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le délit Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill delitfrancais.com le seul journal francophone de l’Université McGill Le mardi 27 septembre 2011 | Volume 101 Numéro 4 Juste un doigt depuis 1977 La grève sous pression > 3 Étudier vert > 4 Zemmour > 8-9 Rentrée culturelle > 11-12

Le Délit

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Édition du 27 septembre 2011.

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le délitPublié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

delitfrancais.comle seul journal francophone de l’Université McGill

Le mardi 27 septembre 2011 | Volume 101 Numéro 4 Juste un doigt depuis 1977

La grève sous pression > 3Étudier vert > 4 Zemmour > 8-9 Rentrée culturelle > 11-12

rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

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Mathieu MénardCollaborationÉmilie Blanchard, Jonathan Brosseau, Bernard D’Arche, Naomi Desai, Sofia El Mouderrib, Alexandre Gauvreau, Laure Henri, Myriam Landhi, Annie Li, Margaux Meurisse, Raphaëlle Occhietti, Nathalie O’Neill, Nicolas Quiazua, William Sanger, Thomas Simonneau, Isabelle Sokolnicka, Miruna Tarcau, Louis-Philippe Tessier, Jean-François TrudelleCouverturePhoto: Victor TangermannMontage: Xavier Plamondon

bureau publicitaire3480 rue McTavish, bureau B•26

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Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert

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Joan MosesConseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD)Tom Acker, Emilio Comay del Junco, Humera Jabir, Anthony Lecossois, Whitney Malett, Dominic Popowich, Sana Saeed, Mai Anh Tran-Ho, Will Vanderbilt, Aaron Vansintjan, Sami Yasin

le seul journal francophone de l’université McGill

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la repro-duction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 101 Numéro 4

le délitÉ[email protected]

2 Éditorial x le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

Il était malade depuis quelque temps déjà. Son énergie, au plus bas, ne fai-sait que décroître au point où il fallait

toujours qu’il soit connecté à son soluté. Je l’avais aidé à rencontrer un spécialiste avec qui il avait pu partager ses dernières volon-tés. De son lit de mort, il m’a chuchoté des mots qui ne faisaient pas beaucoup de sens au premier abord, puis j’ai compris: obso-lescence programmée!

Mon ordinateur portable, après cinq ans de loyaux services, expire présen-tement entre mes mains. Je le regarde s’essouffler, se déconnecter et s’éteindre depuis une semaine déjà, sans pouvoir rien n’y faire. De toutes façons, quelles sont mes options, en tant qu’universitaire occupée et pas trop fortunée, pour pallier à un ordinateur qui mange les pissenlits par la racine? Jeter? Réparer? Remplacer?

L’obsolescence programmée, c’est lorsqu’une compagnie fait en sorte que ses produits deviennent désuets après un temps extrêmement court. Par exem-ple, lorsque la première version de votre appareil photo n’est plus à la mode après six mois, vous êtes confronté à l’obsoles-cence programmée. Lorsque vous tentez de remplacer des pièces dans votre ordi-nateur portable qui vieillit et qu’il n’y a plus de pièces compatibles sur le marché, vous faites face à l’obsolescence program-

mée. Pourtant, notre réflexe est souvent de s’émerveiller en disant: «La techno-logie avance si vite! Dans quel monde incroyable vivons-nous!» plutôt que de s’indigner face à la durée de vie raccourcie de nos engins.

La Fédération canadienne des ensei-gnantes et enseignants (FCE) publiait sa-medi dernier une étude révélatrice (lire un peu d’ironie ici): «Internet et les réseaux sociaux influencent l’identité francopho-ne des élèves qui évoluent dans les milieux minoritaires», soutient la FCE. Si l’on se fie à leurs chiffres, 93% des élèves détien-nent un «appareil de poche». Bien sûr que les médias, technologies et autres gugus-ses 2.0 influencent notre vie! Notamment quand l’on sait qu’à peu près toutes ces machines du futur utilisent l’anglais com-me première langue, mais aussi en comp-tant à quel point Twitter, Facebook et les textos abrutissent la plume et font perdre les derniers soubresauts de grammaire…

Non seulement nous VOULONS maintenant tous avoir le téléphone por-table intelligent, l’ordinateur dernier cri et le lecteur de musique le plus petit possible, mais nous DEVONS nous les procurer pour rester compétitifs sur le marché de la connaissance et de l’exper-tise. Prenez l’exemple du collège Saint-Jean-Vianney, une école secondaire pri-vée qui annonçait en grande pompe la semaine passée: «Pour l’année scolaire 2011-2012, le Collège St-Jean-Vianney se

place à l’avant-garde des nouvelles tech-nologies en mettant à la disposition des enseignants et des élèves plusieurs iPads.» Fière d’être la première institution secon-daire à utiliser l’iPad, ce qui semble le plus choquant, d’après moi, c’est la pro-messe qu’en 2012, «ce sont tous les élèves de première secondaire qui possèderont l’iPad.» Et comment se le paieront-ils, cet iPad? Que ce soit les élèves, les parents ou les payeurs de taxe, la surcharge de frais imposés créera un précédent dans le mode de vie de ces jeunes étudiants.

Les étudiants sont pauvres et s’en-detteront de plus en plus, selon le rapport soumis par la FEUQ-FECQ début sep-tembre. Et en 2012, les frais de scolarité au niveau universitaire auront commencé à augmenter de manière dramatique.

Nous nous endettons et nous nous demandons pourquoi? Il s’agit de regar-der nos standards de vie pour cesser aus-sitôt de nous questionner. Nous avons le train de vie de PDG; nous désirons avoir la technologie de pointe pour être joignable en tout temps, dans toutes les circonstan-ces. On ne s’arrête jamais car on n’a pas de raisons de s’arrêter; notre temps doit à tout prix être rentabilisé, que ce soit dans le bus ou dans nos cours, nous ne nous laissons aucun moment de répit. Et la technologie est là pour nous aider dans cette démarche de folie. Nous nous en rendons compte quand, soudainement, notre ordinateur portable nous meurt dans les mains. x

Même mon ordi est en grève

Anabel Cossette CivitellaLe Délit

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3Actualitésx le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

La tension monte d’un cranUne enquête confirme la présence de briseurs de grève. En parallèle, McGill obtient une ordonnance d’injonction contre les grévistes.

CAMPUS

Hasard du calendrier, c’est quasi simultanément et après vingt-trois jours de

grève que les deux nouvelles sont tombées. Après sa visite du cam-pus, un enquêteur du Ministère du Travail a confirmé la présence de briseurs de grève. Sur les 109 employés interrogés, l’enquêteur relève quinze infractions au code du travail.

Michael Di Grappa, VP Administration et Finances, indi-que que l’administration conteste chacune des quinze allégations. «Il y a un nombre d’erreurs factuel-les dans ce rapport. Ce document n’a pas de valeur légale, seule la

Commission des relations du tra-vail peut statuer. Demander la ve-nue d’un enquêteur est une vieille tactique bien connue des grévis-tes.»

Kevin Whittaker, président de MUNACA, est satisfait des conclu-sions et confirme que le syndicat portera l’affaire devant la commis-sion dans les jours qui viennent.

Le même jour un juge accé-dait à la demande de l’université en émettant une ordonnance d’in-jonction interdisant aux grévistes de MUNACA entre autres de se tenir à moins de quatre mètres de toute propriété de McGill en grou-pe de plus de quinze personnes ou encore d’utiliser un mégaphone à moins de vingt-cinq mètres de ces mêmes propriétés.

Michael Di Grappa indiquait dans un courriel envoyé à l’en-semble de la communauté mc-gilloise que l’université avait sou-mis cette requête «avec réticence». Il explique au Délit par téléphone: «Nous avons agi avec pour seule préoccupation la sécurité de nos étudiants, employés et visiteurs. Le nombre même de grévistes qui piquetaient sur Durocher ou University, près de 400, empêchait l’accès au campus de certains ca-mions de livraisons. Parfois cela forçait les gens à marcher sur la piste cyclable ce qui pose un pro-blème évident de sûreté».

Le syndicat tente d’y voir le signe d’une avancée. Sur le site internet de MUNACA, on peut lire «Premier constat: nos mesu-

res de grève ont porté fruits puis-que l’employeur s’est adressé à un tribunal pour nous faire taire.» Kevin Whittaker est en désaccord avec la décision du juge. Il estime que celle-ci limite leur droit d’ex-pression. «Cela va changer la fa-çon dont nous formons les lignes de piquetage. Il va nous falloir être plus créatifs dans la façon dont nous diffusons notre message.»

Ce lundi, premier jour de piquetage depuis l’entrée en vi-gueur du jugement, les grévistes étaient éparpillés en petits grou-pes de moins de quinze person-nes sur Université, Sherbrooke et les autres axes bordant le cam-pus.

Beaucoup se disent sidérés par l’attitude de l’Administra-

tion. Ce matin, semblait-il, la pression avait monté d’un cran et les grévistes avaient retrouvé un nouveau souffle pour la pour-suite de la grève. «On va respec-ter l’injonction parce qu’on a pas le choix mais on ne va sûre-ment pas se laisser faire» martèle une employée en grève. Kevin Whittaker conclut: «C’est quand même ironique qu’une institu-tion académique fasse appel à une ordonnance d’injonction pour réduire au silence des indi-vidus et leurs idées».

Interrogées sur les consé-quences de ces deux événements à la table des négociations les deux parties veulent croire que l’ambiance des pourparlers n’en sera pas affectée. x

Anthony LecossoisLe Délit

La sécurité filme les manifestants solidaires à MUNACA. Crédit photo: Victor Tangermann

4 Actualités x le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

Comme beaucoup d’autres étudiants qui sont en pre-mière année à McGill,

MUNACA m’a accueillie avec une grève. Contrairement aux autres, j’ai commencé mon premier tra-vail à McGill à la bibliothèque McLennan avec le programme tra-vail-études. Cet article ne concerne pas la grève ou même MUNACA; on en déjà a entendu parler.

En fait, j’écris au sujet des étudiants qui, dans la tentative de soutenir le mouvement, ont plani-fié d’enlever des livres des rayons de la bibliothèque.La démonstra-tion a été arrêtée, mais les biblio-thécaires stellaires avec lesquels je travaille ont bien observé la quan-tité de livres qui apparaissaient sur les tables et dans les boites de retour. Ma première semaine s’est bien déroulée. Le nombre de livres qui n’étaient pas sur les rayons de bibliothèque semblait normal. Lors de la deuxième semaine, le vendredi 16 septembre plus exactement, la

situation a changé. Au sixième éta-ge, quatre rangées de livres étaient vides. D’ailleurs, il y avait aussi plus de cinquante étagères dans la même situation dans les allées, ce qui n’arrive jamais.

Cette période de travail était loin d’être la meilleure car j’ai dû ranger et trier plus de livres que d’habitude dans des conditions plus difficiles. Le sixième étage était complètement en désordre. Cependant, ceux qui sont le plus affectés ne sont pas les bibliothécai-res, ni même moi, ce sont les étu-diants et les professeurs qui cher-chent des livres. Quiconque ayant essayé de trouver un livre parmi des milliers sait que c’est déjà dif-ficile avec tous les chiffres et lettres à déchiffrer.

Enlever les livres, et le désor-dre qui vient avec, augmente la possibilité qu’ils seront mal pla-cés. À la fin de la journée, lorsque j’ai fait mes heures, je finis, mais les étudiants qui ont besoin de livres éprouvent un problème plus grand.

Pour finir, je ne remplace pas les grévistes; les emplois pour les étudiants ont toujours existé et continueront d’exister après que la grève sera terminée. Alors, si vous soutenez MUNACA et que vous souhaitez exprimer votre soutien, portez un badge, marchez avec eux, mais ne dérangez pas les services que McGill vous offre. Ces actions-ci ne font rien que ralentir les servi-ces encore plus. x

Naomi Desai

Crédit photo: Alice Des

Se positionnant au cœur du développement durable, les futurs ingénieurs ont le pri-

vilège et la responsabilité d’agir en tant que catalyseurs essentiels pour la société. Le mardi 20 septembre, l’École Polytechnique de Montréal s’est vue décerner la certification Campus Durable par la Coalition jeunesse Sierra, témoignant d’un cheminement rigoureux mis en place au cours des dernières an-nées.

De nombreuses mesures ont permis à l’École Polytechnique de se démarquer au fil des années. Que ce soit par la construction du nouveau pavillon Lassonde répondant au système d’évalua-tion LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) en ma-tière d’économie d’énergie, ou par des incitatifs à l’utilisation du vélo comme mode de transport privi-légié sur le campus, Polytechnique veut faire sa marque en intégrant le développement durable dans le cursus de l’université.

Il faut toutefois prendre la certification Campus durable pour ce qu’elle est réellement: elle n’est pas un aboutissement en soi, elle reconnaît plutôt la mise en place de mécanismes qui permettent une amélioration continue au sein de l’université. En effet, Polytechnique a maintenant une politique et un plan d’action en développement durable. De plus, un fonds des-

tiné à subventionner les projets «verts» a été créé. «Ce n’est pas parce qu’un pavillon a des murs éco-énergétiques qu’il y a nécessai-rement des efforts environnemen-taux déployés au quotidien» nuan-ce Daniel O’Brien, directeur sor-tant du comité environnemental de Polytechnique, Polysphère. Ainsi, la réalisation du plan d’action en matière de durabilité, élaboré pour la période 2011-2014, permettra de vérifier l’engagement actuel de la haute direction de cette université.

«Si l’école a accompli un grand pas il y a deux ans en engageant un conseiller au développement durable, les étudiants provoquent des changements depuis beaucoup plus longtemps» assure Monsieur O’Brien. Il ajoute que le prochain défi de Polysphère sera de faire du campus une «zone sans bouteille d’eau» une autre campagne de la Coalition jeunesse Sierra.

Sur le campus de McGill, l’eau en bouteille n’est plus un problème depuis l’installation de fontaines «intelligentes». Ces distributrices d’eau sont idéalement conçues pour remplir les bouteilles réutili-sables et font le décompte des bou-

teilles à usage unique épargnées. Mais McGill ne s’arrête pas là dans sa réflexion sur le développement durable de l’université. À McGill, la certification Campus Durable n’est plus dans la ligne de mire du Bureau du développement dura-ble. Kathleen Ng, intendante de l’environnement à McGill, justifie la décision de l’université de ne pas appliquer en soulignant que «cette certification s’applique uni-quement aux campus québécois. Aucun document n’est traduit et, avec les efforts qu’on doit mettre dans ce type d’application, on s’at-tend à un minimum de soutien!» McGill envisage plutôt d’appli-quer pour la certification donnée par l’Association for Advancement in Sustainability in Higher Education (AASHE), une attestation qui coûte moins cher et s’acquiert beaucoup plus facilement selon Madame Ng.

À l’occasion de la foire de l’en-vironnement sur le campus du bas à McGill, le vendredi 23 septembre, l’intendante en environnement se réjouissait de l’intérêt des étudiants pour tout ce qui a trait au dévelop-pement durable: «Cette foire est le résultat d’une demande des étu-diants. Ils voulaient un événement rassembleur, amusant et qui aurait pour but de faire connaître à tous les avancées en environnement sur le campus» explique-t-elle. Les kiosques dressés sur le cam-pus du bas mettaient en vedette notamment les efforts des services de restauration de McGill afin de devenir plus verts. Oliver de Volpi, chef exécutif, directeur des opéra-

tions dans ce qui a trait à la «dura-bilité» dans les cuisines de McGill, exprime son contentement: «Cela fait maintenant deux ans que tous les services alimentaires sont sous la même bannière à McGill, et nous avons accompli beaucoup de percées importantes, notamment dans notre intégration de pro-duits locaux provenant du campus Macdonald.» Monsieur de Volpi est témoin d’un enthousiasme grandissant de la part de ses collè-gues producteurs, fournisseurs et aux cuisines. En effet, la collabora-tion avec le campus Macdonald va bon train si l’on considère que les achats de produits de ferme ont tri-plé de valeur en deux ans, passant de 5000 dollars à 15 000 dollars. Il assure d’ailleurs que 75% de ce qui est servi à McGill est produit de manière durable.

Ainsi, à McGill, la conscien-tisation à l’environnement va bon

train et les retombées devien-nent de plus en plus évidentes. De la même manière, à l’École Polytechnique, un véritable mou-vement étudiant s’est fait ressentir sur le campus depuis 2002, date de renaissance du comité environne-mental Polysphère.

Avec l’organisation de la Semaine de l’environnement, la promotion de la Journée sans voi-ture ou l’instauration d’îlots de récupération multimatières, le groupe fait preuve d’une action déterminante pour l’éducation et la sensibilisation au développe-ment durable. Ce travail de fond a cumulé l’an passé par la remise au Bureau d’audiences publiques sur l’environement (BAPE) d’un mémoire sur l’exploitation des gaz de schiste par Polysphère.

À McGill ou à Polytechnique, tout cela témoigne d’une réelle pri-se de conscience étudiante. x

Certifié vertPolytechnique reçoit la certification Campus durable; où en est McGill?

CAMPUS

William Sanger etAnabel Cossette CivitellaLe Délit / Le Polyscope

Les nouvelles fontaines d’eau pour une zone sans bouteille.Crédit photo: Alice Des

Bouquins en grèveLETTRE OUVERTE

«Ce n’est pas parce qu’un pavillon a des murs éco-énergéti-ques qu’il y a néces-sairement des efforts environnementaux déployés au quotidien.»

Une quarantaine d’étudiants s’étaient rassemblés à la «Y-intersection» pour un sit-in en soutien aux em-ployés de MUNACA. Mégaphone à la main, un cer-tain nombre d’étudiants se sont indignés de l’attitude de l’université vis-à-vis des travailleurs grévistes. Très vite arrivés sur place, les agents de sécurité ont infor-mé les étudiants que leur action était illégale et que s’ils refusaient de se disperser la police serait appelée. S’étant attendu à une telle réaction, Micha Stettin lea-der étudiant, a lu un extrait à l’endroit de la sécurité un article du code de conduite reconnaissant aux étu-diants le droit de réunion pacifique sur le campus. À l’instar des grévistes de MUNACA, les étudiants ont été filmés par un agent de sécurité. «C’est de l’intim-midation.» s’exclame une étudiante. Vers la fin du ras-semblement c’était pas moins de dix agents de sécurité qui surveillaient les quarante étudiants assis en cercle. Voir la vidéo sur le site du Délit. x

Les étudiants tiennent tête à la sécurité

BRÈVE

5Actualitésx le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

Matthew Dubé qui a brillé par son absence durant la campagne

électorale de 2011 se défend en déclarant qu’avec la fin de session –avec tous les examens et les dis-sertations à rendre, il n’avait pas le temps nécessaire pour pou-voir faire sa campagne. Matthew déclare également que si le NPD possède une organisation excel-lente, le parti manque de res-sources; voilà pourquoi aucune pancarte du député de Chambly-Borduas n’a été affichée dans le comté électoral.

Matthew Dubé aurait-il été un simple «poteau politique»? Ce n’est pas le cas, répond-t-il. Il mentionne son rôle en tant que président de la Commission des jeunes néo-démocrates du Québec ainsi que celui de copré-sident du club campus NPD de l’Université McGill. En somme, il a été choisi pour son potentiel,

son sérieux, et pour son esprit militant.

Entre le fait de devoir jongler avec un budget de plus de deux-cents mille dollars, de devoir former l’opposition officielle au Parlement, surtout après le dé-cès de l’honorable Jack Layton, et de remplir toutes les fonc-tions de député, Matthew semble optimiste et prêt à affronter les futurs obstacles. Ce fut d’abord un immense honneur pour lui de pouvoir obtenir une grande responsabilité comme celle-ci, et cela transparaît par sa façon de nous parler de ses électeurs et de l’intérêt qu’il leur porte ainsi que son engouement à travailler avec et pour eux.

Cet honneur le rend aussi très humble; d’après lui: «C’est en marchant dans les couloirs du Parlement que j’ai réalisé toutes les implications et obstacles que je devrai affronter en tant que membre du Parlement et de l’Op-position Officielle». Mais avec la volonté de servir ses électeurs,

Matthew ne pouvait pas se pré-parer tant que cela face au large budget mis à sa disposition. En effet, combien de jeunes entre 21 et 23 ans ont déjà eu à gérer une telle somme? Pour remé-dier à la situation, Matthew nous explique qu’il a non seulement bénéficié du programme de for-mation offert par le Parlement, qu’il a été jumelé à un candidat senior (Malcolm Allen, député de Welland), mais qu’il a aussi posé beaucoup de questions à ses col-lègues d’expérience. Il s’est ainsi entouré d’individus performants et expérimentés.

Le 24 juin 2011, lors de son premier discours devant la Chambre des Communes, se prononçant sur la crise de Postes Canada, Matthew Dubé a viru-lemment défendu les droits et la dignité des travailleurs. En visitant ses comptes Twitter et Facebook, le lecteur y remar-que de nombreux commentaires favorables et des félicitations en réponse à son discours. Plusieurs

thèmes formant le curriculum de cours de politique canadienne à McGill sont notables. Il admet que les cours de sciences poli-tiques l’ont beaucoup aidé à se faire une idée d’ensemble de la politique canadienne. La forma-tion qu’il a reçue l’a aussi aidé à faire le lien entre plusieurs événe-ments, mais ce n’est pas non plus vrai qu’étudier en sciences politi-ques est un passage obligé pour devenir politicien. C’est une des premières et dernières choses que Matthew souligne: «J’aimerais voir des jeunes s’impliquer, dans n’importe quoi, mais tout sim-plement le faire». Matthew Dubé réitère ce que Jack Layton a écrit dans sa lettre aux jeunes cana-diens: «Vous devez être au cœur de notre économie, de notre vie politique, et de nos plans pour le présent et pour l’avenir».

Beaucoup doivent toujours douter des capacités et de l’exper-tise de ces jeunes candidats oran-ge. Ceux-là doivent toutefois se rendre compte d’une chose: très

souvent les politiciens devien-nent de plus en plus carriéristes et de moins en moins idéalistes ou visionnaires avec le temps. En ayant de jeunes voix à la Chambre des Communes, les Canadiens peuvent espérer qu’une vague de fraîcheur entraînera petit à petit les changements nécessaires. Évidemment, les députés feront face à la collectivité conserva-trice, majoritaire au parlement, et ce, pour les quatre prochaines années. Mais on se rappelle un point mis en évidence par Jack Layton durant le débat des chefs au printemps. Répondant au chef du Parti Conservateur qui critiquait le NPD d’avoir de jeu-nes candidats, Monsieur Layton a déclaré préférer envoyer ces candidats dans l’arène politique plutôt que dans l’arène militaire, sur les champs de batailles en Afghanistan. Espérons que cette vision portera ses fruits et ne sera pas le seul artéfact de la démago-gie politicienne que les différents partis ont en commun. x

L’absent se révèleEntrevue avec Matthew Dubé, député NPD de Chambly-Borduas

POLITIQUE FÉDÉRALE

Louis-Philippe TessierLe Délit

Allier savoir et pouvoirDébat sur la désirabilité d’un partenariat public-privé entre l’université et l’industrie

CAMPUS

Au Québec, les partenariats public-privé semblent avoir acquis une mauvaise répu-

tation au cours des dernières an-nées. Pourtant, dans les universités, le secteur industriel privé reste un partenaire important pour financer la recherche. Quel impact ce parte-nariat a-t-il sur les étudiants, sur la culture intellectuelle et sur le rôle de l’université?

L’Université fait partie de la société québécoise à plusieurs niveaux. D’abord, elle est une des principales institutions produisant et faisant croître la culture intellec-tuelle à long terme. De plus, tel que le note Monsieur Ameur Manceur, co-organisateur du Dialogue scien-ces et politiques avec Monika Rak, «l’université fait partie de la chose publique» étant en grande partie fi-nancée par les taxes des Québécois. Avant qu’un partenariat soit consi-déré comme étant socialement bénéfique, il est important de pro-téger ces deux aspects.

Tout d’abord, il semble y avoir une incompatibilité entre la culture universitaire et industrielle. Par exemple, en matière de vision et de planification du temps, la première dirige sa recherche intellectuelle vers le long terme, alors qu’en matière d’industrie, le profit à court terme est le principal motivateur.

Pour qu’un partenariat soit envisa-geable, selon Monsieur Manceur, «il est important que l’université soit, d’abord et avant tout, au servi-ce de l’étudiant» afin que ce dernier ne se retrouve pas coincé entre les deux organisations. Cela implique deux choses: que l’étudiant soit à l’abri des pressions industrielles à produire au plus vite mais aussi, d’un autre côté, que l’université s’inspire de l’industrie et apporte un stimulus intellectuel constant à l’étudiant, en réduisant le plus pos-sible le temps d’inactivité entre les différents projets de recherche.

Ensuite, la recherche univer-sitaire (à coût moindre) crée une plus-value pour l’industrie, mais selon l’organisateur du dialogue, au bout du compte «c’est la société au complet qui bénéficie du progrès engendré». Nonobstant, Mariève Isabel, VP externe de l’Association Étudiante des Cycles Supérieurs (PGSS), note une disparité entre les gains sociaux et ceux de l’industrie: «En même temps que la Chambre de commerce de Montréal vante que le partenariat public-privé engendre des milliards de dol-lars pour l’industrie, les retours d’investissement des étudiants aux cycles supérieurs, où la plupart de la recherche est produite, sont en chute libre (sous zéro pour un doctorat) et, pourtant, on demande une hausse de frais de scolarité». Il semblerait donc que les milliards

n’aillent pas dans les poches des étudiants ni dans celles de la socié-té Québécoise.

Lors d’un partenariat, il serait important de protéger l’université des pressions monétaires du sec-teur privé. Madame Isabel insiste pour dire que «la gestion de la recherche universitaire doit rester indépendante des intérêts privés de l’industrie», même si celle-ci la finance. Plus concrètement, Monsieur Manceur propose de «créer des institutions qui feront office de [remparts] entre l’univer-sité et l’industrie» en redistribuant l’argent pour s’assurer que l’uni-versité est protégée des pressions extérieures. En d’autres mots, «Il faut être proactif pour protéger l’aspect traditionnel de l’univer-sité».

Le conférencier Anton Allahar soutient que le «rôle principal de l’université est d’éduquer et non d’entraîner», une tâche qui reviendrait plutôt aux entreprises. De plus, il faut revoir la notion de rentabilité. Bien que les profes-seurs se concentrant sur la recher-che puissent être plus rentables à court terme, il devrait y avoir une plus grande place accordée aux professeurs concentrant leur éner-gie sur la pédagogie et le transfert du savoir. Par contre, l’université gagnerait à s’inspirer du secteur industriel afin de maximiser davan-tage ses ressources. Une des voies

pour accomplir cette tâche est l’in-terdisciplinarité; au lieu de créer de nouvelles disciplines de recherche très spécifiques il faut combiner les disciplines déjà en place.

Un partenariat université-entreprise pourrait permettre à

l’université d’être en symbiose avec son environnement économique, et représenter un avantage pour les étudiants faisant le saut dans le monde du travail; à condition d’établir auparavant certaines bali-ses pour délimiter le rapport. x

Nicolas QuiazuaLe Délit

Docteur Anton Allahar, professeur de l’université Western OntarioCrédit photo: Lindsay Cameron

6 Actualités x le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

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Depuis le 1er mai 2011, le salaire minimum au Québec est passé de 9,50 dollars à 9,65. La Commission des normes du travail, la Commission des rela-tions du travail, la CSST et j’en passe veillent au bien-être des salariés du Québec. Nous som-

mes bien loin de la misère qu’ont pu connaître nos grands-parents et arrière-grands-parents dans les usines.

Pourtant, la CSN (Confédération des syndicats na-tionaux) semble croire qu’elle a toujours un rôle à jouer pour pro-téger la veuve et l’orphelin. Serait-ce dans des usines surchauffées avec des quarts de douze heures pour les employés? Non, plus maintenant. Ça n’existe plus au Québec. La centrale se tourne maintenant vers le milieu très «op-pressif» du commerce au détail.

Dans ce milieu, le roulement est très élevé, ce qui veut dire que les employés ne garderont pas leur emploi sur une longue période de temps. Les emplois ne requièrent pas de qualifications. La mobilité est grande. Alors dites-moi pour-quoi imposer la structure rigide

d’un syndicat dans un environne-ment de travail pareil? Le récent cas de Couche-Tard, qui vient de fermer une seconde succursale cette année suite à sa toute nou-velle syndicalisation, a de nouveau donné lieu à une crise d’hystérie anti-entrepreneuriat. La raison, selon l’employeur, était que la succursale coin Iberville et Jean-Talon à Montréal n’était pas assez rentable. Plusieurs doutent, mais cela importe peu. Ce que Couche-Tard veut faire, c’est éviter qu’une vague de syndicalisation survienne parmi ses employés et cela est bien correct.

Si la CSN intervient dans les relations de travail au sein de la chaîne de dépanneurs, les consé-quences habituelles surviendront. Les coûts d’opération plus élevés signifieront des pertes d’emploi. Pourtant, comme je le mention-

nais plus haut, ce sont des emplois qui ne nécessitent aucune qualifi-cation. Ils sont donc faits pour les plus défavorisés de la société. La syndicalisation, fidèle à ses habi-tudes, créera une classe de gens privilégiés: ceux qui auront accès aux emplois et à tous les avantages sociaux et fiscaux qui viendront avec et ceux qui se retrouveront les mains vides. La voilà, l’idée du syndicat. La CSN pourra parader en disant qu’elle a aidé les pau-vres employés des Couche-Tard québécois en montrant tout ce qu’ils auront obtenu. Les emplois perdus ou jamais créés, eux, ne se-ront jamais mentionnés. C’est évi-dent: on ne peut connaître quel-que chose qui devait exister dans le futur, mais qui n’est finalement jamais arrivé.

Il faut parfois accepter des conditions de travail de moindre

qualité (et elles ne sont pas si pires chez Couche-Tard, malgré les his-toires relatées dans La Presse en avril dernier!) lorsqu’on cherche un emploi que tout le monde peut occuper, justement parce que tout le monde peut l’occuper!

D’ailleurs, personne n’est forcé de travailler chez Couche-Tard. Les insatisfaits des métho-des de gestion de la compagnie peuvent aller voir ailleurs. Se syn-diquer serait utiliser une approche tout à fait contraire. Les chanceux prennent tout et protègent jalou-sement leur emploi et ce sont les malheureux qui doivent aller voir ailleurs.

Si la CSN vivait selon les principes qu’elle prêche, elle lais-serait Couche-Tard en paix pour le bien-être des pauvres.

Pour une fois qu’elle s’en soucierait! x

Couche-Tard, ou le mal absoluJean-François Trudelle | Attention, chronique de droite

CHRONIQUE

Mulcair à sciences et politiques NPD: Quelles sont les stratégies scientifiques pour l’avenir? Entrevue avec Thomas Mulcair

CONFÉRENCE

Dans le cadre du dialogue Sciences et politiques à McGill, le député d’Outre-

mont Thomas Mulcair s’est pro-noncé sur les stratégies scientifiques du parti néodémocrate dans une en-trevue exclusive accordée au Délit. Les sujets abordés durant la confé-rence posaient des défis considéra-bles. Que ce soit en ce qui concerne le problème de la transition d’un système de transport fondé sur le pétrole à un système tout-électrique, ou le défi de déterminer les sources de production de l’énergie électrique elle-même, les réponses ne vont pas de soi. Le NPD est à présent célè-bre pour ses politiques «plus vertes» que celles du parti vert lui-même, et Monsieur Mulcair a déclaré publi-quement lors de son discours de clôture qu’il n’existe aucun moyen de se débarrasser des déchets nu-cléaires pour le moment, et donc qu’il n’existerait pas de nucléaire «durable».

Cependant, juste avant cette déclaration, il s’était fait un devoir de rappeler que les idéologies n’ap-partiennent pas qu’au domaine politique, et qu’il y a tout autant de croyances et d’opinions qui divi-sent les scientifiques sur l’interpré-tation, voire sur le choix des faits à interpréter, qu’il y a de politiques différentes entre la droite et la gau-che. Le danger, dit-il, c’est que les politiciens doivent alors faire un tri des rapports scientifiques sur les-quels ils choisiront de construire leurs stratégies de recherche et de développement. «Il est important de fonder nos décisions sur la science, et pas sur les idéologies», répond-il lorsqu’on lui demande pourquoi

le NPD assoit à ce point ses poli-tiques sur la théorie du réchauffe-ment climatique anthropogénique. Les récents travaux du physicien Henrik Svensmark portant sur le rôle des nuages dans la régulation du climat, corroborés par les résul-tats du projet CLOUD (Cosmics Leaving Outdoor Droplets) publiés cet été, ont démontré que les modè-les de prévision climatique actuels ont une mauvaise compréhension de la formation d’aérosol dans la basse atmosphère, de même qu’une mauvaise compréhension de la for-mation des nuages. Ce projet tend à démontrer que les rayons cosmi-ques auraient une influence majeure sur le climat, laissant ainsi aux gaz à effet de serre un rôle plus que secondaire dans le réchauffement climatique. Mais Tomas Mulcair a vivement réagi contre les résultats de ce projet en soutenant qu’il ne s’agissait là que d’un prétexte per-mettant aux Conservateurs de refu-ser de s’engager à diminuer les gaz à effets de serre.

Pour ce qui est des engagements de son parti, Monsieur Mulcair affirme que le NPD «reconnaît l’importance de la science et projette d’investir davantage dans le secteur de la recherche et du développe-ment». Quant aux plans du NPD pour le Grand Nord et le program-me spatial canadien, en donnant en exemple l’initiative de la Russie qui a entamé la construction d’un nouveau cosmodrome à Vostochny

–ce qui démontre l’engagement du gouvernement russe à contribuer à l’avancement de la haute technolo-gie– le député déclare que «le NPD est engagé à affirmer la souveraineté du Canada dans le grand Nord, c’est pourquoi il est important d’investir dans les communautés qui sont déjà là».

Pour ce qui est de l’espace, le député d’Outremont dit espérer «que l’agence spatiale canadienne continue son bon travail», bien que «pour l’instant, on n’a[it] pas de programme spatial». Ce qui laisse entendre que le NPD ne projette pas d’investir dans la création de nouveaux centres de recherche sur

la haute technologie et l’aérospatial dans le grand Nord.

Enfin, avec la décision des Conservateurs de parvenir à «l’équi-libre budgétaire» d’ici 2015, le fonds de recherche et de développement ne permet pas de lancer de grands projets à l’échelle du cosmodrome de Vostochny ou encore du tunnel sous le détroit de Béring –un pro-jet pour lequel le Premier Ministre Vladimir Poutine s’est vu refuser la coopération des gouvernements Bush et Harper. Comment le NPD projette-t-il d’investir dans des grands projets scientifiques dans un contexte de crise financière crois-sante? Bien que Mulcair admette

que «les banques canadiennes sont un peu gourmandes en ce qui concerne leurs profits», le NPD ne planifie pas de séparer les banques d’investissement des banques com-merciales, ce qui permettrait d’éli-miner les pertes nationales dues aux spéculations boursières en déres-ponsabilisant le gouvernement vis-à-vis des pertes du secteur commer-cial. Il s’agit d’un projet de loi sous le nom de Glass-Steagall, ou HR 1489, qui est présentement discuté au Congrès américain. Cependant, sur le plan économique, le NPD envi-sage d’appliquer la taxe Tobin pour générer des revenus sur les revenus des transactions bancaires. x

miruna TurcauLe Délit

«Mulcair admet que les banques cana-diennes sont un peu gourmandes en ce qui concerne leurs profits.»

trottoir borde la chaussée, les piétons doivent l’utiliser pour leur déplacement». Les piétons ne devraient donc pas se trouver sur les pistes.

L’article 24 du Règlement sur la circulation et le station-nement de la ville de Montréal précise que «Dans une voie cy-clable, il est interdit de circuler autrement qu’à bicyclettes ou en patins à roulettes». Clair, net et précis pour ce qui a trait au droit d’utilisation. Reste la façon d’utiliser le réseau.

Imaginez-vous en train de rouler vers une rue qui possède une bande cyclable allant seule-ment vers l’est. Vous tournez et devez immédiatement serrer vos freins puisque qu’un utilisateur de BIXI se balade candidement en sens inverse… l’envie de lui faire la morale vous monte à la gorge et vous avez bien raison car ce ne sont pas les seuls in-cidents qui se produisent. Plus loin vous dépassez une sympa-thique grand-maman marchant

sur la bande cyclable de St-Urbain avec son panier à roulet-tes rempli de fruits; vous tour-nez la tête et voyez deux jeunes sur un BIXI qui roulent sur un trottoir… On pourrait compiler une longue liste. Si je ne m’op-pose pas aux gens qui grillent des feux rouges ou des arrêts, ou qui circulent assez rapidement, le mot d’ordre est le suivant: si vous voulez faire quelque chose d’illégal, faites le bien!

Si en passant sur une lu-mière rouge vous bloquez les voitures qui, elles, ont le droit de passage, vous êtes sérieusement dans le tort. Cela nous démon-tre ostensiblement le manque de connaissance sur l’utilisation du vélo, ou tout simplement un bon exemple du «laissez-faire». En d’autres mots, on pourrait croire que le je-m’en-foutisme est pré-sent sur la piste cyclable.

Qualifier le réseau cyclable de Montréal de bordel est exa-géré. La plupart du temps, les utilisateurs respectent les règles élémentaires de sécurité, ne se chicanent pas souvent entre eux (comparativement aux automo-bilistes!), et développent même une complicité enviée par cer-tains passants ou autres conduc-teurs. Nous voyons de nettes améliorations et innovations à Montréal quant à la facilité de se déplacer à vélo, et cela ne ris-que pas de changer si le nombre de cyclistes continue de croître. Vive la vélorution! x

7Actualitésx le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

Circuler à vélo dans Montréal devient de plus en plus un exercice

assidu: l’augmentation de 35% à 40% du nombre de cyclis-tes depuis 2008 se fait sentir. Heureusement, la ville planifie d’augmenter la taille du réseau de 535 km à 800 km d’ici 2015; cela représenterait une nette amélio-

ration de la fluidité du trafic sur les pistes et voies cyclables.

La nouvelle piste cyclable sur l’avenue Laurier fait office de projet pilote dans l’arrondis-sement Plateau Mont-Royal: si pour les automobilistes ce projet rime avec calvaire, pour les cy-clistes chevronnés ou amateurs cette bande est quasiment une bénédiction.

Ceci illustre un changement de mentalité de la part de la mai-

Louis-Philippe TessierLe Délit

«Si pour les automo-bilistes ce projet rime avec calvaire, pour les cyclistes chevronnés ou amateurs cette bande est quasiment une bé-nédiction»

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Le gros bon sensLe réseau cyclable de Montréal: un bordel total?

BILLET

CeLa faiT quaTre mois que la classe politique française souffre. Celle-ci vient d’en finir avec un scandale, alors qu’un autre est prêt à exploser. L’affaire DSK et l’affaire Karachi sont source d’un acharnement entre le Parti Socialiste (PS) et l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP). À cause de l’ampleur de ces deux crises, les débats des sept prochains mois, qui sépa-

rent les français du fatidique 6 mai 2012, ne répondront pas principalement aux besoins de ceux-ci, mais seront comblés de désaccords entre gauche et droi-te sur l’implication ambiguë des leaders politiques dans des his-toires peu propres.

En février 2011, Dominique Strauss-Kahn (DSK) était prati-quement nommé futur Président de la République avant que les événements de la suite 2608 du Sofitel de New York n’écla-tent au grand jour. Nafissatou Dialo, femme de chambre dans cet hôtel luxueux de Manhattan a porté plainte pour tentative de viol le 14 mai dernier.

Que DSK soit coupable ou non, son futur n’est pas brillant. Il ne porte plus le costume de présidentiable, alors qu’il avait réussi à non seulement unir la gauche mais aussi, dans une cer-taine mesure, la France. Selon un sondage du CSA (Conseils-

Sondages-Analyses), DSK de-vait l’emporter face à Nicolas Sarkozy avec plus de 61% des intentions de vote. Ceci repré-sentait véritablement un exploit, sachant qu’on n’a pas vu de gauche unie en France depuis les années 80 avec François Mitterrand.

Depuis le retrait de l’ex-directeur du Fonds Monétaire International de la course pour la présidentielle, François Hollande et Martine Aubry se heurtent de façon discrète mais féroce pour endosser le maillot à la rose qui représente le Parti Socialiste. L’espoir pour l’unité est-il vain?

Problème similaire à l’UMP: l’affaire Karachi monte une à une les marches qui mènent à l’Élysée. La mise en examen de Thierry Gaubert et la garde-à-vue de Nicolas Bazire, deux poli-ticiens proches du président de la République, viennent de pro-

pulser ce dernier en première ligne de ce qui pourrait plonger l’élite de droite dans le chaos.

L’affaire Karachi, dossier où se mêlent contrats d’armement, attentats terroristes, finance-ments occultes de la campagne d’Édouard Balladur en 1995, et la mort de onze Français, sème la panique rue du Faubourg Saint-Honoré.

La Justice doit faire son de-voir, c’est-à-dire résoudre cette énigme: les informations préli-minaires suggèrent que Nicolas Sarkozy fut le directeur de cam-pagne d’Édouard Balladur. En d’autres termes, si la Balance de Thémis prouve que celui-ci a reçu des fonds illégaux pour financer sa campagne présiden-tielle, le chef de l’État n’est pas près de sortir la tête de l’eau.

Le PS, à travers la voix de Ségolène Royal, candidate aux primaires socialistes, a déjà ac-cusé l’Élysée et ses proches de

«corruption». Cet empoisonne-ment de la campagne de Nicolas Sarkozy risque de se transformer en bataille pour la survie, au lieu de convaincre. La reconquête de l’opinion publique par le pré-sident semble se compliquer d’avantage.

Ces crises ont discrédité et enlevé toute légitimité à la classe dirigeante française. Par consé-quent, il faut que les femmes et hommes au service de l’État reprennent en main leurs res-ponsabilités en suivant leur vo-cation: servir leurs compatriotes.

La «Renaissance» de la poli-tique est essentielle car l’hor-loge tourne; Marine Le Pen, par exemple, profite de ces ca-taclysmes pour se positionner comme la seule alternative à la gauche et la droite. Sans cette «Renaissance» politique, les ex-trêmes se verront incessamment revitalisés de façon presque gra-tuite. x

Faux départBernard D’Arche | Politique française

CHRONIQUE

rie de Montréal. En promouvant le cyclisme, Montréal souhaite réduire le nombre de voitures sur les routes. Les avantages seraient multiples: réduction de la pollution sonore et olfac-tive, amélioration de la qualité de l’air, diminution des risques d’accidents mortels, et aussi, espérons-le, création d’un effet boule de neige qui révélera dans son sillon de plus en plus de gens engagés. Deux problèmes subsistent: le droit et la façon d’utiliser le réseau cyclable.

Le Canada et le Québec possèdent tous deux des lois régissant les usagers de vélos, patins en ligne, skateboards, fauteuils roulants manuels et électriques, ainsi que les bicy-clettes électriques et véhicules de type scooter. Deux articles de la commission lancée par la Mairie de Montréal retiennent l’attention. Le premier, l’arti-cle 452 du Code de la sécurité routière, stipule que «lorsqu’un

x le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com8

Société[email protected]

Droite ou gauche?Le populisme est partout!À la veille du début des élections présidentielles françaises, dans 7 mois, Le Délit fait le point sur le populisme de la droite française.

POPULISME À LA BÉCHAMEL FRANÇAISE

Les Français se souviennent de Jean Marie Le Pen expliquant en 1988 aux téléspectateurs que le Front National n’appartenait pas à l’extrême droite, mais

constituait le socle d’une droite nationale, populaire et sociale, proche de mouvements populistes européens ré-cents dont certains participent déjà à des coalitions gou-vernementales (la Ligue du Nord en Italie en est l’exemple le plus flagrant).

La «droite populaire», qui connaît un essor dramati-que à travers l’Europe, véhicule des propos que certains qualifieraient de populistes et de nationalistes. En effet, elle prône le retour aux valeurs traditionnelles ainsi que le refus de l’immigration et de la mondialisation qui, par le libre-échange et le droit-de-l’Hommisme, participeraient, selon les militants, à la destruction des valeurs familiales et des civilisations européennes aux racines celtiques et chrétiennes.

La droite populaire ne commet ni d’écarts racistes ni de maladresses fascisantes. Elle est certes controver-sée, mais bien acceptée du spectre politique républicain. D’ailleurs, elle siège au parlement français non avec l’ex-trême droite mais avec la droite tout simplement.

Partout en Europe, la droite populaire plaît, car elle est plus attachée au peuple, plus terre-à-terre et plus pro-che des habitants qui s’il est vrai, digèrent amèrement les crises successives dont les partis de l’establishment ne parviennent pas à sortir.

S’il existe un porte-parole médiatique de cette droite populaire, il se nomme «Éric Zemmour»

Éric Zemmour est un journaliste politique et un écri-vain français très médiatique et médiatisé. Éric Zemmour s’est fait connaître du grand public lorsqu’il était chroni-queur pour l’émission «On n’est pas couché» où il prenait un malin plaisir à démanteler les oeuvres que les invités de l’émission étaient venus lui présenter. Ses joutes verbales lui ont valu une popularité certes controversée, mais qui lui a permis d’être présent sur tous les plateaux de radio et télévision français consacrés à la politique («RTL matin», «Ça se dispute», «Ripostes», «C politique», etc.). Son cré-do politique est complexe. Éric Zemmour jouit d’abord d’une culture historique indiscutable digne de Fernand Braudel (grand historien qui a publié de nombreux ouvra-ges sur l’Histoire de France), mais il défend également une vision économique du monde très protectionniste et antilibérale proche en cela d’Emmanuel Todd (écono-miste et sociologue qui avait prédit la chute de l’URSS). Il véhicule encore des propos très réactionnaires hostiles au féminisme et à l’immigration que ne démentirait pas

Alain Soral (sociologue marxiste et nationaliste, homme politique populiste); enfin son obsession de la nation, de la République, des valeurs, des traditions, ainsi que de la culture française font objectivement de lui un des émules d’Alain Finkielkraut (philosophe reconnu pour sa critique du monde moderne, de la décadance culturelle et consi-déré comme archi-conservateur).

Éric Zemmour est connu pour ses provocations in-nombrables, sur l’esclavage, la colonisation, les femmes, qui lui valent de nombreuses inimitiés; en revanche, nom-breux sont ceux qui adhèrent à sa contestation de l’idéal européen, de la mondialisation ou même de l’immigration dans le contexte de crise aiguë qui frappe actuellement le Vieux Continent.

Éric Zemmour est donc inéluctablement un person-nage très controversé, qui se présente comme le cham-pion de l’alternative au politiquement correct dominant.

Décryptons ensemble son corpus d’axiomes poli-tiques qui n’est qu’une vision édulcorée des propos de la «droite populaire», avec, pour seule distinction, qu’ils sont très médiatisés. À lui seul, Éric Zemmour est par-venu à faire ressusciter une ligne politique qui naguère était marginale et bien éloignée du paysage médiatique français.

Sur le NéolibéralismePour Éric Zemmour, le libéralisme économique est

à l’origine de la destruction de l’ordre social. Selon lui, le libre-échange mondialisé permet aux multinationales de faire régner la loi d’airain du capital, foulant au pied les valeurs et les traditions françaises, y compris celles d’un certain capitalisme familial séculaire.

Éric Zemmour dénonce également l’immigration que les grandes entreprises françaises utilisent comme facteur favorisant, par la baisse des salaires qu’elle induit, l’émer-gence d’un capitalisme débridé générateur de profits tou-jours plus élevés. La main-d’oeuvre immigrée, moins chè-re, exerce de fait une pression tendancielle, déjà observée par Karl Marx, sur le niveau moyen des salaires.

De plus, toujours selon Éric Zemmour, les mêmes entreprises délocalisent leurs industries dans les pays en développement afin de maximiser là encore les profits. La libre circulation des Hommes et des capitaux pousse les entrepreneurs et les grandes entreprises à se désintéresser du sort économique et social de leurs nations respectives.

«S’il existe un porte-parole médiatique de cette droite populaire, il se nomme Éric Zemmour.»

Alexis ChembletteLe Délit

Illustration: Alice Des

9Société

«En effet, la France est le seul pays colonisateur qui imposait de manière assumée et volontariste sa langue, ses traditions, ses institutions, et même le catholicisme aux populations coloni-séees.»

«Quand les délocalisations ne suffisent pas à faire baisser les salaires, l’immigration dans les emplois qui ne sont pas délocalisables permet de les faire baisser», martèle Éric Zemmour.

Des partis politiques traditionnels français Éric Zemmour estime que les deux partis au pouvoir

depuis 30 ans, l’UMP à droite et le Parti Socialiste à gau-che, ont pratiqué peu ou prou la même politique dévas-tatrice pour la société française. Selon lui, les deux partis en question sont notamment responsables à part égale de l’immigration massive qui génère des tensions sociales et même des soulèvements dans nombre de banlieues de grandes villes de France. Les deux mêmes partis domi-nants ont voté, main dans la main, au parlement tous les textes favorisant l’intégration Européenne, la privatisation des entreprises françaises d’État et le suivisme quant à la place des États-Unis au sein de l’OTAN.

Décryptage de ce système UMPS

Fédéralisme européen Comme Eric Zemmour l’explique longuement

dans son Mélancolie française: «Pour favoriser la créa-tion de la communauté européenne, la gauche a sacri-fié son hostilité au marché, et la droite son patriotisme sourcilleux. Déjà à l’origine de la perte de souverai-neté française, le système européen s’oppose frontale-ment au modèle social français. Éric Zemmour aurait très certainement soutenu l’Europe des six du Général de Gaulle, une Europe sociale non atlantiste, se po-sitionnant comme tierce puissance lors de la Guerre froide et allié critique des États-Unis. Or, lorsque le Royaume-Uni et l’Espagne ainsi qu’une partie des pays d’Europe de l’Est sont entrés progressivement dans la Communauté Européenne, cette dernière a pris un tournant libéral (baisse des tarifs douanniers,

financiarisation, tertiarisation, immigration, soumis-sion aux États-Unis au sein de l’Alliance Atlantique). Éric Zemmour soupire: «Une fois encore, les Anglais avaient vaincu: le blocus continental avait été abattu». Pour lui, les eurocrates de Bruxelles veulent détruire le modèle social français, républicain et laïc. L’Europe communautaire emboite le pas des autres organisa-tions internationales (FMI, OMC) qui n’ont de cesse d’abolir tout protectionnisme et d’exalter les vertus du libre-échange et de la mondialisation, prônés par les empires financiers Américano-Britanniques. Éric Zemmour pense ainsi comme le Général de Gaulle: «L’Europe fédérale n’aura qu’un fédérateur: les États-Unis». Éric Zemmour nous explique que 80% des lois françaises sont aujourd’hui dictées par des directives européennes, jugeant comme Philippe Seguin (homme politique français de droite et de tradition gaulliste, anti-européen) que «l’Europe est le grossiste, l’UMP et le PS sont les détaillants».

Des interventions militaires Éric Zemmour est un adepte, en matière de poli-

tique internationale et de diplomatie, du «réalisme» («Real Politik») de Waltz ou de Mersheimer. Selon lui, seules les nations sont souveraines, et les interven-tions militaires de la communauté internationale ba-fouent cette souveraineté. Zemmour estime donc que par «droits-de-l’Hommisme» et par internationalisme, la France s’est impliquée dans des conflits militaires qui ne le regardaient pas. Pour lui, le parti socialiste et le RPR [Rassemblement Pour la République, précur-seur de l’UMP, NDLR] ont, en rupture avec la pensée gaulliste originelle, soutenu à tort l’Empire Américain dans toutes ses «croisades», le refus d’intervenir en Irak en 2003 constituant l’exception qui confirme la règle. Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN décidé par Nicolas Sarkozy, le sou-tien Mitterrandien à la Guerre du Golfe de 1991, la participation à l’occupation de l’Afghanistan soutenue par Jacques Chirac démontrent bien que la France a perdu son indépendance stratégique et militaire pour devenir un vassal discipliné des États-Unis.

Critique du multiculturalisme Pour Zemmour, le multiculturalisme est un échec

total. Éric Zemmour considère à l’instar de Samuel Huntington (le «Choc des civilisations»), que si les indi-vidus ne partagent pas un certain nombre d’éléments clés (langue, traditions, culture, voire religion), ils ne peuvent pas cohabiter durablement encore moins s’assimiler et se fondre dans une même nation. Ainsi, Éric Zemmour prô-ne un système d’immigration assimilationniste. Les immi-grants qui arrivent en France pour s’y installer doivent, selon lui, abandonner leur héritage culturel en échange de l’hospitalité du pays d’accueil. «À Rome fais comme les Romains.»

Éric Zemmour est nostalgique de la France de Jean Jaurès où les immigrants étaient contraints de renon-cer à leur prénom, pour choisir en échange, un prénom français: «Les générations précédentes offraient cela pour montrer leur volonté de devenir français». Éric Zemmour se réfère souvent à l’intégration réussie des années 60 en France, d’immigrants qui se dépouillaient en quelque sor-te de leurs oripeaux culturels d’origine et se «francisaient» avec ferveur. Éric Zemmour évoque même la Troisième République, dont la politique assimilationniste interdisait aux Bretons et aux autres de parler leur langue, leur im-posant le français, «un succès républicain incontestable» selon lui. Zemmour reprend donc les propos de Gaston Kelman (homme politique d’origine camerounaise) qui sur le plateau de Ripostes disait, il y a quelques années, «Je n’imagine pas que ce soit la volonté du pays d’émi-gration qui détermine les critères du pays accueillant». Ce système assimilationniste est une spécificité française héritée de l’époque coloniale. En effet, la France est le seul pays colonisateur qui imposait de manière aussi assumée et volontariste sa langue, ses traditions, ses institutions, et même le catholicisme aux populations colonisées.

Ce système assimilationniste diffère des systèmes d’intégration à l’anglaise ou à la néerlandaise qui, eux, se contentent de fournir aux immigrés le minimum d’«outils» culturels et linguistiques pour se frayer une place sur le marché du travail.

Pour Éric Zemmour, l’Union pour la Démocratie Française de Valéry Giscard d’Estaing et le Parti Socialiste d’après 1983, en se tournant vers l’Universalisme prôné notamment par des associations antiracistes, ont fait glis-ser la France d’une politique d’assimilation vers une for-me de multiculturalisme qui a enclenché une crise iden-titaire française.

Éric Zemmour a la faculté indiscutable de pointer du doigt les maux de la société française, voire Européenne. Cependant, lorsqu’il s’agit de fournir des solutions à ces problèmes, notre chroniqueur est rarement au rendez-vous. Ce n’est pas un hasard si hélas nous retrouvons souvent ces traits caractéristiques qui ne consistent qu’à blâmer, chez les mouvements populistes. Plaire au peu-ple est une chose, lui venir en aide est une tâche bien plus complexe. Éric Zemmour semble avoir oublié que le Front National et autres partis de cette famille d’extrême droite n’ont jamais été que des partis de témoignage. Et lorsqu’ils prennent le pouvoir, comme à Vichy, à Vitrolles ou à Orange, nous avons toujours assisté à un fiasco com-plet.

Éric Zemmour était l’invité de l’émission Les francs tireurs sur Télé Québec le 9 février 2011. Ce jour là, Zemmour avait émis de nombreuses réserves sur le mul-ticulturalisme Québécois, qu’il juge trop tolérant. Or, s’il est vrai que des mouvements type «droite populaire» sont

inexistants au Québec, la question d’identité nationale n’en est pas moins un thème quotidien. D’ailleurs, une majorité d’entre eux se déclarent attachés à leur héritage culturel et traditionnel. Il est inutile de rappeler les nom-breuses batailles que mène le Québec quant à la promo-tion de la langue française. Sur la question des immigrés, on se souvient de la polémique que le Journal de Montréal avait déclenché lorsque sa première page de couverture titrait: «Nos immigrants coûtent trop chers». Le Premier ministre Jean Charest a crée en 2007 une commission sur les différences culturelles et les difficultés d’intégration qui nous rappelle le ministère de l’identité nationale mis en place par Nicolas Sarkozy. Les thèmes abordés par la droite populaire et Éric Zemmour sont universels, il sem-ble néanmoins qu’au Québec, une terre d’immigration notoire, l’approche soit moins tumultueuse. x

«Éric Zemmour a la faculté indiscuta-ble de pointer du doigt les maux de la société française, voire Européenne.»

Illustration: Alice Des

10 Société x le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

La vie est dure. iL faut se lever chaque matin, prendre le bus, le métro, le train ou marcher pour se rendre à l’université. Une fois qu’on y est, il faut se rendre aux différents bâtiments entre chaque cours, se dépêcher pour trouver une bonne place, mais près du bord des escaliers pour pouvoir quitter le plus vite possi-ble, puis se rendre au cours sui-vant. Les étudiants qui veulent s’asseoir au centre de l’amphi-théâtre vous demandent de vous lever pour qu’ils puissent passer. Debout, assis, debout, assis… Le poids de votre sac à dos vous

courbe l’échine, celui de votre café extra-large durci vos biceps et vous marchez encore. Une fois arrivé chez vous, il faut se nour-rir, se laver, étudier et finalement dormir. Le lendemain, il faut se relever… Oui, la vie est dure!

Qu’est ce qui nous motive à accomplir toutes nos tâches et obligations jour après jour? Il y a une vingtaine d’années, quelque chose nous a poussés à entrepren-dre nos études (papa et maman probablement) et une autre nous a convaincus de les poursuivre. Notre destinée? La pression de la société? Papa et maman encore une fois? Ou bien un gène? Voilà une piste bien plus intéressante d’un point de vue scientifique!

La revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America publiait au début du mois de septembre un article à propos d’une recherche menée à l’université McMaster en Ontario qui révélait alors qu’un gène manquant, ou inactivé, se-rait à l’origine de la paresse. Ce gène est celui qui régule l’expres-sion d’une protéine musculaire appelée AMPKinase qui est for-

mée de deux sous-unités soit bêta-1 et bêta-2. AMPK induit une hausse de la production de mitochondries dans les cellules musculaires de la masse maigre (muscles de base ou squelettique) ce qui permet une accélération de la transformation du glucose en énergie. Si le gène n’est pas exprimé en totalité, une des sous-unités bêta n’est pas produite et s’ensuit une baisse de la capacité à faire de l’activité physique… chez les souris!

En effet l’étude était menée sur ces rongeurs qui ont la cote dans le monde scientifique puis-que nous partageons bien des caractéristiques physiologiques et génétiques avec ceux-ci. AMPK fait partie de ces éléments com-muns, ce qui nous permet de faire le parallèle avec les êtres humains. Les souris auxquelles on inhibait le «gène de la paresse» avaient de médiocres performances au tapis roulant, devenaient généralement inactives et prenaient du poids. Alors comment exprimer ce gène chez l’humain? En faisant du sport! L’inactivité inhibe l’expres-sion du gène alors que l’activité

physique la stimule, ce qui expli-que qu’il est si difficile de com-mencer un programme au gym ou un nouveau sport alors qu’une fois les entrainements commen-cés, les difficultés s’envolent.

Par contre, il faut faire at-tention: dans cette étude, il est question de paresse physique. On peut faire des liens avec l’obé-sité par exemple ou les raisons qui nous poussent à ne pas avoir envie d’aller faire du jogging. Il faut mettre un bémol si l’on veut discuter de la motivation à l’école ou au travail. Si vous prétextez que vous êtes convaincu de ne pas avoir le gène de l’AMPK à votre professeur, même s’il est un imminent chercheur en biologie cellulaire, ça ne passera pas! La paresse mentale, ou démotiva-tion, va plutôt chercher sa sour-ce dans la psychologie. Si votre motivation vous est intrinsèque, alors elle sera soutenue. Si vous êtes en médecine pour le salaire que vous ferez ou pour plaire à vos parents, vous comptez donc sur des raisons extrinsèques et aurez alors des difficultés à réus-sir. Si vous êtes en sciences poli-

tiques parce chaque matin vous vous levez en vous demandant si Charest a démissionné et si le PQ a implosé, alors votre motivation atteindra des sommets durant vos études puisque des motifs intrin-sèques à votre personnalité sont à la source de vos projets. Plusieurs théories en psychologie ont été établies au XXe siècle impliquant même des calculs d’amplitude et des ratios de motivation. Le do-maine de la psychologie décrit la motivation comme une force qui «propulse et dirige» le comporte-ment, les sentiments, la cognition et les sensations qui indiquent à l’individu comment il doit se comporter.

Enfin, il s’agit d’un sujet complexe à approfondir. Il est possible de s’y attaquer d’un point de vue évolutionniste, par les neurosciences, la psychologie, la génétique et comme dans bien des sujets en science, toutes ces voies apporteraient des éléments indispensables à la compréhen-sion du concept de cette moti-vation que nous cherchons tous, telle une oasis dans un désert de notes de cours et d’examens. x

Motive-moi l’AMPKSofia El Mouderrib | Science ça

CHRONIQUE

Les brasseurs d’idéesLa bière a ses lettres de noblesse.

COMITÉS

La Nuit des Activités est un moment fort attendu par l’ensem-

ble de la communauté étu-diante mcgilloise, comme le démontrait la longue file d’attente devant le SSMU le 14 septembre. Parmi les clubs tenant kiosque, un sortait du lot: le McGill Association of Student Home-Brewer (MASH). Lumière sur ces jeunes brasseurs urbains.

Il y a trois ans, quelques amis se réunissent pour se rendre au Mondial de la bière de Montréal. Kyle, Joe et Kevin, qui se sont ren-contrés dans les résidences de McGill, participent pour la première fois à cet événe-ment annuel. Estomaqués par la quantité et la qualité des produits sur place, ces étudiants américains com-prennent alors le véritable potentiel que peut offrir la bière, trop souvent regardée de haut. Après discussion avec des connaisseurs, ils décident de se lancer dans l’aventure de la micro-bras-serie.

Les débuts ne sont pas faciles; recettes, équipements

et techniques de base ne sont pas toujours au rendez-vous. Mais, d’échecs en échecs, ils accumulent une vaste connaissance sur le sujet. Ainsi, cela se ressent jusque dans le résultat final, comme le démontrent leurs bières savoureuses et équilibrées. D’ailleurs, ils se donnent la liberté de créer plusieurs types de bière, passant de la Stout au chocolat à la classi-que ale, en gardant toujours un taux d’alcool entre 5 et 10%.

L’an passé, ils décident d’étendre leur projet et de partager ce savoir pratique avec leurs comparses de McGill, ayant déjà obtenu bonne réputation auprès de leurs proches. Ils créent le MASH avec la ferme inten-tion de promouvoir leur art. Ce dernier, entièrement gra-tuit, gagne alors en popu-larité. Parmi leurs activités, il faut noter les rencontres d’échange de recettes, les visites de micro-brasseries et, bien-entendu, les soirées dans les bars du coin. Leur objectif ultime est de faire une dégustation de la bière maison de tous leurs mem-bres à la fin de la session.

Cette année, ils ont pu

avoir une bonne visibilité lors de la Nuit des Activités, notamment, et ils comp-tent à présent environ 200 membres, dont une trentaine prennent activement part dans cette entreprise. Leur groupe, foncièrement hété-roclite, est composé d’étu-diants de disciplines et pays divers. De plus, la gent fémi-nine y est aussi substantielle-ment représentée, puisqu’elle compose environ 35% des effectifs.

Pour créer leur bière, les membres de MASH ([email protected]) se divi-sent en groupes de quatre ou cinq, se réunissent dans l’appartement de l’un et partagent les frais encourus. Ceux-ci, modestes, s’élèvent à quarante dollars pour cin-quante-cinq unités de 341 mL, en excluant le matériel. Quant au prix de l’équipe-ment nécessaire, il est très variable, allant d’une centai-ne de dollar jusqu’à plusieurs milliers. Il faut six semaines pour arriver à un produit fini.

Pour ces messieurs, ce hobby, facile et accessible, est un moyen plaisant de faire quelque chose de leurs deux mains. Leur leitmotiv: keep brewing. x

Jonathan BrosseauLe Délit

Les étudiants à l’oeuvre pour une microbrasserie urbaine Alice Des

Au Théâtre Rialto, la foule était une vraie mosaïque de jeunes, de moins jeunes, de Québécois, de Français,

d’anglophones et de petits bourgeois. Elle était unie par le même délire de voir appa-raitre The Wolf (et les Last Assassins, peut-être) sur scène au courant de la soirée.

Les premières parties étaient assurées par Hôtel Morphée, qui sont excellents malgré un certain manque de communi-cation avec le public, et Beaver, un artiste folk qui a réussi à conquérir le public par ses chansons franches et son look atypi-que.

À 22 heures 45, Jean Welltipper, feu Leloup, coiffé de son habituel chapeau

indescriptible, ainsi que Mathieu Leclerc et Virginia Tangvald, formant le trio des Last Assassins, ont fait apparition pour endia-bler la foule déjà fébrile. Entamant le plat de résistance avec un titre de leur dernier album, le groupe a poursuivi avec un en-chainement éclectique et parfois énervant de morceaux de Leloup et de nouvelles pis-tes inédites provenant de sa nouvelle allian-ce. Nous avons donc eu droit à des rares moments de nostalgie explosive pendant L’Amour est sans pitié et La Vie est laide, ainsi que des espaces de latences quand une pis-te chantée par ses deux acolytes survenait.

Puisqu’il s’agissait du lancement de son nouveau projet, il fallait s’attendre à ce que certains morceaux n’aient jamais été entendus, mais les quelques centaines de fans présents ce soir là étaient venus avec le

désir coupable de l’entendre jouer ses vieux succès (1990, I lost my baby, Isabelle, etc.) qui ont brillé par leur absence.

Comme on a pu le comprendre à son sourire béat pendant ses solos de guitare, les Last Assassins est un projet qui permet à The Wolf de mieux jouer de la corde et de moins chanter. De tendance plus soft, plus électrique et moins personnelle, The Last Assassins est un groupe de rock anglopho-ne dans lequel Jean Leloup n’est pas indis-pensable, qui s’écoute bien en soupant, mais qui ne suscite pas le coup de foudre. C’est l’un des nombreux projets de l’artiste, dans lequel il a l’air de s’éclater auprès de ses anciens choristes charismatiques, et c’est un bonheur qui lui sied très bien.

Malgré quelques épisodes confus comme Leloup sait si bien les faire, les

artistes ont été d’une grande générosité (deux heures sur scène), et l’intimité de la salle a rajouté énormément au sentiment de fusion avec le public. Il est difficile de croire que tous ses fans vont le suivre dans ce pro-jet qui s’écarte de ce qu’il offre d’ordinaire, mais les mélomanes seront ravis d’avoir de nouveaux musiciens talentueux à se mettre sous la dent, jusqu’à ce qu’il change encore d’idée.

Avant de nous laisser partir, un Jean Leloup humble –et non Welltipper– est apparu pour le rappel armé d’une guitare acoustique pour interpréter un poignant Recommencer, qui a su laisser un arrière-goût convaincant. Ainsi, même si vous ne comp-tez pas acheter le nouvel album des Last Assassins, attendez patiemment sa nouvelle lubie. x

Jean Leloup And The Last AssassinsVendredi le 23 septembre à 23 heures, POP Montréal présentait Jean Leloup & the Last Assassins.

MUSIQUE

Alex GauvreauLe Délit

Arts&[email protected]

Cela faisait un an qu’Arcade Fire n’était pas monté sur scène à Montréal. Un an passé loin de la

maison, à se produire partout dans le mon-de et à récolter des trophées, notamment le Grammy Award de l’album de l’année 2011, pour «The Suburbs». Le festival Pop Montréal a enfin ramené le groupe dans la métropole. Le lendemain du spectacle de mercredi soir, au Métropolis, les admi-rateurs d’Arcade Fire se sont amassés sur la place des Festivals pour la performance gratuite du groupe montréalais. «It feels like home», a lancé le chanteur Win Butler à la foule charmée par l’énergique Ready to Start choisi pour l’ouverture. Les autres mem-bres du groupe, Régine Chassagne, Richard Parry, Tim Kingsbury, William Butler, Sarah

Neufeld et Jeremy Gara affichaient des sou-rires ravis: on se sentait à la maison.

Les spectateurs avaient à peine eu le temps d’entendre quelques chansons que Régine Chassagne suivait l’exemple de son mari, en complimentant la métropole. «Montréal est vraiment cool», a-t-elle as-suré lors d’un de ses apartés destinés aux francophones, qui jubilaient.

Dans leurs adresses au public, les époux d’Arcade Fire ne se sont pas arrêtés à flatter l’égo des Montréalais. Ils ont pro-fité de la chanson Haiti pour encourager le Québec à participer activement à la recons-truction de ce pays. Régine Chassagne a présenté au public le docteur Paul Farmer, en relatant son expérience en Haiti. Cet intermède représentant les convictions du groupe a toutefois fait tomber l’énergie de la foule, qui attendait impatiemment que la musique reprenne.

Le spectacle s’est poursuivi avec des pièces tirées des trois albums d’Arcade Fire, soit «Funeral», «Neon Bible» et «The Suburbs». La voix juste de Win Butler, le dynamisme des autres membres du grou-pe, leur aisance à passer d’un instrument à l’autre, ont fait de la suite du spectacle une performance sans faute. Au centre de la scène, créant une ambiance d’une autre époque, une marquise de cinéma annon-çant «The Arcade Fire-Coming Soon» sur-plombait un écran sur lequel étaient proje-tés des extraits des vidéo-clips du groupe. Les moments les plus forts ont été les morceaux Wake Up, The Suburbs et le pre-mier rappel, Rebellion (Lies), alors que toute la place des Festivals entonnait les refrains avec Win Butler. La chanson choisie pour le deuxième rappel Sprawl II (Mountains Beyond Mountains) manquait cependant de force. Après le premier rappel, le moment

semblait parfait et les admirateurs, satis-faits.

Le groupe québécois Karkwa, qui assu-rait la première partie, est loin d’être passé inaperçu. Ces musiciens ont relevé avec brio le défi de précéder Arcade Fire, pour qui la quasi-totalité des spectateurs s’étaient dé-placés. Les membres de la formation franco-phone s’amusaient visiblement et ont pro-fité du spectacle pour se faire connaitre des admirateurs d’Arcade Fire. Les chansons Le Compteur et Oublie Pas ont fait lever la foule. Une seule déception à noter, seulement 45 minutes ont été accordées à Karkwa.

Enfin, le festival Pop Montréal réunis-sait sur la même scène deux groupes qui font la fierté de Montréal et du Québec, ce qui leur a valu un succès difficile à égaler. Un groupe chantait en français, un autre en anglais, le tout au centre d’une foule docile et comblée. Quelle plénitude! x

MUSIQUE

Myriam LandhiLe Délit

Jeudi dernier, sur la place des Festivals du Quartier des spectacles, le groupe montréalais Arcade Fire a comblé plus de 75 000 spectateurs.

Arcade Fire aime Montréal

Crédit photo:Eva Blue

Crédit photo:Thibault D.

11Arts & Culturex le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

Qui n’a jamais parcouru du regard cette célèbre photo de Yann Arthus-Bertrand? L’illustration de la cou-verture de son livre La Terre vue du ciel est parue pour la première fois en 1999 lors-que l’auteur a souhaité sensibiliser les gens sur la beauté de notre planète afin de dénoncer les actions néfastes de l’Homme sur son environnement. Il s’agit d’un ap-pel au respect et à une certaine prise de conscience de l’état fragile de notre milieu naturel. C’est en célébrant le beau que

l’Homme réalise davantage ce qu’il est en train de mettre en péril et de détruire de-puis ces dernières années. En choisissant le support photographique et la technique de prise de vue aérienne, Yann Arthus-Bertrand a voulu toucher un public le plus large possible. Voici les mots prononcés par le photographe à la sortie de son livre: «Ce qui me motive c’est l’impact qu’une photo peut avoir dans le domaine de la protection de l’environnement. La grande nouveauté aujourd’hui, c’est que l’huma-nité a le pouvoir de modifier son environ-nement. Ainsi, je voudrais que mes photos déclenchent des prises de conscience». Il se positionne en tant que chef de file de ce qu’on pourrait appeler la photographie environnementale ou écophotographie, qui fait fureur depuis quelques années. Déforestation abusive, dérèglement clima-tique, disparition massive d’espèces sont des expressions récurrentes du XXIe siècle que les médias nous rabâchent avec vora-cité. Les photographes eux, pointent du doigt cette nouvelle réalité.

Si vous avez la curiosité de feuil-leter en librairie des magazines photos, vous vous rendrez vite compte de la place consacrée à la lutte pour la protection de l’environnement. En effet, qu’il s’agisse de clichés d’animaux en voie de disparition ou de paysages détruits par des activités humaines irresponsables, le thème est om-niprésent. D’ailleurs, les concours photos

abordant cette thématique pullulent! Photo Solution et Photo Life, deux magazines cana-diens viennent de présenter leur nouveau concours annuel qui a pour titre «Regards sur notre monde» et ce n’est qu’un exemple parmi tous ces intitulés: «Passion forêt», «Objectif Énergie» ou encore «Festival de l’oiseau et de la nature». La photographie tend donc à devenir un outil de lutte politique et médiatique essentiel, ce qu’elle était déjà depuis l’apparition du photojournalisme dans les années 1890,

mais à la différence près qu’elle était alors plus discrète et moins proche de la réalité. De ce constat naît donc le statut instable et souvent débattu de la photographie comme pratique artistique. Ces tensions entre Art et politique, entre esthétique et information sont loin d’être résolues; mais ne serait-ce pas là le propre même de la photographie, à savoir avoir la capacité d’informer et de documenter tout aussi bien que de servir de support à l’expres-sion sensible du monde. x

L’Éco-photographie: un sujet en vogue?Margaux Meurisse| Photo m’a-t-on dit?

CHRONIQUE PHOTO

Les Noces de Figaro (1786) est un opé-ra, en soi, merveilleusement réussi, de par la richesse des airs devenus

depuis célèbres mais aussi de par la qua-lité du livret, inspiré de la pièce de théâ-tre de Beaumarchais (1778). Cependant, il fallait une réalisation sans faille pour soutenir de façon convaincante l’œuvre originale. La mise en scène présentée à l’Opéra de Montréal répond assurément à ce défi, en nous offrant probablement une des plus belles représentations de ces trois dernières années. L’opéra est construit comme une joyeuse farandole d’intrigues amoureuses, où les person-nages perdent le fil de ce qui est de l’ordre du secret intime et de ce qui est de l’ordre de la complicité.

Figaro aime et veut épouser Susanna; mais cette dernière, elle-même amoureu-se de Figaro, est courtisée par le comte, qui délaisse son épouse légitime et sou-haite user d’un vieux droit seigneurial, le droit de cuissage, pour pouvoir profiter des charmes des jeunes femmes du do-maine. Figaro et Susanna décident donc de confondre le comte sur son propre ter-rain de jeu: la séduction. Spectateurs du 21e siècle, il faut comprendre tout le côté révolutionnaire qu’il y a à présenter com-me des héros de simples valets qui pré-tendent donner des leçons de conduite à

la noblesse! D’autant plus que ces joyeux personnages, socialement si modestes, se montrent finalement bien plus rusés que le comte lui-même

L’énergique mise en scène de Tom Diamond met en valeur des artistes in-terprétant chacun merveilleusement son personnage. La présence de Chérubin, le jeune adolescent transi d’amour, vous ravira; Figaro qui s’élance en proclamant «Je vais venger tous les maris du monde!» vous amusera au plus haut point. Car Les Noces est fondamentalement un opéra qui dédramatise les relations tendues au sein des couples pour mieux exacerber la joie de vivre entre les protagonistes.

Entre éclats de rire et situations sca-breuses, nous assistons tout de même à des instants de pure grâce, comme à l’ouverture de l’acte II, lorsque la divine comtesse fait sa première apparition avec l’air «Porgi Amor». Ou encore lorsque, solitaire dans le grand salon, la même comtesse regrette le temps de ses amours passées, que nous avait donné à connaître Le Barbier de Séville.

Mais l’opéra de Mozart, comme la pièce de Beaumarchais, s’inscrivent aussi dans un contexte historique fort, celui de l’abolition prochaine des privilèges de l’Ancien Régime qui s’écroule en toile de fond au mariage. Le décor théâtral consti-tué d’un imposant pan de mur où est gra-vée la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 n’est-il pas là pour

nous rappeler que l’ombre (ou la lumière) de la Révolution Française n’est pas loin?

Si vous souhaitez vous mettre dans l’ambiance musicale des opéras de Mozart, découvrez ou replongez-vous avec délectation dans le film Amadeus de Milos Forman. Des airs comme «Se vuol bailare», «Voi che sapete», «Non più an-drai», «Contessa perdono» (un air de pur délice!) vous enchanteront.

Sur un plan plus littéraire, vous pou-vez préférer au livret de Da Ponte édulcoré par la censure, la pièce de Beaumarchais Le Mariage de Figaro qui vous replongera de manière plus authentique dans l’am-biance de la France des Lumières. x

Les Noces de Figaro17 septembre au 24 septembre 2011Opéra de Montréal

L’Amour au temps de FigaroRetour aux sources: Les Noces de Figaro, un opéra qui depuis deux siècles subjugue les amateurs.

OPÉRA

raphaelle occhiettiLe Délit

12 Arts & Culture x le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

Crédit photo: Yann Arthus-Bertrand

CHRONIQUE PHOTO

Ce que valent mille motsWorld Press Photo: une manière de traverser les grands et les plus terribles moments de l’année dernière.

ARTS VISUELS

Des yeux magnifiques, un visage résolu et un nez mutilé. Bibi Aïsha.

C’est son regard que l’on croise en premier en passant les portes du marché Bonsecours et qui nous frappe de plein fouet dans sa beauté et son horreur. On reste là, plantés devant cette photo gagnante du pre-mier prix, silencieux, envahi d’une émotion que l’on ne comprend pas. Devant cette pho-tographie, personne n’ose parler.

Bibi Aïsha, c’est une jeune fille Afghane mutilée par sa belle-famille à 18 ans pour avoir fui la maison de son mari et prise ensuite en charge par l’organisation Afghan for Afghan Women. Jodi Bieber –une photographe Sud-Africaine– fait sa rencontre, la photographie. Le portrait est alors publié en couverture du Times, il fait le tour du monde en créant un véritable buzz médiatique et il remporte finale-ment le prix de la photo de l’année 2010.

L’exposition World Press Photo nous fait parcourir, cliché par cliché, l’horreur du trem-blement de terre en Haïti, les pires inondations de l’histoire du Pakistan ou bien le pétrole dé-versé dans le golfe du Mexique. On vit l’anxié-té des clandestins Africains qui cherchent un nouveau refuge, le désespoir d’une mère nar-comane et séropositive. On ressent le dégoût devant les photos de cadavres mutilés retrou-vés au bord des routes du Mexique.

On se promène parmi les «Que c’est beau, regarde!» ou «Je n’ai jamais vu ça» ou bien encore «Oh, c’est horrible!» des visiteurs. Le beau et le laid s’entremêlent ici pour nous emporter dans un véritable moment d’hyp-nose, qui nous prend parfois au dépourvu, nous forçant à aimer ce qui peut être cho-quant et répugnant.

Pour Lolita Perez et Chloé Sincerny, étudiantes en cinéma au cégep de Lionel-

Groulx, l’exposition est une forme d’initia-tion. «Ça nous permet de nous ouvrir les yeux sur d’autres horizons, pouvoir voir en face la misère du monde.»

La nouveauté cette année, que l’on doit à Matthieu Rytz, organisateur de l’édition 2011 du WPP à Montréal, ce sont deux nou-velles expositions à la mezzanine du marché Bonsecours.

C-41 propose tout d’abord les photogra-phies de la relève québécoise, à qui Monsieur Rytz souhaite ouvrir une vitrine, pour leur per-mettre de mieux se faire connaître au pays.

Et puis il y a AnthropoGraphia: des re-portages sur les droits de l’Homme avec pour support visuel la photographie. Les sujets sont touchants, vivants, explorant le problème des avortements clandestins en Afrique de l’Est ou bien celui d’un système de justice corrompu en Ukraine.

La 54e édition du WPP sort assurément de l’ordinaire. «Ce qui est très important cette année, c’est que le WPP a nominé un portrait et le portrait n’est pas forcément une catégo-rie du photojournalisme», souligne Matthieu Rytz. Il est lui-même photographe et anthro-pologue visuel de formation, et a surtout tra-vaillé sur le rapport Homme-Dieu dans la ré-gion de l’Himalaya. Il explique que de «racon-ter une histoire avec des images est extrême-ment percutant» et c’est ce qui crée la portée humanitaire, informative du photoreportage ainsi que sa grande puissance narrative.

Quand on lui demande la photo qu’il préfère dans l’exposition de cette année, son choix se porte également sur le portrait de Bibi Aïsha fait par Jodi Bieber. Il fait remarquer avec justesse le contraste entre la photo de la jeune fille aux yeux verts du National Geographic, prise il y a 17 ans et qui présentait alors la beauté sauvage de l’Afghanistan, et le portrait de Bibi Aïsha, témoin d’un pays ravagé par la guerre qui détruit, mutile et torture. «Je la

trouve extrêmement puissante en termes de symbolisme par rapport à l’agenda américain des États-Unis et toute la rhétorique de la reconstruction […] Ils sont partis la chercher en Afghanistan pour lui reconstruire son nez.»

C’est vrai que la photo a beaucoup fait parler d’elle et que c’est en fait grâce à cela, que Bibi Aïsha vit maintenant à New York où elle attend une opération chirurgicale qui lui permettra de retrouver son nez.

En sortant du marché Bonsecours, parce

qu’il faut bien renter et qu’il fait déjà sombre dehors, on croise une dernière fois les yeux de Bibi Aïsha. On n’y voit plus une trace de lai-deur. Il y a quelque chose dans son regard qui est plus fort et qui captive d’avantage que son nez mutilé. Ses yeux parlent avec détermina-tion et intensité de tout le combat d’un peuple déchiré par la violence. On y plonge notre regard une dernière fois et en sortant sur la rue de la Commune, on se dit que l’année pro-chaine, on reviendra. x

Isabelle SokolnickaLe Délit

13Arts & Culturex le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

Le but du voyage de Guy Laliberté, fon-dateur du cirque du soleil et premier touriste canadien dans l’espace, était de conscientiser la population sur les problèmes de consom-mation d’eau dans le monde. Sa fondation,

One Drop, tente de combattre la pauvreté dans le monde en facilitant l’accès à l’eau potable. Le thème de l’exposition est en lien avec la fondation One Drop, c’est-à-dire inci-ter la population à prendre soin de la Terre et de ses ressources pour les générations à venir. L’exposition inédite à Montréal est présentée gratuitement.

Les photos sont divisées en six stations, qui comptent six à huit clichés chacune. Certaines ont des petites explications concernant la région en question comme, par exemple, des efforts de certains pays pour la distribution de l’eau à ses habitants, que ce soit par des digues ou des lacs artificiels. On passe par les quatre coins du monde ; du Canada au Chili, de l’Italie à l’Algé-rie et de la Turquie à la Chine, en passant par Dubaï et le Kazakhstan. Il n’est pas sans sur-prise que plusieurs de ces photos portent sur le désert du Sahara et sa croissance accélérée.

Les photos ont été prises à une vitesse de 28 000 km/h. La qualité des images est impres-sionnante. Les reliefs, volcans, montagnes, rivières et lacs sont clairs et nets. Il est toute-fois difficile de croire qu’il s’agit bel et bien de la Terre vue de l’espace. Certaines images res-semblent plutôt à de l’art abstrait qu’à des pho-tos de la Terre, à cause, entre autre, de la variété des couleurs, telles que le mauve, le rose, le noir et l’orange.

À première vue, la localisation de l’exposi-tion est plutôt particulière. GAÏA est situé entre la Place des Arts et un édifice de l’UQAM. Il y a également une station d’autobus plutôt occu-

pée et des chantiers de constructions pour la Place des Arts. Donc, GAÏA est dans un envi-ronnement très bruyant. Aux environs de 10 heures, des haut-parleurs jouent une musique d’ambiance qui n’arrive pas à enterrer tous les bruits de la ville. De plus, pour une exposition extérieure, les œuvres sont encore en bon état. Toutefois, une photo semblait avoir reçu des graffitis.

Le lieu et le but de l’exposition ne semblent pas faire bon ménage, mais en réfléchissant, peut-être était-ce volontaire: de démontrer tout ce qui se passe autour est invisible vu de l’espace, ou encore, tout ce que nous faisons, même s’il est impossible de le voir de du cos-mos, endommage la Terre.

GAÏA est une exposition très intéressante qui présente des photos uniques de la Terre. Elle nous invite à réfléchir à différents enjeux pour en prendre soin et la préserver pour les générations suivantes. x

GAÏA se déroule du 1er septembre au 10 octobre au Quartier des spectacles, à la promenade des artistes (avenue du Président Kennedy, entre les rues Jeanne Mance et St-Urbain).

Gaïa: Google Maps en version amélioréeGuy Laliberté présente ses photos prise lors de son voyage dans l’espace en septembre 2009.

ARTS VISUELS

Émilie BlanchardLe Délit

Crédit photo: Jodi Bieber

Gracieuseté de Brigitte Chabot Communications

Photo gagnante du World Press Photo 2010

Le grand public avait eu un bref accès au génie de la chorégraphe allemande Pina Bausch dans le film Parle avec elle

de Pedro Almodovar, où on voyait des extraits de la chorégraphie Café Müller dressés en parallèle avec la trame du film. Le style déve-loppé par Bausch, décédée en 2009, appelé danse-théâtre, est expressionniste et évoque constamment les rapports homme-femme. Cette année sera faste pour faire une décou-verte approfondie de son travail avec la sor-tie prochaine de l’époustouflant film Pina de Wim Wenders, ainsi qu’avec Les Rêves dan-sants… sur les pas de Pina Bausch un docu-mentaire touchant présentement en salles.

La première image du film révèle un groupe de jeunes de toutes morphologies, vê-tues de robes soyeuses et de costumes mas-culins, exécutant des pas sur une scène. On comprend plus tard qu’il s’agit d’adolescents, néophytes de la danse, «une terre inconnue», qui, pendant un an et demi, s’apprivoiseront en même temps qu’ils intègreront le travail de Bausch élaboré en 1978 et transmis par deux danseuses de la troupe Tanztheater. Le même concept avait eu lieu en 2000 avec des dan-seurs amateurs de plus de 65 ans.

La caméra suit de près leur évolution dans la pièce Kontakthof, où justement, les apprentis danseurs apprennent «le contact avec les autres et les corps […], les caresses» et à «se laisser aller». Les jeunes expérimen-tent les sentiments amoureux, comme dans une scène où ils sont «gênés de se déshabiller et font du charme», alors que certains d’entre

eux n’ont jamais encore fait l’expérience de l’amour dans leurs propres vies.

«La Pina» n’arrive que beaucoup plus tard dans le film, reconnaissable entre tous, avec sa mine sérieuse et sa cigarette à la bou-che. Elle n’est pas la vedette du film, laissant la place à la relève, aux autres, ceux qui se-ront là lorsqu’elle ne sera plus, personne ne se doutant de sa disparition subite quelques mois plus tard.

Aussi nous revenons vite aux danseurs candides, à qui on somme de s’amuser, d’être au naturel devant la prêtresse de la danse venue les observer. Un jeune danseur avoue ne pas connaître la signification des mouve-

ments, mais on voit qu’ils apprendront petit à petit, la jeune femme tenant le rôle princi-pal expliquant plus tard comment elle cerne son personnage: «elle cache qui elle est vrai-ment, elle est timide et triste», alors qu’une autre explique que son personnage est une «femme hystérique, jamais contente, qui critique tout», un rôle qui lui va bien parce qu’elle a appris la colère, la même haine que son «grand-père a dû ressentir à sa mort», lorsqu’il s’est fait brûler pendant la guerre du Kosovo.

À la fin, il est frappant de contempler les adolescents vêtus de chics costumes du soir sur scène, ayant soudainement grandi, jouant

le manège des adultes dans des rondes infi-nies, bouclant la boucle depuis l’ouverture du film.

Nous ressortons du cinéma aussi heu-reux que les deux danseuses-enseignan-tes, ravies de voir «différentes personnalités s’investir ensemble», donnant d’eux-mêmes, laissant tomber les préjugés, gagnant en confiance et se posant des questions existen-tielles. C’est là tout l’héritage de Pina Bausch, celui d’un trésor dansant né de ses observa-tions sur les interactions humaines.

Les Rêves dansants… sur les pas de Pina BauschCinéma du Parc dès le 1er octobre.

Annie LiLe Délit

DAns son essAi LesProfesseurs de désespoir, Nancy Huston s’applique à démolir un nombre étonnant d’auteurs qu’elle considère nihilistes. Parmi eux, Michel Houellebecq, écrivain français connu surtout pour ses deux premiers ro-mans, L’Extension du domaine de la lutte et Les particules élémentaires, et qui, selon Nancy Huston, est misogyne, dégouté (et

obsédé à la fois) par le sexe, par le corps humain, et incapable d’une quelconque réflexion positive sur le monde ou la vie en général. Réflexion en quelque sorte justifiée –car il est vrai que dans les ro-mans de Michel Houellebecq, la splen-deur de l’expérience humaine n’est pas pour ainsi dire célébrée– que Huston complète par la critique de son style «plat et morne».

Cette critique, aussi manichéenne soit-elle, me semble d’une certaine ma-nière applicable aux deux premiers ro-mans de Michel Houellebecq, qui, gorgés d’une ironie terrible et destructrice, refu-sent l’espoir à tout un chacun (ce n’est pas que cette ironie soit mauvaise, ou ininté-ressante, comme le laisse entendre Nancy Huston; je remarque seulement qu’elle existe effectivement). Dans Plateforme toutefois, son troisième roman paru en 2001, ce désespoir apparaît teinté d’une sorte de sentimentalité presque naïve, qui contredit l’analyse de Nancy Huston. Michel, personnage principal et narra-teur, débute son récit en racontant (avec un détachement qui rappelle Meursault de L’Étranger d’Albert Camus) la mort de son père, puis les vacances en Thaïlande qu’il prend pour se remettre de ses émo-tions. C’est lors de ce voyage que Michel

rencontrera Valérie, avec qui il dévelop-pera une relation affective.

L’histoire comme telle, ou la «story», comme l’appelle Milan Kundera, est digne de très peu d’intérêt lorsque ramenée au schéma de base, et ressemble à beaucoup d’autres romans publiés ces temps-ci: un homme déprimé et sans autre goût pour la vie que les moments d’extases que lui permet le sexe, rencontre une femme in-telligente au corps magnifique et baisant superbement. De cette femme il tombe amoureux; ensemble ils vivront éternelle-ment et auront des milliers d’enfants. Pas vraiment, en fait, mais je m’en voudrais de gâcher la fin du livre pour quiconque aurait envie de le lire. L’intérêt du récit, donc, ne se situe pas dans le quoi, mais dans le comment: le contraste frappant entre la prose «plate et morne» du narra-teur, et les moments d’émotions (qui sont plus nombreux qu’on ne pourrait le croi-re) qu’il vit. Parmi ces émotions, du déses-poir, certes, mais également du bonheur, de la tristesse, de l’extase… Houellebecq explique dans L’Extension du domaine de la lutte que l’«effacement progressif des relations humaines n’est pas sans poser certains problèmes au roman, […] [et que] la forme romanesque n’est pas conçue pour peindre l’indifférence, ni le néant;

il faudrait inventer une articulation plus plate, plus concise et plus morne».

Cette indifférence, ce néant, (dont parlait également Nancy Huston), s’in-carne ainsi dans la prose dépouillée de «style», à l’opposé de ce que l’on pourrait appeler une virtuosité langagière (phrases courtes, peu d’adverbes, répétitions), et permet d’établir un rapport particulier et complexe avec la sentimentalité des per-sonnages: en n’accentuant pas l’émotion (comme pourrait le faire un style plus grandiloquent), Michel Houellebecq lui permet d’exister dans une plus grande authenticité, dénudée et, à mon sens, plus efficace. Cette manière de faire peut être comparée à une scène, dans une œuvre cinématographique, que le réalisateur distinguerait par l’absence totale de musi-que…

À travers le néant de Plateforme, Michel Houellebecq pointe donc une émotion qui n’est pas sentimentale, mais plutôt écrasée par l’absurdité du vide existentiel. Car on est bien chez Michel Houellebecq ici, pour qui la vie est gé-néralement destinée à la souffrance; la beauté, bien qu’elle existe, est éphémè-re et en aucun cas rédemptrice. Mais si elle est vouée à disparaître, elle a tout de même bel et bien existé… x

De la beauté du platLaure Henri-Garand | Le chemin de la croix

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Danser les pas de sa vieDans le film Les rêves dansants... sur les pas de Pina Bausch, les documentaristes Anne Linsel et Rainer Hoffmann enseignent la célèbre chorégraphie Konthakthof à un groupe d’adolescents.

CINÉMA

14 Arts & Culture xle délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

Crédit Photo: Yves Renaud

Le modernisme paraît déjà bien loin de nos jours, mais c’est sans compter le riche patrimoine architectural qu’il nous a légué et qui nous entoure quotidienne-ment. C’est en effet pendant cette période que se développe une nouvelle perception du volume, de la maquette et de l’archi-tecture en général. Vendredi dernier, le Centre Canadien d’Architecture (CCA) proposait aux mordus d’architecture, comme aux simples curieux, de découvrir des travaux miniatures qui sont à l’origi-ne de projets colossaux comme celui du monument à la troisième Internationale à Petrograd.

Deux salles ont suffi pour accueillir cette exposition modeste mais finement mise en forme. Parmi la centaine de personnes présentes, beaucoup de jeu-nes griffonnent, bloc-notes à la main. Quelques imprimés rouges sur les murs accompagnent les différentes photogra-phies de maquettes signées Le Corbusier ou encore Buckminster Fuller. Une des œuvres principales de ce dernier se nom-me la «Dymaxion House», conçue pour réaliser d’importantes économies lors de la production en chaîne des maisons mais aussi de garantir un environnement mo-derne et confortable au client. Les photo-graphies des maquettes exécutées par Le Corbusier révèlent quant à elles le génie de l’architecte à travers le concept du «système modulaire d’unité d’habitation».

Dispersés sur tout le Vieux Continent, ce sont en fait de grands bâtiments à la fois fonctionnels et design, une véritable révo-lution à la fin des années quarante.

Au-delà de l’aspect purement lié à l’architecture, l’expo souligne également

une «visibilité nouvelle du travail en ma-quette qui coïncide avec l’avènement de la photographie», selon l’introduction de l’exposition écrite sur un des murs. Ces photographies reconstituent les différen-tes étapes de construction de la maquet-te, illustrant ainsi le véritable processus à la fois artistique et mécanique. Par un jeu minutieux de cadrage et de compo-

sition, la maquette est transposée dans un champ visuel où elle semble flotter, libre de toute gravité. La photographie de maquette permet donc de représenter l’œuvre sur un arrière-plan neutre à une échelle ainsi indéfinie que seul le specta-

teur peut déterminer. Il s’agit de laisser courir son imagination et son interpréta-tion personnelle tout au long de l’expo-sition.

Les propos du commissaire Davide Deriu lors d’une conférence aux alen-tours de dix-neuf heures suggère égale-ment un lien fort entre le traumatisme de la Première Guerre mondiale, l’apparition

de médias importants et ces photogra-phies singulières et décalées. La société en général est en pleine période de tran-sition ainsi que son art et ses artistes. Ils découvrent et innovent, permettant ainsi à la plupart des édifices photographiés de s’approprier des formes jusque là ini-maginables. On croise donc des formes insolites, ovales ou pointues et l’usage de matériaux et de techniques qui rompent totalement avec les normes de l’époque.

Sur un ton un peu plus détendu, le CCA accueillait également le duo de DJs Leboeuf et Laviolette dans le cadre de l’exposition. Mélange réussi d’un style musical contemporain et d’Art moderne dans un bâtiment chaleureux. Le ver-nissage de Modernisme en miniature avait donc de quoi attirer l’attention des amateurs d’événements culturels de la métropole montréalaise, quels que soient leurs intérêts. x

Modernisme en miniature 22 septembre 2011 au 8 janvier 2012Centre Canadien d’Architecture

Image: Vue d’une exposition de maquettes de tours traitées à la soude caustique réalisées par des étudiants dans le cadre de l’exercice «Tâche fonctionnelle spécifique pour la démonstra-tion du volume et de l’espace», Vkoutemas, Moscou, Union soviétique, après 1923.

Sur les traces de la troisième dimensionModernisme et maquettes au Centre d’architecture de Montréal.

ARTS VISUELS

L’Art STMProjection au métro Saint-Laurent: Art, architecture et transports en commun sont compatibles!

CAMPUS

La Société de transport de Montréal (STM), dans le cadre de son 150e anni-versaire et en association avec le Quartier des spectacles, présente une projection sur la conception artistique et architectu-rale du métro. La vidéo de l’artiste Gabriel Poirier-Galarneau est projetée à l’extérieur de la station Saint-Laurent, du 19 septem-bre au 2 décembre, de la tombée de la nuit jusqu’à deux heures du matin.

L’œuvre de Poirier-Galarneau, proje-tée sur un mur de briques près de l’entrée du métro, retrace l’histoire du métro, pré-sentant quinze des soixante-huit stations. Parmi les stations présentées, certaines datent de l’ouverture du métro en 1966, tandis que d’autres sont plus récentes. Chaque station est présentée individuel-lement et accompagnée de crédits artisti-ques et architecturaux, ainsi que de l’an-née de conception. La variété d’artistes et d’architectes choisis par la STM se mani-feste par la singularité de chaque station, phénomène illustré par Poirier-Galarneau.

La projection utilise beaucoup de formes géométriques, de découpés, de calques. La projection elle même est cir-culaire. Cet usage de formes géométri-ques rappelle les formes utilisées dans la conception des stations elles-mêmes (par exemple, les cercles au sol de la station Peel). Les couleurs unies et opaques sont aussi dominantes dans la projection. La projection dans son ensemble trace donc un parallèle avec l’Art du métro qui com-prend des formes et des couleurs simples.

La station Saint-Laurent, située dans le Quartier des spectacles, est entourée de nombreuses expositions et d’activités culturelles. Le mur choisi pour la pro-jection est en avant-plan des nombreux gratte-ciels du centre-ville montréalais. L’œuvre incite l’observateur à percevoir ce qui échappe aux usagers de transports en commun. Elle souligne par conséquent l’Art et la beauté dans le fonctionnel et le quotidien. La projection de Poirier-Galarneau élève le métro du souterrain, démontrant par la même occasion l’im-portance de la STM au cœur de la métro-pole. x

Nathalie O’NeillLe Délit

15Arts & Culturexle délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

Thomas SimonneauLe Délit

Gracieuseté de Brigitte Chabot Communications

Photographe inconnu.Gracieuseté du Centre Canadien d’Architecture, Montréal; Don de Howard Schikler et de David Lafayille

16 Arts & Culture x le délit · le mardi 27 septembre 2011 · delitfrancais.com

par

Alic

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Dans la foulée de son 150e anni-versaire, le Musée des Beaux-arts de Montréal ne cesse de croître

en ampleur et en rayonnement. Ce mois-ci, l’inauguration du pavillon Claire et Marc Bourgie vient de faire entrer le Musée au panthéon des hauts lieux culturels de l’Amérique du Nord. D’où l’enthousiasme de Nathalie Blondil, di-rectrice et conservatrice en chef: «Ainsi monumentalisée dans un théâtre de la mémoire, la collection d’Art québécois et

canadien du Musée se singularise par sa profondeur historique […] et géographi-que».

Qu’est-ce qui fait de ce musée le plus important au Québec? Jacques Des Rochers, conservateur de l’Art québécois, canadien et autochtone, répond avec fierté: «Au cours des derniers 150 ans, le Musée s’est maintenu et n’a jamais cessé de grandir, ce qui est incomparable pour un musée des Beaux-Arts. Si l’on pense à la Pinacothèque de l’Université Laval, le projet a été éphémère et a été absorbé par le Musée de la civilisation. Non seu-lement notre musée a-t-il la plus grande

superficie de tous les musées du Québec, mais il est aussi l’un des plus anciens en Amérique –encore plus que le Musée des Beaux-Arts de Boston ou le Metropolitan de New York».

En plus d’être le porte-étendard de nos artistes, le Musée est un gardien de notre patrimoine. Il a remporté son plus récent combat avec la sauvegarde de l’église Erskine, un bâtiment centenaire de confession presbytérienne désigné «lieu historique national», qui avait été fermée et désacralisée en 2004. Après le départ de son dieu, c’est maintenant l’Art qui impose son crédo derrière les murs

néoromans de l’église Erskine. L’orgue a fait place aux pianos et aux clavecins, et c’est le jazz et la musique symphoni-que qui feront désormais résonner la nef, convertie en une salle de spectacle de 444 places.

Six niveaux d’Art québécois, autoch-tone et canadien

La consécration d’un nouveau bâti-ment renfermant six-cents œuvres répar-ties sur six niveaux est une entreprise de 42,4 millions de dollars, dont 19,4 mil-lions ont été assumé par le gouverne-ment du Québec, et 13,5 millions par le

Raphaël D. FerlandLe Délit

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eGracieuseté du Musée des Beaux-Arts

Quand l’Art pénètre une église presbytérienne

Pourvu de son nouveau bâtiment Claire et Marc Bourgie, le Musée des Beaux-Arts de Montréal se targue d’être le premier musée du Québec, et se classe désormais parmi les grands temples de la culture occidentale.

BEAUX-ARTS

gouvernement canadien. Nommé d’après un couple de mécènes, le pavillon Claire et Marc Bourgie fait 50 125 mètres carrés de superficie. «Nous avons insufflé une nouvelle vigueur à la culture québécoise et canadienne, qui était sous-représentée au Musée» souligne Nathalie Blondil. Jacques Des Rochers compense l’omis-sion de Madame Blondil en ajoutant que «l’Art des Premières Nations est repré-senté à chaque étage».

C’est effectivement l’œuvre du pein-tre cri Kent Monkman qui porte une pre-mière claque à la sensibilité du visiteur. Situé sur l’étage «Identités fondatrices 1700-1820», le tableau Les Castors du roi est une orgie de chair et de sang qui porte au premier plan un Amérindien extirpant du cœur d’un castor étranglé son poi-gnard au pommeau en fleur-de-lys. Si le style se veut un clin d’œil à l’Art du 18e siècle, les expressions ensauvagées des Amérindiens rappellent les tendances maniéristes de la Renaissance, alors que les couleurs sont si palpitantes et percu-tantes qu’on croirait que le cartoon s’est immiscé (avec brio) dans les Beaux-Arts. À lui seul, le tableau vaut la visite.

Un dernier éloge à l’étage «L’Époque des salons 1880-1920», témoin d’une ère où nos artistes allaient étudier dans les académies européennes pour ramener au pays le savoir-faire du Vieux Continent. Les murs saturés de paysages roman-tiques feraient pâlir Caspar Friedrich, tandis que la plateforme centrale dé-ploie quelques pièces maîtresses de la sculpture d’ici. L’essence de la salle est capturée par la Bénédiction des érables de Suzor-Côté: sur ce tableau se déploie une procession de prêtres et d’acériculteurs invoquant la providence divine sur les sentiers enneigés d’une érablière. Après avoir effleuré quelques nouvelles vérités sur la conscience d’un peuple, on quit-te le pavillon le cœur empli d’hiver, en portant en nous le froid d’être canadien français. x