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Annales de pathologie (2008) 28, 338—340 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS POUR DIAGNOSTIC Une tumeur testiculaire rare A rare testicular tumor Andrada Loghin a,, Angela Borda a , Myriam Decaussin-Petrucci b , Nicole Berger b a Service d’anatomie pathologique, université de médecine et pharmacie Târgu-Mures, 38, rue Gheorghe-Marinescu, 540142 Târgu-Mures, Roumanie b Service d’anatomie pathologique, hospices civils de Lyon, centre hospitalier Lyon-Sud, université Lyon-1, 69495 Pierre-Bénite, France Accepté pour publication le 29 novembre 2007 Disponible sur Internet le 23 aoˆ ut 2008 Il s’agit d’un homme de 52 ans, qui consulte pour une tuméfaction douloureuse du testi- cule droit, constatée depuis trois mois et ayant rapidement augmenté de volume. Cette tuméfaction était d’apparition spontanée, sans notion de traumatisme. Le bilan clinique était normal, sans symptomatologie associée. À l’examen sanguin, les marqueurs sériques étaient négatifs. Une orchidectomie droite a été décidée. À l’examen macroscopique, le testicule était le siège d’une tumeur jaunâtre, homogène, bien limitée, de 2 cm de diamètre, intrapa- renchymateuse. L’examen histologique, en technique standard, montrait une tumeur formée de nids (Fig. 1) ou de travées à disposition rubanée, associés à des structures tubulaires ou papil- laires (Fig. 2). Les cellules avaient un cytoplasme abondant et un noyau arrondi ou ovalaire. L’anisocaryose était modérée, les mitoses rares. Le stroma était peu abondant, sans nécrose. Cette tumeur, bien limitée, s’insérait au sein d’un parenchyme testiculaire peu modifié. L’étude immunohistochimique montrait une positivité avec les anticorps contre les cytokératines (AE1/AE3), la chromogranine A, la synaptophysine et la sérotonine ; il n’existait pas de réactivité avec les anticorps contre l’inhibine, la calrétinine, la PLAP, l’alpha-fœtoprotéine. L’index de prolifération (MIB-1) était inférieur à 2% et le marquage avec la protéine p53, négatif. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Loghin). 0242-6498/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2007.11.010

Une tumeur testiculaire rare

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Annales de pathologie (2008) 28, 338—340

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

CAS POUR DIAGNOSTIC

Une tumeur testiculaire rare

A rare testicular tumor

Andrada Loghina,∗, Angela Bordaa,Myriam Decaussin-Petruccib, Nicole Bergerb

a Service d’anatomie pathologique, université de médecine et pharmacie Târgu-Mures,38, rue Gheorghe-Marinescu, 540142 Târgu-Mures, Roumanie

b Service d’anatomie pathologique, hospices civils de Lyon, centre hospitalier Lyon-Sud,université Lyon-1, 69495 Pierre-Bénite, France

Accepté pour publication le 29 novembre 2007Disponible sur Internet le 23 aout 2008

Il s’agit d’un homme de 52 ans, qui consulte pour une tuméfaction douloureuse du testi-cule droit, constatée depuis trois mois et ayant rapidement augmenté de volume. Cettetuméfaction était d’apparition spontanée, sans notion de traumatisme. Le bilan cliniqueétait normal, sans symptomatologie associée. À l’examen sanguin, les marqueurs sériquesétaient négatifs.

Une orchidectomie droite a été décidée. À l’examen macroscopique, le testicule étaitle siège d’une tumeur jaunâtre, homogène, bien limitée, de 2 cm de diamètre, intrapa-renchymateuse.

L’examen histologique, en technique standard, montrait une tumeur formée de nids(Fig. 1) ou de travées à disposition rubanée, associés à des structures tubulaires ou papil-laires (Fig. 2). Les cellules avaient un cytoplasme abondant et un noyau arrondi ou ovalaire.L’anisocaryose était modérée, les mitoses rares. Le stroma était peu abondant, sansnécrose. Cette tumeur, bien limitée, s’insérait au sein d’un parenchyme testiculaire peumodifié. L’étude immunohistochimique montrait une positivité avec les anticorps contreles cytokératines (AE1/AE3), la chromogranine A, la synaptophysine et la sérotonine ; iln’existait pas de réactivité avec les anticorps contre l’inhibine, la calrétinine, la PLAP,l’alpha-fœtoprotéine. L’index de prolifération (MIB-1) était inférieur à 2 % et le marquageavec la protéine p53, négatif.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Loghin).

0242-6498/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.annpat.2007.11.010

Une tumeur testiculaire rare

Figure 1. Prolifération tumorale sous forme de nids, séparés parde fines travées conjonctives.Tumoral proliferation showing solid nests separated by a delicatestroma.

Figure 2. Architecture différente dans la même tumeur : travéesà disposition rubanée, formant des structures tubulaires ou papil-laires.Another growing pattern in the same tumor: trabeculae or cordsforming tubular or papillary structures.

Quel est votre diagnostic ?

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iagnostic : tumeur carcinoïde purerimitive du testicule

a tumeur carcinoïde primitive du testicule est rare,’incidence étant inférieure à 1 % de l’ensemble des tumeursesticulaires. La majorité des publications ne concernentu’un seul cas, à l’exception de celle de Reyes et al. [1]ui rapporte une série de dix cas. Depuis 1954, 71 cas ontté rapportés parmi lesquels 62 cas étaient primitifs et neufas métastatiques. L’âge d’apparition est très variable, lelus souvent entre 40 et 60 ans. La présentation cliniquest celle d’une masse testiculaire unilatérale, bilatéraleans un seul cas [2], parfois douloureuse. Il existe rarementn syndrome carcinoïde (diarrhée, flush, bronchospasme)urvenant presque toujours dans les formes métastatiques.acroscopiquement, la tumeur est de coloration homogènerun jaunâtre, assez ferme, mesurant entre 1 et 9,5 cm,vec une moyenne de 4,6 cm. À l’examen microscopique,lle se caractérise par une prolifération en nids ou en travéese cellules monomorphes, à noyau rond ou ovale comportantne chromatine finement dispersée. À l’examen immunohis-ochimique, les cellules tumorales expriment les marqueursndocrines et neuroendocrines : chromogranine A, synapto-hysine et CD56. La recherche de sérotonine, lorsqu’elle até effectuée [3], était toujours positive, ce qui est le case notre observation. Les cellules tumorales n’exprimentas en revanche l’inhibine et la calrétinine, marqueurs de

umeur à cellules de Sertoli avec laquelle le carcinoïdeeut être confondu dans certaines formes inhabituelles,apillaire ou tubulaire et pseudoglandulaire, comme danse cas de notre patient. Le carcinoïde pur du testicule neontient aucun stigmate de tumeur germinale, en particu-ier de tératome, ni de néoplasie germinale intratubulaire :es marqueurs PLAP, CD117, CD30, AFP et �HCG sontégatifs.

Les tumeurs carcinoïdes pures du testicule posent desroblèmes histogénétiques et évolutifs. En ce qui concerne’histogénèse de notre cas, trois situations pouvaient êtrevoquées :une origine germinale, le carcinoïde correspondant soità un tératome monodermique, soit au seul contingenttumoral résiduel d’une tumeur germinale de type burnt-out ; en l’absence de tout contingent tératomateux et denéoplasie germinale intratubulaire dans le parenchymetesticulaire péritumoral, cette hypothèse a été éliminée ;une métastase intratesticulaire d’une tumeur neuroendo-crine provenant d’une autre localisation, en particulierdigestive : cette hypothèse a été éliminée chez notrepatient en raison d’un bilan radiologique et biologique(absence d’élévation de l’acide 5-hydroxy-indol acétique)négatif et en l’absence de symptomatologie clinique detype syndrome carcinoïde, ce qui est habituel dans lesformes métastatiques [4] ;

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A. Loghin et al.

une tumeur neuroendocrine primitive : c’est le cas denotre observation puisqu’elle est isolée cliniquement etbiologiquement. Elle entre dans le cadre défini par larécente classification OMS 2004 des tumeurs testiculairesqui l’inclut dans le groupe des tumeurs diverses ; elleest ainsi séparée des tumeurs germinales tératomateusesmonodermiques, groupe dans lequel elle se situait aupa-ravant [5].

L’évolution des tumeurs carcinoïdes primitives pures duesticule est favorable : dans la littérature, seulement 11 %e formes avec métastases (ganglions, foie, os) ont été rap-ortées, concernant des tumeurs de taille élevée, associéesans 50 % des cas à un syndrome carcinoïde clinique et biolo-ique. En dehors de ces formes métastatiques, l’évaluationu pronostic de ces lésions rares a été établie par différentsuteurs [1], en comparaison avec les classifications pro-ostiques utilisées dans les tumeurs endocrines des autresrganes. En utilisant la classification des tumeurs endocrinesigestives, notre tumeur peut être classée en carcinomendocrine de bas grade en raison du faible nombre deitoses, de l’absence de nécrose, d’un index de proliféra-

ion bas (MIB-1 < 2 %) et de la négativité du marquage aveca p53 [6].

Pour conclure, le terme de carcinoïde retenu par’OMS pourrait être critiqué puisque la tendance géné-ale ne réserve ce terme qu’aux tumeurs à sérotonine’accompagnant d’un syndrome carcinoïde clinique, ce qui

st rarement le cas pour les tumeurs endocrines primitivesu testicule. Il serait plus actuel de dénommer cette entité :umeur neuroendocrine testiculaire (ou endocrine selon laouvelle nomenclature).

éférences

1] Reyes A, Moran CA, Suster S, Michal M, Dominguez H. Neuroen-docrine carcinomas (carcinoid tumor) of the testis. Am J ClinPathol 2003;120:182—7.

2] Son HY, Ra SW, Yeong Jo, Koh EH, Lee HI, Koh JM, et al. Primarycarcinoid tumor of the bilateral testis associated with carcinoidsyndrome. Int J Urol 2004;11:1041—3.

3] Kato N, Motoyama T, Kameda N, Hiruta N, Emura I, Hasegawa G,et al. Primary carcinoid tumor the testis. Immunohistochemical,ultrastructural and FISH analysis with review of the literature.Pathol Int 2003;53:680—5.

4] Hayashi T, Iida S, Taguchi J, Miyajima J, Matsuo M, Tomiyasu K,et al. Primary carcinoid of the testis associated with carcinoidsyndrome. Int J Urol 2001;8:522—4.

5] Eble JN, Sauter G, Ebstein JI, Sesterhenn IA. WHO Classifica-tion of tumours. Tumours of the urinary system and male genitalorgans. Lyon: IARC Press; 2004.

6] Rindi G, Couvelard A, Scoazec JY, Bordi C. Recommandationspratiques pour l’évaluation de la malignité dans les tumeursendocrines digestives. Ann Pathol 2005;25:487—98.