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ARTICLE IN PRESS Modele + Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) xxx, xxx—xxx CORRÉLATION ANATOMORADIOLOGIQUE / Sénologie Tumeur à cellules granuleuses du sein : une lésion rare et déroutante G. Ssi-Yan-Kai a,, S. Barthier b , C. Trichot c , S. Prevot d , J. De Laveaucoupet a a Service de radiologie, hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92140 Clamart, France b Service de médecine interne, hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92140 Clamart, France c Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92140 Clamart, France d Service d’anatomie-cytologie pathologiques, hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92140 Clamart, France MOTS CLÉS Tumeur à cellules granuleuses ; Tumeur d’Abrikossoff ; Sein Observation Une patiente de 42 ans, multipare, sans antécédent personnel ni familial particulier consulte pour la découverte d’une lésion mammo-échographique droite classée ACR 5 lors de son bilan sénologique de surveillance. Il n’y a pas d’anomalie palpable et les creux axillaires sont libres. En mammographie, il s’agit d’une distorsion architecturale du quadrant supéro-externe (QSE) du sein droit, évidente sur les clichés de tomosynthèse (Fig. 1), correspondant en échographie à une masse hypoéchogène très atténuante de 6 × 5 mm, de grand axe perpendiculaire aux plans profonds, de contours mal circonscrits et indistincts (Fig. 2). Des prélèvements microbiopsiques échoguidés ont été réalisés, ne mettant en évidence aucune cellule carcinomateuse, mais des éléments en faveur d’une tumeur à cellules gra- nuleuses. Devant la discordance anatomoradiologique, une tumorectomie après repérage par fil métallique a été réalisée (Fig. 3). L’examen histologique et immuno-histochimique confirme qu’il s’agissait d’une forme bénigne de tumeur à cellules granuleuses, mesurant 15 mm de grand axe, non circonscrite, de disposition infiltrante autour de structures épi- théliales de mastose (Fig. 4). Devant l’absence de signe de malignité, le bilan sénologique est donc reclassé ACR 2 avec une surveillance mammo-échographique dans 2 ans. DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2013.10.004. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Ssi-Yan-Kai). 2211-5706/$ see front matter © 2013 Éditions franc ¸aises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2013.08.009 JRDIA-359; No. of Pages 3

Tumeur à cellules granuleuses du sein : une lésion rare et déroutante

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Page 1: Tumeur à cellules granuleuses du sein : une lésion rare et déroutante

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Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) xxx, xxx—xxx

CORRÉLATION ANATOMORADIOLOGIQUE / Sénologie

Tumeur à cellules granuleuses du sein : unelésion rare et déroutante�

G. Ssi-Yan-Kaia,∗, S. Barthierb, C. Trichotc,S. Prevotd, J. De Laveaucoupeta

a Service de radiologie, hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92140Clamart, Franceb Service de médecine interne, hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux,92140 Clamart, Francec Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de laPorte-de-Trivaux, 92140 Clamart, Franced Service d’anatomie-cytologie pathologiques, hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la

Porte-de-Trivaux, 92140 Clamart, France

MOTS CLÉSTumeur à cellulesgranuleuses ;Tumeurd’Abrikossoff ;Sein

Observation

Une patiente de 42 ans, multipare, sans antécédent personnel ni familial particulierconsulte pour la découverte d’une lésion mammo-échographique droite classée ACR 5 lorsde son bilan sénologique de surveillance. Il n’y a pas d’anomalie palpable et les creuxaxillaires sont libres.

En mammographie, il s’agit d’une distorsion architecturale du quadrant supéro-externe(QSE) du sein droit, évidente sur les clichés de tomosynthèse (Fig. 1), correspondanten échographie à une masse hypoéchogène très atténuante de 6 × 5 mm, de grand axeperpendiculaire aux plans profonds, de contours mal circonscrits et indistincts (Fig. 2).

Des prélèvements microbiopsiques échoguidés ont été réalisés, ne mettant en évidenceaucune cellule carcinomateuse, mais des éléments en faveur d’une tumeur à cellules gra-nuleuses. Devant la discordance anatomoradiologique, une tumorectomie après repéragepar fil métallique a été réalisée (Fig. 3). L’examen histologique et immuno-histochimique

confirme qu’il s’agissait d’une forme bénigne de tumeur à cellules granuleuses, mesurant15 mm de grand axe, non circonscrite, de disposition infiltrante autour de structures épi-théliales de mastose (Fig. 4). Devant l’absence de signe de malignité, le bilan sénologiqueest donc reclassé ACR 2 avec une surveillance mammo-échographique dans 2 ans.

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2013.10.004.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional

Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (G. Ssi-Yan-Kai).

2211-5706/$ — see front matter © 2013 Éditions francaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2013.08.009

JRDIA-359; No. of Pages 3

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2 G. Ssi-Yan-Kai et al.

F terne du sein droit, difficilement détectable sur les clichés en incidenced type III selon la classification BI-RADS. La tomographie complémentaired

D

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l

Fsg

70 % des cas [3]. Des localisations plus rares telles que letractus digestif (œsophage, marge anale), l’arbre trachéo-bronchique, les glandes (parotides, thyroïdes), le rein etl’orbite ont été rapportées [4]. L’âge de survenue de lalésion est en général compris entre 20 et 60 ans avec uneprédominance féminine (H/F : 1/2). Des cas pédiatriques oudes atteintes multifocales existent et ont été décrits.

L’atteinte mammaire existe mais reste rare (environ5 à 6 % de l’ensemble des TCG). Son incidence serait

igure 1. Distorsion architecturale subtile du quadrant supéro-exe face (a) et profil interne (b), en raison de la densité mammaire

e profil (c) permet de confirmer cette lésion classée ACR 5.

iscussion

nitialement décrite par Abrikossoff en 1926 sous le termee « myoblastome granulo-cellulaire », la tumeur à cellulesranuleuses (TCG) est une lésion habituellement bénignet rare, dont l’histogenèse a longtemps été débattue eteste incertaine [1]. On retient actuellement l’hypothèse’une origine nerveuse, à partir des cellules de Schwann [2]uisque cette lésion exprime la protéine S100. Par ailleurs,

a négativité de la protéine gliofibrillaire acide et des neu-ofilaments renforce cette hypothèse.

La TCG est une tumeur ubiquitaire, atteignant principa-ement les tissus mous et en particulier la cavité orale dans

igure 2. Aspect échographique de la masse ACR 5 du quadrantupéro-externe du sein droit, correspondant à une masse hypoécho-ène de forme irrégulière, de contours mal circonscrits de 6 × 5 mm.

d’environ 1/1000 tumeurs mammaires, affectant plusfréquemment les femmes afro-américaines et les patientesnon ménopausées [5]. Elle est généralement unique,siégeant préférentiellement dans les quadrants supérieurs,

Figure 3. Aspect macroscopique de la pièce de tumorectomieretrouvant la lésion de forme stellaire.

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Tumeur à cellules granuleuses du sein : une lésion rare et déroutante 3

Figure 4. Aspect microscopique de la lésion. a : coloration à l’HES montrant les cellules granuleuses arrondies (flèche), avec un cytoplasme d’a

dt

C

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Lr

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[

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granuleux et éosinophile. Les noyaux sont de petite taille sans signe(flèche) au PS 100.

en particulier le quadrant supéro-interne. Il s’agit le plussouvent d’un nodule asymptomatique de moins de 3 cm.

La présentation mammographique et échographique desTCG est variable. Ces lésions peuvent se présenter commedes masses rondes, bien circonscrites faisant évoquer unelésion bénigne : kyste ou fibroadénome. La TCG peut éga-lement avoir l’aspect d’une désorganisation architecturaleavec zone de convergence de travées fibro-conjonctives,devant faire suspecter un carcinome infiltrant. Les micro-calcifications sont habituellement absentes. La détectionde l’anomalie mammaire est parfois difficile en raison dela densité mammaire et de la répartition hétérogène de lamatrice conjonctivo-glandulaire. La tomosynthèse a permisdans notre cas de dépister la lésion.

Histologiquement, la lésion est bien circonscrite, nonencapsulée. Elle est constituée de cellules arrondies, avecun cytoplasme granuleux et éosinophile. Les noyaux sont depetite taille sans signe d’atypie. Les cellules tumorales sontisolées ou regroupées en amas, peuvent montrer un certaindegré d’infiltration du tissu conjonctif environnant, avecune disposition stellaire, expliquant l’aspect mammogra-phique parfois alarmant. Un élément clé pour le diagnosticanatomopathologique est l’expression de la protéine S100,de la NSE (neurone spécifique énolase) et de la vimentineen immuno-histochimie [6].

La tumeur d’Abrikossof doit faire l’objet d’investigationsafin de ne pas méconnaître une lésion évolutive, enparticulier lorsque les résultats des microbiopsies sont dis-cordants avec la présentation mammo-échographique. Lacertitude diagnostique ne peut être formelle qu’après exé-rèse complète de la lésion.

Il existe des formes malignes dans 1 à 3 % des cas[4], suspectées cliniquement par une taille de plus de4 cm, des plages hétérogènes nécrotiques, une modifica-tion clinico-radiologique rapide. On met alors en évidenceen histologie de nombreuses atypies cellulaires, des plagesnécrotiques, de nombreuses mitoses avec un index deprolifération ki67 augmenté. La survenue de métastasesganglionnaires ou viscérales histologiquement identiques à

la tumeur primitive conforte le diagnostic de dégénéres-cence.

L’ablation chirurgicale reste le traitement de choix,pour obtenir un diagnostic de certitude, avec des marges

[

typie ; b : immuno-histochimie : marquage des cellules granuleuses

’exérèse devant être larges pour s’assurer de l’absence deout signe de malignité.

onclusion

a tumeur à cellules granuleuses ou tumeur d’Abrikossoff estne tumeur neurogène bénigne rare, ubiquitaire siégeantréférentiellement sur la sphère ORL. La localisation mam-aire reste peu fréquente. La lésion peut être confondue

vec une tumeur maligne infiltrante en mammographie etn échographie. Le diagnostic de certitude ne pourra êtretabli que sur l’analyse immuno-histologique de la lésionomplète. Le pronostic est favorable après exérèse chirur-icale. Des formes malignes ont été décrites, justifiant laécessité d’obtenir des marges d’exérèse larges.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

1] Papamichael K, Archavlis E, Lariou C, Tsigka A, Mantzaris GJ.Granular cell tumour in a patient with Crohn’s disease trea-ted with infliximab: coincidence or causal relationship? Eur JGastroenterol Hepatol 2012;24(7):857—9.

2] Tarallo M, Cigna E, Fino P, Lo Torto F, Pollastrini A, Scuderi N.Abrikossoff tumor: does it origin in swchann cells? Case report.Ann Ital Chir 2011;82(4):319—21.

3] Haikal F, Maceira J, Dias E, Ramos-E-Silva M. Histogenesisof Abrikossoff tumour of the oral cavity. Int J Dent Hyg2010;8(1):53—62.

4] Chow DS, Hsu M, Day C, Raman S. Renal granular cell tumour(Abrikossoff tumour): case report and review of the literature.Br J Radiol 2011;84(999):e45—7.

5] Adeniran A, AL-Ahmadie H, Mahoney MC, Robinson-Smith TM.Granular cell tumor of the breast: a series of 17 cases and reviewof the literature. Breast J 2004;10:528—31.

6] Dudrap E, Lemierre G, Auquit-Auckbur I, Courville P, Milliez PY.Abrikossoff’s tumor: about one case of inter-mammary cuta-neous localization and review of literature. Ann Chir Plast Esthet2008;53(6):521—5.