme : le devenir du peuple juif défie le causalisme et la linéarité historiques, dans la mesure où il a été mar- qué par des moments de rupture et de renouvellement ; le « sujet » juif ne se prête guère, pour la même raison, à une banale recherche d'« iden- tité » ; en d'autres termes, dans un récit qui leur serait approprié, l'his- toire devrait être « brisée » et le « sujet », relativisé ; et l'écriture, enfin, tend à se dégager, pour se renouveler, des prédéterminations de l'Histoire et de la Théorie littéraires.

    Autant de questions qui ont assailli, avec une particulière acuité, la conscience littéraire israélienne, dès lors qu'elle a cherché à se spécifier, elle aussi, par rapport au judaïsme. La rupture a semblé s'imposer, tout d'abord, au plan sociologique : la nouvelle société entendait se démar- quer, autant que possible, de l'ancienne ; d'où le souci de renouveler la « peinture » de ses « milieux » et de ses « personnages ». Au plan du langage, surtout, le passage à l'hébreu semblait impliquer une véritable mutation : le retour à la source biblique, en deçà de son évolution ulté- rieure, talmudique, mishnaïque, moyenâgeuse et moderne, et de ses contacts avec d'autres langues et d'autres langages, permettait, désor- mais, de le spécifier. D'où, à partir des années 30, la « vocation du réa- lisme » et de l'« engagement » qui portait la marque du modèle russe : le langage littéraire, quel que fût son degré d'élaboration, était relégué au rôle d'un instrument. Les écrivains qui échappèrent à cette directive et continuèrent de se mesurer à la « sacralité » du langage poétique, ou encore à sa fondamentale « étrangeté », soulignée par la condition dias- porique, se virent confinés dans une condition marginale. À partir des années 60, le courant majeur a reflué vers le « modernisme », d'inspira- tion, cette fois, anglo-saxonne et s'est détaché, plus nettement, de ce genre de préoccupations. L'un des grands critiques de l'époque s'est demandé si la « jeune littérature israélienne » se présentait comme « une continuation » ou comme une « révolution » et a abondé, avec regret, dans le second sens. Depuis le début des années 80, cependant, ce

  • modèle est contesté pour les raisons les plus diverses : l 'épuisement, relatif, du « modernisme », la quête d ' un nouveau modèle ailleurs qua- lifié de « post-moderne », par la juxtaposition et la confrontat ion de ceux du passé et du présent, par la redécouverte de l'« héritage » sépha- rade et de ses rapports avec les cultures, notamment arabe et française, et le développement des traductions, non seulement de l'anglais, mais aussi du français, de l 'arabe et des autres langages littéraires contempo- rains. Dans le domaine de la critique et de la théorie littéraires, l'évolu- tion est non moins sensible : les recherches engagées dans le domaine des « interférences » culturelles, linguistiques et littéraires renvoient, plus ou moins directement, à la problématique du judaïsme ; les canons de la littérature hébraïque sont à nouveau confrontés à ceux qui, hors d'Israël, se sont plus ou moins confusément réclamés du judaïsme ; c'est ainsi qu'il apparaît rétrospectivement qu 'un écrivain aussi central que Shaï Agnon s'est toujours défié du roman, qu'il jugeait peu con- forme à l 'esprit et à la forme du récit hébraïque et juif, et que certains des poètes les plus originaux de la présente génération se confrontent, entre autres, pour échapper à l'« imagerie », au modèle talmudique.

    C'est dans cette double perspective que s'inscrit, avec un certain déca- lage, l 'intérêt qui commence à être accordé, en Israël, à la pensée et au Livre d 'Edmond Jabès. Le présent recueil d'essais et de réflexions en offre un premier témoignage. La plupart de ces textes ont été rédigés à la suite du Colloque national qui a été organisé, en 1982, à l'Université de Tel Aviv en l 'honneur et en présence de l'écrivain. L 'un d 'entre eux, celui de Betty Rojtman, leur a par la suite été ajouté. Ils se présentent moins comme des exposés, de type universitaire, que comme des appro- ches et des démarches qui relèvent, très diversement, d 'un « questionne- ment » et, par là, d 'une remise en question : des textes bien sûr ainsi voués, selon les principes de l '« interprétation » traditionnelle et con- temporaine, à une relative malléabilité, mais aussi de la pensée même des « interprètes », amenés à s'interroger sur le sens de leur démarche, sur la pertinence de leurs concepts littéraires et sur les implications plus largement éthiques et culturelles qui en découlent. Aussi s'offrent-elles comme des lectures, en principe plurielles, mais qui renvoient, peut-être, à un certain horizon d'attente. D 'où l 'attention accordée, dans le con- texte de l 'hébreu, aux facteurs du langage. Ces lecteurs, en effet, ont abordé ce Livre en français (en attendant sa prochaine parution en hébreu) mais ils ne pouvaient se dégager du modèle qu'il s'est lui-même, virtuellement, proposé : celui de la Bible et, par là, de la langue, de la tradition et de l'écriture, de l ' interprétation et de la traduction hébraï- ques. C'est dans ce rapport , de fait, que se sont esquissées, en contre- point d 'une part, une possible redéfinition de l '« écriture juive » qui recouperait, plus ou moins explicitement, ce modèle, non seulement en yiddish ou en judéo-espagnol, mais dans d 'autres langues, dont le fran- çais, et, de l 'autre, une éventuelle réévaluation de la potentialité poéti-

  • Éloge de l'emphase (la « Melitsah »)

    « Melitsah, nom féminin. 1. Dans la Bible : parole de sagesse, allégo- rie : comprendre l'allégorie et la « melitsah », les paroles des sages et leur énigme (Proverbes, I, 6). 2. Dans la littérature du Moyen Âge et à l 'époque des Lumières : fait poétique, expression mélodique-poétique, style allégorique et ornementé (...) ».

    Dictionnaire hébreu

    (Elle a été particulièrement cultivée par la littérature judéo- méditerranéenne . )

    « Comparable à la prose artistique arabe, la « melisah » hébraïque est un « langage d'éloquence ». Prose cadencée, assonancée, découpée en formules courtes, la « melisah », comme la poésie, utilise, avec un plus haut degré de fréquence et de concentration, la technique du « shibbus », « broderie », « tressage », la « mosaïque » des santons, le « collage » des morceaux bibliques et des citations rabbiniques. » Ha ïm Zafrani

    (De nos jours la littérature hébraïque « moderne », à quelques excep- tions près, la condamne.)

    « De nos jours : style aux phrases ampoulées, utilisation de versets et de fragments de versets entremêlés dans les phrases et qui ont pour effet d'obscurcir le contenu, parler emphatique (...) » Dictionnaire hébreu

    (La parole jabésienne cependant la réitère.)

    « Reb Jacob croyait (...) à l 'emphase qu'il comparait à la déchirure, avec ses faux anneaux d 'eau, que fait la pierre tom-

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