La conjoncture économique de la Belgique

Department of Economics, Universite Catholique de Louvain

La conjoncture économique de la BelgiqueAuthor(s): Louis Duquesne de la VinelleSource: Recherches Économiques de Louvain / Louvain Economic Review, 28e Année, No. 3 (8mai 1962), pp. 115-132Published by: Department of Economics, Universite Catholique de LouvainStable URL: http://www.jstor.org/stable/40722881 .

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La conjoncture économique de la Belgique

PAR

Louis Duquesne de la Vinelle

Conjoncture internationale

Le climat de la conjoncture internationale reste caractérisé par des niveaux très élevés de production et d'emploi. Cependant, depuis le diagnostic précédent quelques faits nouveaux sont venus modifier quelque peu ce climat de haute prospérité.

Au Royaume-Uni la détente conjoncturelle s'est précisée. Les mesures prises l'été dernier se sont montrées très rapidement efficaces tant du point de vue de l'évolution des réserves de changes que du point de vue de l'état de la conjoncture interne. Le crédit privé a fléchi, le nombre des emplois offerts à quelque peu dimi- nué, tandis que le chômage s'étendait un peu et l'on a noté un tassement de l'indice de la production industrielle. Depuis le premier janvier, trois réductions successives du taux d'escompte sont venues confirmer que les autorités britanniques estiment avoir suffisamment freiné la demande.

Aux États-Unis, il semble que le rythme d'accroissement de la production industrielle diminue tandis que les taux d'intérêts à court terme sur le papier commercial et les fonds d'état se sont légèrement relevés. La menace d'une hausse des prix de l'acier a cependant pu être écartée au moins provisoirement. Des signes de tension conjoncturelle se manifestent donc dans ce pays, bien que le chômage y demeure important.

Dans les pays du marché commun la conjoncture n'a pas beaucoup évolué depuis trois mois. Les marchés du travail sont caractérisés partout par une très forte demande mais la tension est variable selon les pays : très vive en Allemagne et aux Pays-Bas, moins en France, encore assez localisée semble-t-il en Italie. Dans ces deux derniers pays l'essor de la production industrielle ne ralentit pas tandis qu'il est au contraire à peu près arrêté aux Pays- Bas et en Allemagne. Il se crée ainsi une situation dans laquelle

115



la hausse des salaires entame ou menace d'entamer les marges bénéficiaires. En effet, la stagnation de la production gène tempo- rairement l'accroissement de la productivité tandis que la concur- rence interne et externe fait pression sur les prix. Il est à noter que ceci se produit en raison de l'évolution spontanée des marchés et en dehors de toute intervention restrictive des autorités monétaires.

Enfin les marchés des grandes matières premières sont très calmes et les prix sensibles mondiaux stables à des niveaux géné- ralement assez bas. Les tensions de la conjoncture actuelle sont purement internes aux grands pays industrialisés.

Dans ce contexte l'économie belge bénéficie d'une demande extérieure soutenue mais non en expansion rapide.

Allure générale de la conjoncture belge

D'une manière générale la conjoncture belge est caractérisée par un plafonnement de la production manufacturière, une baisse lente et persistante des prix de gros, une progression rapide des salaires et une extension rapide du crédit privé sans diminution de la liquidité du marché monétaire. L'emploi atteint à ses plus hauts niveaux et le chômage permanent de certaines régions est en voie de disparaître.

La conjoncture belge n'est donc pas homogène dans tous ses aspects même les plus généraux. L'analyse de la situation dans les divers secteurs confirme, comme il est expliqué plus loin, cette impression d'hétérogénéité.

Sur le marché monétaire on observe un progrès du crédit privé total au moins aussi rapide qu'en 1960. C'est surtout le portefeuille commercial des banques qui a augmenté. Le crédit à l'État a par contre pu être plafonné. Ceci contribue à expliquer que la liquidité n'ait pas été altérée; au surplus les autorités moné- taires la favorisent en abaissant le taux d'escompte, manœuvre dont l'efficacité se marque dans la régression concomitante des taux d'intérêt à court terme. Vu l'état d'équilibre des paiements extérieurs et la stabilité des prix intérieurs, cette politique de réduc- tion du coût de l'argent ne présente que des avantages. Il n'y a en effet dans les circonstances actuelles aucune raison d'infléchir l'évolution spontanée de la conjoncture en créant délibérément une rareté du crédit.

116



Graphique I - Déterminantes générales de la conjoncture économique BELGE EN TERMES DE PRIX

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117



Graphique II - Déterminantes générales de la conjoncture écono- mique BELGE EN TERMES DE QUANTITÉS

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C12

118



Graphique HI - Monnaie et crédit - Conjoncture interne

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119



Graphique IV - Conjoncture charbonnière - Prix et emploi

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Il reste que le besoin accru de liquidité dont témoigne la fermeté de la demande de crédit ne s'explique semble-t-il ni par l'évolution des quantités produites ni par celle de leurs prix ni même - autant qu'on sache - par celle des stocks.

Conjoncture industrielle

Les prix restent déprimés sur le marché de l'énergie. Cepen- dant les mesures de sauvegarde qui ont été prises en faveur de l'industrie charbonnière et les efforts de réorganisation par concen- tration des exploitations, écrémage des gisements et réduction des quantités produites, affirment graduellement leur efficacité non seulement dans le domaine des rendements et des prix relatifs mais aussi du point de vue des stocks qui sont revenus environ à la moitié des volumes atteints au point culminant de la crise.

En sidérurgie la diminution de la production est nette mais conserve des proportions limitées grâce aux concessions - sub- stantielles - de prix consenties par les producteurs. Du point de vue des quantités une légère amélioration s'est même produite depuis le début de l'année. Le fait que le volume des commandes pour l'ensemble de la C.E.C.A. se maintienne malgré un certain mouvement de déstockage chez les consommateurs, constitue aussi un signe encourageant. On ne saurait cependant en augurer un relèvement prochain des prix, vu l'évolution relative de la production et des capacités depuis deux ans. Selon toute probabilité les marges bénéficiaires des entreprises resteront donc étroites au cours des prochains mois.

En métaux non ferreux les prix ont commencé à fléchir dès le milieu de 1960 et la production donne des signes de faiblesse depuis quelques mois, spécialement dans le secteur des demi- produits. La pression économique sur ce secteur se traduit aussi par un léger recul du nombre d'ouvriers occupés.

Plusieurs signes concordants permettent de diagnostiquer une situation de légère récession dans l'industrie textile : tassement de l'indice de production, faiblesse des prix des demi-produits et lourdeur des stocks de produits dans les tissages. Les mesures prises par les États-Unis pour contrarier les importations de tapis belges sont malheureusement de nature à accentuer cette évolution.

121



Graphique V - Conjoncture charbonnière - Quantités /nd/ces fûsj" roo

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122



Graphique VI - Conjoncture de la Sidérurgie - Quantités

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C 421

123



Graphique VII - Conjoncture de la sidérurgie - Prix et emploi

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C*22

124



Graphique VIH - Conjoncture des textiles - Production, prix, emploi et stocks

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125



Graphique IX - Conjoncture des fabrications métalliques - Produc- tion, COMMANDES ET EMPLOI Production en quantités, commandes en valeurs; nombre d'ouvriers occupés. - Moyennes trimestrielles ou moyennes mobiles de 3 mois.

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C 423

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En fabrications métalliques, la situation est complexe. L'évolu- tion, en ce qui concerne les produits de première transformation, s'apparente à celle de la sidérurgie : la production plafonne nettement. Toutefois, les inscriptions de commandes restent en progrès. De ce fait, on ne peut pas affirmer catégoriquement que ce soit l'état du marché qui limite le volume de la production.

La production est sans grand changement dans le secteur matériel de transport considéré globalement. Compte tenu du fait que le nombre de véhicules mis en service est en recul c'est certainement l'état du marché (et non les capacités disponibles) qui limite la production.

Dans le secteur des machines et appareils, la production et, davantage encore, les commandes inscrites restent en progrès rapide. Les ventes de biens d'investissement, surtout à l'exportation, jouent à cet égard un rôle déterminant. Il s'agit donc d'un phénomène d'accélération de la demande dérivée. Mais il est difficile d'en préciser la signification exacte.

Dans un sens très « classique » l'accélération de la demande dérivée provient d'un effort exceptionnel des entreprises pour surmonter les goulots d'étranglements de la haute conjoncture. Ce type de demande dérivée est normalement éphémère.

Mais la montée des salaires en Belgique et davantage encore à l'étranger donne à penser que la demande dérivée pourrait être attribuable à un effort des entreprises pour défendre leurs marges bénéficiaires par une mécanisation accrue c'est-à-dire en somme par une substitution du capital au travail. Un tel type de demande dérivée pourrait être plus durable parce que liée à une modification vraisemblablement durable elle-même du rapport des prix entre les facteurs de production.

La construction immobilière atteint des niveaux d'activité inhabituellement élevés. Le progrès du nombre de bâtiments « destinés à un autre usage que l'habitation » est le plus signifi- catif à cause de son ampleur : il confirme que l'investissement industriel est en ce moment un des principaux soutien de la conjoncture générale.

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Graphique X - Conjoncture de la construction immobilière

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Emploi, chômage et 'salaires

En ce qui concerne le marché du travail, il y a lieu de noter que le chômage descend à son niveau le plus bas et que le plein emploi s'étend de plus en plus nettement aux deux Flandres. Le chômage « structurel » de ces régions est virtuellement éliminé; ce qu'on sait des implantations d'entreprises en voie d'exécution et de celles à l'état de projet suggère que les chances d'une retom- bée de l'emploi dans ces provinces sont de plus en plus faibles. D'une manière générale, l'activité économique belge est favorisée par une diminution du coût du travail par unité produite relati- vement aux principaux autres pays étrangers.

On constate en effet qu'aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Allemagne et, dans une moindre mesure, en France, les salaires- coûts de l'industrie manufacturière ont augmenté plus que la productivité entre le milieu de 1960 et la fin de 1961 ; au contraire les évolutions ont été à peu près parallèles en Belgique. La position relative des courbes salaire-coût/productivité montre à quel point la « compétitivité » de l'économie belge est améliorée par rapport à 1953. C'est aussi le cas de la France et des États-Unis.

Conclusions et perspectives

La conjoncture industrielle de la Belgique se trouve, dans l'ensemble, dans une phase de légère récession (sidérurgie, non ferreux, textile) doublée d'une crise charbonnière grave et persistante; cependant elle bénéficie du soutien d'une très grande acti- vité dans la construction immobilière et dans la production de machines et appareils.

Du point de vue conjoncturel ni les éléments internes ni le contexte international ne permettent d'attendre une forte expansion de la demande. L'économie belge est si près du plein emploi que ce ne serait du reste pas souhaitable. Mais rien ne permet de craindre non plus une chute brutale de la demande. Depuis la réévaluation du mark et du florin et la hausse rapide des salaires en Allemagne, le danger des perturbations dans le domaine des relations monétaires internationales s'est atténué.

Il paraît utile de souligner que la conjoncture actuelle est éminemment favorable au progrès structurel. En effet, la légère

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Graphique XI - Emploi et chômage - Données générales i1)

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i1) Les données de février et mars 1962 tiennent compte des chômeurs partiellement inaptes dispensés du contrôle journalier.

130



Graphique XII - Salaires et productivité dans les industries MANUFACTURIÈRES

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récession qui pèse sur les secteurs de la métallurgie et du textile permet de laisser se développer la demande qui favorise la construction mécanique et électrique sans devoir redouter que des tensions excessives fassent monter le niveau général des prix et salaires, ou ne déséquilibrent la balance des paiements. Pleine liberté est donc laissée à l'investissement, le marché monétaire restant liquide et les taux d'intérêt détendus. L'industrie a ainsi l'occasion de modifier sa structure dans un sens depuis longtemps désiré sans se heurter aux obstacles que les précédentes conjonc- tures avaient placé sur sa route.

Louvain, le 7 mai 1962.

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Documents

La conjoncture économique de la Belgique