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le délit Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill delitfrancais.com le seul journal francophone de l’Université McGill Le mardi 14 février 2012 | Volume 101 Numéro 17 14 – 02 – 12 = 0 depuis 1977 McGill occupée

Le Délit

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Édition du 14 février 2012

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Page 1: Le Délit

le délitPublié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

delitfrancais.comle seul journal francophone de l’Université McGill

Le mardi 14 février 2012 | Volume 101 Numéro 17 14 – 02 – 12 = 0 depuis 1977

McGill occupée

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rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

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Télécopieur : +1 514 398-8318Rédactrice en chef [email protected]

Anabel Cossette CivitellaActualité[email protected] de section Emma Ailinn HautecœurSecrétaire de rédaction Florent Conti Rédacteur [email protected] Anthony LecossoisArts&[email protected] de section

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Mathieu MénardCollaborationRouguiatou Diallo, Henry Gass, Amélie Lamarche, Annick Lavogiez, Geneviève Payette, Charlotte Paré-Cova, Miruna Tarcau.CouverturePhoto: Nicolas QuiazuaMontage: Xavier Plamondon

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Publicité et Gérance Boris Shedov

Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert

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Joan MosesConseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD)Anabel Cossette Civitella, Marie Catherine Ducharme, Alyssa Favreau, Joseph Henry, Tyler Lawson, Joan Moses, Xavier Plamondon, Mai Anh Tran-Ho, Aaron Vansintjan, Debbie Wang

le seul journal francophone de l’université McGill

le délit

Raz-de-marée rétrograde

2 Éditorial xle délit · le mardi 14 février 2012 · delitfrancais.com

É[email protected]

Volume 101 Numéro 17

Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu annonçait le 1er février dernier que les

prisonniers condamnés pour meurtre devraient pouvoir choisir le suicide comme alternative à la prison à vie. Il s’est aussitôt rétracté, mais les écrits restent.

Presque d’un même souffle, le gouvernement conservateur admettait la semaine passée que les informations obtenues sous la torture pouvaient être consi-dérées acceptables dans certains cas, lorsque des «vies sont en jeu» par exemple.

Si les informations acquises sous la torture sont considérées véridiques, cela signifie que des pratiques barbares et primitives sont pratiquées, et acceptées. Si le suicide assisté est accordé aux prisonniers, cela veut dire que le vieux débat sur la peine de mort au Canada devrait être remis sur la table. Dans ces circonstances, le raz-de-marée rétrograde semble sans limite.

Nous avons la chance d’être des étudiants de niveau univer-sitaire. S’éduquer, c’est aussi apprendre pour ne pas répé-ter les erreurs du passé: évoluer vers quelque chose de meilleur. Reprendre le débat sur la peine de mort et admettre la pratique de la torture, c’est non seulement une atteinte à l’intelligence de tous les Canadiens qui croient au progrès, mais c’est aussi la preuve que le gouvernement Harper est une menace à la crédibilité du pays.

Avec ses prises de mesures draconiennes contre les jeunes contrevenants, sa détermination à acheter des avions de chasse et son engouement à jouer à la guerre sur divers fronts, le gou-vernement canadien semble vou-loir installer une anxiété popu-laire. Climat de peur oblige, il faut prendre les mesures nécessaires pour se protéger.

Selon le philosophe Thomas de Koninck, en entrevue avec Le Devoir hier, «Nous vivons dans une société très sécuritaire. La meilleure manière d’assurer la sécurité est préventive et c’est en-core l’éducation. C’est l’approche préventive qui a fait progresser notre civilisation.»

C’est pourquoi lorsque l’ar-mée affiche dans Le Délit, je fris-sonne. Promouvoir l’embauche

d’étudiants universitaires dans les forces canadiennes, par le biais d’une publicité d’une page complète, me semble une ma-nière d’encourager le discours abusif conservateur sur le besoin croissant de sécurité.

Malheureusement, il y a peu de journaux étudiants qui peuvent se permettre d’avoir une liste noire d’annonceurs. Dans les circonstances économiques actuelles, le comité éditorial du Délit a décidé qu’il n’a pas les moyens de refuser une publicité qui rapporte plusieurs centaines dollars par page pleine. Ou, du moins, ne s’en donne pas les moyens.

En espérant que le public universitaire, formé à penser, saura faire la part des choses lorsqu’il considérera les publici-tés des forces canadiennes.

Au sujet de l’occupationLes tactiques rétrogrades

utilisées par l’administration de McGill lors de l’occupation du sixième étage et en réponse aux insurgés font honneur à l’idéo-logie conservatrice. Peu préoccu-pée par les besoins humains de base, la stratégie de l’Université était «le déploiement progressif de mesures visant à réduire leur confort». On se serait cru dans un roman-feuilleton tourné à Guantanamo.

Le 13 février, des étudiants et le personnel de soutien sous la bannière de MUNACA mani-festaient en réponse à l’éviction des occupants du sixième. Ils répondaient aussi au protocole intérimaire instauré par l’uni-versité qui veut restreindre les démonstrations d’insatisfaction sur le campus. Un protocole qui s’officialisera lorsque les consul-tations annoncées par le rapport Jutras auront eu lieu.

Pour l’instant, McGill est catégorique: «L’occupation de bureaux et d’espaces privés, de salles de cours, de laboratoires et de bibliothèques, entre autres, ne sera pas tolérée. Si toutefois une telle occupation avait lieu, et qu’en dépit d’une demande à cet effet, les occupants refusent de quitter les lieux, l’Université fera appel aux autorités civiles.»

L’éducation peut faire une différence dans la prévention des crises, mais il semblerait que McGill ait été un mauvais élève lorsqu’il a appris à mettre ce principe en application.x

Anabel Cossette CivitellaLe Délit

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3Actualitésx le délit · le mardi 14 février 2012 · delitfrancais.com

Actualité[email protected]

Représentation fragmentée#6party relance le débat sur le campus à propos de la «majorité silencieuse».

CAMPUS

En réponse à l’occupation qui a débuté le 7 février, Beni Fisch, Kayla Herbert, McKenzie Kibler, ainsi que quatre autres

étudiants, ont lancé un groupe Facebook intitulé «Les occupants du sixième étage du James ne me représentent PAS» (The James 6th Floor occupiers do NOT represent me.) Aux dires de son créateur, ce groupe serait la première étape d’un effort de mo-bilisation pour faire contrepoids aux «radicaux» du mouvement militant MobSquad, créé il y a un an et demi, avec la fermeture du Arch Café.

L’AÉUM, l’instance politique représentant sur papier tous les étudiants du premier cycle de l’Université, a rendu publique sa position sur l’occupation en cours le 10 février, jour du conseil

de l’AÉUM. Les conseillers ont eu quelques dif-ficultés à se mettre d’accord sur un énoncé qui puisse représenter l’opinion de tous leurs élec-teurs. La question de la représentation a ressurgi car certains conseillers se sont sentis interpellés par la notion de «majorité silencieuse», que les opposants à l’occupation prétendent représenter. Carol Fraser, Vice présidente des comités et servi-ces, pense que certains politiciens étudiants «ont

peur d’être accusés de ne pas représenter leurs électeurs. Ce faisant, ils risquent de ne pas s’aper-cevoir de la frustration de leur propres électeurs.» Cela les mène dans certains cas à avoir recours à leurs propres moyens pour se faire entendre.

Carol Fraser pense qu’il est important de séparer le groupe «silencieux» –formé par les étudiants qui ne participent pas à la politique

étudiante ou aux débats publics– du concept de «majorité». Les «silencieux» condamneraient peut-être les moyens utilisés par les occupants, comme les quatre présidents des plus grandes as-sociations facultaires (voir encadré ci-contre). En outre, il est possible, comme le note Carol Fraser, que les demandes du #6party soient partagées par cette masse silencieuse, qui n’ose pas s’exprimer car «il est difficile d’exposer une position nuan-cée dans le contexte actuel». Une étudiante disant

avoir «un groupe d’amis très apathiques» réitère cette affirmation: «La plupart des gens modérés ne sont pas à l’aise dans les forums publics car les voix qui y participent sont souvent très pola-risées.»

Plusieurs étudiants n’ont pas apprécié la rhé-torique festive de l’occupation. «Le résultat le plus important de notre party a été de créer quelque chose de nouveau, de reconfigurer cette espace,» explique Kevin Paul. Certains participants à l’évé-nement «Our McGill» visant à encourager la dis-cussion collective le lundi 13 janvier, se sentaient inclus dans l’occupation à cause des demandes faites «au nom des étudiants». Michael Di Grappa écrivait, dans un des MRO du 9 janvier «nous ne pensons pas que ces individus représentent les étu-diants.» Pourtant, Kevin Paul affirme qu’ils n’ont jamais prétendu représenter qui que ce soit d’autre

qu’eux-mêmes tandis que les membres militants du groupe Facebook écrivent «nous sommes la majorité silencieuse».

Nadav Slovin, un étudiant engagé, trouve inadmissible que sa voix soit niée au nom de ceux qui ne se prononcent pas. Il dénonce que «Brendan Steven [membre actif du groupe des non-repré-sentés ndlr] ne peut pas parler au nom des 2000 étudiants silencieux.»

McKenzie Kibler dit que son groupe, qui pren-dra le nom ludique de Modsquad, va passer à une étape plus active, bien qu’il lui était impossible pour le moment de préciser quelles actions seront entre-prises. Certains parlent de former un parti politique étudiant pour les représenter dans les différentes ins-tances politiques étudiantes mais «on en est pas en-cole là» estime M. Kibler. «On veut peut-être appor-

ter certains changements dans les statuts de l’AÉUM pour arriver à une démocratie plus directe.»

Néanmoins, plus de personnes ont voté lors du référendum de GRIP-Q/CKUT que lors des élections pour les candidats à l’AÉUM. Pour bien des gens, il est donc difficile de comprendre pourquoi la démo-cratie au sein du corps étudiants (et non au sein de l’administration) est remise en question. Une chose est sûre, les deux occupations ont réussi à relancer le débat. x

Emma Ailinn HautecoeurLe Délit

Les présidents des quatre plus grandes associations facultaires (Art, Science, Gestion et Génie) ont publié une lettre ouverte le deuxiè-me jour de l’occupation pour condamner les moyens utilisés par les occupants ainsi que le fait qu’ils empêchaient toute tentative de résolu-tion du conflit de la part

de l’administration. Il est écrit que «En tant que leaders étudiants, nous notons que les tactiques utilisées présentement aliènent une majorité des étudiants à McGill, beaucoup d’entre eux étant d’accord avec le but ultime des occupants, ce-pendant refusent d’auto-riser de tels moyens pour y arriver.»

Réaction des quatre présidents:nuancée

Des diplômés qui, dans leur passé universi-taire, participaient active-ment à la politique étu-diante, ont réagit à la let-tre des quatre présidents. Ils «supportent entière-ment la fête du sixième étage» car des actions de ce genre sont un «dernier recours logique quand tout les autres moyens de négociation sont épui-sés». Ils trouvent que les présidents qui ont rédigé la lettre sont «bien naïfs» de penser qu’il y a

d’autres moyens efficaces d’engager la conversation avec l’administration et d’influencer les décisions prises unilatéralement. Ils notent aussi qu’il est pratique pour l’adminis-tration que le vent de la discorde s’efface avec la fin des études des mili-tants. Finalement, ils critiquent le manque de leadership des présidents étudiants qui nuancent leur position en condam-nant les moyens mais pas les buts.

Réaction des diplômés:engagée

La CLASSE, notam-ment, a officiellement apporté son soutien aux occupants dans un communiqué paru le 11 février. «Les revendica-tions des étudiantes et des étudiants sont tout ce qu’il y a de plus légitimes. Il est dans la mission de l’université de favoriser le développement de l’esprit critique et l’implication citoyenne», commentait Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole adjoint de la CLASSE. L’occupation du #6party a aussi été appuyée par les syndi-cats MUNACA, AFPC-Québec et l’AGSEM qui condamnent la réponse de l’administration. Ces derniers associent le déni

du référendum étudiant par l’administration avec sa constante attaque à la liberté d’expression. Le 13 février vers midi, un peu plus de 24 heures après l’éviction des occupants du sixième, le syndicat de MUNACA se joignait aux étudiants pour scan-der son mécontentement vis-à-vis du nouveau pro-tocole énoncé par l’Uni-versité McGill. Le prési-dent de MUNACA, Kevin Whittaker, soulignait que le manque de communi-cation entre l’administra-tion et les occupants était un dénominateur com-mun avec les enjeux sou-levés par MUNACA lors de la grève de la session dernière.

Réaction des groupes syndicaux et étudiants: solidaire

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x le délit · le mardi 14 février 2012 · delitfrancais.com4

#6partyRetour en chiffres sur une semaine de fête.

CAMPUS

22, c’est le nombre d’étudiants ayant participé à l’occupation. Bien que pour la plupart étudiants en Arts, le grou-pe était hétéroclite. Tous avaient voté lors du précédent référendum et au moins sept d’entre eux avaient participé à l’occupation du bureau de la principale le 10 novem-bre dernier. On avait alors reproché aux quinze occupants d’être principalement des hommes blancs, on parlait de «man-archists». Cette fois-ci, le groupe a décidé de se diversifier; plus de femmes et des re-présentants de plusieurs communautés se sont joints à la fête. Ethan Feldman expli-quait: «Nous sommes le 0% et nous agis-sons contre la cupidité du 100%, la nôtre y compris.»

9 d’entre eux sont restés jusqu’au bout, le dimanche à 8h46 du matin, quand la police est arrivée sur les lieux. Certains étaient partis pour raisons médicales ou professionnelles, d’autres ont confessé être en trop grand désaccord avec le reste du groupe. Becca Yu, une des occupantes estime que «l’unité du groupe n’a pas été brisée» pour autant.

118 heures de party. Presque cinq jours. Probablement une des plus longues occupations des dix dernières an-nées à McGill. Pour tenir si longtemps, les occupants ont dû compter sur le soutien de leurs camarades rassemblés six étages plus bas. Quand la nourriture vint à man-quer, les occupants ont utilisé un seau et une corde, mais la sécurité a vite réagit en sectionnant la corde depuis une fenêtre du quatrième étage. Le lendemain, c’est un véritable chantier d’ingénierie qui se met en place. Un système de poulie est installé et trois sacs à dos chargés de provisions sont hissés au sixième étage sous le regard désapprobateur –bien qu’impressionné– de la sécurité impuissante.

2 revendications: la reconnaissance des résultats du référendum concernant QPIRG et CKUT ainsi que la démission de Morton J. Mendelson, le premier vice-principal exécutif adjoint aux études et à la vie étudiante. Le jeudi, troisième jour de party, les occupants révisent cette dernière exigence. On ne parle plus de démission mais du déménagement de celui qui est chargé des relations avec le corps

étudiant. Les «fêtards» demandent que ses bureaux soient relocalisés au Point de service pour les rendre plus accessibles aux étudiants. «Nous avons voulu montrer que nous sommes ouverts au dialogue et à l’autocritique», explique Ethan Feldman.

11 MRO. Ces courriels diffusés en masse par l’administration à près de 45 000 employés, étudiants et professeurs est l’outil de communication privilégié de la direction. En temps normal, douze MRO c’est ce que l’administration envoie en trois mois. Après les événements de 10nov, l’administration a voulu améliorer l’infor-mation donnée aux membres de la com-munauté. Eastman Welsford, U0 Arts et Sciences, explique avoir apprécié la démar-che: «Bien qu’il y avait un parti pris évident contre les manifestants, c’était bien d’être tenu au courant.»

1167 tweets échangés avec le hashtag #6party. Twitter autant que Facebook ont joué un rôle crucial la se-maine dernière. D’abord outil de commu-nication pour les occupants, les réseaux sociaux ont permis à la presse de diffuser l’information au fur et à mesure que la situation évoluait. Pour la première fois, l’Université a fait usage de son compte

Twitter @McGillU pour répondre aux questions des journalistes ou pour recti-fier certaines approximations.

1 interlocuteur. Pendant toute la durée de l’occupation, c’est Jim Nicell, vice principal (services universitaires), qui a assuré le contact avec les occupants. Dans un MRO, Michael Di Grappa décla-rait: «L’Université a indiqué qu’aucune négociation ne serait amorcée relative-ment à ces demandes, ni avec qui que ce soit l’empêchant de mener ses acti-vités normales. La seule discussion que McGill compte avoir a trait exclusivement à la conclusion sécuritaire et pacifique de l’occupation.»

Fait intéressant, lors d’une discussion avec les occupants, Jim Nicell a expliqué qu’il n’avait pas le pouvoir de fournir de la nourriture. Qui l’en empêchait? Ses deux supérieurs sont Anthony Masi et Heather Munroe-Blum.

Le samedi, les occupants ont décidé de mettre fin à leur communication avec Jim Nicell. «Il disait n’avoir le pouvoir de rien, donc ça ne servait à rien.» Quand ils ont débranché le téléphone qui les reliait directement au cellulaire de Jim Nicell, Ethan Feldman explique qu’ils savaient que «la prochaine personne à qui [ils par-leraient] ce serait la police.»

Anthony LecossoisLe Délit

Photo: dc

Photo: Nicolas Quiazua

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5Actualités

«Étant donné qu’il n’y a pas d’activité administrative, l’Internet n’est pas nécessaire.»

– Doug Sweet, Directeur des relations média, expliquant pourquoi l’Internet a été coupé dans le James Admin.

On a du mal à croire que des techniciens ont pris la peine de couper le WiFi par soucis d’économie. Hypothèse plus plau-sible, avec Twitter, Facebook et divers blogues, les occupants donnent une mauvaise image de l’université. Limiter leurs communications avec le reste de la communauté c’est aussi gagner une bataille de publicité.

Dés intox

«Les premiers soins et de la nourriture ont été offerts aux manifestants, et les coordonnées d’un service de counsel-ling leur ont été remises.»

– Michael Di Grappa, dans un MRO envoyé le 12 février. Kevin Paul, un des occupants: «Quelqu’un a dit que des pre-miers soins étaient disponibles mais on ne nous a proposé ni nourriture, ni suivi.»

5 minutes. C’est le temps donné aux occupants pour rassembler leurs affaires et partir. Un des occupants raconte que la po-lice a promis qu’aucune poursuite ne serait engagée contre eux s’ils partaient de leur plein gré. Becca Yu fait partie des occupants qui ne détiennent pas la nationalité cana-dienne. «Si on pouvait éviter les poursui-tes criminelles, c’était mieux ainsi.» Ethan Feldman raconte: «Nous avions parlé à notre avocat et nous savions que nous ne pouvions pas résister à la police ni même les empêcher d’entrer dans les bureaux. Mais nous savions également que nous avi-ons le droit de nous protéger de la sécurité, c’est ce que nous avons fait. J’ai empêché un des managers de la sécurité d’entrer, il a enfoncé la porte, me projetant au sol. C’est la même personne qui quelques minutes plus tard nous indiquait que des services de premiers soins étaient disponibles. Je trouve ça hilarant.» Il ajoute avoir perdu ses clefs dans le bureau de Morton Mendelson et espère qu’elles lui seront restituées.

7 cars de police étaient présents sur les lieux selon le McGill Daily. La police était au courant de la situation depuis plu-sieurs jours et s’était préparée à la résistan-ce éventuelle des occupants. Ces derniers ont indiqué que le SPVM avait été courtois à leur égard, l’un d’entre eux aurait déclaré «Vous avez exercé votre droit.»

0. C’est le nombre de fois que HMB a été aperçue sur le campus pendant toute la durée de l’occupation. On nous a indiqué que mardi dernier, tout comme le 10 novem-bre, elle était en déplacement. Plus de trois jours après le début de l’occupation, le service de presse ignorait nos courriels et nos tweets qui demandaient où se trouvait la principale alors que le campus était en situation de crise.

40 000 dollars au bas mot, c’est notre estimation des dépen-ses engagées par les services de sécurité pendant ces cinq jours (c’est sans doute beaucoup plus). Avec parfois plus de vingt agents sur le terrain et de nombreuses heures supplémentaires, le coût de l’opéra-tion est important. Bien que la plupart du temps les agents ne faisaient que se mon-trer aux différentes entrées du bâtiment, l’administration n’a rien voulu laisser au hasard. Une des missions principales de la sécurité était de maintenir l’embargo sur les occupants du sixième: empêcher toute entrée de nourriture. L’idée était de rendre les conditions d’occupation difficiles pour forcer les «fêtards» à partir, sans faire inter-venir la sécurité ni la police. Plus d’inter-net dès le premier soir, puis plus d’électri-cité, plus de chauffage. Enfin, quand les «fêtards» sont parvenus à se faire ravitailler en nourriture et qu’il est devenu clair qu’ils pourraient tenir encore longtemps, plus d’accès aux toilettes. Qu’à cela ne tienne, bouteilles et sacs en plastique ont permis de tenir quelques heures supplémentaires. L’administration a alors compris que la technique d’embargo ne fonctionnait pas et, ne désirant pas entrer en négociation avec les occupants, que l’intervention de la police était la seule façon de mette fin à l’occupation.

Pour l’instant, aucun n’a reçu d’avis disciplinaire, mais l’administration affirme que des mesures seront prises. On ignore pour l’instant si tous ont été identifiés. Ethan Feldman explique qu’il n’a pas de doutes à ce sujet puisque la sécurité s’adressait à lui par son prénom. Quant à la vingtaine d’étudiants et de professeurs qui ont occupé l’entrée du James Admin pendant 24 heures, on ignore s’ils seront frappés par des procédures disciplinaires. Certains occupants du sixième sont partis avant ceux du lobby. x

Photo: Danji Buckmoore

«Nous n’avons pas empêché les médias de venir sur le campus. Nous avons simplement limité leur accès, ce qui est normal. Il doivent nous demander la permission, sur-tout pour protéger les étudiants du harcèlement.»

– Doug Sweet, Directeur des relations média. Il est vrai que la Gazette et CBC, entre autres, ont eu accès au campus mais plusieurs photographes ont été empêchés de s’approcher. On est en droit de se demander si dans le cas d’articles portant sur la réussite de McGill, la protection des étudiants aurait été autant prise à coeur.

Retrouvez la lettre ouverte à HMB de Thierry Battut sur delitfrancais.com

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6 Actualités x le délit · le mardi 14 février 2012 · delitfrancais.com

Possibilité avant fatalitéLe nombre important de suicides au Québec chez les étudiants universitaires alarme les autorités.

SUICIDE

Nous le savons tous, les études universitaires ne sont pas de tout repos:

devoirs, examens, dodo… une boucle sans fin. Certains ne voient pas la fin de leur formation et ne considèrent aucune autre porte de sortie que celle de l’abandon. Le suicide est une triste réalité et chaque année, malgré toutes les interventions offertes, des cen-taines de jeunes s’enlèvent la vie. Quels sont donc les projets mis sur pieds pour faire face à cette tendance néfaste?

La 22e édition de la Semaine nationale de prévention du sui-cide avait lieu entre le 5 et le 11 février. À cette occasion, les écoles et organismes ont joint leurs for-ces pour préparer des activités de sensibilisation. L’Association qué-bécoise de prévention du suicide était un peu partout cette semai-ne. Monsieur Bruno Marchand, directeur général de la fondation, explique que «le meilleur moyen de contrer le suicide repose sur deux éléments de prévention; premièrement, savoir détecter les personnes vulnérables, connaître notre rôle envers ce genre de cas et découvrir les situations dans lesquelles ils risquent de se trou-ver. Deuxièmement, utiliser les moyens sociaux qui sont adop-tés par la collectivité ou le groupe pour se prendre en main.»

L’Université McGill, quant à elle, propose depuis plusieurs années des programmes pour les étudiants en détresse. Le Mental Health Service existe entre autres

pour aider les étudiants de McGill qui ressentent l’envie urgente de parler et de trouver des solutions à leurs problèmes. Ce service est compris dans les frais de scolarité. Il regroupe un nombre important de professionnels hautement qua-lifiés pour répondre aux besoins de la population étudiante. On y retrouve des brochures d’infor-mation fortement utiles. Les lignes téléphoniques d’aides tel-les que le Sexual Assault Centre of the McGill Students’ Society et le Nightline s’avèrent considérable-ment pratiques pour les étudiants qui cherchent une oreille atten-tive tout en souhaitant préserver leur anonymat. Selon monsieur Marchand, «chaque université a adopté une approche différente en ce qui concerne l’aide et la prévention. Certaines sont plus actives que d’autres. Nous entre-tenons de très bons liens même si certaines d’entre elles sont plus autonomes que d’autres.»

Malgré tout, «en 1997, 5,3% des étudiants de l’Université de Montréal déclaraient avoir tenté de se suicider au moins une fois dans leur vie», selon le document du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport sur les idées suicidaires et préventions dans les universités. Toujours d’après le document du MELS, parmi les causes qui engendrent une telle fatalité, le stress y est pour beau-coup. «La perception des stan-dards à atteindre peut induire chez plusieurs étudiants et étu-diantes universitaires un niveau de stress important. Ce stress ou d’autres facteurs, joints à d’autres circonstances personnelles, peu-

vent conduire à diverses formes de détresse psychologique: dé-prime légère, tentative de suicide, dépression prononcée, suicide.»

L’université nous pousse à nous dépasser chaque jour et certains individus trouvent par-

fois extrêmement difficile de pas-ser à travers cette étape de la vie. Cependant, d’autres facteurs en-trent en compte selon le directeur de l’Association: «les personnes présentant des idées suicidaires sont des gens qui ont la percep-

tion d’être absolument inutiles. Ils sentent que tout est plus impor-tant qu’eux-mêmes.» Pour mettre fin à ces terribles idées, plusieurs programmes d’écoute ont été mis sur pieds et pas seulement dans les universités: l’Association qué-bécoise de prévention du suicide a sa propre ligne d’écoute, accessi-ble 24 heures sur 24.

La mort volontaire est un acte imprévisible et parfois, même les experts ne peuvent détecter les comportements dan-gereux des étudiants. Toutefois, selon le document du MELS, «parmi les 26% qui ont eu au moins une pensée suicidaire, la moitié (13%) avaient communi-qué leur intention de se suicider à quelqu’un d’autre.» Que pou-vons-nous donc offrir, afin de les rendre plus heureux et de voir les signes avant-coureurs? Nous de-vons, en tant qu’amis et proches, faire notre part en considérant les signes de dépression non pas comme étant de passage, mais comme indice d’un malaise. Il est regrettable de constater que les gens qui ont besoin de parler ne se dirigent pas toujours vers les centres d’aides. C’est pourquoi nous pouvons faire une différen-ce. Bruno Marchand se dit «pro-fondément convaincu qu’il est possible de bâtir une société sans suicide. Pour moi, nous sommes nombreux à ne plus vouloir per-dre de personnes par suicide et c’est ensemble que nous allons y arriver.» x

SACOMSS: (514) 398-8500McGill Nightline: 514-398-6246Aqps : 1-866-277-3553

Geneviève PayetteLe Délit

Illustration: Matthieu Santerre

La semaine Prochaine est la semaine de relâche et le début des séries éliminatoires pour les équipes de McGill. Il

est probable que McGill aura quatre équipes dans les séries éliminatoires: les équipes fémi-nines et masculines de bas-ketball et de hockey, ainsi que l’équipe féminine de volleyball qui ont, de leur côté, commencé les séries éliminatoires la semai-ne dernière. Malheureusement, personne ne va y assister.

Nous savons ce qu’il se passe au cours de la semaine de relâche: la majorité des étu-diants retournent chez eux (et les autres ne font rien parce que tous leurs amis rentrent chez eux). McGill a des problèmes avec la participation aux sports car ces derniers ne rivalisent pas

avec la vie nocturne montréa-laise et les grosses charges de travail de l’université.

Maintenant, pour les matchs les plus importants, quand les équipes ont besoin de leurs supporters, ceux-ci ne sont pas présents.

L’équipe de hockey des Martlets n’a perdu qu’un match

et sont à la 1ère place du classe-ment du Sport interuniversitaire canadien (SIC). L’équipe a rem-porté trois des quatre derniers championnats de SIC, termi-nant deuxième l’an dernier. De leur côté, l’équipe de hockey des Redmen sont 2e au classement du SIC, et les Redmen en nata-tion sont à la 6e place. L’équipe de basketball des Martlets ont gagné dix matchs consécutifs.

L’an passé en hockey, les Martlets ont remporté le cham-pionnat national et les Redmen ont perdu en finale. Nous avons parmi les meilleures équipes de sport au Canada, mais la majo-rité des étudiants ne le savent

pas. Nous n’avons pas d’esprit universitaire à McGill et je pense qu’une raison principale est que nous ne regardons jamais nos équipes dans les séries élimina-toires et les championnats natio-naux.

Je n’ai pas de grande solu-tion pour nous. Je ne pense pas que McGill va changer la date de la semaine de relâche, et je ne pense pas que le SIC va chan-ger la date des séries élimina-toires. Tout ce que je peux faire est vous demander la chose sui-vante: s’il vous plait, pendant la semaine de relâche, rendez-vous aux matchs. Généralement, nous gagnons. x

La semaine des arénas désertsHenry Grass | Chronique sportive

CHRONIQUE

«Pendant la semaine de relâche, rendez-vous aux matchs. Généralement, nous gagnons.»

Page 7: Le Délit

7Actualitésx le délit · le mardi 14 février 2012 · delitfrancais.com

Jamais sans mes notesnotesac.com: le site du succès académique universitaire, en ligne 24/7

CAMPUS

Vous êtes désespéré d’avoir raté votre cours du lundi matin? Vous gagnez un

voyage pour deux en Martinique, mais vous déclinez l’invitation de peur de manquer vos cours? Il n’est désormais plus nécessaire de connaitre la personne appro-priée afin d’avoir accès à des notes de cours, ni de transporter des paquets du NTC (Note Taking Club) vendus sur le campus.

Deux doctorants de l’Univer-sité McGill Sebastian DiCesare et Luca Petrucelli ont mis sur pied le site de distribution de notes de classe en ligne notesac.com. Le site internet d’échange de notes par transactions financières est accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Le trafic du site web nouvel-lement bilingue ne cesse de croî-tre depuis la publication d’un ar-ticle dans le quotidien The Gazette. Le semestre dernier, l’administra-tion de l’Université McGill s’était opposée au partage de notes sur le web, en raison d’une violation potentielle des droits de propriété individuelle. La nouvelle plate-forme est-elle vraiment problé-matique?

Pour commencer, notesac.com est un site totalement bilingue.

Le fonctionnement est clair. Trois options s’offrent à l’internaute: acheter ou vendre des notes et trouver un tuteur qui convient à son mode d’apprentissage.

Les fondateurs précisent qu’ils ne sont pas là pour rivaliser avec le NTC (Note Taking Club): «Ce système permet d’écono-miser du papier, du temps et de l’argent. Nous préfèrerions ne pas être en compétition avec les orga-nisations étudiantes, mais plutôt travailler avec eux.» Le plus de notesac.com: s’adapter au système de distribution en ligne. Un pre-mier accord a été conclu avec l’union des étudiants en biologie de McGill (MSBU), soit que ce dernier permette la distribution de leur NTC par la voie de note-sac.com. Au semestre d’automne 2011, un courriel envoyé par le vice principal exécutif suppléant (études et vie étudiante) Morton Mendelson rappelait l’opposition de l’administration de l’Univer-sité McGill à antécédent similaire. Cet évènement avait soulevé des questions quant à la possibilité de violation de droits de propriété sur le web. Les conditions d’utili-sation étant en constante évolu-tion sur le web, notesac.com tente d’éviter les risques de violation: «Nous avons plusieurs normes de sécurité qui sont intégrées dans la plate-forme afin de décourager

les comportements frauduleux. Nous sommes toujours à l’affût pour arrêter ce type de compor-tement à tout moment. À ce jour, nous n’avons pas été consultés concernant les violations de copy-right des administrations universi-taires. Nous sommes préoccupés par ce sujet, et nous ne tolérons pas de plagiat», certifie Sebastian DiCesare.

Emmanuel Boivin, une étu-diante en administration à l’Uni-versité du Québec en Outaouais reste cependant sceptique: «Personnellement, je crois qu’il faudrait que tous les étudiants soient inscrits. Ça pourrait fonc-tionner, car peu d’étudiants veu-lent rester assis pendant trois heures à prendre les mêmes no-tes.»

Finalement, le but du site est de construire une base d’utilisa-teur solide ici même au Québec. L’objectif d’élargissement de leurs réseaux s’étend aussi dans d’autres universités : Concordia, l’Université de Montréal (UdeM) et l’UQAM: «Nous allons com-mencer à communiquer avec les écoles la semaine prochaine et nous espérons une réponse posi-tive. Comme toujours, la plate-forme est ouverte et les gens sont toujours libres d’adhérer et d’affi-cher leur contenu librement», confie le cofondateur. x

Amélie LamarcheLe Délit

Un recUL démocrAtiqUemajeur à la suite des élections contestées de 2005, des opposants du régime et des journalistes arrê-tés pour «terrorisme», ainsi que des déplacements forcés dénon-cés par Human Rights Watch. Une situation bien loin de s’améliorer, mais qui n’est pas passée sous silence.

La démocratie en Éthiopie? Plutôt la gouvernance autoritaire

d’un chef politique qui entretient les conflits ethniques du pays et qui détient une soif accrue de pouvoir depuis son ascension en 1991. Sans oublier qu’en raison de son importance géopolitique, il est faux d’espérer toute interven-tion internationale dans un avenir proche, déléguant tout le fardeau sur la population.

Mais avant de spéculer sur l’avenir démocratique éthiopien, un petit cours d’histoire s’impose. Reconnue comme la mère patrie du «rastafarisme», l’Éthiopie s’est rapidement émancipée grâce au célèbre Empereur Haile Selassie. Renversée en 1974 par le Général Mengistu, la monarchie est deve-nue un régime marxiste-léniniste jusqu’à la révolution éthiopienne de 1991. Un an plus tard, Meles Zenawi est élu lors des premières élections démocratiques du pays et n’a jamais cédé le pouvoir depuis.

En bref, l’histoire moderne de l’Éthiopie se résume par seu-

lement trois changements politi-ques majeurs. De ce fait, le pays s’enfonce vers les bas-fonds d’un régime dictatorial endurci.

Ceci dit, malgré le pessi-misme ambiant entretenu par certains à l’égard de la démocra-tie africaine, d’autres se mobili-sent, ne s’y reprenant pas deux fois avant de dénoncer tout acte non justifié, voire contro-versé. Solidarity Movement for a New Ethiopia, qui milite pour l’humanité avant l’ethnicité, enchaîne les dénonciations, met le gouvernement éthiopien dans l’embarras et mobilise la dias-pora pour ne rien garder sous silence.

Par ailleurs, ce mouvement réitère ce qu’Amnistie interna-tionale et Human Rights Watch dé-noncent depuis plusieurs années, soit l’abus des droits de l’Homme alimentés par une politique basée sur la division ethnique et l’op-pression systématique.

Pourtant, cette oppression n’a rien de nouveau. À la suite des élections de 2005, Meles Zenawi a banni toute forme de manifestation pendant un mois et a refusé d’accepter sa défaite. En 2009, le gouvernement éthio-pien passe une loi visant à cri-minaliser toute activité reliée à la protection des droits de l’Hom-me par des organisations non gouvernementales (ONG) étran-gères et locales. Deux ans plus tard, celui-ci s’engage dans une chasse aux terroristes, arrêtant plus de 150 activistes et jour-nalistes. Enfin, d’ici 2013, plus d’un million d’Éthiopiens seront déplacés de force afin de libérer des terres destinées à des inves-tisseurs étrangers.

Ce n’est donc pas sans rai-son que Solidarity Movement for a New Ethiopia s’est engagé dans une croisade mobilisatrice contre ce régime pseudo démocratique. Malheureusement confiné à l’ex-

térieur du pays et isolé de la réa-lité éthiopienne, ce mouvement n’est pas en mesure d’influencer un quelconque changement sans appui étranger.

Puisque l’Éthiopie offre l’image d’un pays stable en com-paraison avec la Somalie et le Soudan où la réalité est moins rose, la communauté internatio-nale se contente de faire preuve de diplomatie et refuse de met-tre une véritable pression sur le gouvernement de Zenawi. C’est à croire que l’histoire se répète et que les gains politiques et écono-miques prévalent sur la démocra-tisation et la protection des droits de l’Homme.

Ainsi, pendant que tous les yeux sont rivés sur la Syrie, que la révolution est à la mode et que chacun spécule sur le pro-chain coup d’État, toutes mes pensées vont à l’Éthiopie qui mériterait son propre printemps africain. x

Et si l’Éthiopie se démocratisaitAlexie Labelle | Au-delà du présent

CHRONIQUE

Notesac.com

Page 8: Le Délit

x le délit · le mardi 14 février 2012 · delitfrancais.com8

Société[email protected]

Avec le mois de mars s’annonce le mois du face-à-face entre les étudiants s’op-posant la hausse des frais de scolarités

et le plan d’investissement en éducation du gouvernement du Québec pour 2016-2017. Les étudiants de McGill seront bientôt appe-lés à prendre part au vote pour ou contre la grève générale illimitée. Il importe, dès lors, de démystifier ce terme, mais aussi d’exposer les principaux acteurs du mouvement étudiant, tant au niveau de la communauté mcgilloise qu’au niveau national.

Qu’est-ce qu’une GGI? Une grève générale et illimitée désigne

une prise de position lors d’une assemblée

générale d’une association d’étudiants pour le boycott des cours afin de forcer une prise de position ou un changement de décision par le gouvernement ou l’administration de l’établissement.

Une grève est dite générale quand elle implique l’ensemble des étudiants dans une association ou dans un établissement sco-laire. Elle est illimitée lorsqu’elle nécessite une autre assemblée générale pour décider de reprendre les cours. Par exemple, la se-maine dernière, l’Association facultaire des étudiants de Sciences Humaines (AFESH) à l’UQAM se réunissait en assemblée générale pour voter majoritairement le déclenchement d’une grève générale illimitée lors de l’attein-te du plancher de grève fixé par la CLASSE. Le 20 ou 22 février prochain, une deuxième assemblée générale sera organisée afin de vo-

ter en bonne et due forme la levée des cours permanente pour l’ensemble des étudiants de l’association.

Lorsqu’une grève générale illimitée est votée, les étudiants votent aussi pour la fréquence à laquelle ils veulent revoter sa légitimité. Par exemple, l’AFESH votera en Assemblée tous les semaines afin de savoir si oui, ou non, l’Association continue la grève.

Une levée des cours permanente dési-gne la généralité de la grève tandis que son caractère illimité se caractérise dans la durée de la grève; on ne parle pas d’une grève d’une journée, mais bien de plusieurs jours ou de plusieurs semaines. Pour clôre une grève générale illimitée, une association doit voter pour cesser la levée des cours et reprendre le chemin des bancs d’école.

Implications sur la vie étudianteUne grève générale illimitée nécessite un

appui massif de la communauté étudiante de l’institution scolaire et de l’association repré-sentant les étudiants. Les étudiants ne peu-vent pas partir en grève individuellement. Ils n’ont pas une relation employé-employeur avec l’université. De cette manière, la grève générale illimitée (voir ici boycott) détient toute sa force de frappe de part la mobilisa-tion étudiante dans un mouvement de pro-testation.

Une grève générale illimitée est caracté-risée par une levée de cours pour la durée de la grève. Les cours ne sont pas suspendus par les professeurs, car cela irait à l’encontre de leur contrat de travail, mais bien suspendus par les étudiants gré-vistes qui bloquent l’entrée aux cours pour générer un mouvement de pro-testation contre une décision de gouver-nement ou de l’uni-versité. De cette manière, les cours sont re-tardés, mais les échéanciers de plan de cours maintenu.

Le mot d’ordre de la grève: le gouverne-ment devra accepter la demande étudiante parce qu’il ne peut dépasser une certaine date pour annuler la session de plusieurs milliers d’étudiants. Cela créerait une pression démo-graphique dans les universités avec le retard de graduation d’étudiants et l’arrivée de mil-liers d’autres, retardant ainsi l’arrivée sur le marché du travail de nouveaux travailleurs. Ainsi, l’argument des associations dépend de la forte mobilisation des étudiants pour la grève.

Enjeux de la protestation de 2012La protestation et la mobilisation étu-

diante ont été suscité par l’action du gouver-nement de hausser les frais de scolarités de 325$ par année entre 2012 et 2017 dans l’op-tique du Plan de financement universitaire 2012-2017. Le plan de financement se carac-térise par un investissement supplémentaire de la part des étudiants de l’ordre d’environ 350 millions de dollars, de 150 millions de dollars provenant de la philanthropie et d’un investissement supplémentaire de 400 mil-lions de dollars du gouvernement à même l’impôt des contribuables Québécois.

Les fédérations et les associations étu-diantes sont contre toute hausse des frais de

Grève générale

Francis L. RacineLe Délit

«Ce sont de vieilles querelles et si on continue de mettre du bois dans le feu, il va continuer à brûler.» (Martine Desjardins, présidente de la FEUQ)

Le mouvement étudiant est en apparat de guerre: Le Délit révise les tenants et aboutissants d’une grève générale illimitée.

Photo: Nicolas Quizua Photo: Lindsay Cameron

Photo: Nicolas Quizua

Photo: Nicolas Quizua

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Photo: Nicolas Quizua

Page 9: Le Délit

9Société

scolarités et prônent, pour la plupart, le gel des frais de scolarité. Certaines associations souhaitent même atteindre la gratuité scolai-re par la suite. La décision du gouvernement d’aller de l’avant avec cette hausse n’a pas été

bien perçue par les associations étudian-tes qui multiplient les actions contre la hausse depuis 2010. Le mouvement étu-diant atteindra son paroxysme, selon les

différentes associations étudiantes, au mois de février et mars lors du déclenchement des grèves générales illimitées dans l’ensemble de la province par les associations étudiantes.

Coalition Large de l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (CLASSE)

À la base de la CLASSE se trouve l’ASSÉ qui est une fédération étudiante parce qu’elle regroupe un lot d’associations étudiantes membres. La CLASSE est une coalition élar-gie fondée les 3 et 4 décembre derniers et menée par l’ASSÉ pour faire pression sur le gouvernement afin de le contraindre à ne pas hausser les frais de scolarité. Les associations membres de l’ASSÉ ont décidé d’accepter davantage d’associations pour augmenter la force de frappe face au gouvernement. La CLASSE regroupe aujourd’hui prêt de 60 000 étudiants membres, un chiffre qui aug-mente d’assemblée générale en assemblée générale au prix du déclenchement de grèves générales.

La CLASSE ne déclenche pas la grève, ce sont ses différentes associations affiliés qui le font. Au moment de mettre sous pres-se, le plancher que la CLASSE s’était fixé de 20 000 étudiants, dans sept associations différentes sur trois campus, a été atteint. Ainsi le mot d’ordre donné aux associations membres est de déclencher la grève générale

illimitée avant le 20 février. La CLASSE or-ganisera une manifestation nationale le 23 février prochain à Québecpour le souligner. Par la suite, les membres de la CLASSE ma-nifesteront le 1er mars tandis que les autres fédérations étudiantes se sont données le mot pour le 22 mars.

La CLASSE définit ses actions comme du syndicalisme de combat. En effet, selon la porte-parole adjointe du mouvement ma-dame Jeanne Reynolds, étudiante au Collège de Valleyfield en Arts et Lettres, profil théâ-tre, «le syndicalisme de combat signifie une mobilisation constante pour faire valoir nos points; on fait de la désobéissance civile aussi; ça nous permet de nous donner un rapport de force avec le gouvernement pour encadrer nous-mêmes les négociations.» De plus, la CLASSE est très pro-démocratie directe: le pouvoir est détenu par les associations mem-bres qui déclenchent et arrêtent la grève, pas par l’exécutif national. L’objectif ultime de la CLASSE est la gratuité scolaire.

Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ)

La FEUQ est composée de 15 associa-tions de campus représentant 125 000 mem-bres étudiants. Comme pour la CLASSE, ce n’est pas l’exécutif de la FEUQ qui déclenche la grève, mais bien les associations membres. En effet, la FEUQ n’est pas en grève, car elle doit recevoir le mandat lui permettant de se déclarer en grève de la part des associations membres. Selon la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, «il n’y a pas de plancher de grève pour nous, les associations mem-bres votent la grève et dans deux semaines, les membres décideront s’ils veulent que la Fédération déclare qu’elle est en grève; mais en ce moment je n’ai pas le mandat pour dire que la FEUQ est en grève».

Le plan d’action de la FEUQ est bien amorcé même si dans les médias on parle davantage de la CLASSE. «Nous avons aussi posé des actions, mais celles de la CLASSE sont plus médiatisées» affirme la présidente de la FEUQ. «On était présent au caucus des députés libéraux à Victoriaville, une de nos associations membres, la FAÉCUM de l’Uni-versité de Montréal a dérangé une conférence de presse du Premier ministre du Québec, et on pose aussi plusieurs actions symboliques dans les différents établissements» s’enor-gueillit madame Desjardins.

Pour la FEUQ, les votes de grève com-menceront le 23 février et se dérouleront jusqu’à la grande manifestation organisée le 22 mars prochain. L’objectif de la FEUQ

est le statu quo, c’est-à-dire le gel des frais de scolarité.

Mouvement divisé?La FEUQ et l’ASSÉ ne sont pas meilleu-

res amies. Les vieilles querelles d’associations étudiantes remontent à la grève de 2005; l’AS-SÉ s’était sentie trahie par la FEUQ qui avait négocié avec le gouvernement. À l’époque, elle avait réalisé des coupures importantes dans les prêts et bourses. L’ASSÉ n’avait pas été invitée aux discussions qui avaient mené à la fin de la grève. La division du mouvement se fait encore sentir: chacune des organisa-tions met en place ses propres événements.

En effet, lors des entrevues accordées par les deux organisations, la porte-parole adjoin-te de la CLASSE a exprimé, dans un premier temps, le côté plus combatif de la CLASSE. «La CLASSE propose la grève et l’engage-ment immédiat contre la hausse du gouver-nement tandis qu’à la fédération (FEUQ) on parle de peut-être faire la grève sans rien mettre de concret sur la table. Nous sommes encore très ouverts à la FEUQ et à la FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec), nous avons rédigé des ententes minimales, mais seule la FECQ les a signées et nous n’avons pas de nouvelles de la FEUQ depuis quelques temps» a renchérit Jeanne Reynolds de la CLASSE.

À la FEUQ on se veut rassurant. «Ce sont des vieilles querelles et si on continue de mettre du bois dans le feu, il va continuer de brûler», philosophe la présidente de la FEUQ à propos des possibles dissensions au niveau du mouvement étudiant actuel. D’après la FEUQ, les deux organisations sont en contact régulier.

Association des Étudiants de l’Univer-sité McGill (AÉUM-SSMU)

En entrevue, le vice-président aux af-faires externes de l’AÉUM, Joël Pedneault, a confié que, pour l’instant, il n’y allait pas avoir de vote de grève à l’AÉUM: «il faut un quorum de 500 personnes à l’Assemblée générale pour déclencher une grève généra-le illimitée, pour l’instant ce n’est pas dans nos plans, cependant, il y a des rumeurs de grèves départementales qui s’en viennent.»

On rappelle que l’AÉUM est en faveur de la gratuité scolaire et qu’elle fait partie de la TaCEQ (Table de Concertation Étudiante du Québec) qui est une table de concerta-tion où les membres sont libres de faire les choix qu’ils veulent. Il faut aussi rappeler que l’AÉUM n’est pas la seule à pouvoir déclarer la grève, les associations facultaires le peuvent aussi.

Association des Étudiants de la Faculté des Arts (AÉFA-AUS)

L’association représentant les étu-diants en Arts regroupent environ 7  000 étudiants de tous les départements. À la dernière Assemblée générale, faute de quo-rum, les membres présents n’avaient pas pu tenir un vote afin de rejoindre la CLASSE sans automatiquement déclencher une grè-ve générale illimitée.

Cependant, l’AÉFA a mis en ligne un référendum portant sur un proposition d’amendement de la constitution afin de donner davantage de pouvoir à l’Assem-blée générale pour pouvoir déclencher une grève, car selon les statuts de l’association, un simple quorum à l’AG est suffisant pour déclencher une grève. La présidente de l’AÉFA explique qu’un référendum peut être demandé par huit membres du conseil législatif de l’association ou par 150 étu-diants désirant proposer un référendum. «Le référendum a été proposé par 150 étu-diants qui dans le préambule de la question désirent se joindre à la CLASSÉ et donner davantage de pouvoir à l’Assemblée géné-rale» a expliqué madame Jade Claver, prési-dente de l’AÉFA.

Aux dires de la présidente, la prochaine Assemblée générale aura lieu au retour de la semaine de lecture, tout dépend des ré-sultats du référendum.

Chevauchement d’intérêts?Le vice-président aux affaires exter-

nes de l’AÉUM semblait avoir davantage de détails sur les avancées du vote de grève à l’AÉFA que la présidente de l’AÉFA elle-même. En entrevue, madame Jade Claver s’était gardée un droit de réserve pour ne pas discuter des enjeux d’un vote de grève ou d’une grève, car elle n’en avait pas le mandat du conseil législatif et de l’Assem-blée générale. Or, en entrevue, monsieur Joël Pedneault a été clair lorsqu’on lui a demandé s’il y a avait un vote de grève prévu pour l’AÉUM, il a répondu que les efforts étaient mis autour d’un vote de grè-ve à l’AÉFA qui serait tenu le 15 février pro-chain. À cette révélation, la présidente de l’AÉFA, Jade Claver, a précisé qu’elle n’était en aucun cas en contact avec monsieur Pedneault au sujet d’un soi-disant vote de grève à l’AÉFA, qu’aucune date n’avait été arrêtée parce qu’il fallait attendre les résultats du référendum et que monsieur Pedneault est aussi un étudiant membre de l’AÉFA et qu’il peut être actif dans l’asso-ciation s’il le désire.

Association des étudiants et des étu-diantes du deuxième et du troisièmes cycles (AÉÉDTC - PGSS)

La vice-présidente aux affaires exter-nes et gouvernementales de l’AÉÉDTC, Mariève Isabel, a affimé, en entrevue, que son association allait tenir une assemblée générale le 6 mars prochain afin de discu-ter des tenants et aboutissants de la grève. Selon Madame Isabel, «nos membres dési-rent davantage d’information avant de s’ex-primer sur la question.»

Association des étudiantes de la faculté des sciences (AÉFS-SUS)

L’Association des étudiants de la facul-té des sciences a été contactée, mais per-sonne n’a retourné notre appel. Cependant, Le Délit a appris par un étudiant en sciences qu’une Assemblée générale se tiendra le 29 février 2012. Plus de détails à venir. x

Grève générale

«Ce sont de vieilles querelles et si on continue de mettre du bois dans le feu, il va continuer à brûler.» (Martine Desjardins, présidente de la FEUQ)

Le mouvement étudiant est en apparat de guerre: Le Délit révise les tenants et aboutissants d’une grève générale illimitée.

Photo: Nicolas Quizua

Photo: Nicolas Quizua Photo: Lindsay Cameron

Photo: Nicolas Quizua

Page 10: Le Délit

x le délit · le mardi 14 février 2012 · delitfrancais.com10

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mardi le 4 avril au Leacock 26 à 18h.

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d’administration est obligatoire.

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de rédaction.

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Page 12: Le Délit

Au Players’ Theater cette semaine, James H.K. Campbell et Charles Harries nous présentent un «opéra

folk» vaudevillesque aux airs de conte de fée. Mise en scène d’une comédie musi-cale n’ayant jamais vu le jour, The Hazards of Love reprend la musique d’un album du groupe de rock indépendant américain The Decemberists (créé en 2009) qui met en scène une idylle champêtre entre une jeune fille et un faune qui ne recouvre son appa-rence humaine qu’à la tombée de la nuit.

Or, leur amour se voit menacé par l’intervention d’une belle-mère magicienne souffrant d’une sorte de complexe œdipien inversé pour son fils adoptif. Le jeune cou-ple, qui souhaite vivre d’amour et d’eau fraîche au beau milieu de la forêt selon un idéal évocateur de l’époque hippie, traverse, on s’en doute, une série d’épreuves.

Tout d’abord, la reine de la forêt –le dos couronné de bois de cerf censé souli-gner son appartenance au monde «natu-rel»– réclame de son fils qu’il abandonne

son amour pour passer l’éternité avec elle. Drame.

L’apparition d’un débauché infanti-cide complique ensuite un peu les choses en enlevant la fiancée. Pire encore, cette pauvre Marguerite manque de se faire violer dans une scène dont la violence inattendue (du moins, après les scènes idylliques) peut affec-ter les spectateurs. Re-drame.

Néanmoins, pour qui se plaît à voir triompher l’idéal amoureux, une fin tragique n’est pas à craindre. Clichés mis à part, dans son ensemble, le spectacle reste assez réussi. Côté chant, la performance de Katie Scharf –la reine de la forêt– parvient à faire oublier le caractère plutôt stéréotypé de la cruelle belle-mère, en misant notamment sur une présence scénique évocatrice des méchants de Disney. Si les héros ne se distinguent guère du type des «amants maudits», les leitmotivs asso-ciés aux scènes d’amour, de désespoir et de danger parviennent à créer une atmosphère mélodramatique qui s’adapte bien au thème de la pièce. Toutefois, ceux qui s’attendent à retrouver des allusions à Marivaux risquent d’être déçus: contrairement au Jeu de l’amour et du hasard, l’esthétique de The Hazards of Love

n’est ni celle d’une comédie de mœurs, ni celle d’une critique de la société. Pensez Broadway avec les moyens du bord.

A priori, le genre de l’opéra folk ne paraît pas forcément propice à développer une ré-flexion critique sur notre monde. Par exemple, aujourd’hui, il peut être difficile de percevoir l’originalité et l’audace de textes d’opéra clas-siques du XVIIIe ou du XIXe siècle tels que Les Noces de Figaro ou Rigoletto, l’un reprenant lar-gement la critique des privilèges de la noblesse héritée de la philosophie des Lumières, l’autre réinvestissant à qui mieux mieux les thèmes phares du romantisme hugolien. Il faut pour-tant avoir conscience de ce que représente la trame d’une époque pour faire davantage que s’y encastrer; et s’il n’est pas toujours néces-saire de faire du «contemporain», il est pour-tant essentiel de conserver un recul vis-à-vis des types littéraires ou idéologiques réinvestis dans une œuvre, sans laquelle celle-ci reste forcément dénuée d’ironie. x

Arts&[email protected]

Miruna TarcauLe Délit

THÉÂTRE

Profondeur hasardeuseRegard sur The Hazards of Love, au Player’s Theatre

12 Arts & Culture x le délit · le mardi 14 février 2012 · delitfrancais.com

The Hazards of LoveOù: Player’s Theatre 3480 McTavish, 3e étageQuand: jusqu’au 18 février

Photo: Nicolas Quiazua

Oscar, Oscar, dis-moi qui gagnera?CINÉMA

Après des mois de compétition, la nuit la plus attendue du monde ci-nématographique approche à grand

pas. Le 26 février prochain, près de 40 mil-lions de personnes auront les yeux tour-nés vers le Kodak Theater et son parterre de célébrités pour la remise des fameux Oscars à Los Angeles, décernés par l’Aca-démie des Arts et des Sciences du Cinéma (AMPS). En attendant la grand messe du cinéma américain, la question qui est sur toutes les lèvres: «Mais qui sortira grand gagnant des oscars?»

Le Délit présente ses pronostics.

Meilleure Actrice de Soutien: Octavia Spencer (The Help)

Meilleur Acteur de Soutien: Christopher Plummer (The Descendant) Meilleure Actrice: Meryl Streep (The Iron Lady)

Pour sa 17e nomination, un record ab-solu, Meryl Streep s’est glissée dans la peau de, ni plus ni moins, Margaret Thatcher, la Dame de Fer britannique qui a gouverné le Royaume-Uni pendant 10 ans. Forte d’un Golden Globe et d’un BAFTA, Meryl Streep semble être la gagnante toute dési-gnée pour l’Oscar de la Meilleure Actrice. Toutefois, comme l’expérience l’a démon-tré, gagner un Golden Globe et un BATFA n’assure pas forcément une victoire aux Oscars. Il ne serait donc pas surprenant de voir l’Académie récompenser une autre concurrente. Parmi les concurrentes se démarquent Viola Davis (The Help), Glenn Close (Albert Nobbs), Rooney Mara (The Girl with the Dragon Tattoo) et Michelle Williams

(My Week with Marilyn). Seule Viola Davis tire son épingle du jeu avec son interpré-tation émouvante d’une femme de ménage noire dans le Sud ségrégationniste.

Meilleur Acteur: Jean Dujardin (The Artist)

Cette année, le prix du meilleur ac-teur sera chaudement disputé entre Jean Dujardin (The Artist), gagnant d’un BAFTA et d’un Golden Globe, et George Clooney (The Descendant), lui aussi récipiendaire d’un Golden Globe. Le duel entre les deux acteurs revêt un aspect particulier puisqu’il s’agit d’une compétition entre deux jeux complètement différents. Par sa fluidité, son naturel, sa subtilité, la performance de Clooney représente la consécration du jeu moderne; rien n’est surfait, tout est réaliste. À l’opposé, la performance de Dujardin fait revivre le jeu ancien des films muets où

l’émotion était dans l’extravagance des ges-tes et des mimiques faciales. C’est le jeu du corps. L’Académie a ainsi un choix difficile: rendre hommage à son glorieux passé ou féliciter sa nouvelle génération.

Meilleur Film: L’ArtisteDes dix films sélectionnés, seuls trois

se détachent réellement du lot: L’Arbre de la vie pour la beauté de ses images et sa ré-flexion poussée sur la vie et ses origines, Les Descendants pour la justesse de son propos, pour l’équilibre de sa réalisation et le natu-rel de son interprétation et L’Artiste pour son audace, ses références cinématographi-ques et son interprétation. Grand gagnant de la saison des festivals, le film de Michael Hazanavicius a une longueur d’avance sur ses compétiteurs et est le gagnant désigné pour l’Oscar du Meilleur Film. L’Académie nous prépare certainement des surprises. x

Samuel SigereLe Délit

Photo: Nicolas Quiazua

Photo: Nicolas Quiazua

Photo: Lindsay Cameron

Page 13: Le Délit

13Arts & Culturex le délit · le mardi 14 février 2012 · delitfrancais.com

Geneviève PayetteLe Délit

Michèle Lemieux (Nuit d’orage) nous raconte en noir et blanc la courte histoire d’un homme qui prend

soudainement conscience de la matière qui l’entoure et qui cherche à en saisir le sens. Grâce à la magie des épingles, la cinéaste nous fait découvrir ce petit personnage attachant. Sans mots, mais avec une musique des plus sublimes, elle nous fait entrer dans son mon-de sans couleur avec aisance.

Michèle Lemieux a un talent incroyable, soit celui d’avoir créé un film à la fois splendide, mais sans cérémo-nie, touchant et simple. Nul doute que ce court-métrage en fera parler plus d’un lors de l’ouverture de la 30e édi-tion des Rendez-vous du ci-néma québécois le 15 février. Non seulement car elle utilise un procédé unique en son genre, mais parce qu’elle seule en connaît les secrets. En effet, l’écran d’épin-gles est une technique qu’elle maîtrise depuis peu, d’autant plus que le seul écran existant aujourd’hui se trouve dans les locaux de l’Of-fice National du Film du Canada.

La cinéaste explique sa méthode singu-lière: «Il s’agit d’un châssis métallique où sont installés des tubes de plastiques dans chacun desquels se trouve une épingle, légèrement plus longue que le tube». On y retrouve 240 000 épingles, entassées les unes à côté des

autres. La caméra est positionnée directement devant l’écran, c’est pourquoi nous ne pou-vons voir les aiguilles pendant la projection. La magie se trouve dans l’éclairage placé de manière latérale afin de projeter une ombre sur l’écran. C’est cette ombre, composée de toutes les épingles correctement alignées, qui crée les nombreuses images que nous pou-vons voir à l’écran.

En jouant pendant des jours et des heu-res avec les épingles et en faisant preuve d’une patience inégalée, la cinéaste a peaufiné son art à la perfection. «Impossible de revenir en

arrière», dit-elle. «Lorsque j’efface l’image, je ne pour-rai plus jamais la repro-duire de manière identique. La marge d’erreur est terri-blement mince! Il ne s’agit donc pas d’un instrument de précision, mais plus d’une intuition. Ça rend le travail extrêmement exci-

tant et captivant!» Pour créer cette œuvre de toutes pièces, il lui a fallu deux ans et demi ainsi qu’entre 11 000 et 12 000 esquisses qu’elle ne pouvait jamais reproduire authen-tiquement, étant donné son outil de travail si particulier.

L’artiste s’est inspirée, il y a quelques an-nées de la nouvelle technique qu’elle décou-vrait alors pour penser son scénario. «Ç’a été un vrai coup de foudre quand j’ai découvert ce procédé! Dès le premier instant où j’ai tou-ché l’écran, j’y ai vu le parallèle des épingles et de l’univers. À quel point une petite par-

ticule peut créer la matière. Au fond, c’est ce que nous sommes; des poussières dans l’uni-vers. L’espace est un sujet qui m’interpelle et c’est pourquoi j’ai voulu en faire mon œuvre» déclare-t-elle philosophiquement.

Elle affirme avoir conçu le film qu’elle se représentait mentalement. Elle a réussi à traduire son imaginaire en art cinématogra-phique tout en gardant son côté abstrait par-faitement mélangé à l’inspiration du moment qu’imposait l’écran d’épingles. Justement, la cinéaste soutient avoir trop d’idées en tête en ce moment pour penser à un nouveau pro-jet, car entre deux productions, elle aime bien

prendre du temps pour réfléchir à ce qu’elle voudrait vraiment bâtir. «J’aimerais beaucoup avoir la chance de réutiliser la technique de l’écran d’épingles pour un de mes projets à venir. C’est un privilège que j’ai de pouvoir travailler avec une technique que très peu de gens savent maîtriser.» x

W . E. est l’aboutissement de l’un des rêves les plus chers à Madonna: mettre en scène la légendaire his-

toire d’amour entre Wallis Simpson et le roi Edward VIII. Cette liaison a créé tout un émoi dans les années 1930 lorsque le roi a aban-donné le trône britannique pour épouser cette fameuse étatsunienne divorcée. Cette histoire nous est présentée à travers les yeux d’une New-Yorkaise contemporaine nom-mée Wally, malheureuse dans son union avec un brillant –mais absent– médecin de Manhattan. La seule étincelle qui alimente la

vie de cette femme au foyer est sa fascination pour l’histoire de Wallis et Edward qui fait justement l’objet d’une vente aux enchères au Sotheby’s. Elle se rend donc tous les jours au salon d’exposition pour étudier les objets et images du couple mythique.

Attrayant avant toutCe film surprend d’abord par la beauté

de ses images. Chaque plan est d’un esthé-tisme irréprochable comparable à celui créé par Tom Ford dans A Single Man. Madonna confie toutefois s’être inspirée du film fran-çais La vie en Rose pour les prises de vue et les mouvements de caméra. Les nombreux angles et les variations de plans nous donnent

l’impression de connaître les protagonistes sous toutes leurs coutures. Chaque détail, tant au niveau du maquillage, des costumes et des décors, est étudié à la perfection. La musique et la direction photographique reflètent par-faitement les émotions parfois frivoles, parfois dramatiques, vécues par les personnages. Un résultat visuellement somptueux.

Tissage forcéLes lacunes du long-métrage se situent

davantage au niveau du scénario, écrit par Madonna et Alek Keshishian (With Honors, In Bed with Madonna). La plus grande fai-blesse du récit est probablement celle du lien entre Wallis et Wally. Outre la ressemblance de leur prénom, rien ne les unit réellement. L’obsession de Wally envers l’histoire de Wallis semble forcée et créée pour les besoins du film; exception faite du moment où Wallis ose jeter à Wally de se «trouver une vie» alors que cette dernière se présente une énième fois à l’exposition du Sotheby’s. Autre élé-ment lassant du film: le recours excessif aux transitions par analogie. Il n’est pas nécessaire de faire un arrêt sur une théière exposée au Sotheby’s pour nous transporter au tea room de 1936.

Le film comporte également certaines longueurs et des événements qui manquent de réalisme. Difficile de croire que le richis-sime homme d’affaire Mohamed Al-Fayed ac-corde à Wally, cette américaine sortie de nulle part, le droit de consulter les lettres échangées

par le couple légendaire, trésor normalement gardé sous clé dans sa cossue demeure de Bois-de-Boulogne.

Une performance justeOn apprécie le choix des acteurs qui

n’appartiennent pas au panel habituel hollywoodien, mais dont les visages nous sont vaguement familiers. L’interprétation de Wally par l’Australienne Abbie Cornish est profonde et poignante. On capte bien sa solitude à travers ses fixations et son errance. Nous sommes autant charmés par Andrea Riseborough dans le rôle de Wallis, une femme flamboyante, qui séduit davantage par ses paroles que par sa beauté physique.

C’est du «Madonna»

Suite à sa projection à la Mostra de Venise et au Toronto International Film Festival, des critiques ont trouvé ce film simplet et embel-lissant excessivement la réalité. Difficile de savoir si les critiques avaient de trop grandes attentes face à ce film, ou encore, des préju-gés envers Madonna au poste de réalisatrice. Cette dernière mérite tout de même quelques applaudissements.

Un film à son image: pétillant, dramati-que, stylisé et un peu bonbon. Quoique W.E. a plutôt l’arôme du chocolat noir: un goût doux-amer et raffiné, que l’on savoure jusqu’à la fin. x

En salle dès le 17 février

Charlotte Paré-CovaLe Délit

240 000 épingles, 14 minutesMichèle Lemieux présente son tout dernier court-métrage Le grand ailleurs et le petit ici, produit par l’Office National du Film.

CINÉMA

W.E. comme dans «Well Executed»Madonna signe un deuxième long-métrage à saveur historique et romantique.

CINÉMA

«Dès le premier ins-tant où j’ai touché l’écran, j’y ai vu le parallèle des épingles et de l’univers. À quel point une petite par-ticule peut créer la matière.»

Le grand ailleurs et le petit ici Présenté en première mondial aux Rendez-vous du Cinéma Québécois

Où: Cinéma Impérial 1432 rue BleuryQuand: 15 février, 19h

Gracieuseté des Films Séville

Gracieuseté de l’ONF

Page 14: Le Délit

Entre culture et politiqueBrèves réflexions sur le sens du mois de l’histoire des Noirs dans un contexte post-racial.

BILLET

Le mois de février est le mois de l’histoire des Noirs (MHN) aux États-Unis, au

Canada et en Grande-Bretagne. En tant qu’individu d’une com-munauté qui s’estime sur le che-min d’une société postraciale, je tiens à communiquer mon dé-sarroi face à un phénomène qui me paraît étrange et légèrement contradictoire. Malgré l‘existence du MHN en dehors des États-Unis –notamment au Canada–mon argument se limite aux fron-tières de la puissance américaine.

De nos jours, l’Ouest s’exalte d’être une civilisation cosmopolite qui prône diversité et mélanges culturelles. On est dans un combat permanent contre toutes sortes de discriminations raciales, et, même si on rencontre de temps à autres quelques difficultés, il est commu-nément accepté que le racisme soit moralement condamnable. Certes, tout n’est pas parfait mais les quelques racistes qui existent sont marginalisés et pointés du doigt. En fait, il n’existe plus de racistes, que des racistes cachés.

Cependant, cela ne suffit pas à faire de notre société, une société postraciale. Se purger des discriminations raciales ne se ré-duit pas à se débarrasser de la dis-crimination négative, qui proscrit qu’un individu soit désavantagé à cause de sa race. Une autre forme de discrimination rôde dans notre société. Favoriser certains indivi-dus en tenant compte de leur race reste une discrimination raciale qui, rationnellement, ne devrait pas avoir sa place dans une so-ciété dite postraciale. On pourrait penser que je diverge, mais il me semble que le MHN est une ins-tance de discrimination positive. Le fait de célébrer une culture en particulier, ici celle des Afro-Américains, n’est pas malsain en lui-même; mais les motifs et les conséquences derrière cette com-mémoration semblent l’être.

Tout a commencé en 1926, à l’initiative de Carter G. Woodson, avec la création d’une semaine dédiée à l’histoire des  «Nègres». Le mois de février a été choisi pour coïncider avec les dates d’anniversaire d’Abraham Lincoln et Frederick Douglas, deux figures importantes de

l’histoire de l’émancipation des Noirs aux États-Unis. Cet évé-nement avait pour but de célé-brer les personnages historiques de l’histoire afro-américaine. Initialement clandestin, il devient prédominant lors du mouvement pour les droits civils qui émerge aux Etats-Unis dans les années 60, jusqu’à sa reconnaissance officielle en 1976 par le Président Ford. Depuis, chaque année, le mois de février est consacré à l’histoire Afro-Américaine avec un thème différent approuvé par le Président des États-Unis. Cela n’empêche que le MHN ne fait pas l’unanimité dans la société Américaine.

D’un côté, certains accusent cet événement de réduire l’his-toire d’un peuple à un seul mois, et, qui plus est, le mois le plus court de l’année. De l’autre, on prétend que le MHN va à l’en-contre de la société multicul-turelle puisqu’il représente la célébration d’une culture, là où l’on devrait célébrer les cultures. Le premier argument est risible à première vue, mais il peut être plus substantiel qu’on ne le croit. Il s’agit de critiquer le fait que

l’histoire des Noirs, qui constitue une part conséquente de l’histoire des États-Unis, soit marginalisée. Au lieu d’être à part entière incor-porée à l’éducation culturelle des jeunes Américains, elle est confi-née à un seul mois. J’irai même plus loin avec cet argument. La culture noire est riche et diverse, mais la richesse et la diversité sont mal représentées dans le quoti-dien des Américains. Il semble que beaucoup confondent la culture «ghetto» ou tribale avec la «culture noire».

Dans l’Amérique de la sé-grégation, la population afro- américaine a développé une culture propre à elle-même qui aujourd’hui est souvent oubliée. Il ne s’agit pas que des negro-spiri-tuals, mais aussi d’une culture lit-téraire, des dialectes, des normes de vie qui leur appartiennent et qui sont sûrement dignes d’ex-ploration. Mais ça, on ne vous l’apprend pas à l’école. Alors un seul mois semble assez court pour rappeler à toute une popu-lation que la culture afro-améri-caine ne se limite pas un retour aux origines africaines, ni à la «culture des  ghettos».

Le problème c’est que ça, on ne vous l’enseigne pas non plus pendant le MHN. Certes, on vous offre une liste des accomplisse-ments des Noirs: «Vous voyez, les Noirs sont aussi capables que nous d’accomplir de grands exploits, voici la preuve que nous sommes bel et bien égaux». C’est une façon bien commode d’évi-ter les problèmes économiques et sociaux qui se sont accumulés au cours du processus d’émancipa-tion des Noirs.

Pour les uns, reconnaître ces accomplissements permet de démontrer que le racisme appar-tient au passé. Quant aux autres, le mois de février est le moment parfait pour se reposer sur leurs lauriers: puisque le MHN est une preuve de la capacité des Noirs, leur situation économique est sûrement due à la perpétuelle oppression dont ils sont victimes depuis des siècles! Faire partie d’une société multiculturelle ne pose pas d’ultimatum: toutes les cultures doivent être célébrées de manière égale sinon aucune ne peut être célébrée. Si la pre-mière option est peu pratique (nous n’avons que 12 mois tout de même!), le deuxième est assez triste. Une société multiculturelle implique de la tolérance envers des cultures qui ne sont pas les nôtres, ainsi que de cohabiter et d’échanger avec elles.

Le seul point que l’on pour-rait concéder à l’argument «multi culturaliste» serait que d’imposer la célébration d’une culture à tout un peuple va à l’encontre du principe de liberté. Chacun devrait être libre de commémo-rer une culture en particulier. L’officialisation de la «semaine des Nègres» par le gouverne-ment donne un statut spécial à la culture afro-américaine au détri-ment d’autres cultures. Même si ce statut peut se justifier étant donné le contexte historique des États-Unis et de la population noire, il n’est pas totalement en accord avec l’idéologie multi- culturaliste. Tout cela contribue à l’idée que le MHN est principale-ment un outil politique qui sert à apaiser la conscience d’un peuple marqué par des conflits raciaux depuis sa naissance.

Idéalement, le MHN serait une plateforme de discussion qui aurait pour dessein de perpétuer une culture qui se perd, mais aus-si d’améliorer les conditions d’un peuple dont l’intégration dans la culture et la société américaine reste à compléter. En attendant, le MHN reste, aux États-Unis en tout cas, une invocation des fan-tômes du passé servant à justifier l’inaction des (ex-)oppresseurs et oppressés face aux problèmes posés par une société multieth-nique. x

Rouguiatou DialloLe Délit

14 Arts & Culture x le délit · le mardi 14 février 2012 · delitfrancais.com

Illustration de Mathieu Santerre

Page 15: Le Délit

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15Arts & Culturex le délit · le mardi 14 février 2012 · delitfrancais.com

Comme la plupart d’entre vous –oui, vous qui êtes toujours fidèlement à l’affût de ce qui se passe dans l’univers de la culture et plus particuliè-rement dans le fabuleux mon-de littéraire–, le savent sûre-ment, c’est l’année du manga à la Bibliothèque et archives nationales du Québec (BanQ). Depuis un certain temps la bi-bliothèque vous propose des expositions, rencontres et autres activités, pour faire découvrir cet art fascinant et toute la culture japonaise qui l’accompagne. À

cette occasion, et piquée par une curiosité fièrement ancrée dans l’actualité culturelle montréa-laise, j’ai découvert deux mangas qui méritent sans aucun doute d’occuper vos allers-retours en métro, vos nuits solitaires ou en-core vos après-midis de procras-tination: La petite amie de Minami de Shungiku uchida et La jeu-ne fille au Camélias de Suehiro maruo.

À première vue, La petite amie de Minami est une agréable histoire d’amour entre un jeune étudiant très sympathique et sa petite amie Chiyomi. tout pour-rait être parfait si celle-ci ne ve-nait pas de rétrécir pour atteindre la taille d’une poupée Barbie. De toute façon, tout ce qui est petit est-il réellement mignon, comme le suggère l’adage? Incapables de comprendre pourquoi la jolie de-moiselle ne dépasse plus la gran-deur des Schtroumpfs, les amou-reux décident de garder ce secret pour eux. leur quotidien oscille dès lors dans un fragile équilibre tantôt charmant, tantôt contrai-gnant.

entre le fardeau et le jouet, la jeune fille cherche sa place dans la vie de minami. tous les deux titillés par leurs hormones en éveil, ces adolescents devront trouver un moyen de vivre au jour le jour tout en satisfaisant leurs multiples envies et besoins sexuels.

Conte moderne, drôle, tou-chant, un peu trash, La petite amie de Minami est un petit bijou de par la qualité de son scénario, habilement servi par un dessin simple et dépouillé. le lecteur s’identifie d’autant plus facile-ment aux personnages et aux situations que les décors sont minimalistes, voire inexistants, et que les traits sont linéaires et légers.

place est faite à l’imagina-tion, dans une certaine mesure. un peu naïf et bon enfant, ce récit n’aborde pas les raisons du changement de taille de Chiyomi, et ne s’occupe que très peu des moyens disponibles pour faire revenir la jeune femme à son état normal. tout est plutôt prétexte à observer et  à partager les sen-timents des deux personnages tout en abordant subtilement différents propos. le change-ment physique de Chiyomi fait écho au handicap au sens large: le jeune minami doit faire face à de nouvelles responsabilités, des sentiments contradictoires tandis que sa bien-aimée est toujours la même. pourtant, leur relation a bel et bien changé.

Dans sa postface, l’auteur évoque les contraintes liées à la responsabilité d’un enfant, ce que confirme minami, quelque peu épuisé par cette relation compliquée: «en apparence, je suis un lycéen... mais, ces der-niers temps, je ressemble à un vieux, fatigué de tout... toi, c’est comme si tu avais gagné le droit de rester enfant toute ta vie». rester enfant, devenir adulte, accepter les changements impo-sés par une vie pas toujours clé-mente, autant de thématiques qu’explore avec finesse Shungiku uchida, tout en y ajoutant une dimension coquine finement dosée.

Dans un registre complè-tement différent, beaucoup plus flyé et trash, La jeune fille au Camélias de Suehiro maruo met en scène midori, une fillette de douze ans qui, suite à l’aban-don de son père et la mort de sa mère, se retrouve bonne à tout faire dans un cirque ambulant. une bande de freaks à la sexualité débridée dévergondent la pauvre midori dans une cruauté pous-sée à l’extrême. C’est la barbarie qui règne en maître dans ce lieu presque maudit. entre des culs-de-jatte vicieux, un manchot tri-card, un patron peu honnête, une femme-serpent et une jongleuse perverse; midori semble, comme Chiyomi, devoir trouver sa place et sortir brutalement de l’en-

fance. arrivé tel un miracle, un étrange nain télépathe va l’aider à se découvrir femme... et à en accepter les nombreux sacrifices.

Difficile de ne pas éprou-ver une étrange sensation de vertige en lisant La jeune fille au Camélias, tourbillon hallucina-toire brouillant toute frontière entre rêve et réalité. on plonge en plein burlesque dans ce récit qui oppose la beauté et l’inno-cence de midori à la laideur et à la cruauté d’êtres difformes aux âmes tordues et perverses. on est loin de l’ironie et des cli-chés, dans une orgie d’images morbides qu’entrecoupent des pages à saveur presque idéaliste, romantique, qui permettent entre autre à Suehiro maruo d’illustrer à merveille le thème du voyeurisme.

De la classification «manga érotico-gore» à l’envie de pro-téger les lecteurs en leur dé-conseillant la lecture d’un récit à l’ambiance malsaine et cau-chemardesque, il n’y a qu’un pas. pourtant, j’ai envie de vous conseiller la lecture de ce récit excellemment dessiné, fascinant et délirant, qui vous forcera à vous éloigner un peu du qué-taine, du rose et des paillettes langoureuses traditionnelles de la Saint-Valentin, autre type de cauchemar auquel il est, ces jours-ci, plus difficile d’échap-per. x

Entre deux mangasannick lavogiez | Déambullations

CHRONIQUE BD

Tiré de la BD La petite amie de Minami de Sungiku UchidaGracieusté des Éditions IMHO

Gracieuseté des Éditions IMHO

Page 16: Le Délit

ADMINNIISSTTRRAATTIONN SSPPEECIIAAALLLLIIIISSSSTTTTSSSS“ Being an officer in the Canadian Forces is aboutknowing how to lead. It’s different than the private sector. We’re delivering troops to missions overseas and relief to disaster areas – these are massive undertakings. It’s a rewarding challenge.” Captain CLAUDINE LEE

SPÉCIAALISTESS EN ADMINISTRATION« Pour être officier dans les Forces canadiennes,

il faut savoir diriger. Contrairement au secteur privé, nous envoyons des troupes en mission outre-mer et dépêchons des secours en zones sinistrées. Ce sont d’énormes projets. Tout un défi! » Capitaine CLAUDINE LEE

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